Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. L’appelant (employeur) a démontré que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. La partie mise en cause (prestataire) n’a pas réussi à démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi, car d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui.

Aperçu

[2] Le prestataire a travaillé comme chauffeur pour une entreprise de revêtement de sol et a quitté son emploi le 27 mai 2019 (GD3-22). Il a quitté son emploi parce que les véhicules de l’entreprise n’étaient pas sécuritaires, que son employeur le dénigrait et l’encourageait à conduire à toute vitesse.

[3] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi (GD3‑3 à GD3‑21). La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ du prestataire et a décidé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi, et qu’il était donc admissible aux prestations d’assurance‑emploi (GD3‑28).

[4] L’employeur a demandé la révision de cette décision. Il a fait valoir que le prestataire n’avait pas fourni d’explication pour avoir quitté son emploi et il a contesté l’ensemble des autres accusations (GD3‑29 à GD3‑30). Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale parce qu’elle a estimé que les deux parties étaient aussi crédibles l’une que l’autre, mais elle a accordé le bénéfice du douteNote de bas de page 1 au prestataire (GD3‑50). L’employeur a fait appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale. Le reste de l’historique des procédures est résumé dans la note de bas de page (GD2‑1 à GD2‑20; GD2A‑1 à GD2A‑2)Note de bas de page 2.

Observations après l’audience

[5] Le prestataire a affirmé qu’il avait une copie de la réclamation qu’il a présentée au ministère du Travail. Étant donné que ce document était pertinent pour les questions en litige, je lui ai demandé d’en envoyer une copie au Tribunal au plus tard le 29 mai 2020. Le Tribunal a reçu les documents du prestataire le 28 mai 2020, et une copie a été envoyée à l’employeur et à la Commission le 29 mai 2020 (RGD5‑1 à RGD5‑10).

[6] L’employeur a affirmé qu’il détenait une copie d’un formulaire interne de sécurité des chauffeurs et quelques autres documents en lien avec la réclamation au ministère du Travail précitée. Étant donné que ces documents étaient pertinents pour les questions en litige, je lui ai demandé d’en envoyer des copies au plus tard le 29 mai 2020. Le Tribunal a reçu les documents de l’employeur le 27 mai 2020, et une copie a été envoyée au prestataire et à la Commission le 28 mai 2020 (RGD4‑1 à RGD4‑14).

Question en litige

[7] Je dois décider si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi parce qu’il est présumé avoir quitté volontairement son emploi sans justification. Pour ce faire, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Le fait que le prestataire a volontairement quitté son emploi n’est pas contesté

[8] Le prestataire est d’accord pour dire qu’il a quitté son emploi (autrement dit, qu’il a quitté volontairement son emploi) mais il affirme qu’il avait des raisons pour le faire. Il a confirmé qu’il avait retourné les clés de l’entreprise et qu’il avait quitté son emploi vers l’heure du dîner, avant la fin prévue de son quart de travail le 27 mai 2019.

[9] Cela n’a pas été contesté par les parties. Cette déclaration concorde également avec ses affirmations précédentes à la Commission confirmant qu’il avait quitté son emploi (GD3‑25; GD3‑34). Le relevé d’emploi montre aussi qu’il a quitté son emploi, et que sa dernière journée de travail était le 27 mai 2019 (GD3‑22). Par conséquent, j’estime que le prestataire a quitté volontairement son emploi le 27 mai 2019.

Les parties ne s’entendent pas sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[10] Les parties ne s’entendent pas au sujet du fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi le 27 mai 2019.

[11] La loi énonce qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on est fondé à le faire. Une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 4. C’est au prestataire de le prouverNote de bas de page 5. Le prestataire doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 6.

[12] Pour trancher cette question, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment où le prestataire a quitté son emploi. Certaines des circonstances que je dois examiner sont déterminées par la loiNote de bas de page 7. Une fois que j’aurai décidé quelles circonstances s’appliquent au prestataire, ce dernier devra ensuite montrer qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 8.

