Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – Le prestataire a perdu son poste de prêtre catholique en raison d’une dispute avec son évêque. La Commission a refusé de lui verser des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle estimait qu’il n’était pas disponible pour travailler. Elle a maintenu sa décision après révision. Le prestataire a fait appel devant la division générale (DG) qui lui a donné raison et déterminé qu’il était en fait disponible pour occuper un emploi convenable. La Commission a fait appel devant la division d’appel (DA).

La Commission peut exiger d’un prestataire qu’il prouve qu’il est disponible pour travailler en démontrant qu’il a fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi. Faute de quoi, il est inadmissible aux prestations. Devant la DA, la Commission a soutenu que la DG avait commis une erreur en n’utilisant pas ce critère. Toutefois, la DA a conclu que la Commission n’avait pas déterminé l’inadmissibilité selon la disposition faisant référence à ce critère de « démarches habituelles et raisonnables » (article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi [Loi sur l’AE]). La Commission a plutôt utilisé la disposition relative à la disponibilité, qui n’exige seulement du prestataire qu’il prouve qu’il était « capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable » (article 18 de la Loi sur l’AE). Ainsi, la DG n’était pas tenue d’utiliser ce critère et n’a donc pas commis d’erreur à cet égard.

La DA était également d’accord avec la DG sur le fait qu’occuper un emploi normal hors de l’Église catholique sans obtenir la permission de l’évêque n’était pas convenable pour le prestataire, puisque cela était contraire à ses croyances religieuses. Enfin, elle a déterminé qu’occuper un emploi normal hors de l’Église n’était également pas convenable, puisque l’évêque refusait de permettre au prestataire d’accepter un tel emploi. Les démarches du prestataire pour réintégrer l’Église ont en fin de compte été considérées comme étant des démarches acceptables pour se trouver un emploi au sens de la loi. L’appel de la Commission a été rejeté.

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’intimé, T. F. (prestataire), est un prêtre catholique. À la suite d’un conflit avec l’évêque de son diocèse, il a perdu son poste, mais demeure un prêtre catholique. Le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, mais l’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu qu’il n’était pas admissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. La Commission a maintenu sa décision lorsque le prestataire lui a demandé de la réviser.

[3] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a accueilli son appel. La division générale a conclu que le prestataire était disponible pour occuper un emploi convenable. La Commission interjette maintenant appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

[4] L’appel est rejeté. La division générale n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire était disponible pour travailler et incapable d’obtenir un emploi convenable.

Moyens d’appel

[5] Les « moyens d’appel » sont les motifs de l’appel. Pour accueillir l’appel, je dois conclure que la division générale a commis l’un des types d’erreurs suivantsNote de bas de page 1 :

  1. la division générale n’a pas offert un processus d’audience équitable;
  2. la division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante;
  4. la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision.

Questions en litige

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a appliqué l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) pour conclure que les démarches du prestataire pour trouver un emploi n’étaient pas habituelles et raisonnables?

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’un emploi en dehors de l’Église catholique, c’est-à-dire un [traduction] « emploi externe », ne serait pas convenable étant donné qu’il serait contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses du prestataire?

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son application du critère juridique dans Faucher c Canada (Procureur général)Note de bas de page 2 pour interpréter la question relative à la disponibilité pour travailler au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi sur l’AE)?

Analyse

[9] La Loi sur l’AE prévoit qu’une partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel elle ne peut prouver qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3.

Démarches habituelles et raisonnables

[10] La Loi sur l’AE prévoit également que la Commission peut exiger d’une partie prestataire qu’elle prouve sa disponibilité en faisant des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenableNote de bas de page 4. Ces démarches sont décrites à l’article 9.001 du Règlement sur l’AENote de bas de page 5. Si la Commission exige qu’une partie prestataire prouve sa disponibilité pour travailler de cette façon et que la partie prestataire ne peut le faire, celle-ci n’est pas admissible aux prestationsNote de bas de page 6.

