Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). L’exclusion de l’appelant du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 8 décembre 2019 n’est donc pas justifiée.

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme vendeur (commis aux ventes) pour l’employeur X (« l’employeur »), au cours de la période du 1er octobre 2015 au 2 décembre 2019 inclusivement, et a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement. L’employeur a indiqué avoir mis fin à l’emploi de l’appelant parce qu’il n’a pas respecté les consignes et les exigences de la franchise (X) après plusieurs avertissements et en raison de plaintes au sujet de son comportementNote de bas de page 1.

[3] Le 21 février 2020, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») avise l’appelant qu’il n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi à partir du 8 décembre 2019 parce qu’il a cessé de travailler pour l’employeur X, le 3 décembre 2019, en raison de son inconduiteNote de bas de page 2.

[4] L’appelant affirme avoir respecté les consignes et les exigences de l’employeur dans l’accomplissement de son travail. Il explique que lorsqu’il a effectué des transactions afin de permettre à des clients de bénéficier du prix spécial d’un article avant que ce prix spécial ne soit en vigueur sur l’article en question, il a respecté les consignes et les exigences de l’employeur à cet effet. Il affirme avoir reçu l’autorisation de l’employeur pour ce type de transactions, mais que celui-ci a évoqué cette raison pour le congédier. L’appelant fait valoir que les plaintes concernant son comportement ne sont pas fondées. Il soutient que l’employeur l’a congédié parce qu’il voulait se débarrasser de lui. Le 17 avril 2020, l’appelant conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent appel devant le Tribunal.

Questions en litige

[5] Je dois déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de Loi.

[6] Pour établir cette conclusion, je dois répondre aux questions suivantes :

  1. Quels sont les gestes reprochés à l’appelant?
  2. L’appelant a-t-il commis les gestes en question?
  3. Si tel est le cas, les gestes reprochés à l’appelant avaient-ils un caractère conscient, délibéré et intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ils seraient susceptibles d’entraîner la perte de son emploi?

Analyse

[7] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne que pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travailNote de bas de page 3.

[8] Il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. En d’autres mots, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 4.

[9] Pour qu’une conduite soit considérée comme une « inconduite » en vertu de la Loi, elle doit être délibérée ou si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 5.

[10] Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 6.

Quels sont les gestes reprochés à l’appelant?

[11] Dans le cas présent, les gestes reprochés à l’appelant sont les suivants :

  • Non-respect des consignes et des exigences de la franchise malgré plusieurs avertissements ;
  • Plaintes au sujet de son comportementNote de bas de page 7.

[12] Dans une déclaration faite à la Commission, en date du 2 décembre 2019, S. F., propriétaire du magasin X (l’employeur), explique que l’appelant a été congédié en raison de plaintes reçues de la part d’une employée du magasin et d’une cliente concernant le harcèlement sexuel que ce dernier leur a fait subir. Elle indique avoir averti l’appelant à plusieurs reprises à cet effet et l’avoir suspendu. L’employeur précise que le dernier événement, avant la fin de l’emploi de l’appelant, concernait le fait qu’il a effectué des transactions à l’encontre de la politique de l’entrepriseNote de bas de page 8.

[13] Dans sa déclaration du 25 mars 2020 à la Commission, S. F. explique que depuis qu’elle a repris les rênes du magasin à la fin de mai 2019, à la suite du décès de son mari et ce, jusqu’au moment du congédiement de l’appelant, elle n’a cessé de le corriger sur sa manière de travailler et le fait qu’il ne tenait pas compte des procédures et des règles. L’employeur précise que le lundi (25 novembre 2019), il s’est aperçu que l’appelant avait fait des ventes totalisant 8 000,00 $. L’employeur trouvait cela bizarre et a questionné l’appelant. Il indique que l’appelant lui a expliqué avoir finalisé des ventes concernant la promotion des fêtes. L’employeur lui a dit que c’était illégal de vendre des produits au prix d’une promotion avant que celle-ci ne soit en vigueur. L’employeur explique que la maison-mère des magasins X lui a confirmé que la façon de faire de l’appelant n’était pas permise au sein de l’entreprise puisqu’elle était illégale. L’employeur indique avoir perdu une somme de plus de 2 000,00 $ puisque les promotions ne lui ont pas été remboursées. L’employeur ajoute que de plus, des plaintes de harcèlement ont été faites contre l’appelantNote de bas de page 9.

