Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. J’estime que la prestataire travaillait pour son compte et qu’elle faisait des semaines entières de travail au cours de la période pertinente. Cela signifie qu’elle est inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi (AE).

[2] J’estime également que la Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en imposant une pénalité. Comme j’ai le pouvoir de rendre la décision que la Commission aurait dû rendre, j’ai remplacé la pénalité par une lettre d’avertissement. Cette nouvelle décision a pour effet de réduire automatiquement l’avis de violation à une violation non qualifiée.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait comme entraîneuse et instructrice indépendante, et a été embauchée par un centre de conditionnement physique. Elle offrait notamment ses services d’entraînement personnel et d’exercices en groupe au centre de conditionnement physique.

[4] Alors qu’elle travaillait au centre de conditionnement physique, la prestataire a demandé des prestations d’AE. Dans ses déclarations bimensuelles de la prestataire de l’AE, elle n’a pas précisé qu’elle était travailleuse indépendante ni qu’elle touchait un revenu. Lorsque la prestataire a présenté une demande subséquente de prestations d’AE, la Commission a jugé que la prestataire avait reçu des trop-payés au cours de sa période de prestations précédente, car elle faisait des semaines entières de travail pendant la période en question. Par conséquent, elle ne pouvait pas toucher de prestations d’AE. La Commission a aussi jugé que la prestataire avait fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses en ne déclarant pas ses revenus.

[5] La Commission a rendu une décision selon laquelle la prestataire n’avait pas eu de semaines de chômage. Elle a donc imposé une pénalité et émis un avis de violation. La Commission a maintenu ces décisions après révision. La prestataire fait appel des décisions de la Commission devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[6] Un avis d’appel complet a été déposé auprès du Tribunal le 23 février 2016. Les questions en litige portent sur une décision de la Commission datée du 19 juillet 2013. La division d’appel du Tribunal a renvoyé le dossier d’appel à la division générale pour la tenue d’une audience sur le fond après avoir infirmé une décision antérieure de la division générale selon laquelle l’appel avait été déposé trop tard.

[7] Le présent dossier d’appel avait d’abord été assigné à mon collègue. Celui-ci a quitté le Tribunal avant d’avoir pu compléter le dossier, et on m’a chargée d’instruire l’appel à nouveau. L’audience a eu lieu le 5 février 2020. La prestataire et son époux, qui est également son représentant, ont assisté à l’audience et ont témoigné.

Questions en litige

[8] Question en litige no 1 : Le niveau d’engagement de la prestataire dans l’entreprise était‑il de mesure si limitée qu’elle ne faisait pas des semaines entières de travail?

[9] Question en litige no 2 : La prestataire a-t-elle fait des semaines entières de travail du 13 juillet 2011 au 3 avril 2012?

[10] Question en litige no 3 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en imposant une pénalité à la prestataire?

[11] Question en litige no 4 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en émettant un avis de violation à la prestataire?

Analyse

[12] La loi prévoit qu’une personne peut recevoir des prestations d’AE pour chaque semaine de chômageNote de bas de page 1. Une semaine de chômage est une semaine pendant laquelle une personne n’effectue pas une semaine entière de travailNote de bas de page 2.

[13] Une personne qui travaille pour son compte ou qui exploite une entreprise est considérée comme effectuant des semaines entières de travailNote de bas de page 3. Cette personne ne peut donc pas recevoir des prestations d’AENote de bas de page 4.

[14] La prestataire conteste la conclusion de la Commission selon laquelle elle travaillait pour son compte et selon laquelle ses services n’étaient pas assurables.

[15] Je constate que l’Agence du revenu du Canada (ARC) a compétence en matière d’assurabilité de l’emploi. Je n’ai pas le pouvoir d’annuler ou de modifier la conclusion selon laquelle la prestataire était une travailleuse indépendante occupant un emploi non assurable du 13 juillet 2011 au 3 avril 2012Note de bas de page 5. La prestataire avait la possibilité de faire appel de cette décision, mais elle ne l’a pas fait. Bien que la décision d’assurabilité de l’ARC soit une preuve solide que la prestataire était une travailleuse indépendante et que la décision soit déterminante quant à l’assurabilité de la prestataire, j’ai examiné la preuve de la prestataire concernant le travail indépendant au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[16] La prestataire a soutenu qu’elle avait été embauchée par le payeurNote de bas de page 6 pour donner des cours de conditionnement physique, des séances d’entraînement personnel et des ateliers à temps plein. Elle a déclaré que tous les outils et le matériel dont elle avait besoin pour faire son travail étaient fournis par le payeur et qu’elle n’avait aucune responsabilité financière envers l’entreprise. Elle a dit que le payeur déterminait les cours de conditionnement physique qu’elle devait donner, établissait l’horaire et exigeait que la prestataire lui soumette des notes écrites reflétant les séances d’entraînement personnel qu’elle donnait, à défaut de quoi elle ne serait pas rémunérée pour ses heures de travail. La prestataire a déclaré qu’elle gagnait 22 $ de l’heure en tant qu’entraîneuse personnelle, 16,50 $ de l’heure lorsqu’elle donnait des cours de conditionnement physique, et 10 $ de l’heure lorsqu’elle travaillait à la réception. Elle a ajouté que le payeur examinait le contenu de tous les cours et séances d’entraînement, et qu’il déterminait l’ensemble de ses activités professionnelles. Elle a aussi déclaré qu’elle [traduction] « n’avait pas le droit de travailler pour d’autres employeurs », qu’on lui avait directement dit qu’elle [traduction] « pouvait seulement travailler pour [nom du payeur]Note de bas de page 7 » et qu’elle ne pouvait pas vendre ses services étant donné que le payeur était entièrement responsable de la publicité.

[17] Le payeur a dit à la Commission qu’il avait embauché l’entreprise de la prestataire en tant qu’entreprise indépendante pour offrir des cours de conditionnement physique dans son établissement. Il a ajouté que les heures travaillées à ce titre ne sont pas assurables, ce pour quoi il n’a pas émis de relevé d’emploi. Il a aussi fourni des copies de documents qui semblent être des factures de l’entreprise de la prestataire. Celles-ci demandent le paiement pour services rendus à l’entreprise du payeur. À l’audience, la prestataire a soutenu qu’elle ne savait pas d’où provenaient ces factures et que je ne devrais pas m’y fier.

[18] Le 3 juin 2011, la prestataire a enregistré une entreprise sous le nom de [traduction] « conditionnement physique, exercice de groupe et entraînement personnel ». Son représentant a soutenu que la prestataire avait enregistré le nom de son entreprise, mais qu’elle n’avait pas exploité son entreprise sous ce nom. Il a fait valoir que l’enregistrement avait seulement été fait parce que la prestataire envisageait d’utiliser le nom de son entreprise et qu’elle voulait détenir le nom commercial.

[19] Le payeur a présenté différentes factures dactylographiées pour paiement à la Commission ainsi que des notes manuscrites et des calculs. Il a déclaré que les documents sont [traduction] « toutes les factures que nous avons au dossier et que [la prestataire] nous a envoyées ». À l’audience, le représentant a soutenu que la prestataire n’avait pas fourni ces documents et que je devrais seulement me fier à la feuille de paie bimensuelle de l’entraîneuse, car il s’agissait du résumé complet de l’horaire et de la paie que le payeur fournissait à la prestataire. Le représentant a soutenu que la prestataire ne sait pas si les factures sont exactes. Il a ajouté avoir demandé des copies des chèques annulés pour montrer que la prestataire avait reçu et encaissé les chèques, mais le payeur ne lui a pas fait parvenir les renseignements, et la Commission n’a pas obtenu les chèques annulés.