[11] La division générale a examiné si le prestataire avait prouvé que ses démarches étaient « habituelles et raisonnables ». Elle a conclu qu’il l’avait fait, compte tenu de la disponibilité limitée des possibilités que la division générale a jugées convenables. Voici ce qu’elle a déclaré :

[traduction]
Compte tenu des circonstances particulières en l’espèce, des restrictions concernant l’emploi convenable pour le prestataire qui sont énoncées dans le Règlement sur l’AE et du libellé de l’article 9.001 axé sur les démarches visant à obtenir un emploi convenable, la liste des activités prévues [à l’article 9.001] ne s’applique pas à la situation du prestataire puisqu’il ne peut pas être à la recherche de l’emploi traditionnel visé par ces activités sans aller à l’encontre de ses croyances religieusesNote de bas de page 7.

[12] La Commission a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit parce qu’elle n’avait pas évalué les démarches de recherche d’emploi du prestataire par rapport aux conditions « habituelles et raisonnables » décrites à l’article 9.001 du Règlement sur l’AE.

[13] À mon avis, l’analyse de la division générale quant au fait de savoir si le prestataire avait fait des démarches habituelles et raisonnables n’était pas nécessaire pour rendre sa décision. La Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 50(8) de la Loi sur l’AE pour obliger le prestataire à prouver que ses démarches étaient habituelles et raisonnables, et elle n’a pas décidé de le rendre inadmissible aux prestations au titre de l’article 50(1).

[14] L’article 9.001 du Règlement sur l’AE décrit les « démarches habituelles et raisonnables », mais prévoit que ces conditions sont « pour l’application du paragraphe 50(8) de la Loi [sur l’AE] ». L’article 50(8) est discrétionnaire. Normalement, la Commission évalue la disponibilité de la partie prestataire en fonction de sa déclaration dans les relevés réguliers des demandes de prestations. En l’espèce, la Commission a également demandé au prestataire ce qu’il avait fait pour trouver un emploi. Toutefois, rien ne prouve qu’elle ait demandé au prestataire de prouver qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables ou qu’elle l’ait interrogé sur l’un des éléments énoncés dans les conditions de l’article 9.001.

[15] Si la Commission exige d’une partie prestataire qu’elle prouve qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables et que celle-ci ne peut le faire, la Commission doit rendre la partie prestataire inadmissible aux prestations au titre de l’article 50(1) de la Loi sur l’AE jusqu’à ce que la partie prestataire réponde aux exigences de la Commission. En l’espèce, le prestataire n’était pas inadmissible au titre de l’article 50(1) pour ne pas avoir prouvé que ses démarches étaient habituelles et raisonnables. Il était inadmissible au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE parce qu’il n’était pas « capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 8 ».

[16] Ni l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE ni le critère juridique utilisé pour interpréter la disponibilité au titre de l’article 18(1)(a) ne précise que les démarches d’une partie prestataire pour trouver un emploi doivent être « habituelles et raisonnables ». L’article 18(1)(a) prévoit que toute partie prestataire doit être capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable. Le critère juridique pour déterminer la disponibilité est énoncé dans l’arrêt Faucher c Canada (Procureur général)Note de bas de page 9 de la Cour d’appel fédérale. Dans Faucher, la Cour a défini trois facteurs pertinents qui doivent être pris en considération dans l’application de l’article 18(1)(a). L’un de ces facteurs porte sur la recherche d’emploi de la partie prestataire. Il prévoit que la Commission doit examiner si la partie prestataire a manifesté son désir de retourner sur le marché du travail dès que possible en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable.

[17] L’article 50(8) de la Loi sur l’AE ne s’applique pas aux faits en l’espèce. La division générale est libre d’examiner si le prestataire a participé aux activités décrites à l’article 9.001 du Règlement sur l’AE dans le but d’évaluer si le prestataire a fait des démarches pour trouver un emploi convenable. Toutefois, elle n’est pas tenue de les prendre en considération, car elle n’a pas demandé au prestataire de prouver sa recherche d’emploi au titre de l’article 50(8) et elle ne l’a pas rendu inadmissible aux prestations au titre de l’article 50(1) pour ne pas l’avoir prouvé.

