Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire n’a pas montré qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi.

Aperçu

[2] La prestataire travaillait comme assistante en éducation pour une école près de chez elle. Peu après avoir commencé à travailler, l’employeur lui a dit qu’elle était affectée à une autre école ailleurs dans la ville. La prestataire ne pouvait pas se rendre à l’autre école en raison de limitations médicales. Elle a pris plusieurs semaines de congé de maladie et a ensuite quitté son emploi puisque son employeur ne voulait pas lui offrir de mesures d’adaptation.

[3] La prestataire a présenté une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi (AE), puis a demandé que sa demande soit convertie en prestations régulières lorsque ses prestations de maladie ont pris fin. La Commission a décidé que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi et était donc dans l’impossibilité de lui verser des prestations régulières. La prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’elle sentait qu’elle devait quitter son emploi puisque l’employeur insistait pour qu’elle travaille dans une autre école alors qu’elle n’était pas capable de s’y rendre pour des raisons médicales.

Ce que je dois trancher

[4] Je dois établir si la prestataire est exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a volontairement quitté son emploi sans justification. À cette fin, je dois d’abord me pencher sur la question du départ volontaire de la prestataire. Je dois ensuite décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Motifs de ma décision

Personne ne conteste que la prestataire a volontairement quitté son emploi

[5] J’accepte que la prestataire a volontairement quitté son emploi. La prestataire reconnaît qu’elle a quitté son emploi (de façon volontaire) le 9 octobre 2019. Je ne vois aucun élément de preuve venant contredire ceci.

Les parties contestent que la prestataire était fondée à quitter son emploi

[6] Les parties ne s’entendent pas sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait. J’estime que la prestataire était fondée à quitter son emploi parce qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de démissionner.

[7] Selon la loi, une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationFootnote 1. Une personne n’a une justification que si, en tenant compte de toutes les circonstances, elle n’avait aucun autre choix raisonnable que de démissionnerFootnote 2. Il incombe au prestataire de le prouverFootnote 3.

[8] Avoir une bonne raison de quitter son emploi ne suffit pas pour prouver qu’on était fondé à le faire. La prestataire doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. Pour trancher cette question, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment où la prestataire a démissionné.

Circonstances au moment de la démission de la prestataire

[9] La prestataire travaillait comme assistante en éducation pour une école près de chez elle. Lors de l’audience, elle a affirmé qu’elle avait travaillé pour le conseil scolaire dans différentes écoles au cours des six dernières années. Elle a fait une entrevue pour le poste à l’école près de chez (que j’appellerai école A) elle et a obtenu l’emploiFootnote 4.

[10] La prestataire a commencé à travailler à l’école A le 20 août 2019. Pendant les deux premières semaines, elle travaillait dans différentes classes pour aider les élèves et bâtir des liens. Elle a témoigné que dans la semaine débutant le 9 septembre 2019, le directeur de l’école est revenu de congé et l’a informé qu’elle n’était pas censée travailler dans cette école. Elle a plutôt été affectée à une autre école plus loin dans la ville. Je vais appeler cette école l’école BFootnote 5.

[11] La prestataire a dit qu’elle a immédiatement informé le directeur qu’elle était incapable de se rendre à l’autre bout de la ville en raison de problèmes médicaux. Elle affirme que le directeur insistait pour dire qu’il n’y avait pas de poste pour elle à l’école A et qu’elle devrait travailler à l’école B. La prestataire a témoigné qu’elle a tenté de se rendre à l’école B pour travailler, mais que les déplacements l’avaient plongée dans un état de détresse mentale grave. Lorsqu’elle est arrivée à l’école, elle était trop émotive et traumatisée pour travailler. Le personnel de l’école lui a dit de rentrer chez elle, puisqu’elle n’était pas capable de travailler dans son état.

[12] La prestataire a dit qu’elle a répété au directeur qu’elle ne pouvait pas travailler à l’autre école parce qu’elle ne pouvait pas conduire d’un bout à l’autre de la ville. Le directeur a organisé une réunion avec la prestataire et son représentant syndical. Elle a dit que lors de la réunion, son représentant syndical a dit à l’employeur qu’elle devait avoir une note médicale pour appuyer sa demande de mesure d’adaptation.