[14] L’employeur a transmis à la Commission des documents relatifs au dossier d’emploi de l’appelant au cours de la période de mai 2019 à décembre 2019Note de bas de page 10, dont les documents suivants :

  1. Une note manuscrite de l’employeur, en date du 3 décembre 2019, indiquant qu’il a congédié l’appelant le même jour. Dans cette note, l’employeur explique avoir imposé des sanctions à l’appelant, les 3 et 4 octobre 2019. Il précise lui avoir imposé une suspension de deux semaines, soit du 21 octobre 2019 au 3 novembre 2019. L’employeur explique avoir rencontré l’appelant, en date du 30 octobre 2019, en lui précisant les points à corriger, mais qu’aucune amélioration n’avait été apportée. L’employeur indique que les courriels que lui a envoyés X, les 27 et 29 novembre 2019Note de bas de page 11, fournissent des explications sur les transactions effectuées par l’appelant et les pertes occasionnées pour le magasinNote de bas de page 12 ;
  2. Une lettre que l’employeur a adressée à l’appelant, en date du 17 octobre 2019, résumant son dossier disciplinaire depuis le 31 mai 2019 et lui annonçant que son emploi prenait fin le 17 octobre 2019Note de bas de page 13 ;
  3. Une note manuscrite de l’employeur, en date du 30 octobre 2019, indiquant qu’il a rencontré l’appelant le même jour. Cette note énonce des exigences auxquelles l’appelant doit se plier. Il a signifié son accord en signant cette noteNote de bas de page 14. Ces exigences sont : éviter le harcèlement, contribuer à une ambiance de travail agréable, porter son uniforme, respecter les employés ainsi que les clients, vendre les bons produits et éviter les retours et respecter les procédures. Ce document précise que les avertissements ainsi que les consignes déjà données à l’appelant demeurent et que ces consignes doivent être respectées en tout tempsNote de bas de page 15 ;
  4. Avertissements donnés à l’appelant quant au non-respect des politiques et des procédures, sanctions lui ayant été imposées et documents au sujet de plaintes dont il a été l’objet de la part d’une cliente (23 août 2019) et d’une employée du magasin (14 octobre 2019)Note de bas de page 16 ;
  5. Courriel de R. M., vice-président des opérations pour les magasins X, adressé à l’employeur, en date du 27 novembre 2019, demandant des explications au sujet de transactions effectuées par l’appelant entre le 14 et le 24 novembre 2019Note de bas de page 17 ;
  6. Courriel de R. M. adressé à l’employeur, en date du 29 novembre 2019, dans lequel il indique que selon les dires des employées qu’il a rencontrées le 29 novembre 2019, le comportement de l’appelant est totalement inapproprié. Il précise que selon ces employées, l’appelant est misogyne, raciste, sexiste, tient des propos totalement inacceptables et fait du harcèlement, parfois même devant les clients. R. M. indique que selon une employée (S.), l’appelant opère le magasin comme s’il était à lui, accorde des escomptes réguliers et qu’il est soupçonné de se servir dans la caisse. Il souligne que selon cette employée, depuis la suspension de l’appelant pour une période de deux semaines, son comportement est pire qu’avant et qu’elle est incapable de le contrôler. L’appelant ne fait qu’à sa tête et ignore les consignes. R. M. explique aussi que le 14 novembre 2019, l’appelant a vendu des rasoirs au prix spécial de 149,00 $, avant le début d’une promotion prévue le 25 novembre 2019, au lieu de les vendre au prix régulier de 249,00 $. Il précise que l’appelant a alors créé des mises de côté au prix spécial, a fait payer le montant en entier par les clients, leur a remis leurs rasoirs et a finalisé les transactions le 26 novembre 2019. R. M. spécifie que cette situation expliquait que des ventes totalisant 8 000,00 $ avaient été faites la journée du 26 novembre 2019. Il précise que la pratique de l’appelant n’était pas acceptable et est condamnée par X. R. M. explique à l’employeur qu’aucun rabais n’allait lui être versé pour ces ventes, de même que pour d’autres transactions semblables effectuées par l’appelantNote de bas de page 18.