[18] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a rejeté les conditions habituelles et raisonnables qui ne s’appliquent pas au type d’emploi qu’elle estimait convenableNote de bas de page 10. Son analyse des conditions prévues à l’article 9.001 était en fait inutile. Toutefois, comme la division générale a conclu que les conditions habituelles et raisonnables ne s’appliquaient pas au type d’emploi qu’elle a jugé convenable, l’analyse n’a finalement pas eu d’incidence sur sa décision. La division générale a reconnu que le prestataire avait fait d’autres démarches pour retrouver un emploi convenable et a conclu que le prestataire était disponible pour travailler et incapable d’obtenir un emploi convenable au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE.

[19] Je vais maintenant examiner si la division générale a commis une erreur de droit dans sa définition d’un emploi convenable et dans son analyse visant à savoir si le prestataire était disponible pour occuper un emploi convenable.

Signification d’un emploi convenable

[20] La façon dont la division générale a défini un emploi convenable était essentielle à sa conclusion selon laquelle le prestataire était disponible au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE. La division générale a défini le caractère convenable d’un emploi comme étant étroitement lié aux circonstances particulières du prestataire. De nombreux facteurs peuvent jouer un rôle dans le caractère convenable d’un emploi, mais l’un d’eux est de savoir si l’emploi est contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses de la partie prestataire. Selon l’article 9.002(1)(c) du Règlement sur l’AE, un emploi convenable est un emploi dont la nature du travail « n’est pas contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses [de la partie] prestataireNote de bas de page 11 ». Le prestataire est un prêtre catholique. La division générale a reconnu qu’il ne pouvait pas retourner travailler au sein de son diocèse sans obtenir une affectation de son évêque ni être muté dans un autre diocèse sans la permission de l’évêque. La division générale a également reconnu que le prestataire avait besoin de la permission de l’évêque pour occuper un emploi externe, mais que l’évêque refusait de la lui donner.

[21] La division générale a reconnu que les croyances religieuses du prestataire comprenaient son statut de prêtre en tant que [traduction] « dispensateur des mystères de Dieu ainsi que son rôle de prêtre dans l’accomplissement des obligations du ministère pastoralNote de bas de page 12 ». Elle a reconnu que le prestataire aurait risqué son statut de prêtre s’il avait occupé un emploi régulier, soit un emploi qui n’est pas un travail indépendant, sans la permission de l’évêque. Par conséquent, la division générale a convenu que d’exiger le prestataire à obtenir un emploi externe régulier sans la permission de l’évêque était contraire à ses croyances religieuses. Un emploi convenable pour le prestataire au titre de l’article 9.002(1)(c) du Règlement sur l’AE est donc un emploi qui ne risque pas sa révocation du clergéNote de bas de page 13. La Commission n’a contesté aucune des conclusions de fait de la division générale.

[22] La Commission n’a pas contesté le fait que le prestataire demeurait et demeure disponible pour retourner au travail dès que l’évêque ou un autre représentant de l’Église catholique lui offre un poste. Toutefois, la Commission a soutenu que la division générale avait mal interprété l’article 9.002(1)(c) du Règlement sur l’AE. Selon la Commission, l’incapacité du prestataire à trouver un emploi en dehors de l’Église catholique n’était pas parce que la nature de l’autre travail était contraire à ses croyances religieuses. Elle a déclaré que le prestataire n’avait même pas postulé pour un autre emploi (mis à part son travail de conducteur sur appel pour une entreprise de covoiturage) en raison des restrictions que son employeur lui avait imposées. Par conséquent, le prestataire n’avait rien pu prouver par rapport à la nature d’un travail (qui lui aurait été offert autrement) qui ne serait pas convenable en raison d’une objection morale ou religieuseNote de bas de page 14. La Commission n’a pas proposé d’interprétation de ce que la « nature du travail » devrait signifier au-delà de la suggestion selon laquelle chaque emploi devrait être examiné individuellement pour déterminer si un élément quelconque pourrait être répréhensible.