[13] La prestataire a fourni de nombreuses notes médicales à la Commission et au Tribunal. J’ai résumé ces preuves ci-dessous :

  • Une note médicale datée du 18 septembre 2019. Cette note indique que la prestataire n’est pas apte au travail du 18 au 25 septembre 2019. Elle indique également que la prestataire est tenue de travailler dans un rayon de dix kilomètres autour de son domicile et qu’elle ne peut pas traverser la ville en voiture pour des raisons médicales.
  • Une note médicale datée du 25 septembre 2019. Cette note indique que la prestataire n’est pas apte au travail du 25 septembre au 4 octobre 2019. Elle indique également que la prestataire est tenue de travailler dans un rayon de dix kilomètres autour de son domicile et qu’elle ne peut pas traverser la ville en voiture pour des raisons médicales. Elle indique également qu’elle pourrait avoir besoin d’un congé supplémentaire, selon son psychologue.
  • Une note médicale datée du 3 octobre 2019. Cette note indique que la prestataire n’est pas apte au travail du 3 octobre au 3 novembre 2019. Elle indique qu’elle a besoin d’un à deux mois d’arrêt de travail, selon son psychologue.
  • Une note médicale datée du 28 novembre 2019. Cette note indique que la prestataire n’est pas apte au travail du 9 octobre 2019 jusqu’à nouvel ordre. Son médecin évalue son état tous les mois.
  • Une note médicale datée du 16 décembre 2019. Cette note indique que la prestataire n’est pas apte au travail jusqu’à nouvel ordre. Elle continue d’être évaluée tous les mois par son médecin.
  • Une note médicale datée du 20 janvier 2020. Elle indique qu’elle est en arrêt de travail pour raisons médicales jusqu’au 1er mars 2020.
  • Une note médicale datée du 24 février 2020. Cette note indique qu’elle s’est rendue à des rendez-vous en psychiatrie et chez un spécialiste en santé comportementale les 2 janvier, 29 janvier et 24 février 2020.
  • Un certificat médical pour les prestations de maladie de l’AE daté du 21 mars 2020. Le médecin qui a signé cette note écrit que la prestataire souffre d’anxiété, d’un possible TSPT (trouble de stress post-traumatique) et qu’elle prend des médicaments.

[14] La prestataire a déclaré qu’elle a fourni les notes datées du 18 septembre, du 25 septembre et du 3 octobre 2019 à son employeur. La prestataire a déclaré qu’elle espérait que l’employeur tienne compte de sa limitation en l’affectant à une école située dans un rayon de dix kilomètres de son domicile. Elle a parlé au conseiller en services de santé de l’employeur, qui lui a dit que ses fonctions ne comprenaient pas la conduite et que son incapacité à conduire ne constituait donc pas une limitation médicale à ses fonctions. La prestataire a témoigné qu’on lui avait dit de prendre son congé de maladie si elle ne pouvait pas travailler à l’école B.

[15] L’employeur a remis à la prestataire un formulaire daté du 30 septembre 2019, adressé au médecin de la prestataire. Ce formulaire indique que l’employeur a reçu la note du médecin selon laquelle la prestataire ne peut pas conduire à travers la ville pour des raisons médicales. Il indique ensuite que [traduction] « la conduite n’est pas une exigence du poste [de la prestataire] » et précise que les fonctions d’une personne occupant un poste d’assistant en éducation exigent qu’elle [traduction] « participe à des programmes spécialisés avec le ou les étudiants qui lui sont assignés ». Le formulaire demande ensuite au médecin d’indiquer les limitations médicales de la prestataire qui l’empêchent d’exercer les fonctions d’assistante en éducation. Au bas du formulaire, on peut lire ce qui suit : [traduction] « Veuillez noter qu’à son retour au travail, la prestataire doit se présenter à… [École B] avec son élève. » La prestataire a déclaré avoir remis cette note à son médecin, qui l’a remise à l’employeur le même jour.

[16] La prestataire a déclaré avoir reçu un diagnostic de trouble anxieux, de trouble de stress post-traumatique (TSPT) et de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Elle suivait un traitement médical auprès d’un psychologue pour ces problèmes, mais son psychologue était parti en vacances peu avant ces événements. Le psychologue de la prestataire lui avait dit de ne prendre aucune décision pendant ses vacances. Toutefois, la prestataire a déclaré qu’elle avait l’impression que son employeur lui mettait de la pression pour qu’elle prenne une décision.

[17] La prestataire a dit que le conseiller des services de santé aux employés l’appelait régulièrement pour lui dire qu’elle devait aller travailler à l’école B. Elle a eu l’impression que le conseiller insistait pour qu’elle prenne une décision immédiatement. Ils n’arrêtaient pas d’insister pour qu’elle travaille à l’école B, malgré ses notes médicales, mais elle savait qu’elle n’était pas médicalement en mesure de se rendre à cette école pour son travail.