Circonstances qui existaient lorsque le prestataire a quitté son emploi

[13] Le prestataire affirme que les circonstances suivantes existaient quand il a quitté son emploi :

  1. les camions de l’entreprise présentaient des problèmes de sécurité;
  2. l’employeur le dénigrait;
  3. l’employeur l’encourageait à conduire à toute vitesse;
  4. l’employeur ne lui a pas fourni de mesures d’adaptation pendant que son père était malade.

Questions de sécurité

[14] Comme le prestataire soutient que les camions de l’entreprise présentaient des problèmes de sécurité, j’ai examiné la question de savoir si les conditions de travail du prestataire étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité et si les pratiques de l’employeur étaient contraires au droitNote de bas de page 9.

[15] Pour les raisons expliquées ci-dessous, je n’estime pas que le prestataire était fondé à quitter son emploi en raison de conditions de travail qui étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité ou parce que les pratiques de l’employeur étaient contraires à la loi.

[16] Le prestataire a travaillé pendant environ un an et demi comme chauffeur pour une petite entreprise de revêtement de sol. Son travail était de livrer les produits à la clientèle. L’entreprise a deux camions; l’un est surtout utilisé pour la livraison des produits, et l’autre est utilisé par les installateurs. Le prestataire convient qu’il conduisait surtout le camion [traduction] « GMC Savannah 2002 », et qu’il conduisait à l’occasion le camion « Chevrolet Express 2000 ». On m’a dit que les deux camions sont semblables.

[17] Le prestataire a affirmé que les camions ne présentaient pas de problèmes de sécurité lorsqu’il a quitté son emploi le 27 mai 2019, à l’exception de deux problèmes en suspens. Ces deux problèmes non réglés étaient les suivants : la porte du camion était transparente et la carrosserie du camion pourrissait. Il a dit qu’il avait avisé l’employeur au sujet de l’ensemble de ces problèmes de sécurité, y compris les deux problèmes qui étaient en suspens. L’employeur a fait valoir que ces deux problèmes en suspens n’étaient pas des problèmes de sécurité, mais des problèmes cosmétiques seulement.

[18] Le prestataire a admis que l’employeur avait fait réparer les camions lorsque des problèmes étaient survenus pendant la durée de son emploi. Plus précisément, il s’est souvenu de réparations aux conduites de freins et à l’alternateur, et concernant le surrégime, ainsi que du remplacement des pneus parce qu’il avait souvent des crevaisons. L’employeur a soutenu qu’il faisait régulièrement un entretien préventif, à quelques mois d’intervalle, ainsi que les réparations qui étaient requises ou recommandées par les mécaniciens.

[19] Le prestataire était aussi préoccupé par le fait qu’il n’y avait aucune cloison dans le camion pour empêcher que les produits ne soient projetés à l’avant du véhicule. Même si cela ne lui est jamais arrivé pendant qu’il conduisait, il a dit qu’il aurait dû y avoir une cloison pour des raisons de sécurité.

[20] De sa propre initiative, le prestataire a acheté de nouveaux essuie-glaces pour le camion, parce que ceux de l’entreprise n’étaient pas bons à son avis. Il n’a pas demandé de remboursement à son employeur, mais a simplement offert de les remplacer. Il n’a pas de reçu, mais il estime avoir dépensé entre 18 $ et 20 $ pour cet achat.

[21] L’employeur a soutenu qu’il lui avait permis de remplacer les essuie-glaces du camion de l’entreprise, mais qu’il avait apporté des essuie-glaces usagés de la maison. Il n’a jamais demandé de remboursement ni donné de reçu. S’il l’avait fait, il l’aurait remboursé. L’employeur a précisé qu’il avait remis les essuie-glaces originaux parce qu’à son avis, ils fonctionnaient mieux.