[23] La Commission a cité la jurisprudence lorsqu’elle a soutenu devant la division générale et la division d’appel que le prestataire n’était pas disponible pour travailler. Toutefois, la jurisprudence ne sert pas à grand-chose pour définir la notion d’un « emploi convenable » pour lequel une partie prestataire devrait être disponible. L’arrêt BoisNote de bas de page 15 confirme seulement que la disponibilité (pour un emploi convenable) devrait être évaluée au moyen des facteurs dans Faucher. Les arrêts Cornelissen-O’NeilNote de bas de page 16 et De LamerindeNote de bas de page 17 confirment que toute partie prestataire doit s’engager dans une sorte de recherche d’emploi (convenable) et ne peut pas attendre passivement d’être rappelée au travail.

[24] L’arrêt GagnonNote de bas de page 18 s’applique mieux en l’espèce. Dans Gagnon, la Cour a déclaré que la disponibilité ne peut être subordonnée aux raisons particulières pour lesquelles une partie prestataire impose des restrictions à sa disponibilité même si la partie prestataire a de bonnes raisons de le faire. Toutefois, l’arrêt Gagnon a été rendu avant l’entrée en vigueur de l’article 9.002 du Règlement sur l’AE, qui précise qu’un emploi est « convenable » que s’il n’est pas contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses d’une partie prestataire. Par conséquent, Gagnon ne lie pas la division générale, du moins pas dans la mesure où les [traduction] « bonnes raisons » de la partie prestataire incluent son refus de compromettre ses convictions morales ou ses croyances religieuses.

[25] L’arrêt Leblanc est semblable à l’arrêt Gagnon. Dans Leblanc, la Cour a déclaré qu’une partie prestataire n’est pas disponible pour travailler lorsqu’elle est dans une situation qui l’empêche d’être disponible. Tout comme Gagnon, l’arrêt LeblancNote de bas de page 19 a été rendu avant l’entrée en vigueur de l’article 9.002 du Règlement sur l’AE. Il ne précise rien à propos des circonstances qui empêchent un emploi d’être convenable (contrairement à disponible).

[26] De plus, la situation dans Leblanc était bien différente de celle du prestataire. Dans Leblanc, les circonstances personnelles ont empêché le prestataire de profiter des possibilités d’emploi qui auraient autrement été disponibles. Il ne pouvait pas travailler parce que son équipement de travail avait été détruit dans un incendie et qu’il avait perdu son moyen de transport jusqu’au travail. En l’espèce, le refus de coopérer de l’évêque ne signifie pas que le prestataire est indisponible pour occuper un emploi externe régulier. En tant que représentant de l’Église catholique (l’employeur du prestataire), l’évêque pouvait seulement empêcher le prestataire d’occuper un emploi au sein de l’Église catholique. De toute évidence, la Loi sur l’AE ne vise pas à exclure une partie prestataire du bénéfice des prestations simplement parce que son employeur refuse de lui offrir du travail. Cela serait contraire à l’objet de la Loi sur l’AE. Le prestataire ne pouvait pas être inadmissible pour avoir été [traduction] « indisponible » simplement parce que l’évêque l’avait empêché de retourner travailler au sein de l’Église catholique.

[27] Les mesures de l’évêque n’auraient pas pu empêcher le prestataire d’être disponible pour travailler, mais la division générale a reconnu que le refus persistant de l’évêque d’accorder la permission au prestataire d’occuper un emploi régulier en dehors de l’Église catholique avait eu pour conséquence supplémentaire de rendre tous les emplois externes réguliers non convenables. Cela s’explique par le fait que le prestataire perdrait son statut de prêtre s’il acceptait un emploi externe régulier sans la permission de l’évêque.