[18] La prestataire a dit qu’elle avait l’impression de n’avoir aucun soutien. Elle a communiqué avec son représentant syndical, mais on lui a dit que tout ce qu’elle pouvait faire, c’était de demander à ce qu’on la place au bas d’une liste d’attente pour un autre poste dans le conseil scolaire.

[19] La prestataire a envoyé un courriel à l’employeur le 9 octobre 2019, pour l’informer qu’elle démissionnait. Elle a dit qu’elle avait l’impression de n’avoir aucune autre solution. Le conseiller des services de santé aux employés insistait constamment pour qu’elle prenne une décision, ce qui a accru son anxiété. Son psychologue était en vacances et ne pouvait pas l’aider à composer avec la pression mentale qu’elle subissait. Comme elle ne pouvait pas retourner au travail, elle a démissionné parce qu’elle ne voyait pas d’autre solution.

[20] En bref, les circonstances qui existaient au moment où la prestataire a démissionné sont qu’elle était affectée au travail à l’école B, ce qui l’obligeait à se déplacer à l’autre bout de la ville. Elle a des problèmes de santé permanents qui l’obligeaient à travailler à moins de dix kilomètres de chez elle. Elle a rencontré l’employeur et son représentant syndical pour demander des mesures d’adaptation pour ses problèmes de santé, mais l’employeur n’était pas disposé à le faire. Elle manquait également de soutien pour ses problèmes médicaux, car son psychologue était en vacances pendant cette période.

Solutions raisonnables

[21] La Commission affirme que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à elle au moment de sa démission. En effet, elle affirme qu’elle aurait pu prolonger son congé, d’abord en épuisant ses congés de maladie payés, puis en prenant des congés sans solde jusqu’à ce qu’elle ait droit à des prestations d’invalidité. Elle aurait également pu informer son employeur des limitations qui l’empêchaient d’exercer ses fonctions et demander l’intervention de son syndicat afin de maintenir son emploi. Enfin, la Commission indique que la prestataire aurait pu chercher un autre travail avant de quitter son emploiFootnote 6.

[22] La prestataire affirme que quitter son emploi était sa seule solution raisonnable parce qu’elle était médicalement incapable de faire la navette entre son domicile et son lieu de travail à l’école B. Elle a demandé à l’employeur de prendre des mesures d’adaptation, mais celui-ci n’était pas disposé à tenir compte de ses limitations. Elle avait également l’impression qu’elle ne pouvait pas penser clairement à ce moment-là en raison de la pression qu’elle subissait de son employeur pour qu’elle prenne une décision et de son manque de soutien parce que son psychologue était en vacances à ce moment-là.

[23] La prestataire a clairement indiqué que la raison pour laquelle elle a quitté son emploi était qu’elle était affectée à un travail dans une école qui l’obligeait à se rendre de l’autre côté de la ville. Elle ne pouvait pas faire ce trajet en raison de ses limitations médicales. J’accepte le témoignage de la prestataire selon lequel elle a tenté de parvenir à un accord avec l’employeur pour tenir compte de ses soucis de santé. J’estime également que le témoignage de la prestataire et les documents qui l’accompagnent montrent que l’employeur n’était pas disposé à tenir compte de sa limitation, qui l’obligeait à travailler dans un rayon de dix kilomètres de son domicile.

[24] La Commission a soutenu que la demande de l’employeur au médecin de la prestataire pour obtenir des informations sur ses limitations médicales indique que la prestataire n’a pas demandé de mesures d’adaptation pour son état de santé. Je ne suis pas d’accord avec cette interprétation du formulaire. Premièrement, je considère que la prestataire a fourni un témoignage franc et crédible concernant ses efforts pour obtenir des mesures d’adaptation à ses limitations médicales. Elle a déclaré avoir parlé de ses limitations médicales avec le directeur de l’école, le conseiller des services de santé aux employés et son représentant syndical, mais ils ont refusé de lui accorder une quelconque mesure d’adaptation. Deuxièmement, j’estime que la demande de l’employeur au médecin de la prestataire laisse entendre qu’une mesure d’adaptation ne lui serait pas offerte pendant l’année scolaire qui était en cours. Le formulaire laisse entendre que l’employeur a reçu les notes médicales de la prestataire indiquant qu’elle ne peut pas conduire plus de dix kilomètres pour se rendre au travail et indique ensuite que la conduite n’est pas une exigence du poste de la prestataire. Le formulaire indique également que la prestataire est tenue de se présenter à l’école B lors de son retour au travail.