[22] Les allégations du prestataire selon lesquelles les camions de l’entreprise présentaient des problèmes de sécurité qui le mettaient en danger ne m’ont pas convaincue. Son propre témoignage confirme que seulement deux problèmes étaient en suspens lorsqu’il a quitté son emploi, soit la porte transparente et la carrosserie qui pourrissait. Bien que cela ait pu le déranger, ce n’est pas suffisant pour prouver qu’il s’agissait d’un problème de sécurité. Il a aussi admis que le père de l’employeur essayait de réparer certains des problèmes en les couvrant et en appliquant de la peinture sur la rouille. Je comprends de cela que l’employeur prenait des mesures pour essayer de réparer le problème non esthétique. Le prestataire n’avait pas d’élément de preuve à l’appui ni de photos des camions pour prouver que leur état ou leur apparence posait un risque pour sa sécurité. Par conséquent, j’estime qu’il était plus probable qu’improbable que ces problèmes étaient seulement cosmétiques et qu’ils ne présentaient aucun danger pour sa santé ou sa sécurité.

[23] J’ai privilégié le témoignage de l’employeur concernant cette question; je le trouve plus vraisemblable, car il était appuyé par la preuve documentaire de la partie mise en cause. Les documents au dossier montrent que l’employeur a pris des mesures pour régler les problèmes de réparations lorsqu’ils sont survenus. Le dossier contient plusieurs documents et factures du mécanicien pour le camion GMC Savannah 2002, qui était conduit surtout par le prestataire. Le témoignage du prestataire a confirmé que les réparations du camion ont été faites avant qu’il quitte son emploi le 27 mai 2019.

[24] Le tableau suivant présente un résumé de l’entretien et des réparations des véhicules d’entreprise de l’employeur :

24 janvier 2018 Vidange d’huile et remplacement du filtre (GD3‑37)
8 mai 2018 Remplacement de la poignée de la portière et essai moteur (GD3‑38)
14 mai 2018 Remplacement assemblage de l’alternateur (GD3‑40)
30 mai 2018 Vérification calage et régime du moteur – débitmètre d’air (GD3‑39)
4 juillet 2018 Fuite de la conduite de frein et fuite d’un pneu (GD3‑41)
31 juillet 2018 Vidange d’huile et remplacement du filtre (GD3‑42)
18 octobre 2018 Vidange d’huile et remplacement du filtre (GD3‑43)
7 février 2019 Remplacement du rotor et de la conduite de frein (GD3‑44)
18 mars 2019 Pièces usagées (GD3‑45)
2 avril 2019 Fuite d’un pneu et réparation (GD3‑46)

[25] J’estime que les dossiers et les factures du mécanicien sont une preuve documentaire fiable. Les factures proviennent de deux ateliers de mécanique distincts et emploient des mécaniciens qualifiés. Ces éléments montrent que le GMC Savannah 2002 avait fait régulièrement l’objet d’un entretien préventif et que les réparations requises avaient été effectuées. J’estime que cela prouve que l’employeur était prompt à effectuer l’entretien et les réparations nécessaires sur le camion de l’entreprise utilisé principalement par le prestataire.

[26] Le dossier contient aussi deux lettres signées par deux mécaniciens et ateliers de mécanique différents (RGD3‑2; RGD3‑3). Les deux lettres confirment que les camions d’entreprise de l’employeur peuvent être conduits en toute sécurité, et que des services d’entretien et de mécanique périodiques ont été fournis sur une période de quatre à 25 ans. J’ai accordé beaucoup de poids à ces deux lettres, car elles proviennent de deux ateliers de mécanique distincts qui ont fourni des services d’entretien pour les véhicules de l’employeur sur une longue période. Les deux mécaniciens confirment que les camions de l’entreprise peuvent être conduits en toute sécurité, et j’accepte cela.

[27] Le prestataire n’a pas réussi à démontrer que le fait que les camions n’étaient pas munis d’une cloison représentait un danger pour sa sécurité ou celle d’autres personnes. Affirmer qu’il existe un problème de sécurité et qu’une cloison est requise n’est pas suffisant. Le prestataire doit fournir un élément de preuve pour appuyer cette affirmation. L’impression qu’une cloison est nécessaire n’est pas suffisante.

[28] Pour les raisons ci-dessus, le prestataire n’a pas réussi à démontrer qu’il avait une justification au motif que les camions de l’entreprise n’étaient pas sécuritaires et présentaient un danger pour sa sécurité ou que les pratiques d’un employeur étaient contraires à la loiNote de bas de page 10. Le prestataire n’a fourni aucun élément de preuve pour démontrer que l’employeur avait enfreint des règles, politiques, règlements ou lois en matière de sécurité.

