Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’elle est exclue du bénéfice des prestationsNote de bas page 1.

Aperçu

[2] La prestataire a perdu son emploi en tant que directrice adjointe d’une banque. Son employeur a déclaré qu’il l’avait congédié parce qu’elle avait enfreint ses politiques d’intégrité en retirant une retenue qui avait été placée sur un nouveau compte. Elle attendait des fonds de ce compte. Une fois la retenue retirée et l’argent déposé dans son compte, elle a demandé à un collègue de lui préparer une traite bancaire afin qu’elle puisse payer son constructeur. L’employeur a dit à la Commission que ce type d’infraction aux politiques entraîne un congédiement immédiat.

[3] La prestataire affirme avoir agi de bonne foi, conformément aux pratiques bancaires de longue date. Elle dit qu’elle avait le pouvoir de lever des retenues sur des fonds lorsqu’il n’y avait pas de risque pour la banque. Demander à un collègue de préparer une traite bancaire pour elle était également une pratique courante. Elle dit qu’elle ne savait pas que son employeur la congédierait pour avoir agi ainsi. Dans sa tête, elle n’enfreignait aucune politique.

[4] La Commission a accepté le motif de congédiement invoqué par l’employeur. Elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et l’a exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[5] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite? Pour trancher cette question, je vais d’abord établir pourquoi elle a perdu son emploi.

Analyse

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?  

[6] La preuve démontre que l’employeur a congédié la prestataire parce que ses actes portaient atteinte aux sections [traduction] « Intégrité en matière de protection des actifs fiduciaires » et [traduction] « Culture d’intégrité » du code de conduite de la banque. Elle reconnaît avoir perdu son emploi pour cette raison.

Le motif du congédiement de la prestataire correspond-il à une inconduite au sens de la loi?

[7] Oui. J’estime que la raison pour laquelle elle a perdu son emploi est une inconduite au sens de la loi puisque ses actes répondent à tous les éléments du critère juridique relatif à une inconduite.

[8] Pour être considéré comme une inconduite au sens de la loi, le comportement doit être délibéré. Cela signifie que les actes doivent être conscients, voulus ou intentionnelsNote de bas page 2. Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas page 3.

[9] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbableNote de bas page 4 que la prestataire ait perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 5.

Que dit la Commission?

[10] La Commission affirme que la prestataire a été congédiée pour avoir enfreint les politiques d’intégrité de son employeur, telles que définies dans son code de conduite. Ces politiques prévoient que les employés [traduction] « ne doivent jamais utiliser leur accès à l’information pour leur propre bénéfice, celui de leur famille ou celui de leurs amisNote de bas page 6 ».

[11] La Commission affirme que les actes de la prestataire étaient délibérés, car elle savait que de retirer la retenue que son employeur avait placée sur le nouveau compte lui serait personnellement profitable. Elle est allée de l’avant avec cette opération alors que son directeur de succursale n’était pas disponible, car elle avait besoin de l’argent de manière urgente. La Commission affirme qu’il s’agit d’une conduite délibérée qui a fait en sorte qu’elle a manqué à son devoir envers son employeur.

[12] La Commission affirme que la prestataire n’en savait pas assez sur le [traduction] « Cercle d’épargne » pour conclure que tout l’argent provenait de sources légitimes. Elle n’avait rencontré l’organisatrice de ce compte qu’une seule fois et ne savait pas qui étaient les participants. Elle n’a pu qu’estimer que 28 personnes ont contribué au compte de l’organisatrice juste après son ouverture.

[13] La Commission affirme également que la prestataire n’a fourni aucune preuve à l’appui du fait que la banque a tacitement approuvé la pratique consistant à faire appel à un collègue pour traiter ses transactions pour elle.

[14] La Commission fait valoir que la prestataire s’est mise en situation de conflit d’intérêts en agissant ainsi. Cela va à l’encontre du code de conduiteNote de bas page 7.

[15] La Commission affirme que la prestataire aurait dû savoir qu’elle serait congédiée compte tenu de sa connaissance du code de conduite, lequel met l’accent sur l’éthique et l’intégrité dans les activités bancairesNote de bas page 8.

Que dit la prestataire?