[28] La division générale a conclu que le prestataire était disponible pour occuper un emploi convenable même s’il n’avait effectué aucune recherche d’emploi externe régulier. Ce faisant, la division générale a non seulement accepté les éléments de preuve attestant des démarches du prestataire pour réintégrer ses fonctions au sein de l’Église catholique et du fait qu’il était disponible pour offrir ses services de covoiturage, mais elle s’est aussi appuyée sur ces éléments.

[29] La Commission soutient que les mesures de l’évêque ne rendent pas tout emploi en dehors de l’Église catholique non convenable. Elle fait valoir que les [traduction] « lois » de l’Église, comme celles qui compromettraient le statut de prêtre du prestataire si celui-ci acceptait un emploi externe régulier, ne sont qu’une [traduction] « méthodologie pour réglementer la vie d’une personne croyante dont les choix personnels sont touchésNote de bas de page 20 ». La Commission a également déclaré que la loi ne peut être appliquée [traduction] « partiellement aux membres du clergéNote de bas de page 21 ».

[30] La Commission a soutenu que le prestataire n’était pas disponible parce qu’il n’était pas à la recherche d’un emploi, mis à part son travail indépendant existant chez une entreprise de covoiturage. La Commission conteste le fait que les démarches du prestataire (pour réintégrer des fonctions au sein de l’Église catholique) étaient des démarches de recherche d’emploi. Elle les décrit plutôt comme des tentatives visant à [traduction] « répondre à une plainte déposée contre lui », qu’elle a qualifié de [traduction] « substitut à la recherche d’un emploi convenableNote de bas de page 22 ». Selon ce point de vue, le refus de l’évêque de permettre au prestataire de travailler au sein de l’Église catholique ou d’occuper un emploi externe régulier ne serait pas pertinent en ce qui concerne la disponibilité du prestataire. Les mesures de l’évêque n’étaient rien de plus qu’une situation malheureuse ayant empêché le prestataire d’obtenir un emploi régulier (tout comme la perte de l’équipement de travail et du moyen de transport dans l’arrêt Leblanc).

[31] Je dois déterminer si la division générale a commis une erreur en fondant sa conclusion selon laquelle un emploi externe régulier n’était pas convenable sur les mesures de l’évêque. L’article 9.002(1)(a) du Règlement sur l’AENote de bas de page 23 prévoit qu’un emploi convenable est un emploi dont la nature du travail n’est pas contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses de la partie prestataire. Si ce n’était pas de l’article 9.002, un emploi externe régulier aurait probablement été convenable, et le prestataire aurait eu à prouver sa disponibilité pour cet emploi. Le prestataire aurait peut-être dû renoncer à sa prêtrise ou aurait dû être disposé à le faire. Voilà le prix à payer pour être disponible pour travailler et recevoir des prestations, même si cela peut sembler sévère.

[32] Toutefois, je suis d’accord avec la division générale que les circonstances sont assujetties à l’article 9.002 du Règlement sur l’AE. La division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu qu’occuper un emploi régulier en dehors de l’Église catholique sans la permission de l’évêque ne serait pas convenable, car cela serait contraire aux croyances religieuses du prestataire.

[33] L’obtention d’un emploi externe sans l’approbation de l’évêque exigerait que le prestataire renonce à son statut de prêtre. Comme cela est contraire à ses croyances religieuses, l’Église catholique est son seul employeur régulier possible. Au sein de la hiérarchie de l’Église catholique, l’évêque est celui qui détermine les fonctions du prestataire. Le prestataire ne peut pas travailler pour son propre évêque à moins que celui-ci ne l’affecte à un poste. Le prestataire ne peut pas travailler en tant que prêtre ou ministre dans une autre confession ou tradition religieuse et demeurer prêtre au sein de l’Église catholique. Il ne peut même pas occuper des fonctions séculières sans l’approbation de l’évêque. Pour demeurer prêtre, sa capacité de travailler pour un employeur dépend entièrement de l’approbation de l’évêque.