Ministère du travail

[29] Le prestataire a affirmé qu’il avait soumis une réclamation en ligne au ministère du Travail après avoir quitté son emploi. Cependant, j’ai trouvé que son témoignage sur la question du ministère du Travail était incohérent. Il a dit initialement que la réclamation au ministère du Travail avait été faite seulement relativement à une indemnité de congé annuel qui lui était due. Lorsque j’ai demandé au prestataire s’il avait rapporté toutes ses autres préoccupations au ministère, son témoignage a alors changé. Il a ensuite affirmé que tout avait été rapporté au ministère, mais pas la question de l’indemnité de congé annuel. Le prestataire a demandé d’examiner son compte de courriels pendant l’audience. Après avoir examiné ses courriels et la réclamation au ministère du Travail, il a précisé que toutes les questions avaient été rapportées au ministère du Travail.

[30] J’ai interrogé le prestataire au sujet du résultat du ministère du Travail concernant les préoccupations de sécurité, la vitesse et les allégations de dénigrement. Il a affirmé qu’il ne savait pas ce qui était arrivé cela avait été rapporté au ministère du Travail.  

[31] L’employeur conteste le fait que le ministère du Travail ait mené une enquête à son égard relativement à l’une ou l’autre des préoccupations soulevées, car il était seulement au courant de la question de l’indemnité de congé annuel. Ce problème a été réglé, parce que le prestataire a reçu son paiement.

[32] J’ai demandé aux deux parties de soumettre tout élément de preuve pertinent au sujet de la réclamation au ministère du Travail. Les deux parties ont donné suite à cette demande et ont soumis leurs documents, lesquels ont été rapidement transmis à l’autre partie et à la Commission (RGD4‑1 à RGD4‑14; RGD5‑1 à RGD5‑10). Je note qu’aucune partie n’a fourni d’observations en réponse à la preuve soumise après l’audience en date de cette décision.  

[33] J’ai passé en revue la documentation soumise. La réclamation du prestataire au ministère du Travail montre qu’il l’a présentée le 25 juin 2019 et qu’il prétendait une contravention au titre de la Loi sur les normes d’emploi (RGD5‑1 à RGD5‑10). Selon la réclamation, le prestataire a écrit qu’il n’avait pas reçu son salaire normal de 1080 $ et son indemnité de congé annuel de 500 $ (RGD5‑8). Dans les renseignements contextuels de sa réclamation, il a écrit qu’on avait crié contre lui, qu’il n’était pas assez rapide et qu’il ressentait de la pression en tant que chauffeur (RGD5‑10). Il a aussi dit qu’il ne peut plus travailler pour quelqu’un qui s’attend à ce qu’il conduise à toute vitesse sur les routes. 

[34] La documentation de l’employeur relativement au ministère du Travail montre que les seules allégations concernaient le versement du salaire et de l’indemnité de congé annuel. Cette documentation a été envoyée par un agent des normes d’emploi du ministère du Travail le 2 juillet 2019 (RGD4‑2; RGD4‑12 et RGD4‑13). La documentation envoyée à l’employeur comprenait aussi plusieurs formulaires types non remplis (RGD4‑3 à RGD4‑8). Il ne semble pas que l’employeur n’ait pas reçu une copie des formulaires de réclamation au ministère du Travail du prestataire.

[35] La Commission a parlé au prestataire le 8 octobre 2019, et leur discussion a été résumée dans le dossier (GD3‑34). Le prestataire a dit à la Commission qu’il n’était pas allé à la Commission du Travail parce que l’employeur était son ami. Il a aussi dit que l’employeur avait été très accommodant et flexible pour ce qui est de son horaire lorsque son père était malade. Cependant, je note que cela est contraire à son témoignage et à la documentation du ministère du Travail contenue dans le dossier parce qu’il a soumis la réclamation au ministère plusieurs mois avant le 25 juin 2019 (RGD5‑2 et RGD5‑3). La raison pour laquelle le prestataire a dit à la Commission de l’assurance‑emploi qu’il n’était pas allé à la Commission du Travail, alors que la preuve documentaire montre qu’il y est allé, demeure inexpliquée.

