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- Décision
- Aperçu
- Question préliminaire – L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel
- Question préliminaire – Les deux appels de la prestataire ont été joints
- Question préliminaire – La prestataire a retiré un appel à l’audience
- Question préliminaire – Un ajournement a été accordé
- Question en litige
- Motifs de ma décision
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est rejeté. La prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi puisqu’elle avait d’autres choix raisonnables au moment de sa démission. Cela signifie qu’elle est exclue du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi (AE).
Aperçu
[2] La prestataire travaillait dans un cabinet de dentiste lorsqu’elle a eu une « prise de bec » avec le dentiste. Le lendemain, elle lui a donné un avis de son intention de cesser de travailler dans trois mois. La prestataire a cessé de travailler le 28 août 2019 et a commencé l’université le 4 septembre 2019. La Commission a examiné les raisons pour lesquelles la prestataire a quitté son emploi et a déterminé qu’elle l’avait fait de façon volontaire et qu’elle était exclue du bénéfice des prestations. La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Elle dit qu’elle avait de bonnes raisons de quitter son emploi.
Question préliminaire – L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel
[3] Le Tribunal a établi que l’ancien employeur de la prestataire pouvait être mis en cause dans les appels de cette dernière. Normalement, le Tribunal envoie une lettre à l’ancienne employeuse ou l’ancien employeur de la partie prestataire pour lui demander si elle ou s’il souhaite être mis en cause. Dans le présent cas, le Tribunal ne l’a pas fait car les services administratifs sont suspendus temporairement en raison de la situation d’urgence touchant la santé publique. Pour être mis en cause, l’employeur devait montrer qu’il avait un intérêt direct dans l’appel. Puisqu’il n’y a rien dans le dossier d’appel qui m’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas le mettre en cause dans le cadre du présent appel. Il n’y a rien au dossier qui me laisse croire que ma décision imposerait une obligation juridique à l’employeur.
Question préliminaire – Les deux appels de la prestataire ont été joints
[4] Il est possible de joindre deux ou plusieurs appels si les appels soulèvent les mêmes questions de droit ou de faitNote de bas de page 1. Je peux juger les appels ensemble parce je suis convaincue qu’aucune injustice ne sera vraisemblablement causée à quelque partie que ce soit par la jonction des appels. La prestataire a présenté deux appels au Tribunal (GE-20-1379 et GE-20-1389). J’ai examiné les deux dossiers d’appels et constaté que les circonstances entourant la fin de l’emploi de la prestataire et les décisions de la Commission au sujet de la disponibilité pour travailler de la prestataire ont plusieurs choses en commun. La Commission a donné son opinion dans les deux dossiers. La prestataire a été mise au courant que je jugerais les deux appels ensemble à l’audience. Je suis donc convaincue qu’aucune injustice n’a été causée aux parties et qu’il est approprié de joindre les deux appels en raison des questions de droits ou de fait soulevées.
Question préliminaire – La prestataire a retiré un appel à l’audience
[5] L’appel de la prestataire dont le numéro de dossier est le GE-20-1389 concernait la décision de la Commission de ne pas annuler sa décision de lui refuser des prestations d’AE parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Cela signifiait que la prestataire portait en appel une décision qui lui était favorable. La prestataire m’a dit qu’elle ne souhaitait plus appeler de cette décision lors de l’audience.
[6] La décision de la prestataire de ne pas interjeter appel de la décision de la Commission sur sa disponibilité signifie que je dois seulement trancher sur son autre appel, GE-20-1379, contre la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice de l’AE parce qu’elle a volontairement quitté son travail.
Question préliminaire – Un ajournement a été accordé
[7] L’audience de cet appel a commencé le 4 juin 2020. Vers la fin de l’audience, la prestataire a indiqué qu’elle n’avait pas en main les observations (GD4) de la Commission pour l’appel GE-20-1379 et n’était pas en mesure d’y répondre, comme je le lui avais demandé. Dans l’intérêt de la justice naturelle, j’ai ajourné l’audience afin que le dossier de révision (GD3) et les observations de la Commission (GD4) lui soient de nouveau envoyés pour lui donner l’occasion d’étudier ces documents. La reprise de l’audience a eu lieu le 5 juin 2020.