[16] La prestataire fait valoir qu’il n’y a pas eu d’inconduite, car ses actes étaient fondés sur des pratiques acceptées. Elle soutient qu’elle avait le pouvoir de lever les retenues placées sur des montants encore plus importants, que ses actes n’étaient pas frauduleux et que la banque n’a rien perdu à cause de ce qu’elle a fait. Elle affirme qu’il était pratique courante de demander l’aide d’un collègue pour traiter des transactions personnelles. Elle soutient que la Commission a conclu à tort qu’elle avait ignoré les instructions directes de ne pas effectuer ses transactions, car la Commission avait mal compris avec quels départements elle avait communiqué.

[17] La prestataire affirme que chaque participant du Cercle d’épargne payait 400 $ par semaine et pouvait ensuite recevoir tous les fonds accumulés à tour de rôle. L’organisatrice du Cercle d’épargne avait ouvert un nouveau compte auprès de la banque où travaillait la prestataire, mais dans une autre succursale. La prestataire dit que c’était à son tour de recevoir les fonds, mais que la banque avait placé une retenue de cinq jours sur le nouveau compte qui contenait 9 700 $.

[18] La prestataire fait valoir qu’il n’y avait aucun risque pour la banque puisqu’elle savait qu’il s’agissait de l’argent du Cercle d’épargne. Elle et son mari avaient besoin de cet argent de toute urgence pour payer son constructeur qui était aussi un client de la même banque. Elle dit que cela incommoderait le constructeur si le chèque qu’elle lui faisait parvenir était refusé en raison de fonds insuffisants dans son compte.

[19] La prestataire soutient qu’elle a toujours suivi les politiques de son employeur, et ce, pendant les 22 années passées à la banque. Elle ne savait pas que ses actes mèneraient à son congédiement, car elle pensait qu’elle suivait les politiques et pratiques bancaires acceptées. Elle dit qu’elle essayait d’agir dans le meilleur intérêt de tous : la nouvelle cliente, la banque, elle-même et son constructeur. Elle estime que son congédiement était injuste.

[20] Il ne m’appartient pas de déterminer si l’employeur a injustement congédié la prestataire. Je ne peux que considérer si les actes qui ont mené à son congédiement satisfont au critère juridique relatif à une inconduiteNote de bas page 9.

Mes conclusions

[21] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite, car les actes de la prestataire étaient délibérés et qu’elle a manqué à son devoir envers son employeur. De plus, elle aurait dû savoir que son employeur la congédierait pour avoir levé une retenue placée sur un compte alors qu’elle avait un intérêt personnel dans les fonds de ce compte. J’accepte son observation selon laquelle elle ne voulait pas faire de mal, mais il n’est pas nécessaire qu’il y ait une intention coupable pour que son comportement soit considéré comme une inconduite au sens de la loi.

[22] J’estime que la Commission n’a pas démontré que les actes de la prestataire constituaient une inconduite lorsqu’elle a demandé à un collègue de lui préparer une traite bancaire. La Commission dit que la prestataire n’a pas prouvé que de telles demandes étaient une pratique courante, mais j’estime que c’est à la Commission, et non à la prestataire, qu’incombe la charge de la preuve. J’accepte son observation selon laquelle c’était une pratique courante.

[23] Cependant, j’estime que la Commission a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu une inconduite lorsque la prestataire a supprimé une retenue qui avait été placée sur un nouveau compte parce qu’elle avait besoin des fonds de ce compte.

[24] Je suis d’accord avec l’observation de la Commission selon laquelle cet acte était délibéré, car l’acte était conscient, voulu et intentionnel. Il s’agit du premier volet du critère visant à démontrer une inconduite. La prestataire n’a pas commis d’inattention. Ses actes étaient intentionnels. Je n’accorde pas beaucoup de poids à son témoignage selon lequel elle a levé la retenue uniquement pour aider une nouvelle cliente et s’assurer qu’elle était satisfaite de son expérience bancaire. Cela est parce que la prestataire avait un intérêt personnel envers ces fonds.

[25] J’estime qu’elle aurait dû attendre de parler à son directeur de succursale pour vérifier si ses actes étaient conformes aux politiques de la banque. Elle affirme qu’elle a essayé d’appeler d’autres départements de la banque, mais qu’elle n’a pas reçu de directives appropriées. Cependant, j’estime qu’elle a pris la décision consciente de ne pas attendre pour parler à son directeur de succursale parce qu’elle avait besoin de ces fonds de manière urgente.

[26] J’estime que l’acte de la prestataire a fait en sorte qu’elle a manqué à son devoir envers son employeur puisqu’elle a enfreint les politiques de la banque. L’une de ces politiques souligne que les employés [traduction] « ne doivent jamais utiliser leur accès à l’information pour leur propre bénéficeNote de bas page 10 ». La prestataire a enfreint cette politique lorsqu’elle a levé la retenue sur le compte puisque ce geste était clairement pour son bénéfice personnel. Il s’agit du deuxième volet du critère visant à démontrer une inconduite.

