Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La prestataire a fait une demande de prestations de maternité et elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées par la suite. Lorsque ses prestations de maternité ont pris fin et que ses prestations parentales ont commencé à un taux réduit, elle a demandé de passer aux prestations standards. La Commission a répondu que la prestataire ne pouvait pas changer d’option et la division générale (DG) était du même avis et a rejeté l’appel. Toutefois, la division d’appel (DA) a accueilli l’appel, car elle a jugé que la DG avait omis de respecter un principe de justice naturelle; elle n’a pas donné la chance à la prestataire de répondre à l’information supplémentaire fournie par la Commission.

La DG a fournit l’information supplémentaire qu’elle a reçue de la Commission à la prestataire. Toutefois, elle a ensuite rendu sa décision immédiatement, sans laisser la chance à la prestataire de répondre à cette nouvelle information. La Commission a soutenu que la prestataire était déjà au courant de l’information fournie. Malgré cela, la DA devait vérifier s’il était possible que les droits de la prestataire relatifs à la justice naturelle aient été violés. Elle a jugé qu’il était possible qu’un préjudice puisse être causé à la prestataire si on lui refusait l’occasion de répondre à l’information fournie. Cela risquerait de jeter le discrédit sur l’administration de la justice. Le dossier ne peut être considéré complet avant que la prestataire n’ait répondu à l’information acheminée. La DA a renvoyé l’affaire à la DG pour révision.

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] L’appelante, C. D. (prestataire), a présenté une demande de prestations de maternité et a choisi l’option des prestations prolongées pour ses prestations parentales. Après la fin de ses prestations de maternité et le début de ses prestations parentales au taux réduit, elle a demandé à l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, de remplacer ses prestations prolongées par des prestations standards. La Commission lui a répondu qu’elle ne pouvait pas révoquer son choix de recevoir des prestations prolongées au taux réduit. La prestataire a demandé une révision à la Commission, mais celle-ci a maintenu sa décision initiale.

[3] La prestataire a ensuite interjeté appel devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté l’appel. La prestataire interjette maintenant appel devant la division d’appel.

[4] L’appel est accueilli. La division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle en ne donnant pas l’occasion à la prestataire de répondre aux renseignements supplémentaires qu’elle a demandés à la Commission.

Quels moyens d’appel puis-je prendre en considération?

[5] Les « moyens d’appel » sont les motifs d’appel. Pour accueillir l’appel, je dois établir que la division générale a commis l’un des types d’erreurs suivantsNote de bas de page 1 :

  1. La division générale n’a pas offert un processus d’audience équitable.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision.

Question en litige

[6] La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle en ne donnant pas l’occasion à la prestataire de répondre aux renseignements supplémentaires qu’elle a demandés à la Commission?

Analyse

Équité

[7] La prestataire a soutenu que la division générale avait omis d’observer un principe de justice naturelle. La justice naturelle se rapporte à l’équité du processus et comprend les protections procédurales comme le droit d’une partie prestataire d’être entendue et de connaître la preuve à réfuter ainsi que le droit à un décideur impartial. Pour qu’une partie prestataire soit réputée avoir eu connaissance de la preuve à réfuter, elle doit obtenir la divulgation complète de la preuve à laquelle elle doit répondre. La partie prestataire doit aussi avoir l’occasion de répondre à cette preuve et d’être entendue.

[8] Le 29 décembre 2019, la division générale a demandé à la Commission des renseignements qui ne figuraient pas dans le dossier de révision GD3Note de bas de page 2. La division générale a reçu ces renseignements supplémentaires (la divulgation)Note de bas de page 3 le 31 décembre 2019 et les a transmis à la prestataire par courriel le 2 janvier 2020. La division générale a communiqué sa décision aux parties le même jour, le 2 janvier 2020. La division générale a également publié un corrigendum le 7 janvier 2020, mais le seul changement dans la décision était une modification de la date de la décision, qui avait été indiquée par erreur dans la décision initiale comme étant le 2 janvier 2019.

[9] Bien que la division générale ait communiqué à la prestataire les renseignements supplémentaires qu’elle avait reçus de la Commission, elle a pris sa décision sans donner l’occasion à la prestataire de répondre à ces renseignements. La prestataire a fait valoir que la division générale aurait dû lui donner l’occasion d’y répondre et qu’elle a enfreint ses droits de justice naturelle en ne le faisant pas.

[10] La Commission a reconnu que la prestataire n’avait pas eu l’occasion de répondre à la divulgation, mais elle a soutenu que cela n’avait pas porté atteinte à ses droits de justice naturelle. La Commission a fait valoir que la prestataire était déjà au courant des renseignements contenus dans la divulgation, laquelle comprenait son dernier relevé d’emploi (RE) et sa demande complète de prestations d’assurance-emploi. La prestataire avait rempli la demande et en connaissait vraisemblablement le contenu.