[34] Aux yeux du prestataire, être un prêtre n’est pas simplement une occupation, mais un appel de Dieu. Comme il a répondu à cet appel, il ne peut pas renoncer de son plein gré à sa prêtrise. Cela serait contraire à ses croyances religieuses.

[35] Je suis d’accord avec la Commission que le droit canonique n’est pas celui qui régit les parties prestataires de l’assurance-emploi et qu’il ne devrait pas y avoir une loi pour les parties prestataires catholiques et une autre régissant les autres parties prestataires. Toutefois, l’article 9.002(1)(c) du Règlement sur l’AE est une disposition qui régit toutes les parties prestataires de l’assurance-emploi. Le Règlement sur l’AE ne contient aucune disposition applicable aux parties prestataires catholiques ou aux parties prestataires d’autres groupes. Le Règlement sur l’AE veille à ce que la loi n’oblige pas une partie prestataire à choisir entre le droit aux prestations d’assurance-emploi et sa conscience ou ses croyances religieuses. Il en va de même lorsque ces croyances religieuses comprennent la soumission à l’Église catholique et à ses préceptes, dont les décisions d’un évêque qui représente l’Église catholique ou les préceptes du droit canonique.

[36] La Commission a également soutenu que la division générale avait mal interprété l’article 9.002 du Règlement sur l’AE. Elle a fait valoir qu’il est impossible d’évaluer si la « nature » des possibilités d’emploi externe aurait été contraire aux croyances religieuses du prestataire. Cela s’explique par le fait que le prestataire n’a pas fourni de renseignements sur une recherche d’emploi dont la « nature » du travail était susceptible d’être examinée. Je ne suis pas d’accord.

[37] Le prestataire a convaincu la division générale qu’il perdrait son statut de prêtre s’il acceptait un emploi externe régulier sans la permission de l’évêque. Dans son cas, la « nature du travail » se rapportant à l’application de l’article 9.002 du Règlement sur l’AE consiste en un emploi externe. Par conséquent, le prestataire devait seulement montrer que l’évêque refusait de lui donner la permission de travailler en dehors de l’Église catholique. Dans cette situation, la division générale n’était pas tenue d’examiner les circonstances particulières des emplois pour déterminer si les fonctions ou les conditions de ces emplois étaient contraires aux convictions morales ou aux croyances religieuses du prestataire. Tout emploi externe régulier était contraire à ses croyances religieuses parce que sa « nature » pertinente consistait en un emploi externe régulier.

[38] J’estime que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit dans son interprétation de l’article 9.002 du Règlement sur l’AE ni dans sa conclusion selon laquelle un emploi externe régulier n’était pas convenable parce que l’évêque n’avait pas autorisé le prestataire à accepter un emploi externeNote de bas de page 24.

Signification d’être « disponible pour travailler »

Démarches pour obtenir un emploi régulier

[39] La Commission a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit en estimant que les démarches du prestataire [traduction] « pour régler les problèmes en suspens avec son employeur habituel » étaient des démarches visant à obtenir un emploi convenable.

[40] Une grande partie de l’argumentation de la Commission était que le prestataire n’était pas disponible parce que ses démarches de recherche d’emploi ne pouvaient pas être qualifiées comme étant « habituelles et raisonnables ». Toutefois, son argumentation soulève aussi la question générale de savoir si le prestataire a fait le nécessaire pour se trouver un emploi en appliquant le critère dans Faucher.

[41] Pour être disponible, une partie prestataire doit manifester le désir de retourner au travail en faisant des démarches pour obtenir un emploi convenableNote de bas de page 25. La division générale a soutenu que le prestataire avait manifesté son désir de reprendre le travail au sein de l’Église catholique en faisant différentes démarches pour réintégrer ses fonctions ecclésiastiques.