[20] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que les factures que le payeur a remises à la Commission sont des documents que la prestataire a fournis au payeur pour le paiement de services rendus. La prestataire a soutenu que le payeur lui demandait d’écrire des notes pour confirmer ses heures d’entraînement afin d’être rémunérée. Il n’y a aucune autre preuve de notes confirmant cette information au payeur, mis à part ces documents qui, selon le payeur, sont les factures de la prestataire. Je constate que la facture du 25 juin 2011 semble être la première facture. L’en-tête de celle-ci contient le nom de l’entreprise de la prestataire, et non le nom de la prestataire. Le chèque prévu pour rembourser la facture est aussi adressé au nom de l’entreprise de conditionnement physique de la prestataire, et non au nom de la prestataire.

[21] Toutes les factures du 25 juin 2011 au 5 février 2012 sont demandées et payables au nom de l’entreprise de la prestataire. Certaines factures précisent ceci : [traduction] « Veuillez adresser le chèque à [nom de la prestataire] qui fait affaire sous le nom de [nom de l’entreprise de la prestataire] ». Les factures du 20 février 2012 et du 19 mars 2012 ont été produites par la prestataire et non par son entreprise. Il y a aussi le document T4A, écrit à la main, qui porte sur l’année d’imposition 2011 et qui a été produit par le payeur au nom de l’entreprise de la prestataire.

[22] Le 27 septembre 2019, la prestataire a déclaré au Tribunal que la Commission n’avait soumis aucune attestation de revenu. Dans sa déclaration assermentée, le représentant soutient que la prestataire n’a pas travaillé pour le payeur entre le 29 mai 2011 et le 24 juillet 2011. Sa déclaration semble être fondée sur la feuille de paie bimensuelle de l’entraîneuse puisqu’il en a joint une copie dans sa déclaration assermentée à titre de référence. Toutefois, la prestataire a déclaré qu’elle avait donné des cours de conditionnement physique le matin et le soir entre juin et novembre ou décembre 2011. La déclaration assermentée selon laquelle elle n’a pas travaillé pour le payeur du 29 mai 2011 au 24 juillet 2011 est donc fausse. J’estime que cela met aussi en doute la fiabilité des feuilles de paie hebdomadaire et bimensuelle de l’entraîneuse, car elles ne reflètent pas le salaire de la prestataire pendant cette période. La prestataire a toutefois dit qu’elle avait travaillé et que selon les factures que le payeur a fournies à la Commission, elle avait été rémunérée pour 26,5 heures de travail sur la facture du 25 juin 2011Note de bas de page 8.

[23] La Loi sur l’AE définit l’emploi comme étant le fait d’employer ou l’état d’employéNote de bas de page 9. Un emploi assurable est notamment défini comme tout emploi au Canada faisant l’objet d’un contrat de louage de services exprès ou tacite ou de tout autre contrat de travail par un ou plusieurs payeursNote de bas de page 10. Une personne travaillant pour son compte est notamment définie comme une personne qui exploite ou exploitait une entrepriseNote de bas de page 11.

[24] J’estime que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire travaillait pour son compte et exploitait une entreprise de juin 2011 à avril 2012.

[25] Bien que le payeur déterminait les cours que la prestataire donnait et le moment où ils avaient lieu, j’estime qu’il s’agit d’une pratique courante étant donné que le payeur exploitait une entreprise qui exigeait des cours de conditionnement physique régulier. Je trouve en outre que la différence de salaire payé pour effectuer différentes tâches appuie une relation employeur‑entrepreneure indépendante, car une relation employeur-employée comprend généralement un salaire fixe qui ne varie pas en fonction de la tâche. De plus, j’estime que la prestataire a soumis des factures pour son travail qui appuient une relation employeur‑entrepreneure indépendante. La prestataire a déclaré que le payeur lui demandait de lui fournir des notes confirmant le temps qu’elle consacrait à ses séances d’entraînement personnel. Selon moi, il s’agit de la description d’une facture. Toutefois, je note que les factures au dossier reflètent tout le travail que la prestataire a accompli au cours d’une période donnée, pas seulement le temps qu’elle a consacré aux séances d’entraînement personnel.

[26] J’ai aussi tenu compte du fait que la prestataire a dit à l’ARC qu’elle n’était pas autorisée à travailler pour d’autres employeurs et qu’on lui avait directement dit qu’elle [traduction] « pouvait seulement travailler pour [nom du payeur]Note de bas de page 12 ». À l’audience, la prestataire a déclaré que le payeur préférait qu’elle ne travaille pas pour d’autres payeurs, mais qu’il ne s’agissait pas d’une modalité dans son contrat de travail. J’estime que cette information est incohérente et qu’elle mine la crédibilité de la prestataire, parce que la prestataire a fait des déclarations contradictoires et qu’elle aurait dû savoir que celles-ci ne pouvaient pas être toutes vraies. J’estime que la prestataire n’était pas contrainte de travailler pour un seul payeur, ou employeur, car elle a admis à l’audience que son payeur ne l’avait pas soumise à cette condition.

[27] J’ai également tenu compte du fait que le payeur a déclaré à la Commission que la prestataire avait été embauchée comme entrepreneure indépendante pour offrir des cours de conditionnement physique dans son établissement et qu’elle n’était pas une employée assurable. L’ARC a jugé que la prestataire était une travailleuse indépendante et qu’elle n’occupait pas un emploi assurable à la période pertinente. Le payeur a émis un relevé T4A au nom de l’entreprise de la prestataire, bien qu’il y ait deux versions : l’une précise que l’entreprise de la prestataire est une entreprise constituée en société et que l’adresse correspond au lieu de travail appartenant au payeur, tandis que l’autre précise le nom exact de l’entreprise de la prestataire ainsi que son adresse personnelleNote de bas de page 13. Bien qu’il puisse y avoir une erreur dans l’une des versions du relevé T4A étant donné que l’entreprise de la prestataire n’est pas constituée en société, j’estime que le payeur avait clairement l’intention d’émettre le relevé T4A au nom de l’entreprise de la prestataire.

[28] Je reconnais que la prestataire a soutenu qu’elle ne possédait pas les outils ni le matériel de travail, puisqu’ils étaient fournis par le payeur. Elle a ajouté qu’elle n’avait aucune responsabilité financière envers l’entreprise et qu’elle n’était pas autorisée à embaucher des personnes pour l’aider ou des personnes sous-traitantes. Toutefois, j’estime que la preuve à l’appui du travail indépendant l’emporte sur la preuve à l’appui d’une relation d’emploi.

[29] J’ai aussi tenu compte des factures. La prestataire nie que les factures que le payeur a présentées à la Commission sont des documents qu’elle a produits. J’ai déjà décidé qu’il s’agissait probablement de documents qu’elle avait préparés et utilisés pour consigner ses heures et être rémunérée pour son travail. La plupart des documents datant de juin 2011 à février 2012 indiquent que la bénéficiaire est l’entreprise de la prestataire et non la prestataire. À l’audience, le représentant a soutenu que la prestataire allait offrir des séances d’entraînement personnel après avoir quitté l’entreprise du payeur. Il a dit qu’étant donné que le payeur ne la rémunérait pas, elle avait envisagé de lancer sa propre entreprise. Elle a donc fait une demande pour enregistrer le nom de son entreprise.