[15] Dans une déclaration faite à la Commission, en date du 17 février 2020, R. M. explique que l’appelant a effectué des transactions qui ne peuvent être approuvées par l’industrie. Il affirme que la franchisée, S. F. (l’employeur), a été pénalisée financièrement pour des transactions illégales faites par l’appelantNote de bas de page 19.

L’appelant a-t-il commis les gestes en question?

[16] L’appelant reconnaît avoir effectué des transactions afin que des clients puissent bénéficier d’un prix spécial sur l’achat d’un article, avant que l’article ne soit en vente à ce prix spécial. Il soutient avoir reçu l’autorisation de faire ce type de transactions.

[17] L’appelant indique que les plaintes concernant son comportement ne sont pas fondées.

[18] Je dois maintenant déterminer si les gestes reprochés à l’appelant constituent de l’inconduite.

Les gestes reprochés à l’appelant avaient-ils un caractère conscient, délibéré ou intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ils seraient susceptibles d’entraîner la perte de son emploi?

[19] Non. Je considère que les gestes reprochés à l’appelant ne revêtaient pas un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant être assimilés à de l’inconduite au sens de la Loi.

[20] J’estime le témoignage de l’appelant crédible. Son témoignage est précis et sans contradictions. Il apporte plusieurs précisions concernant les transactions qui lui ont été reprochées et qui sont soutenues par la preuve au dossierNote de bas de page 20.

[21] Le témoignage de l’appelant et ses déclarations à la Commission indiquent les éléments suivants :