[36] Mon examen de la documentation du ministère du Travail soumise par le prestataire me donne à penser que la principale raison de la réclamation au ministère était d’obtenir le paiement de son indemnité de congé annuel et des autres sommes qui lui étaient dues.

[37] Aucun élément de preuve ne montre que l’employeur a fait l’objet d’une enquête par le ministère du Travail ou même qu’il savait que le prestataire avait d’autres préoccupations, par exemple le fait qu’on ait crié contre lui, qu’il n’était pas assez rapide et qu’il ressentait de la pression en tant que chauffeur. Je note également que la réclamation au ministère du Travail ne contenait aucune mention des problèmes de sécurité des camions de l’entreprise (RGD5‑10). Je trouve que cela pose problème, puisque le principal argument du prestataire est celui qu’il est parti pour des raisons de sécurité, mais il n’a pas soulevé cette question auprès du ministère après avoir quitté son emploi. Le prestataire n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas fait de suivi avec le ministère du Travail au sujet de ses autres préoccupations mentionnées dans les [traduction] « renseignements contextuels » de sa réclamation au ministère.

[38] Pour ces raisons, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la principale raison pour laquelle le prestataire a présenté une réclamation au ministère du Travail était que son employeur lui devait une indemnité de congé annuel ou d’autres sommes, plutôt que pour les autres raisons qu’il a avancées. Bien que certaines de ses préoccupations étaient mentionnées dans la réclamation au ministère du Travail, il n’a pas mentionné que les problèmes de sécurité étaient la raison pour laquelle il avait quitté son poste, il n’a pas demandé de mesures de réparation à l’exception du versement de son salaire et de son indemnité de congé annuel. De plus, il n’a jamais fait de suivi avec le ministère du Travail concernant ses autres préoccupations après qu’il a reçu le paiement de son employeur.

Pratiques contraires à la loi

[39] Le prestataire a dit que l’un des mécaniciens lui avait dit qu’il avait fait des faveurs à l’employeur, comme passer un contrôle des émanations. Cela a été contesté par l’employeur. L’employeur a dit que les mécaniciens ne lui font pas de faveurs et que le contrôle des émanations est effectué par une tierce partie, et non par son mécanicien.

[40] Je ne suis pas convaincue que les mécaniciens aient fait, à l’employeur, des faveurs qui étaient contraires à la loi comme cela a été allégué. Le prestataire n’a pas été en mesure de préciser quel mécanicien lui avait dit cela ni quand il avait obtenu cette information. Pendant le contre-interrogatoire, le prestataire a admis que les mécaniciens auxquels l’employeur avait recours étaient corrects. Par conséquent, j’estime que le prestataire n’avait pas de justification sur le fondement que les pratiques de l’employeur étaient contraires à la loiNote de bas de page 11.

[41] Le prestataire a dit que l’employeur s’attendait à ce qu’il enfreigne la loi en conduisant à toute vitesse avec le camion de l’entreprise. À l’audience, le prestataire a convenu que l’employeur ne lui avait jamais dit de conduire à toute vitesse, mais qu’on lui disait de [traduction] « se dépêcher de se rendre là-bas ».

[42] L’employeur a affirmé qu’il exige que tous les chauffeurs se conforment à une politique de conduite sécuritaire. Il a fourni une copie de cette politique au Tribunal. Elle contient tous les renseignements au sujet de la politique, des attentes, de l’admissibilité comme chauffeur, des dossiers de conduite et de l’utilisation du téléphone cellulaire (RGD4‑9 à RGD4‑11). Elle fait aussi état de diverses violations, notamment la vitesse, et exige du personnel qu’il certifie qu’il [traduction] « comprend que j’ai la responsabilité de conduire le véhicule d’une manière sécuritaire et prudente afin de prévenir les blessures et les dommages matériels ». Le prestataire a dit qu’il ne se souvient pas avoir signé cette politique, et l’employeur n’avait pas de copie signée.