Question en litige
[8] Je dois décider si la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Cette décision doit se prendre en deux étapes. Je dois d’abord établir si la prestataire a choisi de quitter son emploi. Par la suite, je dois déterminer si elle était fondée à le faire.
Motifs de ma décision
[9] Selon la loi, une personne qui quitte son emploi sans justification est exclue du bénéfice des prestations d’AENote de bas de page 2.
La prestataire a volontairement quitté son emploi
[10] Pour déterminer si une ou un prestataire a quitté volontairement son emploi, il faut se demander si elle ou il avait le choix de rester ou de partirNote de bas de page 3.
[11] La prestataire a témoigné qu’elle avait remis un avis de départ à son employeur. Je conclus donc qu’elle a démissionné. Rien ne contredit cet élément de preuve. Cela signifie qu’elle a volontairement quitté son emploi.
La prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi
[12] Les parties, soit la prestataire et la Commission, ne s’entendent pas sur le fait que la prestataire était ou non fondée à quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait.
[13] Selon la loi, une partie prestataire est fondée à quitter son emploi si elle n’a aucun autre choix raisonnable que de démissionnerNote de bas de page 4. Il incombe à la partie prestataire de le prouverNote de bas de page 5. Avoir une bonne raison de quitter son emploi n’équivaut pas à avoir une justification.
[14] Pour déterminer s’il y avait une justification, je dois examiner toutes les circonstances au moment de la démission de la partie prestataireNote de bas de page 6.
[15] Parmi les circonstances que je dois examiner, certaines sont déterminées par la loiNote de bas de page 7. Une fois qu’on a déterminé quelles circonstances s’appliquent à la prestataire, cette dernière doit ensuite démontrer qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi lorsqu’elle l’a faitNote de bas de page 8.
[16] La prestataire a présenté une demande d’AE, avec l’aide de sa mère, le 11 novembre 2019. Dans sa demande de prestations, la prestataire a indiqué qu’elle a quitté son emploi pour faire des études. Elle a indiqué qu’elle avait pris la décision personnelle de faire des études et qu’une agente ou un agent autorisé du gouvernement ne lui avait pas recommandé de suivre un programme d’étude. La demande précise également que la prestataire allait à l’université et avait commencé ses cours le 4 septembre 2019. Le relevé d’emploi (RE) établi par l’employeur indique « départ volontaire / retour aux études » comme raison de production de ce document.
[17] La Commission a rejeté la demande de prestations d’AE de la prestataire le 15 novembre 2019. La Commission disait qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification au sens de la Loi sur l’AE.
[18] La prestataire a demandé une révision de la décision. Elle a écrit qu’elle avait quitté son emploi pour plusieurs raisons, [traduction] « principalement l’environnement de travail toxique et hostile dans lequel elle doit travailler chaque jour ». Elle a écrit que le dentiste avec lequel elle travaillait n’était pas un homme agréable, qu’il pouvait être grossier, et que certains jours, il ne parlait pas du tout. Elle a écrit qu’elle a dû supplier pour obtenir une augmentation de salaire et que le dentiste a par la suite voulu faire marche arrière en réduisant le nombre de jours de vacances qu’il lui avait accordé. Elle a écrit qu’on lui demandait aussi d’effectuer des tâches qui sortaient du cadre de ses fonctions, notamment, peinturer des murs et arracher des mauvaises herbes. La prestataire a écrit [traduction] « qu’elle croyait que c’était peut-être le temps de songer à travailler sur elle-même, devenir une [profession], une [entrepreneure] respectée ».
[19] La prestataire a témoigné qu’elle n’aurait pas pu conserver son emploi plus longtemps. Le dentiste l’intimidait et la harcelait. Plusieurs personnes ont quitté cet emploi pour les mêmes raisons. La prestataire a témoigné qu’elle croyait que retourner aux études serait la solution la plus avantageuse pour elle et n’a pas pensé qu’elle devait obtenir la permission.