[11] La Commission a aussi fait valoir que la prestataire avait répondu aux questions et rempli la demande d’une manière cohérente et conforme à son témoignage. Par conséquent, la Commission a soutenu que la version complète de sa demande de prestations n’avait rien ajouté aux éléments de preuve déjà portés à la connaissance de la division générale.

[12] La prestataire a répondu qu’elle avait fait sa demande en ligne à l’aide de son téléphone et qu’elle n’en avait pas imprimé ni sauvegardé de copie. Au moment de l’audience, il y avait déjà un certain temps qu’elle avait rempli sa demande. Elle a fait valoir que le formulaire de demande n’était pas clair et qu’elle ne l’avait pas compris lorsqu’elle l’avait rempli. Elle était incapable de se souvenir de son contenu afin de se préparer en vue de son appel.

[13] La prestataire a déclaré que la demande complète contenait plus de renseignements que la version abrégée au dossierNote de bas de page 4. Si elle avait eu le document complet, elle aurait peut-être mieux compris pourquoi elle avait rempli le formulaire comme elle l’avait fait et aurait été mieux en mesure de présenter ses arguments.

[14] J’ai examiné la version abrégée de la demande de prestations que la Commission avait initialement divulguée dans le dossier GD3, et je l’ai comparée à la demande complète qui se trouve dans le dossier GD8. Les deux versions de la demande comprennent la même section [traduction] « Type de prestationsNote de bas de page 5 » dans laquelle la prestataire a indiqué qu’elle demandait des prestations de maternité. Les deux versions contiennent la même section [traduction] « Renseignements sur les prestations parentales »Note de bas de page 6 dans laquelle les prestations et les options de prestations sont expliquées. On y explique notamment qu’on peut demander un maximum de 35 semaines de prestations standards ou un maximum de 61 semaines de prestations prolongées à un taux réduit. La section [traduction] « Renseignements sur les prestations parentales » dans les deux versions comprend le choix de l’option prolongée par la prestataire ainsi que le menu déroulant dans lequel elle a indiqué qu’elle voulait recevoir 57 semaines. La prestataire disposait de tous ces renseignements sans la divulgation du dossier GD8.

[15] Toutefois, seule la version de la demande dans le dossier GD8 contient la section [traduction] « Motif de la cessation d’emploiNote de bas de page 7 », c’est-à-dire l’endroit où la prestataire a indiqué qu’elle avait quitté son emploi pour partir en congé de maternité. Elle contient également une section [traduction] « Renseignements sur les prestations de maternitéNote de bas de page 8 » qui ne figurait pas dans la demande abrégée du dossier GD3 divulgué précédemment. La section [traduction] « Renseignements sur les prestations de maternité » demandait à la prestataire la date prévue de la naissance de son bébé. C’est également là que la demande offrait à la prestataire le choix de [traduction] « recevoir des prestations parentales immédiatement après [ses] prestations de maternité » ou [traduction] « jusqu’à 15 semaines de prestations de maternité ». Seule la version de la demande dans le dossier GD8 contient la section [traduction] « Renseignements sur le dernier employeur », qui comprend la date de retour prévue de la prestataire, que la prestataire a indiquée comme étant le 8 septembre 2020Note de bas de page 9.

[16] En plus de la demande complète, le dossier GD8 comprenait également le RE de la prestataire, que la Commission n’avait pas versé dans le dossier GD3. Le RE confirme que le dernier jour de travail rémunéré de la prestataire était le 28 juin 2019, qu’elle quittait son emploi pour partir en congé de maternité et que sa date de [traduction] « rappel » était inconnue.

[17] La question est de savoir si la prestataire aurait pu subir un préjudice parce qu’on ne lui a pas donné l’occasion de répondre aux renseignements figurant dans le dossier GD8, qui ont été divulgués, mais qui ne lui avaient pas été transmis auparavant.

[18] Je n’accepte pas l’argument de la Commission selon lequel la prestataire devrait être réputée avoir connaissance de l’intégralité du formulaire parce que c’est elle qui l’a rempli. La prestataire a rempli une version en ligne de la demande le 14 juillet 2019, mais elle n’a pas revu le formulaire complet avant que la division générale ne le lui transmette le 2 janvier 2020.

[19] L’argument de la prestataire est qu’elle a choisi les mauvaises prestations parce qu’elle a mal compris le choix qu’elle devait faire. En particulier, elle n’a pas compris qu’elle avait droit à 15 semaines de prestations de maternité en plus des semaines de prestations parentales qu’elle avait choisies. Étant donné que la copie de la demande complète qui figure dans la divulgation compte 23 pages et qu’elle contient des instructions et des explications détaillées sur les prestations, je n’accepte pas que la prestataire soit réputée connaître les parties de la demande qui ne figurent pas dans la version abrégée de 11 pages dans le dossier GD3. En particulier, je n’accepte pas que la prestataire soit réputée avoir connaissance de la section [traduction] « Renseignements sur les prestations de maternité » ou de la section [traduction] « Renseignements sur le dernier employeur ».