[43] Je ne suis pas convaincue que l’employeur ait dit au prestataire d’enfreindre la loi en conduisant à toute vitesse, car sa politique énonce précisément que la vitesse constitue une violation. Le prestataire a aussi admis qu’on ne lui avait pas dit de faire de la vitesse, mais de [traduction] « se dépêcher de se rendre là-bas ». Ce n’est pas la même chose. Par conséquent, je juge que le prestataire n’avait pas de justification sur le fondement que les pratiques de son employeur étaient contraires à la loiNote de bas de page 12.

Dénigrement

[44] J’ai examiné la question de savoir si le prestataire était dénigré ou harcelé par son employeurNote de bas de page 13.

[45] J’ai demandé au prestataire des exemples d’incidents et d’interactions avec son employeur. Il a dit que son employeur lui disait des choses comme [traduction] « dépêche-toi » ou « il faut que tu fasses ça » devant les clients. Il n’a pas pu se souvenir des dates exactes, mais il a dit que cela arrivait habituellement tous les jours.

[46] J’ai demandé au prestataire s’il avait parlé à l’employeur de ces préoccupations. Il a répondu non, parce qu’il [traduction] « a seulement laissé faire ». Il s’est souvenu avoir parlé de cela avec son gestionnaire et que ce dernier lui avait dit que c’était [traduction] « seulement que le propriétaire était comme ça ». Il n’a pas pu se rappeler du moment où avait eu lieu cette discussion.

[47] Cela a été contesté par le gestionnaire (témoin no 1) qui a affirmé qu’il n’avait jamais été témoin du fait que l’employeur dénigrait le prestataire et qu’il n’était pas au courant de cet enjeu. Il a constaté que leurs interactions étaient bonnes parce qu’ils étaient tous amis. Il a mentionné qu’ils avaient assisté à l’enterrement de vie de garçon du prestataire quelques jours avant son départ. Ils avaient aussi été invités à son mariage à la fin juin 2019.

[48] Les allégations ont aussi été contestées par la témoin no 2, qui est mariée à l’employeur et qui travaille pour l’entreprise. J’ai accordé peu de poids à son témoignage en raison de la nature de leur relation.

[49] L’employeur conteste les allégations du prestataire selon lesquelles il l’avait dénigré à n’importe quel moment pendant son emploi. Il soutient qu’ils étaient amis et qu’il n’aurait pas été invité à son enterrement de vie de garçon ou à son mariage s’il avait traité le prestataire de cette manière.

[50] Je ne considère pas que le prestataire a été harcelé ou dénigré par l’employeur pour les raisons suivantes.

[51] J’estime que la preuve du prestataire selon laquelle son employeur le dénigre manque de précisions et n’est pas suffisante pour prouver qu’il avait une justification. Le prestataire était incapable de fournir des dates ou du contexte concernant des incidents précis, à l’exception d’une déclaration générale selon laquelle cela se produisait tous les jours au travail devant les clients.

[52] Compte tenu des deux exemples ci-dessus donnés par le prestataire, même si l’employeur lui a dit ces commentaires, je ne considérerais pas, de façon objective, qu’ils constituent un dénigrement ou du harcèlement envers une personne. Les déclarations n’étaient pas graves et n’ont pas eu une incidence considérable ou durable sur le prestataire. Il a admis qu’il avait [traduction] « laissé faire » et avait choisi de ne pas en discuter avec son employeur.

[53] L’employeur a dit que le prestataire arrivait souvent en retard au travail ou que lorsqu’il faisait des tâches, il prenait plus de temps que d’ordinaire ou que prévu lorsqu’il se trouvait hors site. Si l’employeur a dit au prestataire « dépêche-toi » ou « il fait que tu fasses ça » parce que ce dernier prenait trop de temps, c’était peut-être impoli, mais cela ne constitue pas du dénigrement ou du harcèlement. L’employeur peut exercer son droit de gérer les tâches ou composer avec les problèmes de rendement.