  1. L’appelant indique que l’employeur l’a congédié le 17 octobre 2019Note de bas de page 21. Il a rencontré la propriétaire du magasin, madame S. F., le 30 octobre 2019 et a ensuite réintégré son poste, le 4 novembre 2019. L’appelant a, dans les faits, été suspendu du 21 octobre 2019 au 3 novembre 2019. Il affirme qu’à la suite de sa rencontre avec l’employeur, il s’est engagé à respecter les directives énoncées dans le document qu’il a signé, en date du 30 octobre 2019Note de bas de page 22. Il affirme avoir tout fait ce que l’employeur lui a demandé en lien avec ces exigences et n’a eu aucun écart de comportementNote de bas de page 23 ;
  2. Les transactions que l’employeur lui a reproché d’avoir effectuées et qui ont mené à son congédiement consistaient à mettre de côté des articles pour des clients en leur demandant un acompte. Cet acompte correspondait au prix de vente de l’article en question lorsque, ultérieurement, cet article allait être en vente ou en rabais (ex. : demander un acompte de 149,98 $ pour un rasoir dont le prix régulier est de 249,99 $)Note de bas de page 24. L’appelant précise que des clients ont également pu repartir avec l’article ainsi mis de côté, mais que normalement ce n’était pas le cas. Il explique qu’après avoir effectué ces mises de côté, il finalisait les ventes lorsque le rabais sur cet article entrait en vigueur à partir d’une date précise, dans le cadre de la promotion. L’appelant souligne ne pas avoir vendu les articles en question en accordant le rabais avant la date de la promotion, mais qu’il a pris des acomptes. Il affirme que ce type de transactions était accepté afin de sauver des ventes. Il souligne avoir auparavant été propriétaire d’une franchise, comme le magasin où il a travaillé, et qu’il fait des mises de côté depuis plus de 30 ansNote de bas de page 25 ;
  3. L’appelant affirme que madame S. I., gérante du magasin et fille de la propriétaire, de même que l’assistante-gérante de ce magasin (M.), lui ont donné l’autorisation d’effectuer ce type de mises de côté et de finaliser les transactions au moment où ces articles allaient être en vente. Il souligne que la gérante et l’assistante-gérante lui ont donné carte blanche à cet effet et que les mises de côté pouvaient être faites comme cela avait été le cas l’année précédente (période des fêtes) ;
  4. L’appelant affirme que la propriétaire avait elle-même donné carte blanche à sa fille, la gérante du magasin, et à l’assistante-gérante pour la gestion des affaires du magasin. Il souligne que c’était la gérante qui prenait toutes les décisions. Elle était toujours dans le magasin et s’il survenait quelque chose, elle pouvait en parler à sa mère. Il soutient que la propriétaire ne sait pas comment gérer le magasin ni comment il roule. Tout repose sur sa fille. L’appelant précise que la propriétaire n’est pas toujours présente au magasin. Elle ne s’y rend qu’une fois aux quatre mois. L’appelant affirme que la propriétaire lui a indiqué que s’il avait quelque chose à demander, de le demander à sa fille. Il indique que c’est ce qu’il a fait concernant les mises de côté qu’il a effectuées et que celle-ci a dit ouiNote de bas de page 26 ;
  5. L’appelant affirme ne pas avoir reçu de directives ou d’avertissements de la part de la propriétaire quant au type de transactions, mais qu’elle a invoqué ce motif lorsqu’elle l’a congédié. Il précise que lors de son congédiement, elle lui a expliqué qu’il n’avait pas le droit de faire des mises de côté comme celles qu’il avait faites, soit deux semaines avant la date mentionnée par le bureau chef (siège social). L’employeur lui a aussi dit qu’il ne travaillait pas de la bonne manière. L’appelant souligne avoir fait ce type de mises de côté dans le passé lorsqu’il a travaillé avec l’ancien propriétaire du magasin, avant que S. F. prenne la relève en mai 2019. Il explique que la propriétaire lui a déjà dit de ne plus couper les prix sur un produit, même si ce produit n’était pas en spécial, mais que cela était différent des mises de côté qu’il a faitesNote de bas de page 27 ;
  6. L’appelant affirme que la gérante et l’assistante-gérante ont aussi fait des mises de côté comme celles qu’il a faites, comme démontré dans le tableau des transactions effectuées entre le 14 novembre 2019 et le 24 novembre 2019Note de bas de page 28. Il précise que ce tableau indique que pour un même produit (ex. : rasoir), des transactions ont été faites par les commis ayant les numéros d’employé 35002 et 35137, alors que son numéro est le numéro 35321. L’appelant affirme que ce tableau indique qu’il a aussi fait des mises de côté pour des machines à café (produit numéro X), alors que l’assistante-gérante a fait ces transactions. Il affirme que le bureau chef (siège social) a par la suite changé cette façon de faire, mais que c’était lui qui en portait le blâmeNote de bas de page 29 ;
  7. L’appelant explique que lorsqu’il a finalisé des transactions avec l’entrée en vigueur d’une promotion (ex. : 25 novembre 2019), le magasin n’a pas perdu d’argent pour les mises de côté préalablement faites (ex. : du 14 au 24 novembre 2019)Note de bas de page 30. Selon lui, la propriétaire doit être payée pour les ventes qu’il a finalisées. L’appelant explique que la propriétaire était sur son dos et qu’elle l’a accusé de vol, mais qu’il ne manquait jamais d’argent. Il souligne ne pas avoir effectué les transactions qui lui ont été reprochées dans le but de faire perdre de l’argent à la propriétaire ou de la voler, mais pour lui en faire faireNote de bas de page 31 ;
  8. L’appelant fait valoir que les accusations ou les plaintes de harcèlement sexuel dont il a fait l’objet n’étaient pas valables. Il précise qu’une plainte écrite en lien avec son comportement provenant d’une employée a été rédigée à la demande de la propriétaire afin que celle-ci puisse le congédier. L’appelant affirme que cette plainte portait sur le fonctionnement des commandes de clients. Il souligne que cette employée lui a dit que la propriétaire l’avait forcée à rédiger cette plainteNote de bas de page 32 ;
  9. L’appelant soutient que l’employeur voulait se débarrasser de lui et que son congédiement est abusif. Il indique que l’employeur avait réduit ses heures de travail afin de donner des heures à un autre employé. Selon lui, la maison mère X s’est arrangée pour qu’il sorte de là, car elle veut faire l’acquisition de ce magasin. Il souligne que ce magasin fait des ventes importantes et qu’il occupe la troisième position dans une chaine comptant 60 magasins. Il soutient que la maison mère en a contre lui à la suite de la fermeture, en 2015, d’une franchise X dont il était le propriétaire. Il devait alors un montant de 16 000,00 $ au franchiseurNote de bas de page 33.