[42] La division générale a reconnu que les démarches de recherche d’emploi doivent correspondre à l’emploi qu’elle a jugé convenableNote de bas de page 26. Cela est conforme à l’approche généralement adoptée par la jurisprudence. Par exemple, dans le cas d’une partie prestataire ayant un handicap physique, il pourrait être raisonnable que cette partie prestataire soit seulement à la recherche d’un emploi dans lequel l’employeur lui fournirait des mesures d’adaptationNote de bas de page 27. Dans certains cas, une personne qui s’attend à être rappelée prochainement par son employeur peut toujours être jugée « disponible » même si elle n’a pas cherché d’emploi chez un autre employeurNote de bas de page 28.

[43] La division générale a déterminé que le seul emploi régulier et convenable pour le prestataire serait une sorte de retour au travail au sein de l’Église catholique. Il était logique qu’elle considère par la suite les types de démarches de recherche d’emploi qui conviendraient à ce genre d’emploi.

[44] La division générale a conclu que le prestataire avait fait des démarches soutenues pour résoudre ses problèmes avec l’évêque, qu’il avait déposé une plainte concernant les droits de la personne et qu’il avait fait appel à la Congrégation pour le clergé à Rome. « Rome » a ordonné que l’évêque annule l’ordonnance mettant fin à la rémunération du prestataire. Malheureusement, l’évêque n’a pas interprété l’ordre comme une exigence de réintégrer le prestataire ou de rétablir sa rémunération. L’évêque n’a toujours pas confié une nouvelle affectation au prestataire ni donné la permission de travailler ailleurs, bien qu’il ait apparemment dit être ouvert à régler leurs différends. Selon la division générale, le prestataire poursuit ses démarches pour obtenir un emploi au sein de l’Église catholique.

[45] Il ne s’agit pas d’une personne qui refuse tout simplement d’accepter le fait que son employeur l’a licenciée, qui demande une deuxième chance à son employeur et qui pourrait trouver un autre emploi ailleurs en faisant une simple recherche. Le prestataire demeure un prêtre au sein de l’Église catholique et il est en conflit avec son évêque. Le prestataire s’attend raisonnablement à ce que son litige se règle après avoir négocié avec l’évêque ou utilisé les voies officielles de règlement de conflit. Qui plus est, la possibilité de chercher et d’accepter un emploi externe régulier sans la permission de l’évêque exigerait que le prestataire renonce à son statut de prêtre, ce qui est contraire à ses convictions morales et à ses croyances religieuses.

[46] J’estime que les démarches du prestataire pour être réadmis au sein de l’Église catholique sont des démarches ayant pour but d’obtenir un emploi convenable au sens de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE et aux fins de l’établissement du deuxième facteur dans le critère de Faucher.

Démarches pour devenir un travailleur indépendant

[47] Après s’être brouillé avec l’évêque, le prestataire a commencé à travailler sur appel en tant qu’entrepreneur indépendant pour une grande entreprise de covoiturage. Il a offert ses services de conducteur à temps plein après que l’évêque a cessé de lui verser une rémunération en mai 2019. Selon le prestataire, ce type de travail indépendant ne lui ferait pas perdre son statut de prêtre.

[48] La division générale a reconnu que le prestataire pouvait occuper un travail indépendant en dehors de l’Église catholique tout en demeurant prêtre. Lorsque la division générale a comparé les démarches de recherche d’emploi du prestataire aux conditions habituelles et raisonnables, elle a noté que le travail indépendant du prestataire était également un emploi « convenable » parce qu’il était conforme au droit canoniqueNote de bas de page 29. Par conséquent, lorsque la division générale a évalué les démarches de recherche d’emploi du prestataire, elle a examiné ses démarches de travail indépendant ainsi que ses démarches visant à obtenir un emploi au sein de l’Église catholiqueNote de bas de page 30.

[49] La Commission a convenu qu’un travail indépendant était également convenable. Toutefois, elle a soutenu que les démarches du prestataire pour obtenir un travail indépendant n’étaient pas suffisantes parce qu’elles n’étaient pas habituelles et raisonnables.