[20] La prestataire a témoigné qu’elle devait couper la pelouse avec des ciseaux. Le dentiste lui a fait peindre un mur dans la chaufferie de l’immeuble. Elle l’a repeint trois fois, car le dentiste n’était pas satisfait. L’autre dentiste du cabinet dentaire est intervenu pour lui dire qu’il ne pouvait pas demander à la prestataire d’exécuter ce type de travail. Le dentiste a présenté ses excuses à la prestataire. Son épouse, qui est également la gestionnaire du bureau, lui a aussi présenté ses excuses au nom du dentiste. Ce dernier avait augmenté le nombre de ses congés annuels à trois semaines, et par la suite, son salaire. La prestataire était en vacances pendant deux semaines lorsqu’elle s’est rendue au cabinet à la fin de sa première semaine de congés écoulée. La gestionnaire du bureau lui a dit de consulter son solde de congés car elle ne croyait pas qu’il lui restait assez de jours pour la deuxième semaine. La prestataire a pris sa deuxième semaine de vacances à ses frais.
[21] La prestataire a témoigné qu’elle a eu une prise de bec avec le dentiste autour du mois de juillet 2019. Elle a dit que le dentiste l’a accusée du vol de vêtements médicaux qu’elle portait au travail. Elle n’a pas aimé être accusée d’un geste qu’elle n’a pas commis. La prestataire a témoigné qu’elle a dit au dentiste qu’elle devait lui donner un préavis de départ à ce moment-là. La prestataire a déposé les vêtements médicaux sur le bureau du dentiste à la fin de sa journée de travail.
[22] La prestataire affirme qu’elle avait donné un préavis d’environ trois mois. Elle a continué de travailler avec le dentiste et a formé sa remplaçante. La prestataire a témoigné qu’elle devait déménager en dehors de la province dans laquelle elle travaillait pour faire des études. Elle vivait dans un appartement qu’elle louait et a donné un préavis de départ d’un mois au propriétaire. La prestataire a déménagé pour aller à l’université le jour avant le début des classes.
[23] J’ai demandé à la prestataire pourquoi son employeur avait indiqué « retour aux études » sur le RE. Elle a répondu qu’elle n’avait pas donné de raison à son employeur pour son départ. Elle présume que la rumeur a dû se répandre au bureau parce qu’elle avait dit à ses collègues qu’elle retournerait à l’université si elle n’arrivait pas à trouver du travail. La prestataire a témoigné qu’elle n’a pas cherché de travail à partir de la date à laquelle elle a donné son avis jusqu’à ce qu’elle arrête de travailler.
[24] Le dossier d’appel contient des courriels entre la prestataire et la gestionnaire du bureau. La gestionnaire du bureau a fourni les courriels à la Commission. Pendant l’audience, la prestataire a confirmé qu’elle avait écrit les courriels. Dans le premier courriel de la série, la prestataire a écrit :
[traduction]
Je commence à manquer de temps malheureusement, et je me demandais s’il était possible d’indiquer qu’il s’agit de la fin du contrat ou d’un licenciement au moment de remplir mon RE au cours des deux prochaines semaines pour que je puisse recevoir des prestations d’AE, comme ce sera ma seule source de revenus pendant que je serai à l’université! Si nous indiquons retour aux études ou départ volontaire, je serai automatiquement exclue de l’AE et je ne pourrai pas recevoir de prestations!
[25] Les courriels de réponses de la gestionnaire du bureau démontrent qu’elle a refusé cette demande comme en témoigne le RE.
[26] La gestionnaire du bureau a écrit à la Commission que l’environnement de travail n’était pas hostile et qu’une fête en vue du départ de la prestataire avait été organisée avec de la pizza. La prestataire a contesté ces déclarations.
