Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’il n’a pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi (AE).

Aperçu

[2] Le prestataire était employé pour conduire la camionnette de l’employeur afin d’aller chercher des passagers à différents endroits. Une nuit, alors qu’il conduisait la camionnette de l’employeur, il a été verbalisé par la police pour excès de vitesse. Il a également été soumis à un test de dépistage d’alcoolémie qui a révélé la présence d’alcool dans son organisme. La police a suspendu le permis de conduire du prestataire pendant trois jours et a mis la camionnette à la fourrière. L’employeur a congédié le prestataire pour avoir enfreint sa politique de sécurité. Le prestataire a présenté une demande de prestations d’AE. La Commission a accepté le motif de congédiement présenté par l’employeur. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite et l’a exclu du bénéfice des prestations régulières d’AE. Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il affirme qu’on ne lui a pas laissé suffisamment de temps pour se rendre au point d’embarquement des passagers, qu’on n’aurait pas dû lui assigner cette mission, que la quantité d’alcool qu’il avait dans son organisme n’était pas illégale et que le congédiement était trop sévère.

Questions préliminaires

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[3] Le Tribunal a identifié l’ancien employeur du prestataire comme éventuel mis en cause dans l’appel du prestataire. Habituellement, le Tribunal envoie à l’employeur une lettre lui demandant s’il veut être mis en cause dans l’appel. Dans ce cas-ci, le Tribunal n’a pas envoyé de lettre à l’employeur parce que ses services administratifs sont temporairement interrompus en raison de l’urgence de santé publique. Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre en cause l’employeur dans cet appel, car il n’y a rien dans le dossier qui indique que ma décision lui imposerait des obligations légales.

Questions en litige

[4] Le prestataire a-t-il perdu son emploi pour cause d’inconduite?

[5] Pour en juger, je vais d’abord déterminer la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, j’examinerai si le comportement du prestataire lui a valu la perte de son emploi. Si c’est le cas, je dois ensuite déterminer si son comportement constitue une inconduite au regard de la loi.

Raisons de ma décision

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[6] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a enfreint les politiques de sécurité de l’employeur.

[7] Le prestataire a écrit dans sa demande de prestations d’AE qu’il a été congédié pour avoir enfreint les politiques de sécurité de l’employeur. La lettre de congédiement indique que le prestataire a été arrêté par la police pour avoir dépassé de plus de 36 km à l’heure la limite de vitesse affichée de 90 km à l’heure. La police a également soumis le prestataire à un test d’alcoolémie et a découvert qu’il avait de l’alcool dans son organisme. Le prestataire a témoigné qu’il roulait trop vite et qu’il avait consommé environ une once et demie d’alcool avant de conduire. Sur la base des éléments de preuve dont je dispose, je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il était en excès de vitesse et qu’il avait de l’alcool dans le sang alors qu’il conduisait la camionnette de son employeur.

Le prestataire a-t-il eu le comportement qui a conduit à son congédiement?

[8] Oui, j’estime que le prestataire a eu le comportement qui a conduit à son congédiement.

[9] Le prestataire a présenté une demande de prestations d’AE le 21 janvier 2020. Il a écrit dans sa demande de prestations d’AE qu’il a été congédié parce que son employeur l’a accusé d’avoir commis une infraction à la sécurité et d’avoir endommagé une machine et des biens. La demande de prestations d’AE ne fait pas référence au fait que le prestataire avait de l’alcool dans son organisme. Le prestataire a déclaré qu’il roulait plus vite que la vitesse autorisée et qu’il avait bu environ une once et demie d’alcool avant de conduire la camionnette. L’employeur a déclaré à la Commission que le prestataire avait été congédié pour excès de vitesse et pour avoir conduit avec de l’alcool dans le sang. Je ne vois aucun élément de preuve qui contredise cette affirmation. En conséquence, je conclus que le prestataire a bien fait preuve de l’inconduite qui a entraîné son congédiement.

Est-ce que la raison du congédiement du prestataire est une inconduite selon la loi?

[10] Oui, j’estime que la raison du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[11] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, le comportement doit être délibéré. Cela signifie que le comportement est conscient, délibéré ou intentionnelNote de bas de page 1. L’inconduite comprend également un comportement si imprudent qu’il s’apparente à un acte délibéréNote de bas de page 2. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait une intention délictueuse pour que son comportement soit considéré comme une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 3.

[12] Il y a inconduite si le prestataire savait ou devait savoir que son comportement pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, par conséquent, le congédiement était une réelle possibilitéNote de bas de page 4.

[13] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable Note de bas de page 5 que le prestataire a perdu son emploi pour cause d’inconduite Note de bas de page 6.

