Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] La Commission n’a pas prouvé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestationsFootnote 1.

Aperçu

[2] La prestataire a perdu son emploi. L’employeur de la prestataire, un organisme de bienfaisance national, affirme avoir congédié la prestataire parce que ses actions lors d’une des activités de collecte de fonds de l’employeur ont causé des dommages irréparables à sa confiance à son égard. La prestataire affirme qu’elle n’a pas fait ce que l’employeur prétend.

[3] La prestataire a fait une demande de prestations d’assurance-emploi en novembre 2019. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a versé des prestations à la prestataire.

[4] Au début de janvier 2020, la Commission a informé l’employeur qu’elle versait des prestations à la prestataire. Au milieu du mois de janvier 2020, l’employeur a reçu une lettre de poursuite pour congédiement injustifié de l’avocate ou l’avocat de la prestataire. Au début du mois de février 2020, l’employeur a demandé à la Commission de revenir sur sa décision.

[5] Après avoir procédé à une révision, la Commission a déterminé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifiait qu’elle était exclue du bénéfice des prestations. La Commission lui a envoyé un avis de dette pour les prestations qui lui avaient déjà été versées.

[6] Je dois décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Documents reçus après l’audience

[7] Durant l’audience, la prestataire a réalisé que le Tribunal n’avait pas toutes les preuves documentaires disponibles. Je lui ai accordé deux jours pour présenter des documents supplémentaires à l’appui de ses prétentions. Puisque les documents de la prestataire étaient pertinents à son appel et qu’elle les a présentés dans le délai prévu, j’ai les ai acceptés comme éléments de preuve. Le Tribunal a envoyé les documents à la Commission. J’ai accordé trois jours ouvrables à la Commission pour répondre. Puisque 11 jours se sont écoulés et que le Tribunal n’a pas reçu d’autres documents ou observations de la Commission, je vais de l’avant avec la décision.

Question en litige

La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

Qu’est-ce qui s’est passé avant que l’employeur congédie la prestataire?

[8] Le siège social de l’employeur est en Alberta. Lorsque la prestataire a été congédiée, l’employeur avait quatre employés. La prestataire était la seule employée qui travaillait en Ontario.

[9] L’employeur dirigeait un programme de recyclage dans la région de Toronto connu sous le nom de Liberty Village. L’employeur faisait la collecte de certains articles recyclables de certaines associations de copropriétaires et entreprises. J’appellerai ces organisations les « donateurs ».

[10] Lorsque le programme a commencé, le conjoint de fait de la prestataire a donné de son temps pour faire la collecte d’articles recyclables et les livrer au Beer Store. Après que le programme a été établi, l’employeur a embauché le conjoint de fait de la prestataire pour faire la collecte des articles recyclables et les livrer au Beer Store. L’employeur avait un compte avec le Beer Store. Celui-ci fournissait un reçu au livreur et déposait l’argent directement dans le compte bancaire de l’employeurFootnote 2.

[11] Vers 2018, le programme a cessé d’être financièrement viable. L’employeur y a donc mis fin en avril 2019. Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si la prestataire a informé de façon appropriée les donateurs que le programme avait pris fin. Le conjoint de fait de la prestataire a continué de faire la collecte d’articles recyclables chez certains donateurs.

[12] Des programmes semblables à Edmonton et en Alberta, qui n’étaient pas supervisés par la prestataire, ont pris fin au début de 2019Footnote 3.

[13] Le 29 octobre 2019, un donateur s’est plaint à l’employeur d’un dégât lié à la collecte des articles recyclables. L’employeur s’est alors demandé si la prestataire avait en fait mis fin au programme. Il a mené une enquête en discutant avec deux donateurs. La prestataire affirme que l’employeur ne lui a pas parlé dans le cadre de son enquête. Après que l’employeur l’a suspendue avec solde, son contact suivant avec l’employeur a été le 8 novembre 2019, lorsqu’elle a reçu sa lettre de congédiement.

Qu’est-ce qu’une inconduite?