[25] Le fait que les limitations médicales de la prestataire n’aient pas eu d’incidence sur son travail au sein de l’école est peu pertinent. Son état de santé l’empêchait de se rendre à l’école B pour y travailler. L’existence de cette limitation ressort clairement des notes du médecin datées du 18 septembre et du 25 septembre 2019, que l’employeur reconnaît avoir reçues. À mon avis, la demande de l’employeur d’obtenir des preuves supplémentaires de la manière dont les problèmes de santé de la prestataire limitaient sa capacité à travailler avec des élèves indique que l’employeur n’a pas considéré les limitations de la prestataire quant à la distance qu’elle pouvait parcourir pour se rendre au travail comme étant une limitation ayant une incidence sur son emploi. La déclaration selon laquelle la prestataire devait se présenter au travail à l’école B lors de son retour au travail confirme que l’employeur n’était pas disposé à tenir compte de la limitation médicale de la prestataire, à savoir qu’elle ne pouvait pas parcourir plus de dix kilomètres pour se rendre au travail.

[26] Comme l’employeur n’était pas disposé à fournir une mesure d’adaptation aux limitations médicales de la prestataire, j’estime que la prolongation de son congé n’était pas une solution raisonnable. L’employeur a indiqué qu’il s’attendait à ce que la prestataire continue à travailler à l’école B. Le congé n’aurait pas résolu le problème posé par l’incapacité de la prestataire à travailler dans cette école, étant donné que celle-ci se trouvait en dehors du rayon dans lequel elle était médicalement apte à se déplacer. Prendre un congé jusqu’à ce qu’elle ait droit à des prestations d’invalidité n’était pas une solution raisonnable, car la prestataire était capable de travailler dans les limites de ses restrictions médicales.

[27] J’estime également que la prestataire n’avait pas la possibilité raisonnable de conserver son emploi tout en cherchant un autre travail. La prestataire a témoigné qu’on lui avait diagnostiqué un trouble d’anxiété, un TSPT et un TDAH. La prestataire a déclaré que les circonstances entourant son affectation à l’école B, et la pression qu’elle a ressentie de la part du conseiller des services de santé aux employés pour retourner au travail ont augmenté son anxiété et lui ont rendu la tâche difficile. Son psychologue était en vacances pendant cette période et elle n’a pas pu obtenir le soutien de santé mentale dont elle avait besoin. Lors de son audience, elle a déclaré qu’elle avait le sentiment que son jugement était altéré en raison de son état de santé. Lorsqu’elle s’est sentie obligée par le conseiller des services de santé aux employés de prendre une décision, elle a pris la décision de démissionner parce qu’elle ne pouvait pas retourner au travail pour des raisons médicales.

[28] J’accepte le témoignage de la prestataire et les documents médicaux qui soutiennent qu’elle est atteinte de ces problèmes de santé et je trouve crédible que ses circonstances aient eu un impact négatif sur sa santé mentale. Pour cette raison, je considère que le maintien de son emploi pendant la recherche d’un autre emploi n’était pas une solution raisonnable pour la prestataire en raison de l’effet que son emploi avait sur son état de santé mentale.

[29] Au moment où la prestataire a démissionné de son poste, elle ne pouvait pas se rendre à son travail à l’école B pour des raisons médicales. Par conséquent, continuer à travailler n’était pas une option pour elle. Prendre un congé prolongé n’était pas une solution raisonnable non plus, car cela n’aurait pas résolu la question de son incapacité à travailler à l’école B. La prestataire a essayé de discuter de ses limitations médicales avec son employeur, mais celui-ci n’a pas proposé de mesures d’adaptation. Elle n’a pas eu accès aux services de santé mentale dont elle bénéficiait normalement, car son psychologue étant en vacances, et elle a eu l’impression que le conseiller des services de aux employés insistait pour qu’elle prenne une décision.

[30] Compte tenu de toutes les circonstances qui existaient au moment où la prestataire a volontairement quitté son emploi, je pense qu’il est plus que probable qu’improbable qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. Cela signifie qu’elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli. La prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi puisqu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de démissionner.

Date de l’audience :

Le 19 mai 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

R. B., appelante
J. S., personne représentant l’appelant

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