[14] La Commission déclare qu’elle a conclu que les actions du prestataire, à savoir l’excès de vitesse et la consommation d’alcool avant de conduire le véhicule de l’employeur, constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, car le prestataire était bien conscient qu’il enfreignait les politiques de sécurité de l’employeur, toutes de tolérance zéro. La Commission affirme que le prestataire a agi délibérément, sachant très bien que ses actions pourraient entraîner un congédiement s’il se faisait prendre. Elle indique que, bien que le prestataire ait informé la Commission qu’il s’était senti poussé à rouler plus vite par manque de temps, cette dernière indique que cela n’enlève rien à la responsabilité du prestataire en matière de respect des règles de sécurité au volant pour protéger la vie humaine et les biens. La Commission affirme que, dans cette affaire, le prestataire n’a pas respecté les règles de conduite de la province, a enfreint les politiques de tolérance zéro de l’entreprise et a perdu son emploi du fait même de ses actions.

[15] Le prestataire a fait valoir qu’il refusait de convenir que son inconduite méritait le congédiement. Il a expliqué sa position à la Commission lorsqu’il a demandé une révision et a expliqué sa position lorsqu’il a présenté son appel devant le Tribunal. Il a demandé que je prenne en considération ses explications écrites. Le prestataire a écrit qu’il pensait que la soi-disant inconduite résultait des attentes irréalistes de son employeur à l’égard de ses chauffeurs. Le prestataire a écrit que les trajets n’étaient pas planifiés, que les heures d’arrivée étaient irréalistes, que la répartition était mauvaise et qu’il y avait une pression excessive pour arriver à temps à un point d’embarquement.

[16] Le prestataire a témoigné qu’il avait reçu un appel du service de répartition vers 23 heures pour embarquer des passagers avant 1 heure du matin. Il a dit qu’il avait déjà fait le trajet auparavant et qu’il lui fallait normalement 3 heures et 15 minutes pour le faire plus 30 minutes pour se préparer. Le prestataire a témoigné que le service de répartition savait parfaitement qu’il ne pouvait pas faire le trajet en 2 heures, qu’il savait où il se trouvait, que c’était irréaliste et que l’on n’aurait pas dû l’appeler. Le prestataire a déclaré que le service de répartition lui avait fait valoir qu’il était le seul à pouvoir aller au point d’embarquement et lui a dit [traduction] « s’il vous plaît, faites-le ». Le prestataire a donc accepté de s’occuper de l’embarquement des passagers. Il a dit que pour contenter l’entreprise et les passagers, il se rendait à grande vitesse au point d’embarquement pour ne pas arriver en retard.

[17] Le prestataire a témoigné qu’il a reçu une contravention pour avoir roulé à 129 km à l’heure dans une zone où le maximum autorisé était de 90 km à l’heure. La police lui a également fait passer un test pour déterminer la quantité d’alcool présente dans son organisme. Il a déclaré qu’on avait constaté qu’il y avait présence d’alcool, mais que la quantité ne dépassait pas la limite légale de 0,08Note de bas de page 7. Le prestataire a déclaré que sa consommation d’alcool était bien inférieure à la limite légale et que la quantité consommée était légale, car aucune accusation n’a été portée contre lui. Néanmoins, la police a suspendu le permis de conduire du prestataire pendant trois jours et a mis à la fourrière la camionnette de l’employeur. Le prestataire a transmis par télécopieur une copie du rapport de police à l’entreprise.

[18] Le prestataire a témoigné qu’il avait bu environ une once et demie d’alcool avant d’être appelé par le service de répartition à 23 heures. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait dit au service de répartition, lorsqu’il l’a appelé ce soir-là, qu’il avait consommé de l’alcool, le prestataire a répondu qu’il ne dit à personne qu’il consomme de l’alcool; il a dit qu’on ne peut pas s’attendre à ce que quiconque ne consomme pas d’alcool 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Lorsqu’on lui a demandé s’il aurait pu refuser la mission, le prestataire a répondu qu’il avait accepté la mission pour gagner de l’argent; il a dit qu’il aurait pu dire non et qu’il a la possibilité de dire non s’il a bu.

[19] Le prestataire a fait valoir qu’il ne pensait pas qu’il soit réaliste pour un employeur de s’attendre à ce que quiconque soit de permanence 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Il ne pensait pas que l’incident aurait dû être traité avec autant de sérieux; l’employeur aurait dû lui remettre une lettre ou le suspendre brièvement. Le prestataire a déclaré qu’il travaillait pour l’entreprise depuis plus de six ans et qu’il s’était surpassé. L’entreprise aurait pu éviter de le congédier. Il a dit que c’était juste une contravention pour excès de vitesse, que les gens reçoivent des contraventions tout le temps. Le prestataire ne savait pas si d’autres chauffeurs avaient été congédiés après avoir reçu une contravention pour excès de vitesse. Il a dit que, comme il n’a pas vu son poste affiché, il pensait que l’employeur pourrait utiliser l’excès de vitesse comme excuse pour se débarrasser de lui. Le prestataire a ensuite précisé que l’entreprise n’essayait pas de se débarrasser de lui. Il a dit que si c’était le cas, l’entreprise aurait pu le licencier, parce que ce serait la chose à faire.