[14] Pour qu’un acte soit considéré comme une inconduite au sens de la loi, celui-ci doit être délibéré. Cela signifie que cet acte était conscient, voulu ou intentionnelFootnote 4. Par inconduite, on entend aussi les actes qui sont insouciants au point où ils peuvent presque être qualifiés de délibérésFootnote 5. La partie prestataire n’a pas besoin d’avoir une intention illicite pour que son acte soit conforme à la définition d’inconduite au sens de la loiFootnote 6.

[15] Il y a inconduite lorsque la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeFootnote 7.

[16] La Commission doit prouver qu’il est plus probable que le contraire que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteFootnote 8.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[17] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce que son employeur considère qu’elle a brisé la relation de confiance nécessaire pour qu’elle demeure à son emploi en :

  1. mentant à l’employeur au sujet de la cause de la diminution des revenus du programme de recyclage, qui est la raison pour laquelle l’employeur a mis fin au programme;
  2. omettant d’informer les donateurs que l’employeur ne dirigeait plus le programme, afin que les donateurs croient que l’employeur bénéficiait toujours de leurs dons;
  3. informant le Beer Store en avril 2019 que le programme de l’employeur avait pris fin, et en lui demandant, sans que l’employeur le sache, de remettre les fonds à la compagnie de recyclage de son conjoint de fait.

[18] Il s’agit des raisons énumérées dans sa lettre de congédiement, et la prestataire ne conteste pas que c’est pour cela qu’elle a été congédiée.

La Commission a-t-elle prouvé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[19] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire aurait dû savoir :

  • que fournir de l’information incorrecte au sujet de la diminution des revenus;
  • et omettre d’informer l’employeur du fait que son conjoint de fait bénéficiait du programme; aurait une incidence négative sur leur relation d’emploi.

[20] La prestataire dit qu’il n’y a pas eu inconduite, car elle n’a pas fait ce que l’employeur prétend.

[21] J’estime que les déclarations de la prestataire sont fiables étant donné qu’elles ont été uniformes tout au long du processus et qu’elles correspondent généralement à la preuve documentaire.

[22] J’estime que la Commission n’a pas démontré qu’il y a eu inconduite, car il est plus probable que le contraire que la prestataire n’a pas fait ce que l’employeur prétend pour détruire la relation d’emploi.

Raison de la diminution des revenus

[23] J’estime que la Commission n’a pas démontré qu’il est plus probable que le contraire que la prestataire a menti au sujet de la raison de la diminution des revenus du programme.

[24] Les parties reconnaissent que les revenus ont diminué et qu’elles en ont discuté.

[25] L’employeur affirme avoir décidé de mettre fin au programme parce que la prestataire lui avait dit que la diminution des revenus découlait du fait que la Liberty Village Residents’ Association ou le Liberty Village Condo Board [association des résidents de Liberty Village ou conseil des condominiums de Liberty Village] avait mis en place son propre programme de recyclage. L’employeur dit que la prestataire avait fait des efforts pour que le Liberty Village Condo Board continue de faire des dons d’articles recyclables.

[26] La prestataire affirme qu’elle n’a jamais laissé entendre que la Liberty Village Tenants Association ou le Liberty Village Condo Board avait pris la relève du recyclage. Elle affirme qu’elle n’a fait aucune démarche auprès d’eux pour qu’ils continuent de leur faire des dons, car elle ne connaissait pas cette organisation. Elle dit que Liberty Village est une zone géographique et non une association de condominium. Elle soutient qu’il y avait de nombreuses raisons pour la diminution de revenus. Celles-ci comprennent des changements dans la façon dont le Beer Store détermine la valeur des articles recyclables, la diminution du nombre d’articles recyclables, car certains ont été cachés plutôt que déposés dans des bacs, vraisemblablement par le personnel des condominiums, et il y avait beaucoup de déchets dans les bacs. La prestataire a dit qu’il y avait si peu de bouteilles que la collecte devait se faire moins souvent. Elle a aussi dit que les programmes de recyclage en Alberta avaient aussi pris fin en raison d’une diminution des revenus.