[30] J’estime que l’explication du représentant n’est pas étayée par les faits. La prestataire a enregistré le nom de son entreprise le 3 juin 2011. Comme le démontre la preuve, la prestataire a déclaré qu’elle avait aussi commencé à travailler pour le payeur en juin 2011. Je ne conteste pas l’observation du représentant selon laquelle la prestataire avait de la difficulté à être rémunérée, mais j’estime qu’il n’est pas possible de soutenir que la prestataire a enregistré le nom de son entreprise parce qu’elle n’avait pas été rémunérée par un payeur pour lequel elle avait seulement commencé à travailler au cours du même mois. La première facture au nom de l’entreprise de la prestataire semble dater du 25 juin 2011, mais elle ne précise pas à quel moment les services ont été rendus. La feuille de paie bimensuelle de l’entraîneuse révèle que la prestataire a travaillé 45 minutes pendant la semaine du 29 mai 2011, mais elle ne semble pas avoir été rémunérée. Je ne peux pas savoir la date exacte à laquelle la prestataire a commencé à travailler pour le payeur, mais il semble que sa date de début soit autour du début de juin 2011. Comme la prestataire a enregistré le nom de son entreprise le 3 juin 2011, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que le fait qu’elle n’ait pas été rémunérée par le payeur n’était pas pertinent pour l’enregistrement.

[31] Je note également que la prestataire a fait référence dans le dossier à la correspondance et à la documentation qui montrent que le payeur la traitait comme une employée. Le payeur était une équipe constituée d’un homme et de son épouse. Alors que le payeur était en train de mettre fin à son mariage, un article citant l’épouse en question a été publié dans un journal provincial. L’épouse a déclaré que le payeur, c’est-à-dire son ex-époux [traduction] « avait payé les dépenses de l’entreprise et les membres du personnel avec l’argent qu’il avait retiré des comptesNote de bas de page 14 ». J’estime que cette déclaration n’est pas déterminante. Selon moi, la prestataire a exploité sa propre entreprise, et le payeur a principalement versé la rémunération à l’entreprise de la prestataire. Le fait qu’un ancien propriétaire de l’entreprise du payeur ait utilisé le terme [traduction] « membres du personnel » dans un article de journal ne signifie pas que la prestataire est une employée au sens de la Loi sur l’AE.

[32] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire offrait ses services en tant qu’entreprise indépendante. Les factures que le payeur a fournies à la Commission ainsi que le nom de l’entreprise que la prestataire a enregistré à peu près au même moment où elle a commencé à travailler pour le payeur semblent indiquer que l’intention subjective de la prestataire était, au départ, d’être une entrepreneure indépendante. Bien que cela ne soit pas défini dans un contrat officiel, du moins dans aucun contrat qu’une partie a présenté à titre de preuve, j’estime que la prestataire a agi comme l’aurait fait une entrepreneure indépendante. En effet, j’accorde beaucoup de poids à l’enregistrement du nom de l’entreprise, aux factures, à la décision de l’ARC et aux déclarations incohérentes de la prestataire et de son représentant. Mis ensemble, j’estime que les éléments de preuve appuient la conclusion selon laquelle la prestataire travaillait pour son compte de juin 2011 à avril 2012.

Question en litige no 1 : Le niveau d’engagement de la prestataire dans l’entreprise était-il de mesure si limitée qu’elle ne faisait pas des semaines entières de travail?

[33] La Commission a demandé une décision d’assurabilité à l’ARC le 19 septembre 2012. L’ARC a répondu le 17 octobre 2012 et a jugé qu’entre le 13 juillet 2011 et le 3 avril 2012, la prestataire travaillait pour son compte et que ses services n’étaient pas assurables. La décision précise que la prestataire avait 90 jours à partir de la date de la lettre pour déposer un appel. Il n’y a rien dans le dossier qui prouve que la prestataire a fait appel de cette décision dans le délai imparti ou par la suite.

[34] À l’audience, le représentant a confirmé que la prestataire n’avait pas fait appel de la décision de l’ARC. Il a soutenu que la décision n’avait pas été portée en appel parce que l’ARC avait précisé qu’elle n’aurait aucune incidence sur les impôts que la prestataire devrait payer. Il a déclaré que selon lui, la décision signifiait seulement que la prestataire devrait recouvrer la TVH en plus de l’argent que le payeur lui devait lorsqu’elle a déposé une demande à la cour provinciale des petites créances. Il a dit que la prestataire [traduction] « avait demandé la décision » en raison de la TVH.

[35] J’estime que l’observation du représentant ne correspond pas à la preuve. La preuve montre que c’est la Commission qui a demandé la décision d’assurabilité. Le 19 septembre 2012, un enquêteur de la Commission a dit à la prestataire qu’une décision d’assurabilité avait été demandéeNote de bas de page 15. L’ARC a rendu sa décision le 17 octobre 2012. J’estime que ce n’est pas la prestataire qui a demandé la décision d’assurabilité.

[36] Comme j’ai jugé que la prestataire travaillait pour son compte et exploitait une entreprise au cours de la période pertinente, la loi suppose qu’elle faisait des semaines entières de travailNote de bas de page 16.

[37] Je dois maintenant examiner si la prestataire satisfait aux exigences pour faire exception à la présomption selon laquelle elle faisait des semaines entières de travail.

Analyse – Chômage

[38] Lorsqu’une période de prestations est établie au profit d’une partie prestataire, des prestations d’AE lui sont dès lors payables pour chaque semaine de chômageNote de bas de page 17. Une semaine de chômage est définie comme étant une semaine pendant laquelle une partie prestataire n’effectue pas une semaine entière de travailNote de bas de page 18.

[39] Selon le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE), si une partie prestataire exploite une entreprise à son compte durant la semaine, elle est considérée comme ayant effectué une semaine entière de travailNote de bas de page 19. Il existe toutefois une exception : la partie prestataire exploite l’entreprise dans une mesure si limitée que cet emploi ne constituerait pas son moyen de subsistanceNote de bas de page 20. Je dois décider si la prestataire fait partie de l’exception en examinant dans quelle mesure elle exploite son entreprise. Pour ce faire, je dois tenir compte de différents facteurs énoncés dans le Règlement sur l’AE, dont les suivants :

  • le temps consacré;
  • la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
  • la réussite ou l’échec financiers de l’entreprise;
  • le maintien de l’emploi ou de l’entreprise;
  • la nature de l’emploi ou de l’entreprise;
  • l’intention et la volonté de la prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploiNote de bas de page 21.

[40] Je dois examiner tous ces facteurs, mais les plus importants sont le temps consacré ainsi que l’intention et la volonté d’accepter un autre emploiNote de bas de page 22.

[41] La prestataire a la responsabilité de démontrer qu’elle remplit les conditions requises pour recevoir des prestations d’AE et qu’il n’existe aucune circonstance ayant pour effet de la rendre inadmissible au bénéfice des prestations d’AE ou de l’exclure de celui-ciNote de bas de page 23.

Question en litige no 2 : La prestataire a-t-elle fait des semaines entières de travail du 13 juillet 2011 au 3 avril 2012?

[42] Pour les motifs énoncés ci-dessous, j’estime que le niveau d’engagement de la prestataire dans son entreprise n’était pas de mesure limitée entre le 13 juillet 2011 et le 3 avril 2012. La prestataire faisait donc des semaines entières de travail pendant cette période et est inadmissible au bénéfice des prestations d’AE.

[43] La prestataire a demandé des prestations régulières d’AE le 15 juillet 2011 et le 18 juillet 2012.

[44] À la suite de la demande du 15 juillet 2011, une période de prestations a été établie à son profit à compter du 10 juillet 2011. Après avoir observé un délai de carence de deux semaines, comme le prévoyait la loi à ce moment-là, la prestataire a touché 23 semaines de prestations régulières d’AE du 24 juillet 2011 au 31 décembre 2011.