[22] Je considère qu’en regard des gestes qui lui ont été reprochés, l’appelant n’a pas manqué à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.

[23] Je considère que l’appelant n’a pas contrevenu aux directives, consignes ou politiques de l’employeur, lorsqu’il a effectué des transactions qu’il qualifie de « mises de côté » et qui ont fait en sorte de permettre à des clients de pouvoir acheter un article (ex. : rasoir) en bénéficiant d’un prix spécial, et ce, avant que cet article ne soit offert à ce prix spécial dans le cadre d’une promotion. Même si l’appelant reconnaît avoir été congédié pour ce motif, cela ne signifie pas qu’il a, de ce fait, enfreint les règles de l’employeur à cet égard.

[24] Le témoignage de l’appelant, lequel n’a pas été contredit, indique que d’autres employés, dont la gérante du magasin et fille de la propriétaire, et l’assistante-gérante ont, elles aussi, effectué des transactions de ce type. Je suis d’avis que cette forme de « mises de côté » était autorisée par l’employeur.

[25] Je souligne qu’un document fourni par l’employeur, soit un tableau affichant des transactions de la période du 14 novembre 2019 au 24 novembre 2019 démontre que l’appelant (employé numéro X) et d’autres employés (numéros X et X) ont vendu ou mis de côté des articles, dont des articles similaires à ceux vendus par l’appelant, à un prix moindre que le prix régulier (prix calculé), avant le début d’une promotion visant à accorder un rabais sur ces articlesNote de bas de page 34.

[26] Je tiens pour avérées les explications de l’appelant selon lesquelles la gérante du magasin et l’assistante-gérante lui avaient donné l’autorisation de faire des transactions afin de permettre à des clients de bénéficier d’un rabais sur un article avant l’entrée en vigueur d’une promotion visant à accorder le même rabais sur cet article. Je considère également comme véridiques les affirmations de l’appelant selon lesquelles la gérante du magasin et son assistante-gérante avaient l’autorité requise pour prendre les décisions de gestion du magasin et qu’elles avaient « carte blanche » à cet effet.

[27] Je suis d’avis que la Commission fait abstraction des renseignements contenus dans le tableau affichant les transactions du magasin pour la période du 14 au 24 novembre 2019 et qui démontrent que plusieurs employés ont fait des mises de côté comme celles que l’appelant a effectuéesNote de bas de page 35. Il s’agit d’un document qui soutient les affirmations de l’appelant selon lesquelles il pouvait effectuer ce genre de transactions.

[28] Je ne retiens pas l’argument de la Commission lequel l’appelant n’avait pas le droit de faire de telles transactionsNote de bas de page 36 et que les faits et les preuves au dossier démontrent qu’il a perdu son emploi en raison du non-respect des politiques et des exigences de l’entrepriseNote de bas de page 37.

[29] Je considère que la preuve recueillie auprès de l’employeur ne démontre pas que l’appelant a enfreint les consignes et les directives relativement aux transactions qu’il a effectuées, entre autres, dans la période du 14 au 24 novembre 2019Note de bas de page 38.