[27] J’estime que les déclarations de la prestataire concernant la diminution des revenus sont crédibles. Elle a affirmé à plusieurs reprises qu’elle n’avait jamais dit quoi que ce soit au sujet du fait que la Liberty Village Tenants Association ou le Liberty Village Condo Board faisait la collecte de leurs articles recyclables, car elle ne connaît pas cette association. Je crois qu’il est probable que l’employeur ait mal compris ce que la prestataire a dit au sujet de la diminution des revenus. Par exemple, il est plausible que l’employeur ait interprété ses commentaires au sujet des articles recyclables cachés comme signifiant que les donateurs faisaient eux-mêmes la collecte de leurs articles recyclables.

[28] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, j’estime qu’il est tout aussi probable que la prestataire n’ait pas présenté de manière inexacte les raisons pour la diminution des revenus. Cela signifie que la Commission n’a pas prouvé qu’il est plus probable que le contraire que la prestataire a présenté de manière inexacte les raisons pour la diminution des revenus du programme.

Omission de mettre fin au programme

[29] J’estime que la Commission n’a pas démontré qu’il est plus probable que le contraire que la prestataire n’a pas informé ses donateurs qu’ils avaient mis fin au programme.

[30] Compte tenu de ce qui suit, j’estime qu’il est plus probable que le contraire que l’avis concernant la fin des programmes a été envoyé aux donateurs par B., la chef de bureau de l’employeur, et que la prestataire s’est acquittée de son obligation de veiller à l’envoi de l’avis :

  1. Les courriels à GD7, échangés entre C. P., directeur de la technologie et du développement des affaires de l’employeur, B., et la prestataire, appuient les déclarations de la prestataire selon lesquelles C. P. a approuvé l’avis destiné aux donateurs, et que c’est B. et non la prestataire, qui a envoyé l’avis concernant la fin du programme aux donateurs.
  2. Le courriel de B. à la prestataire daté du 12 avril 2019 montre que B. a envoyé l’avis aux donateurs le 11 avril 2019. Un seul courriel est revenu, et B. a confirmé qu’elle téléphonerait à ce donateurFootnote 9. Le programme a pris fin le 11 avril 2019.
  3. Aucun élément de preuve ne me porte à croire que l’employeur ou la Commission a parlé à B. de l’envoi des avis.
  4. Le courriel de X, un des donateurs, daté du 31 octobre 2019, confirme qu’il était au courant que le programme de l’employeur avait pris fin, que les dons n’étaient plus faits à l’employeur, et qu’il était d’accord pour que le conjoint de fait de la prestataire fasse la collecte de ses articles recyclablesFootnote 10.
  5. L’échange de courriels entre A., gestionnaire de X, un donateur, montre que le donateur avait demandé une collecte d’articles recyclables en mai 2019. La prestataire a répondu que l’employeur avait mis fin au programme de recyclage, mais que le conducteur était toujours disponible. A. a seulement dit avoir reçu le message. Elle n’a pas dit qu’elle n’était pas au courant que le programme avait pris fin. Puisque l’adresse électronique de A. est la même que celle sur la liste de coordonnées des donateurs de la prestataire, je crois qu’il est probable qu’elle a reçu l’avis concernant la fin du programmeFootnote 11. Cela porte à croire que les donateurs qui ont reçu l’avis y ont porté peu d’attention et ont quand même communiqué avec l’employeur pour faire ramasser des articles recyclables.

[31] J’ai examiné le courriel du 13 juin 2019 de la prestataire à l’un des anciens donateurs, C. Je trouve que ce courriel n’est pas clair parce que la prestataire s’excuse pour la confusion concernant la collecte du 4 juin, mais elle parle du programme de l’employeur au passé. J’estime que ce courriel confirme que le programme de l’employeur a pris fin, mais qu’il pourrait signifier que la prestataire travaillait encore sur le programme. Compte tenu de la formulation peu claire du courriel de C. à la prestataire et du fait que je n’ai pas une copie de l’original, j’estime que ce courriel n’est pas suffisant pour prouver que la prestataire a dit à C. que le programme de l’employeur se poursuivait.