[20] La Commission a également fait valoir que la prestataire n’a pas subie de préjudice parce qu’on ne lui a pas donné l’occasion de répondre à la divulgation, car aucun des renseignements supplémentaires contenus dans la divulgation n’aurait pu modifier la décision.

[21] La division générale a demandé les documents compris dans la divulgation parce qu’elle les considérait comme pertinents à l’appelNote de bas de page 10. En d’autres termes, la divulgation aurait pu modifier la décision selon son contenu.

[22] En demandant le RE et une copie de la demande complète, la division générale cherchait probablement à savoir si la date de retour au travail de la prestataire était compatible avec le choix de recevoir des prestations standards ou des prestations prolongées. Lorsqu’elle a obtenu les documents, la division générale a noté que la prestataire avait indiqué dans la demande complète que sa date de retour au travail était le 8 septembre 2020Note de bas de page 11. Cette date concordait avec le témoignage de la prestataire selon lequel son intention initiale était de prendre un congé de 14 mois afin de pouvoir rester chez elle jusqu’à la fin du mois d’août 2020, puis de retourner au travail. La division générale n’a pas fait référence au RE, qui indiquait que sa date de retour au travail était [traduction] « inconnue ».

[23] La Commission a peut-être raison d’affirmer que la divulgation confirme des dates ou des choix qui se trouvaient déjà parmi les éléments de preuve. Cependant, la prestataire aurait également peut-être remarqué une erreur ou une omission qui aurait pu l’aider à comprendre ou à expliquer pourquoi elle avait fait le choix qu’elle avait fait. Au moins une partie de l’argument de la prestataire était qu’elle avait fait une erreur parce que le formulaire de demande n’était pas clair. Elle a déclaré que la demande complète contenait plus de renseignements et qu’elle aurait pu utiliser ces renseignements pour préparer ses arguments. Une section qui ne figure pas dans la version abrégée du dossier GD3 est la section [traduction] « Renseignements sur les prestations de maternité ». Elle aurait peut-être aidé la prestataire à comprendre le choix qu’elle avait fait.

[24] La prestataire n’a pas fourni à la division d’appel une explication plus détaillée exposant en quoi le fait qu’on ne lui avait pas donné l’occasion de répondre à la divulgation constituait un préjudice. Cependant, je ne pense pas qu’il soit approprié de priver la prestataire de la possibilité de répondre à la divulgation en me basant sur ma propre opinion quant à savoir si les documents auraient pu appuyer ses arguments. La prestataire saurait mieux que moi si la divulgation l’aurait aidée à mieux formuler ses arguments ou à présenter d’autres arguments.

[25] Lorsque j’évalue s’il y a eu une possible atteinte aux droits de justice naturelle de la prestataire, je ne me préoccupe pas de savoir si la prestataire a nécessairement subi un préjudice, mais de la possibilité qu’elle ait pu subir un préjudice. Je dois également veiller à ce que la justice paraisse avoir été rendue. J’estime qu’il est possible que la prestataire ait subi un préjudice. Si je privais la prestataire de la possibilité de répondre à la divulgation, je risquerais de déconsidérer l’administration de la justice.

[26] Par conséquent, j’estime que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle en ne donnant pas l’occasion à la prestataire de répondre à la divulgation. Cela signifie que je dois examiner la réparation appropriée.

Réparation

Nature de la réparation

[27] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 12. Je pourrais aussi renvoyer l’affaire à la division générale afin qu’elle réexamine sa décision.

[28] La prestataire et la Commission ont toutes deux soutenu que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je ne suis pas d’accord. J’ai conclu que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle en ne donnant pas l’occasion à la prestataire de répondre à une divulgation de documents. La réparation appropriée serait de donner l’occasion à la prestataire d’y répondre en présentant des arguments supplémentaires et une contre-preuve si elle en a. J’ai entendu les raisons pour lesquelles la prestataire estime que la division générale aurait dû lui donner l’occasion de répondre à la divulgation de la Commission. Cependant, je n’ai pas entendu ce qu’elle aurait dit et je n’ai pas vu ce qu’elle aurait soumis en réponse. Ce serait de [traduction] « nouveaux » éléments de preuve, et la division d’appel n’a pas la capacité d’examiner de nouveaux éléments de preuve.

[29] J’estime qu’il ne serait pas approprié que je substitue ma décision à celle de la division générale. Le dossier n’est pas complet tant que la prestataire n’a pas répondu à la divulgation. Je renvoie donc l’affaire à la division générale aux fins de réexamen.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Date de l’audience :

Le 7 mai 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

C. D., appelante

D. T., représentant de l’appelante

Anik Dumoulin, représentante de l’intimée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.