[30] En effet, bien que dans ses déclarations à la Commission, l’employeur se montre très explicite quant aux gestes reprochés à l’appelant au sujet des transactions qu’il a effectuées au cours de la période du 14 et le 24 novembre 2019 en spécifiant que ce type de transactions n’était pas autorisé, les directives et consignes qu’il lui a données auparavant sont loin elles aussi, d’être aussi précises.

[31] Sur ce point, je souligne que lorsque l’employeur a rencontré l’appelant, en date du 30 octobre 2019, après l’avoir été congédié une première fois le 17 octobre 2019Note de bas de page 39, celui-ci a signé un document qui décrit les conditions qu’il devait dorénavant respecter, dont une lui indiquant de respecter les « procédures X ». Toutefois, exception faite de cette mention, ce document ne donne aucune précision quant à ces procédures et à leur applicationNote de bas de page 40. Je souligne que malgré le volumineux dossier que l’employeur a transmis à la Commission concernant l’emploi de l’appelant, aucun document ne permet d’évaluer la teneur des procédures auxquelles il réfère.  

[32] J’estime que le tableau affichant les transactions du magasin au cours de la période du 14 au 24 novembre 2019 démontre que les procédures auxquelles l’employeur réfère permettaient aux employés d’effectuer des transactions, comme celles qu’il a reproché à l’appelant d’avoir faitesNote de bas de page 41.

[33] Même si la Commission fait valoir dans son argumentation que le bureau chef ainsi que les dirigeants d’une entreprise ont la latitude d’imposer la réglementation qu’ils désirent dans leur entrepriseNote de bas de page 42, je suis d’avis que cette règlementation doit être clairement établie au départ avant qu’un reproche puisse être formulé à un employé de ne pas l’avoir respecté. J’estime que cela n’était pas le cas pour les reproches que l’employeur a adressés à l’appelant à cet égard.

[34] Je considère que l’appelant a respecté les conditions établies par l’employeur lorsqu’il est retourné travailler pour lui, le 4 novembre 2019, après avoir été congédié une première fois le 17 octobre 2019.

[35] Je suis d’avis que l’appelant n’a pas volontairement décidé d’ignorer les répercussions que les gestes qui lui ont été reprochés auraient sur son rendement au travail.

[36] Je considère que l’appelant n’a pas négligé volontairement ou gratuitement les intérêts de son employeur en effectuant ce type de transactions.

[37] L’appelant ne pouvait donc savoir que sa conduite était de nature à entraver les obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour avoir effectué les transactions que l’employeur lui a reproché d’avoir faites.

[38] L’employeur invoque aussi comme motif de congédiement, le fait d’avoir reçu des plaintes concernant le comportement de l’appelant.

[39] Sur cet aspect, je considère que les gestes reprochés à l’appelant réfèrent à des événements qui seraient survenus avant que celui-ci ne soit congédié une première fois le 17 octobre 2019Note de bas de page 43 et avant qu’il ne rencontre l’employeur, en date du 30 octobre 2019 et qu’il ne signe, à ce moment, un document qui décrit les conditions qu’il devait dorénavant respecter pour reprendre son travailNote de bas de page 44. L’appelant a d’ailleurs repris son travail chez l’employeur le 4 novembre 2019.

[40] Je précise également que dans son argumentation, la Commission indique que l’employeur aborde les différentes plaintes formulées contre l’appelantNote de bas de page 45, tout comme l’appelantNote de bas de page 46. Elle fait valoir que ces incidents ne sont pas la cause du renvoi de l’appelant et qu’il s’agissait d’incidents antérieurs. La Commission précise ne pas avoir évalué ces éléments puisqu’ils n’ont pas d’incidence sur le motif de cessation d’emploi du 3 décembre 2019Note de bas de page 47.

[41] Bien que la Commission n’ait pas évalué cet aspect, il demeure que dans ses déclarations du 2 décembre 2019 et du 25 mars 2020, l’employeur y fait référence comme raison du congédiement de l’appelantNote de bas de page 48.