[45] Toute partie prestataire doit remplir des déclarations bimensuelles lorsqu’elle demande des prestations d’AE. Du 10 juillet 2011 au 31 décembre 2011, la prestataire a précisé dans chaque déclaration bimensuelle qu’elle n’était pas une travailleuse indépendante. Elle a aussi indiqué qu’elle n’avait pas travaillé ni touché de revenus pendant cette période, ce qui comprenait un travail pour lequel elle pouvait être rémunérée plus tard, un travail non rémunéré ou un travail indépendantNote de bas de page 24.

[46] La prestataire a présenté des copies papier des rapports financiers intitulés [traduction] « Feuille de paie bimensuelle de l’entraîneuse ». Voici la copie de l’un de ces rapports :

Période Heures travaillées (arrondies) Gains
11 décembre 2011 au 24 décembre 2011 1 430 minutes = 24 heures 654,18 $
25 décembre 2011 au 7 janvier 2012 1 625 minutes = 27 heures 659,91 $
8 janvier 2012 au 21 janvier 2012 1 925 minutes = 32 heures 821,92 $
22 janvier 2012 au 4 février 2012 2 460 minutes = 41 heures 1 053,00 $
5 février 2012 au 18 février 2012 2 455 minutes = 41 heures 1 025,92 $
19 février 2012 au 3 mars 2012 1 760 minutes = 29 heures 683,35 $
4 mars 2012 au 17 mars 2012 2 065 minutes = 34 heures 842,92 $
18 mars 2012 au 31 mars 2012 2 235 minutes = 37 heures 928,17 $
1er avril 2012 au 14 avril 2012 2 440 minutes = 41 heures 1 205,17 $
15 avril 2012 au 28 avril 2012 1 885 minutes = 31 heures 862,92 $
29 avril 2012 au 12 mai 2012 2 195 minutes = 37 heures 1 038,17 $
13 mai 2012 au 26 mai 2012 2 220 minutes = 37 heures 950,17 $
27 mai 2012 au 9 juin 2012 2 270 minutes = 38 heures 974,67 $
10 juin 2012 au 23 juin 2012 2 730 minutes = 46 heures 1 098,54 $
24 juin 2012 au 7 juillet 2012 2 270 minutes = 38 heures 942,86 $

[47] Le 4 septembre 2012, la Commission a discuté avec la prestataire de sa demande de prestations d’AE du 18 juillet 2012. La Commission a noté que le fait de savoir si l’emploi de la prestataire était assurable est contesté. Elle a aussi noté que la prestataire semble avoir travaillé pendant toute la période au cours de laquelle elle a demandé des prestations d’AE pour la demande commençant le 10 juillet 2011, même si elle n’a signalé aucun revenu dans ses déclarations bimensuelles.

[48] Comme mentionné précédemment, l’ARC a rendu une décision selon laquelle la prestataire travaillait pour son compte du 13 juillet 2011 au 3 avril 2012. La Commission soutient qu’étant donné que l’ARC considérait la prestataire comme une travailleuse indépendante et qu’elle n’occupait aucun emploi assurable à ce moment-là, la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’AE. Selon moi, je dois examiner tous les éléments de preuve pour décider si la prestataire répond à l’exception de la Loi sur l’AE concernant les personnes travaillant pour leur compte.

[49] La Commission a rendu une décision le 29 avril 2013 selon laquelle la prestataire n’était pas admissible aux prestations d’AE à compter du 10 juillet 2011, parce qu’elle travaillait pour son compte et ne pouvait pas être considérée au chômage. En plus d’avoir imposé une pénalité de 3 404 $, la Commission a émis un avis de dette le 4 mai 2013, pour un total de 10 271 $. La Commission a inclus la ventilation du trop-payé dans son dossier. Cela montre que la prestataire a reçu un trop-payé de 296 $ pour chaque semaine entre le 24 juillet 2011 et le 25 décembre 2011.

[50] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision le 6 juin 2013. La prestataire a dit qu’elle n’avait reçu aucune correspondance de la Commission lui demandant des informations.

[51] La Commission a communiqué avec la prestataire le 11 juillet 2013. Elle s’est entretenue avec l’époux de la prestataire, qui a déclaré qu’un formulaire de représentation avait été envoyé à la Commission pour lui permettre de discuter de la demande. La Commission a déclaré qu’elle n’avait pas encore reçu le formulaire. Elle a aussi dit qu’elle devait parler directement à la prestataire.

[52] Selon les notes au dossier de la Commission, datées du 19 juillet 2019, la prestataire n’a pas rappelé la Commission et ne lui a pas laissé de message. La Commission a également noté qu’il n’y avait pas d’appels manqués dont elle ne reconnaissait pas le numéro. Elle a écrit que cela signifiait que la prestataire ne l’avait pas rappelée. Les notes de la Commission précisent que le dossier ne contenait aucun nouveau renseignement permettant de modifier la décision. Elle a accordé de l’importance au fait que la prestataire n’avait déclaré aucun revenu alors qu’elle travaillait en 2011 et qu’elle n’avait pas fait appel de la décision de l’ARC selon laquelle elle était une travailleuse indépendante.

[53] La Commission a rendu une décision découlant de la révision le 19 juillet 2013. Elle a maintenu sa conclusion antérieure selon laquelle la prestataire n’avait pas prouvé qu’elle ne faisait pas des semaines entières de travail à compter du 10 juillet 2011.

[54] Le 10 décembre 2013, la prestataire a déposé une demande de permission de faire appel à la division d’appel du Tribunal. Bien que le document était préventif étant donné que la prestataire n’avait pas encore fait appel devant la division générale du Tribunal, je note que la prestataire a soutenu que son revenu de 2011 n’avait pas été correctement déclaré. Elle affirme que son payeur ne lui avait pas versé le salaire qu’il devait lui payer et qu’elle avait dû engager une poursuite à la Cour des petites créances. Elle soutient qu’elle était admissible au bénéfice des prestations d’AE en 2011 parce qu’elle ne gagnait aucun revenu et qu’elle était disponible pour travailler.

[55] J’ai déjà décidé que les factures fournies par le payeur sont des documents fiables qui ont été initialement soumis par la prestataire comme des factures pour services rendus. Les factures reflètent le travail de la prestataire entre le 25 juin 2011 et le 19 mars 2012. Il y a aussi une feuille de paie bimensuelle de l’entraîneuse qui montre que la prestataire a travaillé du 29 mai 2011 jusqu’à la semaine du 10 juillet 2011. Bien que des heures de travail soient consignées, aucun revenu n’est indiqué pour les dates en question. J’ai déjà accordé moins d’importance à ce document, car les informations sur le revenu ne semblent pas correspondre aux heures travaillées. Toutefois, je note que la prestataire affirme que ce document est fiable. Il révèle que du 24 juillet 2011 au 8 juillet 2012, la prestataire touchait un revenu pour chaque période de paie bimensuelleNote de bas de page 25.

[56] Je vais maintenant examiner si la prestataire fait partie de l’exception concernant le travail indépendant en évaluant si son niveau d’engagement dans son entreprise était de mesure si limitée que cet emploi ne constituait pas son moyen de subsistance.

Temps consacré

[57] La prestataire a discuté avec la Commission le 2 août 2012. Elle a déclaré qu’elle travaillait normalement 25 heures par semaine et touchait 500 $ comme entraîneuse personnelle. Elle a expliqué qu’elle gagnait 22 $ de l’heure en tant qu’entraîneuse personnelle, 16,50 $ de l’heure lorsqu’elle donnait des cours de conditionnement physique et 10 $ de l’heure lorsqu’elle travaillait à la réception.

[58] La prestataire a déclaré qu’elle donnait entre huit et dix cours de conditionnement physique de 45 minutes par semaine et qu’elle travaillait environ 25 heures par semaine. Les factures appuient le fait que la prestataire travaillait en moyenne 30 heures par période bimensuelle entre juin 2011 et décembre 2011.