[54] Par conséquent, j’estime que le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi sous prétexte que son employeur le dénigrait ou le harcelaitNote de bas de page 14. Une solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi aurait été de faire part de ses préoccupations directement à son employeur. Le prestataire admet qu’il aurait pu le faire.

Défaut d’offrir des mesures d’accommodement

[55] J’ai examiné la question de savoir si le prestataire était fondé à quitter son emploi pour cette raison, compte tenu de l’ensemble des circonstances, et plus précisément que son père était malade, et que l’employeur est présumé ne pas lui avoir fourni de mesures d’accommodement.

[56] Le prestataire a affirmé que la maladie de son père n’était pas une raison pour laquelle il avait quitté son emploi, mais que son employeur ne lui avait jamais fourni de mesures d’adaptation. Il n’a pas fourni de renseignements, de dates ou de contexte précis, à l’exception d’un exemple le 26 mai 2020. Ce jour-là, il rapporte avoir dit à son employeur qu’il devait passer prendre son père à l’hôpital le lendemain après‑midi, le 27 mai 2020.

[57] Cela est contesté par l’employeur, qui a affirmé qu’ils avaient tenu compte de son horaire et prévu des livraisons seulement en fonction de sa disponibilité. L’employeur nie que le prestataire lui a dit qu’il devait passer prendre son père l’après‑midi du 27 mai 2020. S’il le lui avait dit, il n’aurait pas prévu une livraison pour le prestataire en après‑midi ce jour-là.

[58] L’allégation du prestataire selon laquelle l’employeur n’a pas adapté son horaire de travail pendant que son père était malade ne me convainc pas parce qu’elle n’est pas crédible.

[59] Le prestataire a affirmé avoir dit à son employeur qu’il devait passer prendre son père à l’hôpital. Cela donne à penser que son employeur lui offrait déjà des mesures d’adaptation puisqu’il ne lui demandait pas la permission. Il a aussi déjà dit à la Commission que l’employeur était son ami et qu’il avait été très accommodant et flexible pour ce qui est de son horaire lorsque son père était malade, ce que je considère comme étant plus probable compte tenu de leur amitié (GD3‑34).

[60] Même si le prestataire estime que l’employeur ne lui offrait pas de mesures d’adaptation, la preuve appuie le fait que l’employeur avait établi son horaire en fonction des besoins de son père. Quoiqu’il en soit, un employeur n’a pas l’obligation légale de donner suite à toutes les demandes.

Autres solutions raisonnables

[61] J’estime que les trois autres solutions raisonnables s’offraient au prestataire plutôt que de quitter son emploi.

  1. Il aurait pu parler à l’employeur au sujet du dénigrement, des problèmes de sécurité et de la vitesse.
  2. Il aurait pu demander un congé pour prendre soin de son père.
  3. Il aurait pu continuer à travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi.

[62] Le prestataire a convenu qu’il aurait pu parler à son employeur directement du fait qu’il se sentait dénigré par lui, mais qu’il avait plutôt choisi de laisser faire.

[63] Le prestataire a convenu qu’il aurait pu demander à son employeur un congé pour prendre soin de son père, mais que cette question n’a jamais été portée à son attention et qu’il n’a jamais fait de demande en ce sens.

[64] Le prestataire a convenu qu’il aurait pu continuer à travailler tout en cherchant un autre emploi avant de quitter son emploi, mais qu’il n’était pas disponible pour travailler en juin 2019 parce que son père était à l’hôpital.

[65] Je reconnais qu’il a fait part de certaines de ses préoccupations au ministère du Travail après avoir quitté son emploi. Cependant, il ne semble pas avoir fait de suivi auprès du ministère après avoir reçu son indemnité de congé annuel.

[66] Compte tenu de l’ensemble des circonstances qui existaient au moment où le prestataire a quitté volontairement son emploi, il n’avait pas de justification. Trois solutions raisonnables s’offraient à lui, ce qu’il n’a pas contesté. Cela signifie que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Conclusion

[67] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 26 mai 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

D. B., appelant (employeur)

M. G., partie mise en cause (prestataire)

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