[42] Le relevé d’emploi émis par l’employeur, en date du 10 décembre 2019, donne aussi la précision suivante comme raison du congédiement : « Plaintes de comportement et ne respecte pas les consignes et exigences de la franchise après plusieurs avertissements »Note de bas de page 49.

[43] Je suis d’avis que les questions se rapportant au comportement de l’appelant et aux plaintes dont il a été l’objet doivent aussi être analysées pour déterminer si ce dernier a perdu son emploi en raison de son inconduite puisque l’employeur les fait valoir comme motif de congédiement.

[44] Je n’accorde toutefois pas de valeur probante aux déclarations de l’employeur sur ce point.

[45] Je souligne que les déclarations de l’employeur sur cet aspect ont été faites le 2 décembre 2019 et le 25 mars 2020Note de bas de page 50, soit après que l’appelant ait été congédié une première fois, le 17 octobre 2019, et qu’il ait réintégré ses fonctions en novembre 2019, en établissant plusieurs conditions à sa réintégration, dont une portant spécifiquement sur le harcèlementNote de bas de page 51.

[46] Je considère que dans ses déclarations, l’employeur ne fait que rappeler des reproches qu’il a antérieurement faits à l’appelant sur cette question avant qu’il ne le réintègre dans ses fonctions. L’employeur ne rapporte aucun autre événement, décrit en des termes mesurables et observables et pouvant s’apparenter à des gestes de harcèlement de la part de l’appelant, à la suite de sa réintégration en novembre 2019.

[47] Je considère que les déclarations de l’employeur ne démontrent pas que l’appelant aurait posé des gestes de cette nature, ayant un caractère conscient, délibéré ou intentionnel pouvant permettre de les associer à de l’inconduite au sens de la Loi.

[48] Je ne retiens pas non plus les déclarations faites par R. M. (vice-président des opérations pour les magasins X) dans le courriel adressé à l’employeur, en date du 29 novembre 2019, selon lesquelles des employées qu’il a rencontrées cette journée-là, lui ont dit que le comportement de l’appelant était totalement inapproprié, qu’il était misogyne, raciste, sexiste, qu’il tenait des propos totalement inacceptables et qu’il faisait du harcèlement, parfois même devant les clientsNote de bas de page 52.

[49] D’une part, ces affirmations ne proviennent pas directement des employées en question. Elles sont rapportées par R. M. Il n’indique pas avoir été témoin des événements qu’il rapporte. D’autre part, ces affirmations ne sont pas décrites dans des termes mesurables et observables. Elles ne fournissent pas de précisions concernant le contexte spécifique dans lequel ce comportement se serait produit. Je n’accorde pas de valeur probante à ces affirmations.

[50] En résumé, je considère tant en ce qui concerne les transactions que l’appelant a effectuées pour les clients que pour son comportement qu’aucun des gestes qui lui ont été reprochés ne démontre qu’il a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses gestes auraient sur son rendement au travail.

[51] Je suis d’avis que les actes reprochés à l’appelant n’étaient pas d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir qu’ils seraient susceptibles de provoquer son congédiement survenu le 3 décembre 2019.

[52] J’estime que dans le cas présent, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite.

[53] La jurisprudence nous informe que la Commission doit prouver l’existence d’éléments de preuve démontrant l’inconduite d’un prestataireNote de bas de page 53.

[54] Je considère que la preuve recueillie par la Commission est insuffisante et n’est pas suffisamment circonstanciée pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[55] Bien que l’appelant ait perdu son emploi, la cause de la perte de son emploi ne représente pas de l’inconduite au sens de la Loi.

[56] La jurisprudence nous indique qu’il doit être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataireNote de bas de page 54.

[57] L’appelant n’a pas été congédié en raison d’actes qu’il a posés de manière volontaire et délibérée.

Conclusion

[58] Je conclus que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

[59] En conséquence, la décision de la Commission d’exclure l’appelant du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi, n’est pas justifiée dans les circonstances.

[60] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 14 mai 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparution :

R. P., appelant

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