[32] J’ai tenu compte du fait que J. R., une des gestionnaires immobilières, dit qu’elle n’a pas reçu d’avis l’informant que le programme de l’employeur prenait fin. Elle croyait que l’employeur ramassait encore leurs articles recyclables et qu’il en bénéficiait. J. R. a expliqué à la Commission qu’elle n’avait pas les coordonnées de l’employeur et que lorsqu’elle s’est plainte au sujet d’une collecte, elle a dû chercher ses coordonnées en ligne.

[33] Je considère que cela n’est pas suffisant pour démontrer que la prestataire n’a pas informé les donateurs que le programme prenait fin. Puisque B. a confirmé qu’elle avait informé tous les donateurs, j’estime qu’il est plus probable que le contraire que J. R. n’a pas vu le courriel de B. Il est possible qu’elle soit passée par-dessus le courriel de B. ou que le courriel soit allé dans son courrier indésirable.

[34] J’ai tenu compte du fait que T. M., la gestionnaire principale des condominiums chez X, affirme que ni elle ni C., la superviseure du site, ne savait que le programme de l’employeur avait pris fin. Cela n’est pas surprenant puisque la preuve de la prestataire montre que sa personne-ressource à cet endroit était le gestionnaire immobilier qui avait une adresse électronique [traduction] « d’admin » du même domaine que l’adresse de T. MFootnote 12.

[35] Compte tenu du courriel de B. confirmant qu’elle a envoyé les avis aux donateurs par courriel et du courriel de A. confirmant qu’elle savait que le programme avait pris fin, j’estime que les déclarations de J. R. et de T. M. ne sont pas suffisantes pour prouver qu’il est plus probable que le contraire que la prestataire n’a pas informé les donateurs que le programme allait prendre fin.

[36] Je juge que l’employeur a contribué à la confusion concernant la continuation de son programme de recyclage, car il a laissé les bacs portant le logo de l’employeur chez les des donateursFootnote 13. Il est raisonnable que toute personne qui a vu les bacs avec le logo de l’employeur ait supposé que les articles recyclables allaient à l’employeur. La prestataire a expliqué qu’elle avait fait enlever tous les logos et les affiches chez les donateurs, mais qu’il était impossible d’enlever le logo sur les bacs.

[37] Même si la prestataire aurait pu en faire davantage pour s’assurer que les donateurs avaient reçu l’avis, la preuve ne démontre pas qu’elle a donné l’impression aux donateurs de façon consciente, délibérée ou intentionnelle que le programme n’avait pas pris fin. De plus, la preuve ne démontre pas que ses actes étaient insouciants au point où ils peuvent presque être qualifiés de délibérés. C’est notamment le cas parce que la preuve porte à croire que C. P. savait probablement que l’avis serait seulement envoyé par courrielFootnote 14. S’il croyait que la prestataire aurait dû en faire davantage, il aurait pu le dire à la prestataire.

Fausses informations au Beer Store

[38] J’estime que la Commission n’a pas démontré que la prestataire a omis d’informer le Beer Store que le programme allait changer ou qu’elle a demandé au Beer Store de changer l’information pour le dépôt à celle de son conjoint de fait.

[39] Je considère que le courriel que la prestataire a envoyé au Beer Store le 23 avril 2019 démontre que la prestataire a dit au Beer Store que l’employeur ne s’occupait plus du programme de recyclageFootnote 15. Le courriel ne mentionne pas que le compte doit être transféré au nom de quelqu’un d’autre.

[40] J’estime que l’échange de courriels entre le conjoint de fait de la prestataire et le Beer Store démontre qu’il a créé son propre compte avec le Beer Store en mai 2019. Il n’existe aucun élément de preuve convaincante qui démontre que la prestataire a eu quelque entretien que ce soit avec le Beer Store concernant le compte de son conjoint de fait.

Pas une inconduite au sens de la loi

[41] Puisque la Commission n’a pas démontré qu’il est plus probable que le contraire que la prestataire a posé les gestes qui ont entraîné son congédiement, elle n’a pas prouvé qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[42] L’appel est accueilli. Cela signifie que la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

Date de l’audience :

Le 6 mai 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

R. N., appelante

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