[59] J’estime que la prestataire a consacré beaucoup de temps à son travail indépendant entre juin 2011 et avril 2012 parce qu’elle travaillait en moyenne au moins 15 heures par semaine, sinon plus. Cela justifie un lien étroit avec le travail indépendant.

[60] Je note qu’un travail indépendant n’est pas déterminé d’une semaine à l’autre en fonction du nombre d’heures de travail qu’une partie prestataire effectue au cours d’une semaine donnée. C’est plutôt le nombre total d’heures travaillées qui compteNote de bas de page 26.

Nature et montant du capital et des autres ressources investis

[61] Le représentant a soutenu que le seul capital investi pour lancer l’entreprise de la prestataire était l’enregistrement du nom de l’entreprise. Il estimait cela à environ 70 $. Le représentant a affirmé que l’enregistrement avait seulement été fait parce que la prestataire envisageait d’utiliser le nom de son entreprise et qu’elle voulait détenir le nom commercial.

[62] La prestataire a déclaré qu’elle n’avait aucun matériel pour l’entreprise, aucun espace de travail, ni aucune dépense mis à part l’enregistrement.

[63] J’estime que le capital investi dans l’entreprise est faible et que cela justifie un lien limité avec le travail indépendant.

Réussite ou échec financiers de l’emploi ou de l’entreprise

[64] Le travail indépendant de la prestataire se faisait principalement au sein de l’entreprise du payeur. Les factures et les renseignements sur la paie montrent que la prestataire a continuellement gagné de l’argent grâce à cet emploi entre juin 2011 et avril 2012.

[65] Comme la prestataire a pu toucher un revenu constant, j’estime que l’entreprise a connu une réussite financière. Cela justifie un lien étroit avec le travail indépendant.

Maintien de l’emploi ou de l’entreprise

[66] Bien que la prestataire n’a pas continué à exploiter son entreprise, j’estime qu’elle le faisait de manière constante pendant la période pertinente. Il ne s’agit pas d’une situation où la prestataire a donné quelques séances d’entraînement et n’avait pas l’intention de continuer, mais d’une longue période pendant laquelle la prestataire a cherché à lancer et à maintenir une entreprise de conditionnement physique comme activité principale. Cela signifie qu’il y avait un maintien de l’emploi. Cela justifie un lien étroit avec le travail indépendant.

Nature de l’emploi ou de l’entreprise

[67] Ce facteur « permet de vérifier s’il y a un lien quelconque entre l’emploi perdu et l’entreprise que [la] prestataire exploite. Si l’emploi perdu est similaire à l’activité exercée dans l’entreprise, cela peut indiquer que l’emploi n’était qu’une étape dans le lancement de l’entrepriseNote de bas de page 27. »

[68] L’emploi de la prestataire, avant de commencer à travailler pour son compte en juin 2011, consistait à travailler dans un centre de conditionnement physique en tant qu’entraîneuse et instructrice. Il s’agit du même type d’emploi qu’elle occupait lorsqu’elle travaillait pour son compte.

[69] J’estime que le travail indépendant de la prestataire est sensiblement semblable à son emploi précédent. Cela justifie un lien étroit avec le travail indépendant.

Intention et volonté de la prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi

[70] La prestataire a déclaré que lorsqu’elle ne donnait pas de cours de conditionnement physique, elle cherchait un autre emploi. Elle a dit qu’elle avait postulé pour de nombreux emplois et qu’elle avait finalement décidé d’améliorer ses compétences en retournant à l’école dans l’espoir d’obtenir un emploi différent ou meilleur.

[71] Bien que la prestataire a affirmé qu’elle avait postulé pour de nombreux emplois, elle n’a présenté aucun élément de preuve des emplois en question. De plus, elle est finalement retournée aux études au lieu de se trouver un emploi. J’estime que l’intention de la prestataire était de lancer son entreprise indépendante de conditionnement physique alors qu’elle travaillait pour le payeur, car la preuve montre qu’elle a enregistré le nom d’une entreprise et qu’elle rencontrait régulièrement sa clientèle sur le lieu de travail du payeur, en plus de donner des cours de conditionnement physique. J’estime donc qu’entre juin 2011 et avril 2012, la prestataire avait l’intention d’exploiter son entreprise indépendante et qu’elle n’était pas disposée à chercher et à accepter sans tarder un autre emploi.

[72] La Loi sur l’AE est conçue pour procurer un soulagement temporaire aux personnes au chômage qui cherchent activement un autre emploi. Elle ne peut pas être utilisée pour subventionner les personnes qui lancent leur propre entrepriseNote de bas de page 28. Après avoir tenu compte des six facteurs prévus dans le Règlement sur l’AENote de bas de page 29, j’estime que la prestataire n’a pas prouvé que son niveau d’engagement était assez bas ou de mesure si limitée que cet emploi ne constituerait pas normalement son principal moyen de subsistance.

[73] La prestataire a déclaré qu’elle passait environ 25 heures par semaine à travailler, ce qui, selon moi, correspondait à une réussite financière et au maintien de l’emploi. Bien que le niveau d’engagement de la prestataire dans l’entreprise était limité, la nature de son emploi indépendant est sensiblement semblable à la nature de son ancien emploi à temps plein. Cela peut signifier que son emploi antérieur était une étape dans le lancement de son entreprise indépendante, ce qui, à mon avis, est plus que probablement le cas parce que l’emploi antérieur et le travail indépendant sont semblables.

[74] Enfin, je ne suis pas convaincue que la prestataire était disposée à chercher et à accepter sans tarder un autre emploi parce que j’estime que la preuve appuie plus fortement le fait qu’elle voulait lancer son entreprise indépendante. Il s’ensuit que l’exception prévue à l’article 30(2) du Règlement sur l’AE ne peut s’appliquer au travail indépendant de la prestataire. La prestataire travaillait pendant des semaines complètes. Cela signifie que les prestations ne peuvent être versées à la prestataire, car elle n’a pas eu de semaines de chômage.

Analyse – Pénalité

[75] La Commission peut infliger une pénalité à la prestataire, si celle-ci fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuseNote de bas de page 30.

[76] Il ne suffit pas que la déclaration ou l’omission soit fausse ou trompeuse; la prestataire doit avoir fait sciemment la déclaration ou l’affirmation fausse ou trompeuse. Le terme « sciemment » signifie que la prestataire savait que l’information fournie était inexacte lorsqu’elle a fait la déclaration et ne dénote aucune intention de tromperNote de bas de page 31.

[77] La Commission a la responsabilité de démontrer que la déclaration ou l’affirmation est fausse ou trompeuse et que la prestataire savait qu’elle était fausse ou trompeuseNote de bas de page 32. Si elle en fait la démonstration, il revient alors à la prestataire de démontrer que les déclarations n’ont pas été faites sciemment.

[78] La Commission dispose du pouvoir discrétionnaire d’imposer une sanction pécuniaire et de décider du montant de la pénalitéNote de bas de page 33. Cela signifie que la Commission peut établir la pénalité au montant qu’elle juge approprié. Je dois examiner la façon dont la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire. Je peux seulement modifier le montant de la pénalité si je décide d’abord que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a établi le montantNote de bas de page 34.

[79] Si la Commission a agi de mauvaise foi ou pour un motif illégitime, qu’elle a pris en considération des facteurs non pertinents ou qu’elle a omis de prendre en compte des facteurs pertinents, ou bien si elle a agi de manière discriminatoire, alors elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 35. Si je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, je peux rendre la décision que la Commission aurait dû rendre.