[20] Le prestataire a écrit dans sa demande de prestations d’AE qu’il était [traduction] « bien conscient » de la politique de sécurité de l’employeur. Ce dernier a envoyé à la Commission ses politiques de sécurité. Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas vu ces politiques, mais qu’il avait vu des politiques lors de son embauche il y a six ans, mais pas au même niveau de détail que ce qui a été envoyé à la Commission. Le prestataire est membre d’un syndicat, mais il n’a pas contesté son congédiement. Le prestataire a témoigné qu’il n’est pas un alcoolique et qu’il n’a pas reçu de traitement pour alcoolisme.

[21] J’estime que le comportement du prestataire dans cette affaire a été si négligent et imprudent qu’il s’apparente à un acte délibéré. Le prestataire était conscient qu’il ne pouvait pas faire le trajet dans les deux heures que le service de répartition lui avait allouées. Il savait également qu’il avait consommé de l’alcool avant d’être contacté par le service de répartition. Il a témoigné qu’il pouvait refuser la mission. Il a choisi de l’accepter. Ce faisant, le prestataire a pris la décision délibérée de conduire avec de l’alcool dans le sang et de dépasser la limite de vitesse indiquée alors qu’il était conscient que ces deux actions enfreignaient les politiques de sécurité de l’employeur. En conséquence, je conclus que le comportement du prestataire était à la fois si négligent et imprudent qu’il était délibéré.

[22] Le prestataire ne croit pas qu’il aurait dû être congédié pour excès de vitesse. Il a déclaré qu’il aurait été approprié de lui envoyer une lettre d’avertissement ou de le suspendre brièvement. Il ne m’appartient pas de déterminer si la mesure disciplinaire prise par l’employeur était appropriée. La suggestion du prestataire selon laquelle une sanction moins sévère serait appropriée me dit qu’il était conscient qu’il pouvait être sanctionné pour excès de vitesse et pour avoir de l’alcool dans son organisme pendant qu’il conduisait. Par conséquent, je conclus que le prestataire savait, ou aurait raisonnablement dû savoir, qu’un congédiement était possible lorsqu’il a conduit la camionnette de l’employeur à une vitesse dépassant la limite autorisée, tout en étant conscient qu’il avait consommé de l’alcool.

[23] Le critère juridique applicable à l’inconduite exige un lien de causalité entre l’inconduite dont le prestataire est accusé et la perte d’emploi. L’inconduite doit causer la perte d’emploi, doit s’être produite alors que le prestataire était employé par l’employeur et doit avoir été prévue expressément ou implicitement dans le contrat de travailNote de bas de page 8.

[24] J’estime qu’il est du devoir explicite et implicite d’un employé qui utilise un véhicule de l’entreprise de le faire conformément à la politique de l’employeur et à la loi. Le prestataire reconnaît qu’il a fait un excès de vitesse. Il dit qu’il roulait trop vite parce qu’il n’avait pas assez de temps pour atteindre sa destination et qu’il voulait faire plaisir à l’entreprise en n’arrivant pas trop tard. Le prestataire a fait valoir que la quantité d’alcool présente dans son organisme était légale parce qu’il n’avait pas été inculpé. Le fait de donner au prestataire suffisamment de temps pour arriver à destination et que ce dernier ait été inculpé ou non pour une infraction liée à la conduite d’un véhicule sous l’emprise de l’alcool n’est pas déterminant pour la question en l’espèce. Il est du devoir du prestataire de suivre la loi et les politiques de sécurité de l’employeur lorsqu’il utilise ses véhicules. Les politiques de l’employeur exigent que les chauffeurs respectent les limites de vitesse indiquées et ne consomment pas d’alcool avant de se présenter au travail. La loi exige que les chauffeurs ne dépassent pas la limite de vitesse et qu’ils ne conduisent pas avec de l’alcool dans leur organisme. Le prestataire était conscient qu’il ne pouvait pas se rendre au point d’embarquement dans le temps imparti. Le prestataire savait qu’il avait consommé de l’alcool avant d’accepter la mission. Il a témoigné qu’il pouvait refuser la mission parce qu’il avait consommé de l’alcool. Au lieu de cela, il a choisi d’accepter la mission et a conduit la camionnette de l’employeur à une vitesse excédant la limite autorisée et avec de l’alcool dans son organisme. En conséquence, je conclus que les actions du prestataire relatives à sa consommation d’alcool avant d’accepter la mission et à sa conduite d’un véhicule au-dessus de la limite de vitesse autorisée ont violé un devoir explicite et implicite envers son employeur. Les éléments de preuve m’indiquent que les actions du prestataire en ce qui concerne l’excès de vitesse et la conduite d’un véhicule avec de l’alcool dans le sang ont été la cause de son congédiement. En conséquence, je conclus que le comportement du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[25] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 26 mai 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions:

N. N., appelant

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