[50] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en n’exigeant pas du prestataire qu’il trouve un autre travail indépendant convenable ou un travail indépendant convenable supplémentaire. La division générale a qualifié le travail de covoiturage du prestataire comme étant un emploi à temps plein, ce qui semble signifier que le prestataire était disponible pour offrir ses services de conducteur à temps plein. La division générale a interprété cela comme une [traduction] « disponibilité à temps plein » plutôt qu’un « emploi à temps plein », ce qui correspond à l’avis de la Commission selon lequel le travail indépendant du prestataire était un emploi [traduction] « sur appel ». Toutefois, la Commission semble laisser entendre que le prestataire n’était pas assez disponible et qu’il aurait dû démontrer sa disponibilité en faisant plus de démarches pour trouver un autre travail indépendant ou un travail indépendant supplémentaire.

[51] Que le prestataire ait bien examiné ou non les possibilités de travail indépendant, la Commission a tort d’estimer que la disponibilité pour le travail exige d’une partie prestataire qu’elle fasse des démarches considérables pour devenir une travailleuse indépendante. Il n’y a aucun fondement juridique pour appuyer la notion qu’une partie prestataire doit saisir des possibilités de travail indépendant pour prouver sa disponibilité. En fait, toute partie prestataire est considérée comme non disponible pour travailler au titre du Règlement sur l’AE si elle établit des possibilités de travail indépendant dans une mesure qui n’est plus si limitéeNote de bas de page 31. La division générale a accepté que la disponibilité du prestataire pour son travail de covoiturage était une preuve de son désir de travailler et de ses démarches pour retrouver un emploi. Elle a également reconnu que l’engagement du prestataire envers l’entreprise de covoiturage aidait à montrer qu’il ne limitait pas déraisonnablement l’étendue de sa recherche d’un emploi convenable. La Commission n’a pas expliqué en quoi le fait que la division générale ait évalué la preuve de cette façon constituait une erreur de droit.

[52] Je peux comprendre pourquoi la Commission pourrait soutenir que le prestataire aurait dû en faire plus en ce qui concerne son travail indépendant pour prouver sa disponibilité. La division générale a reconnu qu’un travail indépendant était convenable pour le prestataire et que celui-ci avait fait des démarches soutenues pour trouver un travail indépendant. Toutefois, la division générale n’a pas déclaré que le prestataire était tenu de travailler ni de chercher un travail indépendant pour prouver sa disponibilité. Elle a jugé le travail indépendant du prestataire comme une preuve qui appuyait sa disponibilité pour travailler. La division générale a seulement dit que les services de covoiturage du prestataire exigeaient qu’il soit en communication avec l’entreprise tous les jours pour obtenir du travail et que ce contact quotidien [traduction] « peut être considéré comme une évaluation des possibilités d’emploiNote de bas de page 32 ».

[53] Les démarches du prestataire pour réintégrer ses fonctions au sein de l’Église catholique et pour se joindre à une entreprise de covoiturage ne sont peut-être pas des démarches de recherche d’emploi conventionnelles, mais les circonstances du prestataire ne le sont pas non plus. J’ai des réserves quant au fait de reconnaître que la disponibilité pour travailler du prestataire puisse être déterminée principalement par à une seule organisation. En fait, je n’aurais peut-être pas tiré la même conclusion s’il n’y avait aucune possibilité raisonnable pour le prestataire de négocier ou de plaider son retour à un poste au sein de l’Église catholique. J’ai également remarqué que l’Église catholique est une organisation extraordinairement vaste et répandue qui comprend de nombreux postes convenables pour les prêtres catholiques et qui offre les seuls postes dans lesquels un prêtre catholique peut exercer la fonction de prêtre catholique. Je n’aurais peut-être pas tiré la même conclusion si je n’avais pas été d’accord avec la division générale qu’il serait contraire aux convictions morales et aux croyances religieuses du prestataire de devoir renoncer à sa prêtrise.

[54] La division générale a conclu que le prestataire était disponible au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE et selon le critère dans Faucher. Elle n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que le prestataire avait fait des démarches pour obtenir un emploi convenable.

Conclusion

[55] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 7 mai 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

S. B., représentante de l’appelante

T. F., intimé

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