Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal accueille l’appel.

Aperçu

[2] L’intimé, M. L., (prestataire), devait terminer son contrat d’emploi le 20 décembre 2019. Quelques jours avant son expiration, l’employeur lui a offert un contrat qui allait débuter le 23 décembre 2019. L’employeur ne pouvait garantir des heures à temps plein car cela dépendait des conditions météorologiques et des conditions routières.

[3] Le prestataire a demandé à son employeur de lui émettre un relevé d’emploi indiquant « Manque de travail » comme motif de cessation d’emploi. De cette manière, le prestataire pouvait établir un début de période de prestations et déclarer ses gains s’il travaillait. L’employeur a refusé.

[4] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), l’a informé qu’il n’avait pas droit à des prestations d’assurance-emploi puisqu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification. La Commission a déterminé que le prestataire n’avait pas démontré avoir épuisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. Le prestataire a demandé la révision de cette décision mais la Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a interjeté appel à la division générale.

[5] La division générale a déterminé que la Commission n’avait pas rencontré son fardeau de démontrer qu’il y eu départ volontaire puisque la cessation d’emploi résultait d’un malentendu. Elle a conclu que le prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi.

[6] La permission d’en appeler a été accordée à la Commission. Elle soutient que la division générale n’a pas tenu compte de toutes les circonstances menant le prestataire a quitté son emploi au moment où il a pris la décision de quitter. La Commission soutient également que la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a ignoré les éléments portés à sa connaissance et erré en concluant que le prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

[8] Le Tribunal accueille l’appel de la Commission.

Question en litige

[9] Est-ce que la division générale a ignoré les éléments portés à sa connaissance et erré en concluant que le prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[10] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).Note de bas de page 1

[11] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[12] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Est-ce que la division générale a ignoré les éléments portés à sa connaissance et erré en concluant que le prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE?

[13] La division générale a déterminé que le prestataire aurait pu attendre d’avoir une réelle interruption de travail avant d’exiger son relevé d’emploi. Cependant, elle a jugé que la cessation d’emploi résultait d’un malentendu et que le prestataire croyait réellement reprendre le travail puisqu’il s’est présenté à son contremaitre à deux reprises. La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi.

[14] La Commission soutient que la division générale a ignoré les éléments portés à sa connaissance et erré dans son interprétation de l’article 29(c) de la Loi sur l’AE. Elle fait valoir que le prestataire a quitté le bureau avant la fin de son contrat pour ne plus revenir. Elle soutient que la preuve démontre que c’est le prestataire qui a mis fin à son emploi et non l’employeur. Il avait le choix de rester à son emploi.

[15] Compte tenu des arguments soulevés en appel, le Tribunal a procédé à écouter l’enregistrement de l’audience devant la division générale.

[16] La preuve devant la division générale démontre que le prestataire a rencontré son employeur le 17 décembre 2019. Son contrat de travail expirait le 20 décembre 2019. Il lui a alors été offert un nouveau contrat débutant le 23 décembre 2019. Il s’agissait d’un travail à temps plein, plus de 40 heures par semaine. Cependant, il était possible que les employés soient obligés de rester à la maison en cas de tempête ou de bris mécanique.

[17] Le prestataire souhaitait recevoir un relevé d’emploi pour établir sa demande de prestations et faire ses déclarations dans les cas où il ne travaillait pas à temps plein. Il a alors demandé à l’employeur d’émettre un relevé d’emploi avec comme motif « Manque de travail » afin qu’il puisse garder ouverte sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[18] L'employeur a refusé d’émettre le relevé d'emploi demandé par le prestataire puisqu’il avait du travail à lui offrir. Il a alors mentionné au prestataire qu’il indiquerait « départ volontaire » sur le relevé d’emploi si ce dernier refusait le travail offert.

[19] Au soutien de sa demande en révision, le prestataire a déclaré qu’il n’a pas apprécié l’attitude de son employeur. Il a admis avoir quitté son travail le 17 décembre, bien qu'il aurait pu travailler jusqu'au 20 décembre 2019. Il a plutôt ramassé ses effets personnels dans son camion et est parti chez lui car il n’acceptait pas l’attitude menaçante de l’employeur.Footnote 2

[20] L’employeur a confirmé que le prestataire a quitté son travail après la réunion. L’employeur a considéré que le geste du prestataire constituait un départ immédiat. Il a écrit une lettre au prestataire le jour même confirmant le départ.Footnote 3

[21] Le prestataire s’est par la suite présenté à deux reprises chez l’employeur afin de discuter de la situation avec le directeur du personnel, soit les 18 et 20 décembre 2019. Il a été avisé qu’il n’y avait aucun changement dans la position de l’employeur. L’employeur a par la suite embauché un nouvel employé pour le poste en question.

[22] La jurisprudence constante du Tribunal est à l’effet qu’un prestataire dont l’emploi prend fin parce qu’il a fait connaître à son employeur son intention de quitter son emploi, que soit verbalement ou par écrit, ou de par ses gestes, est considéré comme ayant quitté volontairement son emploi, même s’il exprime plus tard le souhait de garder son emploi ou s’il change d’avis.Footnote 4

[23] La preuve non contestée devant la division générale révèle que la cessation d’emploi découle du geste du prestataire qui a quitté le travail parce qu’il était mécontent du refus de l’employeur d’émettre un relevé d’emploi avec la mention « Manque de travail ». Ce n’est donc pas l’employeur qui a amorcé la cessation d’emploi. Si le prestataire n’avait pas quitté les lieux de son travail le 17 décembre 2019, il occuperait encore son emploi.

[24] Il y a donc lieu pour le Tribunal d’intervenir et de rendre la décision qui aurait dû être rendue par la division générale conformément à l’article 59(1) de la Loi sur le MEDS.

[25] Puisque le Tribunal est d’avis que le prestataire a volontairement quitté son emploi, il doit maintenant se demander si le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi.

[26] Il est vrai que la division générale ne s’est pas demandé si le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi compte tenu de sa conclusion sur le départ volontaire. Cependant, la preuve devant la division générale démontre qu’une solution raisonnable pour le prestataire aurait été d’accepter le poste à temps plein que lui offrait son employeur malgré leur différent ou de sécuriser un emploi ailleurs avant de le quitter. Conséquemment, le prestataire n’a pas réussi à prouver qu’il était justifié de quitter son emploi au sens de la Loi sur l’AE.

[27] Pour les motifs précédemment mentionné, le Tribunal accueille l’appel de la Commission.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

26 mai 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparutions :

Rachel Paquette, représentant de l’appelante

M. L., intimé

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