[27] Après avoir examiné les éléments dans le dossier d’appel et après avoir entendu le témoignage de la prestataire, j’estime que la véritable raison pour laquelle elle a quitté son emploi est pour faire des études. Je reconnais qu’il peut y avoir plusieurs raisons pour quitter un emploi. Je reconnais le témoignage de la prestataire selon lequel le dentiste était grossier et lui faisait faire des tâches qui ne se trouvaient pas dans sa description de poste. La prestataire a témoigné qu’elle a eu une prise de bec avec le dentiste en juillet 2019. Le lendemain, elle a dit au dentiste qu’elle ne pouvait plus travailler pour lui. Elle a témoigné qu’elle n’a jamais donné de raison pour quitter son emploi et qu’elle a seulement décidé de retourner à l’université après sa prise de bec. Mais ce témoignage ne concorde pas avec celui selon lequel elle a dit aux autres employés du cabinet qu’elle retournerait aux études si elle ne trouvait pas un emploi. La prestataire a témoigné qu’elle n’a pas cherché un travail avant de quitter son emploi. Elle a écrit à la gestionnaire du bureau pour lui demander de ne pas indiquer retour aux études sur son RE. L’inaction de la prestataire pour se trouver un autre emploi et ses courriels me confirme que la raison pour laquelle elle a véritablement quitté son emploi était pour retourner aux études.
[28] Les tribunaux ont bien établi que de quitter un emploi pour faire des études non autorisées par la Commission ou l’autorité compétente, n’est pas une justification au sens de la Loi sur l’AENote de bas de page 9. La prestataire n’a reçu de recommandation pour faire des études ni de la part de la Commission ni de l’autorité désignée. Ainsi, je considère que la prestataire a fait le choix personnel de faire des études.
[29] La Commission affirme que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle avait d’autres solutions raisonnables que quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. Elle affirme qu’une solution raisonnable aurait été de continuer d’occuper son emploi permanent et obtenir le parrainage et l’autorisation de suivre un programme de formation au lieu de démissionner. Alternativement, la Commission estime que la prestataire aurait pu obtenir une approbation pour quitter son emploi ou avant de reprendre ses études.
[30] Je note que la Loi sur l’AE n’exige pas qu’une personne reçoive l’autorisation de quitter son emploi lorsqu’elle reçoit la recommandation de faire des études. La Commission semble avoir une politique qui exige qu’une personne obtienne l’autorisation de démissionner ou de prendre un congé avant d’entreprendre un programme de formation recommandé. À mon avis, cette politique n’a aucun fondement législatif et ne peut pas exclure la prestataire des prestations de l’AE qui sont prévues par la loi. Cependant, il incombe à la prestataire de prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi au sens de la loi et de la Loi sur l’AE.
[31] Il y a une distinction entre les concepts de « raison valable » et de « justification » dans le cas d’un départ volontaire. Il ne suffit pas pour une partie prestataire de prouver qu’il était raisonnable de quitter son emploi, car ce qui est raisonnable peut correspondre à un motif valable, mais ne constitue pas nécessairement une justification. Elle doit démontrer que, dans les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnableNote de bas de page 10.
[32] Je conclus que la prestataire n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’avait aucun autre choix raisonnable que de démissionner. Je reconnais que la prestataire croyait fermement que de reprendre ses études était la meilleure décision pour elle. Faire des études était peut-être un bon choix pour la prestataire sur le plan personnel mais elle n’était pas fondée à quitter son emploi, car elle avait d’autres solutions raisonnables au moment où elle est partie. J’estime qu’il aurait été raisonnable pour la prestataire d’obtenir une autorisation de suivre un programme de formation avant de quitter son emploi. Avant son départ, elle avait été en contact avec une autorité désignée qui a refusé de lui recommander de suivre des études. Elle n’a pas été en mesure d’obtenir cette recommandation. Par conséquent, compte tenu de toutes les circonstances, je conclus que la prestataire n’a pas réussi à démontrer qu’il n’y avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. Ainsi, je conclus que la décision de la prestataire de quitter son emploi ne répond pas au critère de justification pour quitter volontairement son emploi comme l’exigent la Loi sur l’AE et la jurisprudence décrites ci-dessus.
Conclusion
[33] L’appel est rejeté.
Date de l’audience :
Le 5 juin 2020
Mode d’instruction :
Téléconférence
Comparution :
Z. P., appelante