[80] Dans les affaires de ce genre, je respecte habituellement le pouvoir discrétionnaire de la Commission d’imposer une pénalité. Je reconnais aussi qu’il est établi dans la jurisprudence que, dans les circonstances mentionnées précédemment, je peux modifier une pénalité, mais je ne peux pas l’annuler si je conclus que la décision de la Commission d’imposer la pénalité reposait sur un fondement juridiqueNote de bas de page 36.

Question en litige no 3 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en imposant une pénalité à la prestataire?

La prestataire a-t-elle fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses à la Commission?

[81] J’estime que la prestataire a fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses à la Commission.

[82] La prestataire a parlé à la Commission le 10 septembre 2012. La Commission lui a demandé pourquoi elle n’avait pas déclaré de revenus lorsqu’elle touchait des prestations d’AE en 2011 si elle avait travaillé de juillet à décembre 2011. La prestataire a répondu que des revenus [traduction] « devraient » être déclarés et qu’elle [traduction] « se pencherait sur la question ».

[83] Le 4 décembre 2012, la Commission a envoyé une lettre à la prestataire confirmant la décision de l’ARC selon laquelle la prestataire avait travaillé pour son compte du 13 juillet 2011 au 3 avril 2012. La Commission a noté que la prestataire avait reçu des prestations d’AE du 13 juillet 2011 au 31 décembre 2011 et elle lui a demandé d’expliquer la raison pour laquelle elle n’avait pas déclaré son travail indépendant ni ses revenus dans les déclarations bimensuelles de l’AE pendant la période où elle touchait des prestations d’AE.

[84] Selon les notes de la Commission, datées du 29 avril 2013, la prestataire n’a pas répondu à la lettre. La Commission a donc jugé que la prestataire avait sciemment fait 13 affirmations fausses et trompeuses.

[85] La Commission a rendu une décision le 29 avril 2013 selon laquelle la prestataire avait sciemment fourni des informations fausses ou trompeuses à 13 occasions alors qu’elle touchait des prestations d’AE en 2011. Elle lui a imposé une pénalité de 3 404 $ pour les 13 fausses affirmations.

[86] La Commission a maintenu sa conclusion dans une décision découlant de la révision datée du 19 juillet 2013.

[87] À l’audience, le représentant a affirmé que la prestataire pensait être une employée. Elle ne croyait donc pas avoir été malhonnête lorsqu’elle a déclaré qu’elle n’était pas une travailleuse indépendante. Il a aussi dit qu’elle n’avait pas été rémunérée pour son travail et qu’elle avait dû poursuivre le payeur en justice pour obtenir sa rémunération. Le représentant a soutenu que la Commission avait [traduction] « demandé à la prestataire de déclarer des gains qu’elle n’avait pas reçus et qu’il ne s’agissait pas d’un revenu tant qu’elle n’avait pas obtenu l’argent ». Le représentant a affirmé que la prestataire travaillait pendant la période pertinente, mais qu’elle pensait que si elle n’avait pas été rémunérée, elle n’avait pas à déclarer les heures travaillées.

[88] Le représentant a ajouté que [traduction] « la plupart des gens » qui remplissent les déclarations bimensuelles de l’AE ne lisent pas les questions au complet et passent simplement aux réponses. Il a déclaré que la prestataire n’avait pas intentionnellement induit la Commission en erreur, mais qu’elle n’avait pas bien compris les questions. Il a dit qu’à ce moment-là, la prestataire n’avait pas été rémunérée et que cela lui avait causé de graves problèmes financiers.

[89] Je ne suis pas d’accord avec les observations du représentant sur ces points. Bien qu’il soutienne que la prestataire n’avait pas été rémunérée et qu’elle n’a donc pas fait de fausses déclarations étant donné qu’elle n’avait pas encore de revenu, j’estime que les déclarations bimensuelles sont claires. Voici ce qu’elles demandent : [traduction] « Avez-vous travaillé ou reçu une rémunération au cours de cette période de déclaration? Cela comprend si vous n’avez pas encore été ou ne serez pas rémunérée pour ce travail ou si vous avez travaillé à votre compte. » Lorsque la prestataire a répondu « non », j’estime qu’elle savait qu’elle fournissait de fausses informations, car elle savait qu’elle travaillait et qu’elle serait rémunérée. Une rémunération ne devient pas un revenu uniquement lorsqu’elle est versée à une partie prestataire, comme l’a précisé le représentant, mais elle est payée lorsque le travail est accompli et elle doit être déclarée à la Commission lorsque la partie prestataire demande des prestations d’AE.

[90] Le formulaire de demande de prestations d’AE du 15 juillet 2011 indique que la prestataire a la responsabilité de déclarer tout emploi, qu’elle travaille pour son compte ou pour une autre personne, et de déclarer avec exactitude tout revenu d’emploi avant déductions dans la ou les semaines au cours desquelles il a été gagnéNote de bas de page 37. La prestataire ne l’a pas fait. Son représentant soutient que la plupart des gens survolent simplement les déclarations bimensuelles et ne lisent pas tout. Dans ce cas, tout ce qui m’importe est ce que la prestataire a fait. J’estime que la prestataire n’a pas déclaré ses revenus d’emploi lorsqu’elle a demandé des prestations d’AE. Le fait qu’elle n’ait pas réellement reçu de rémunération au moment où elle a effectué ses heures de travail n’est pas pertinent au fait qu’elle n’a pas déclaré ses heures dans la déclaration bimensuelle.

[91] J’ai examiné la jurisprudence en la matière. Selon la Loi sur l’AENote de bas de page 38, la Commission peut imposer une pénalité si la partie prestataire a fait « sciemment » une déclaration fausse ou trompeuse concernant une demande de prestations d’AE. La Cour d’appel fédérale a expliqué que l’interprétation du terme « sciemment » nécessite un critère subjectif pour décider si les connaissances requises existaientNote de bas de page 39. Dans le cas présent, j’estime que la prestataire savait qu’elle donnait des informations erronées à la Commission.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a calculé le montant de la pénalité?

[92] J’estime que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a calculé le montant de la pénalité. Par conséquent, j’estime que la pénalité doit être réévaluée en tenant compte de tous les éléments de preuve de la prestataire.

[93] Le dossier montre que la Commission a constaté qu’il s’agissait de la première infraction de la prestataire. La Commission a également noté qu’elle avait donné l’occasion à la prestataire de s’expliquer et de fournir des circonstances atténuantes entourant les raisons pour lesquelles elle n’avait pas déclaré ses revenus, pour lesquelles elle travaillait pour son compte et pour lesquelles elle était retournée aux études. Toutefois, la prestataire n’a pas répondu. En se fondant sur cela, la Commission a imposé une pénalité équivalant à 50 % du trop-payéNote de bas de page 40.

[94] La prestataire a envoyé une lettre avec sa demande de révision. La lettre confirme qu’elle donnait des cours de conditionnement physique vers la fin de 2011 et qu’elle n’avait pas reçu la totalité de son salaire pour ces cours. Elle a donc dû se tourner vers la Cour des petites créances. La prestataire a déclaré ne pas avoir déclaré ses revenus à la Commission parce qu’il y avait un jugement en suspens devant la cour provinciale des petites créances.

[95] La Commission a tenté de communiquer avec la prestataire, mais elle a seulement pu s’entretenir avec son représentant. À l’époque, comme la Commission n’avait pas l’autorisation de discuter du cas avec lui, aucun nouvel élément de preuve n’a été fourni. Les notes de la Commission révèlent que la Commission a examiné la lettre de la prestataire qui accompagnait la demande de révision. Cependant, la Commission a jugé qu’il n’y avait aucune nouvelle information qui pouvait modifier sa décision. Selon ses notes, le fait que la prestataire ait confirmé qu’elle travaillait et qu’elle n’avait pas déclaré ses revenus alors qu’elle était à l’emploi n’aide pas son cas. La Commission a conclu qu’il n’y avait rien au dossier lui permettant de modifier sa décision.