[27] J’accorde peu de poids au témoignage de la prestataire selon lequel ses gestes ne constituaient pas une inconduite parce qu’il n’y a pas eu de fraude et que la banque n’a pas subi de perte monétaire. Elle affirme que cela prouve que sa décision de lever la retenue sur le compte était une bonne décision.

[28] J’estime qu’un résultat final acceptable ne justifie pas le non-respect des politiques d’un employeur. La prestataire a pris un risque lorsqu’elle a levé la retenue de la banque sur le nouveau compte, car elle ne savait que très peu de choses sur le Cercle d’épargne. Elle n’avait rencontré l’organisatrice qu’une seule fois et ne connaissait pas les autres participants. Elle est restée vague sur le nombre de participants. Elle a estimé que 28 personnes avaient versé de l’argent dans le nouveau compte juste après son ouverture. Le fait de lever une retenue dans ces circonstances en se fondant sur son besoin personnel pour ces fonds a enfreint le code de conduite de son employeur.

[29] J’estime que la prestataire aurait dû savoir que son employeur la congédierait compte tenu de sa connaissance du code de conduite de l’employeur. Il s’agit du troisième volet du critère relatif à une inconduite. Elle connaissait la politique de la banque selon laquelle les employés ne doivent pas effectuer de transactions qui profitent à eux-mêmes, à leur famille ou à leurs amis. Elle a confirmé avoir participé à une révision annuelle du code de conduite.

[30] J’estime que l’employeur a clairement exposé les conséquences d’une violation de ses politiques : [traduction] « Si un employé enfreint le code de conduite, il fera l’objet de mesures correctives ou disciplinaires. Les mesures correctives ou disciplinaires [...] peuvent aller de la réprimande et de répercussions sur la cote de rendement et sur la rémunération, jusqu’à la cessation de notre relation de travailNote de bas page 11 ».

[31] La prestataire fait valoir que le congédiement était une mesure trop sévère. Elle dit n’avoir eu aucun incident antérieur au cours de ses 22 ans de service auprès de son employeur. Mon rôle n’est pas de me prononcer sur la question de savoir si le congédiement correspondait au niveau de mesure disciplinaire appropriée. C’était le choix de l’employeur de procéder directement au congédiement sans réprimandes ni avertissements. Ses politiques ne garantissaient pas de mesures disciplinaires progressives avant le congédiement.

[32] Compte tenu de ces facteurs, j’estime qu’il était plus probable qu’improbable que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[33] Avant de tirer cette conclusion, j’ai examiné les préoccupations de la prestataire selon lesquelles le ton de l’enquête a changé lorsque l’enquête est passée de son directeur de succursale à l’unité d’enquête de la banque. Elle dit que les enquêteurs ont fait des commentaires associant son statut de femme noire à la criminalité. Cependant, comme je l’ai indiqué précédemment, mon rôle n’est pas d’examiner si l’employeur l’a traitée injustement lorsqu’il l’a congédiée; mon rôle est seulement de décider si ses actes répondent au critère relatif à une inconduite.

[34] J’ai également examiné la déclaration de la prestataire selon laquelle elle avait déjà déposé une plainte pour discrimination alors qu’elle travaillait dans une autre succursale. Elle a donc changé de succursale, et sa nouvelle succursale était également plus proche de son domicile. Je lui ai demandé si elle pensait que cette plainte avait joué un rôle dans la décision de la banque de la congédier pour violation de sa politique d’intégrité. Cependant, elle a déclaré que ses relations avec la nouvelle succursale et son directeur de succursale avaient été bonnes. Je lui ai donné la possibilité de soumettre des renseignements supplémentaires après son audience au sujet de sa plainte pour discrimination si elle estimait que cela avait joué un rôle dans son congédiement, mais elle n’a soumis aucun document.

[35] En résumé, j’estime que la Commission s’est acquittée de la charge qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur avait congédié la prestataire en raison de son inconduite. Ses actes étaient délibérés, ils ont fait en sorte qu’elle a manqué à son devoir envers son employeur, et elle aurait dû savoir qu’elle serait congédiée.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté. Cela signifie que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Date de l’audience :

Le 19 mai 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

C. B., appelante
Mika Imai, représentante de l’appelante

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