[96] Après que la Commission a rendu sa décision découlant de la révision, la prestataire a soumis des documents indiquant que son époux avait de nombreux problèmes de santé et qu’il avait été considéré comme étant invalide. Elle a ajouté qu’elle faisait une dépression et qu’elle était atteinte du trouble déficitaire de l’attention. Elle a précisé que la perception du trop-payé et de la pénalité causait de graves problèmes financiers à sa famille.

[97] Rien ne prouve que la Commission a examiné la preuve de la prestataire concernant la situation médicale et financière de sa famille lorsqu’elle a imposé la pénalité. Même si ces renseignements ont été présentés à la Commission après que la décision découlant de la révision a été rendue, j’estime que je peux en tenir compte. La Cour d’appel fédérale a jugé que tout élément de preuve supplémentaire n’ayant pas été porté à la connaissance de la Commission peut être présenté au Tribunal. De plus, si les éléments de preuve sont pertinents et n’ont pas été examinés, cela signifie que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctementNote de bas de page 41.

[98] La Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement, car elle n’a pas tenu compte des facteurs atténuants. Selon moi, cela signifie que je peux rendre la décision que la Commission aurait dû rendre.

[99] La Commission a imposé une pénalité s’élevant à 50 % du trop-payé net puisqu’il s’agissait de la première infraction de la prestataire. Cela signifie que la Commission a multiplié le trop-payé de 6 808 $ par la réduction de 50 % pour arriver à la pénalité de 3 404 $. Cependant, la Commission n’a pas tenu compte des circonstances atténuantes que la prestataire a mentionnées. Parmi celles-ci, notons les difficultés financières extrêmes liées à la pénalité, les problèmes liés à l’état de santé de son époux et à son incapacité de travailler, et le fait que la prestataire soit la principale source de revenu de son foyer.

[100] Lorsque la Commission impose une pénalité, j’estime que son intention est d’envisager un montant supérieur à zéro et que le droit est conçu pour imposer un certain degré de sanction pécuniaire à la partie prestataire. Les tribunaux ont conclu que le pouvoir de modifier le montant d’une pénalité compte tenu des circonstances atténuantes n’équivaut pas à réduire le montant à zéro, ce qui revient à n’imposer aucune pénalité. En réalité, cela constitue une usurpation de pouvoir qui appartient exclusivement à la Commission. Lorsque le critère de responsabilité est rempli et que le pouvoir de la Commission d’imposer une sanction pécuniaire n’est pas remis en question, les circonstances dans lesquelles la partie prestataire fait sciemment de fausses affirmations peuvent seulement, tout au plus, réduire le montant de la pénalité, sauf si ces circonstances sont extrêmesNote de bas de page 42.

[101] J’estime qu’il s’agit d’un cas où le fait d’éliminer la sanction pécuniaire est approprié. La prestataire a un autre dossier que j’ai examiné et tranché séparémentNote de bas de page 43. Bien que les questions soient semblables à celles dans le cas présent, les événements se situent cinq ans plus tard. Dans ce cas, une pénalité de 2 907 $ avait été imposée à la prestataire, ce qui équivalait à une pénalité de 100 %. Après s’être rendu compte que les incidents faisant l’objet de l’appel actuel étaient survenus plus de cinq ans auparavant, la Commission a modifié cette pénalité à 50 %, car cela n’était pas considéré comme un deuxième incident. Puis, la Commission a finalement réduit la pénalité à une simple lettre d’avertissement. Elle en a décidé ainsi parce qu’elle n’avait pas tenu compte des circonstances atténuantes de la prestataire, notamment la maladie et l’invalidité de son époux, et le fait que la prestataire était la principale source de revenu de son foyer.

[102] Parallèlement, dans le cas présent, une pénalité équivalant à 50 % du trop-payé a été imposée à la prestataire pour une première infraction, ce qui représente une somme de 3 404 $. J’estime que, compte tenu des différentes circonstances atténuantes et des difficultés financières causées par la pénalité, celle-ci devrait être réduite à une lettre d’avertissement. De plus, cela est conforme au traitement que la Commission a accordé à l’autre dossier semblable de la prestataire. Bien que je reconnaisse que la prestataire a fait une fausse déclaration concernant sa rémunération et qu’une pénalité devrait avoir un effet dissuasif, j’estime que les circonstances atténuantes sont suffisantes pour éliminer la sanction pécuniaire et la remplacer par une simple lettre d’avertissement. Toutefois, la lettre d’avertissement est tout de même un type de pénalité. L’élimination de la sanction pécuniaire n’élimine donc pas la violation.

Analyse – Violation

[103] La Commission peut émettre un avis de violation dans les cas où une pénalité a été imposéeNote de bas de page 44. La violation augmente le nombre d’heures d’emploi assurable nécessaires pour présenter une demande de prestations. Dans le cas présent, j’estime qu’une lettre d’avertissement a été remise en guise de pénalité.

Question en litige no 4 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en émettant un avis de violation à la prestataire?

[104] Un avis de violation a été émis à la prestataire parce que la Commission a jugé que la prestataire avait fait de fausses déclarations. En effet, la prestataire a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs en omettant de déclarer son travail indépendant et ses revenus alors qu’elle touchait des prestations d’AE en 2011Note de bas de page 45.

[105] Comme la prestataire a sciemment fait de fausses déclarations à la Commission, celle-ci a le pouvoir de décider si un avis de violation devrait être émis. La décision d’imposer une violation est discrétionnaire, tout comme le fait d’établir le montant de la pénalité. Je dois donc examiner la façon dont la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a décidé d’imposer un avis de violation de la même manière que j’ai examiné la façon dont elle a établi le montant de la pénalité. Je peux généralement modifier la conclusion de la Commission concernant cette question seulement si j’estime que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire en émettant l’avis de violation.

[106] La fausse déclaration de la prestataire a entraîné un trop-payé totalisant plus de 5 000 $Note de bas de page 46. Par conséquent, la Commission a jugé que la prestataire avait commis une violation très graveNote de bas de page 47. L’avis de violation a eu pour effet d’augmenter le nombre d’heures d’emploi assurable dont la prestataire aurait besoin pour établir une demande de prestations d’AE pour les cinq années suivantes ou pour ses deux prochaines demandes admissibles, selon la première des deux éventualités.

[107] Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, j’estime que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire en émettant l’avis de violation. La prestataire avait des circonstances atténuantes dont la Commission n’a pas tenu compte. Toutefois, comme j’ai remplacé la pénalité par une lettre d’avertissement, la violation est maintenant une violation non qualifiée. Cela signifie qu’elle n’augmente pas en soi le nombre d’heures d’emploi assurable nécessaires pour établir une demande subséquente de prestations d’AENote de bas de page 48.

[108] Par conséquent, j’estime que la violation est réduite à une violation non qualifiée.

Autres questions en litige

[109] Dans le dossier, la prestataire a exprimé sa frustration de ne pas avoir été autorisée à fournir des éléments de preuve à la Commission avant que celle-ci ne rende la décision découlant de la révision. J’estime que ce n’est pas le cas. La Commission a communiqué avec la prestataire le 11 juillet 2013 et a demandé à l’époux de la prestataire que celle-ci la rappelle. Son époux a affirmé qu’il pouvait discuter des questions étant donné qu’il était autorisé à représenter la prestataire. La Commission a noté que l’autorisation écrite ne figurait pas au dossier, mais qu’elle devait tout de même s’entretenir directement avec la prestataire.

[110] Selon les notes au dossier de la Commission, datées du 19 juillet 2013, la prestataire n’a pas rappelé la Commission et ne lui a pas laissé de message. La Commission a également noté qu’il n’y avait pas d’appels manqués dont elle ne reconnaissait pas le numéro. Elle a écrit que cela signifiait que la prestataire ne l’avait pas rappelée. Les notes de la Commission précisent que le dossier ne contenait aucun nouveau renseignement permettant de modifier la décision. La Commission a accordé de l’importance au fait que la prestataire n’avait déclaré aucun de ses revenus alors qu’elle travaillait en 2011, et qu’elle n’avait pas fait appel de la décision de l’ARC selon laquelle elle était une travailleuse indépendante.

[111] Après que la prestataire a déposé la demande préventive de permission de faire appel à la division d’appel le 10 décembre 2013, la correspondance suivante au dossier est une lettre que la prestataire a envoyée à la Commission le 21 janvier 2016. Dans la lettre, la prestataire fait référence à différentes conversations qu’elle a eues avec l’ARC et demande à la Commission de suspendre la saisie-arrêt de son salaire et de réexaminer le dossier. La Commission s’est entretenue avec l’époux de la prestataire le 10 février 2016 en tentant de communiquer avec elle. Son époux a déclaré que la prestataire travaillait.

[112] Au cours de la même conversation, la Commission a demandé le numéro de téléphone de la prestataire au travail, mais son époux a refusé de lui donner. Il a dit qu’il était autorisé à discuter du cas de son épouse, mais la Commission a noté qu’elle ne disposait d’aucun document à l’appui. L’époux de la prestataire a ensuite ajouté qu’il avait déposé les documents auprès de l’ARC, et non auprès de la Commission. La Commission a déclaré qu’elle ne pouvait pas se servir de l’autorisation de l’ARC. Elle a demandé à la prestataire de remplir l’un de ses formulairesNote de bas de page 49. La Commission a de nouveau demandé à l’époux de la prestataire de lui dire de la rappeler, et il a répondu que la prestataire le ferait le lendemain. La prestataire n’avait toujours pas communiqué avec la Commission en date du 12 février 2016.

[113] J’estime que la prestataire a eu de nombreuses occasions de faire part de sa position à la Commission. Au cours de l’enquête initiale, la prestataire a discuté avec un enquêteur le 10 septembre 2012, qui lui a demandé pourquoi elle n’avait pas déclaré de revenus dans ses déclarations bimensuelles de l’AE de 2011. La prestataire a répondu que des revenus auraient dû être déclarés et qu’elle se pencherait sur la question. Dans sa correspondance suivante, une lettre datée du 12 septembre 2013, la prestataire n’a pas abordé le sujet. Je reconnais que la prestataire n’a peut-être pas reçu la lettre de la Commission du 4 décembre 2012 lui demandant d’expliquer pourquoi elle n’avait pas déclaré ses revenus de 2011 dans ses déclarations bimensuellesNote de bas de page 50, mais la prestataire était au courant de la situation parce qu’elle avait parlé à un enquêteur de la Commission.

[114] Après que la prestataire a demandé une révision, la Commission a laissé un message à l’époux de la prestataire le 11 juillet 2013 lui demandant de la rappeler. La prestataire n’a pas rappelé la Commission. La Commission s’est également entretenue avec l’époux de la prestataire en février 2016. La Commission a tenté de discuter avec la prestataire, mais son époux a refusé de lui donner ses coordonnées au travail. Il a déclaré que son épouse rappellerait la Commission le lendemain, mais elle ne l’a pas fait.

[115] Même si la Commission a discuté avec l’époux de la prestataire, j’estime que, selon la prépondérance des probabilités, il est plus probable qu’improbable que le message a été communiqué à la prestataire. Je tire cette conclusion compte tenu de la participation active de l’époux de la prestataire au dossier, de la déclaration qu’il a faite à la Commission selon laquelle il a écrit la demande de révision, ainsi que de sa participation à l’audience en tant que représentant. J’estime qu’il serait très peu probable qu’il n’ait pas dit à la prestataire que la Commission tentait de communiquer avec elle pour obtenir des renseignements supplémentaires.

[116] Compte tenu de ces nombreuses tentatives de communication, j’estime que l’observation de la prestataire selon laquelle elle n’a pas eu l’occasion de présenter des arguments est sans fondement.

[117] À l’audience, le représentant a soutenu que la Commission ne devrait pas avoir le droit de remonter autant d’années en arrière et de s’attendre à ce que la prestataire rembourse les prestations. Il a affirmé qu’il existe des lois provinciales sur la prescription qui limitent le temps dont dispose la Couronne pour déposer des accusations contre une personne accusée et qu’il s’agit d’une situation semblable.

[118] Le délai de prescription dans le cas présent est prévu par la Loi sur l’AE et n’est pas le même que celui établi par les lois provinciales. Selon la Loi sur l’AE, toute partie prestataire est tenue de rembourser à la Commission les prestations qu’elle lui a versées, mais auxquelles elle n’était pas admissibleNote de bas de page 51. La Loi sur l’AE prévoit aussi que toute somme à payer en application de l’article 43 constitue une dette envers la Couronne et est recouvrable devant la Cour fédérale ou tout autre tribunal compétent ou de toute autre manière prévue par la Loi sur l’AENote de bas de page 52. Selon la Loi sur l’AE, aucune somme due en application de cet article ne peut être recouvrée plus de 72 mois après la date de début de la detteNote de bas de page 53.

[119] Cependant, la date de début de la dette n’est pas la date à laquelle les prestations ont été versées. La Cour d’appel fédérale a confirmé que la date à laquelle la Commission informe la partie prestataire de la somme à rembourser détermine le point de départ de la période de prescription pour le recouvrement de la detteNote de bas de page 54.

[120] La Commission peut examiner à nouveau toute demande dans les 72 mois suivant le moment où une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse a été faite concernant la demandeNote de bas de page 55. Lorsque la Commission juge qu’une personne a reçu des prestations d’AE auxquelles elle n’était pas admissible, elle doit calculer le montant du trop-payé et en informer la partie prestataire. Dans le cas présent, un avis de dette a été émis le 4 mai 2013.

[121] Cette somme est toutefois remboursable au titre de l’article sur les dettes à la Couronne, mentionné précédemmentNote de bas de page 56. Ces deux articles vont de pair. Dans le cas présent, l’article 52 de la Loi sur l’AE permet de réviser une demande dans un délai de 72 mois lorsqu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite, et l’article 47 accorde à la Commission 72 mois pour récupérer le trop-payé. Cela signifie qu’en tout, la Commission dispose de 144 mois, ou 12 ans, pour récupérer le trop-payé dans le cas présentNote de bas de page 57.

[122] Comme mentionné précédemment, le délai pour récupérer le trop-payé est prévu par la loi, et la Commission est en droit de demander le recouvrement des prestations versées en trop.

Conclusion

[123] L’appel est accueilli en partie. Je conclus que la prestataire travaillait pour son compte et qu’elle faisait des semaines entières de travail au cours de la période pertinente. Cela signifie qu’elle est inadmissible aux prestations régulières d’AE.

[124] Je conclus également que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en imposant la pénalité. Comme j’ai le pouvoir de rendre la décision que la Commission aurait dû rendre, j’ai remplacé la pénalité par une lettre d’avertissement. Cette nouvelle décision a pour effet de réduire automatiquement l’avis de violation à une violation non qualifiée.

 

Date de l’audience :

Le 20 décembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

E. C., appelante

S. C., représentant de l’appelante

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