Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La prestataire n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler tout en suivant une formation à temps plein. Elle n’est donc pas admissible à recevoir des prestations régulières d’AE.

Aperçu

[2] La prestataire a été congédiée et a demandé des prestations d’assurance-emploi (AE) en avril 2019. La Commission l’a avisée qu’elle avait droit à 31 semaines de prestations d’AE. Bien qu’elle ait vérifié son compte Service Canada plusieurs fois par semaine pendant de nombreux mois, l’accès de la prestataire a toujours échoué en raison d’un message de [traduction] « difficultés techniques ». À cause de cela, elle n’a pas rempli de rapports bimensuels. En août 2019, n’ayant eu aucune communication de la part de la Commission, la prestataire a déménagé de X à X pour commencer un programme d’apprentissage en menuiserie. Elle a finalement parlé avec la Commission en janvier 2020, et il a été confirmé qu’il y avait des problèmes techniques avec son compte qui l’avaient empêchée de faire les rapports bimensuels requis. La prestataire a également révélé à la Commission qu’elle suivait à ce moment-là un programme de formation en apprentissage à temps plein.

[3] À la suite de cette divulgation, la Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations d’AE à la prestataire pour deux motifs : tout d’abord, du 28 avril 2019 au 28 décembre 2019, elle ne pouvait pas recevoir de prestations parce que ses rapports n’ont pas été faits à temps. Puis, la prestataire n’était pas admissible à des prestations du 29 décembre 2019 au 21 février 2019 parce qu’elle suivait un cours de formation de sa propre initiative et n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a par la suite modifié sa position pour dire que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations à partir du 25 août 2019 en raison de son programme de formation à temps plein et de l’absence de preuve à l’appui de sa disponibilité pour travailler.

[4] La prestataire a demandé la révision de cette décision. Après révision, la Commission a annulé la disqualification liée au retard de la prestataire à soumettre ses rapports. Cependant, elle a encore conclu que depuis le début de sa formation, le 25 août 2019, la prestataire n’avait pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler à temps plein. Puisqu’elle n’avait pas prouvé qu’elle était disponible, la prestataire n’était pas admissible à des prestations.

[5] La prestataire fait appel de cette décision. Elle dit avoir été maltraitée par la Commission parce que cette dernière ne lui a pas versé ses prestations et elle n’a pas communiqué avec elle pendant des mois. Cela a entraîné un stress important. Sa décision de déménager à l’autre bout du pays et de s’inscrire à un programme d’apprentissage était une tentative désespérée d’améliorer ses chances de trouver du travail. Elle soutient également qu’elle était admissible au bénéfice de prestations d’AE pendant qu’elle suivait une formation d’apprentissage et que la Commission l’a maltraitée et harcelée en exigeant qu’elle prouve qu’elle était disponible.

Questions préliminaires

A – Mode d’audience

[6] Dans son avis d’appel, la prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas de mode d’audience préféré. J’ai prévu une audience par téléconférence. La prestataire a ensuite écrit au Tribunal pour lui dire qu’elle souhaitait que l’audience ait lieu au moyen de questions et de réponses écrites. Puisqu’il s’agit d’une façon exceptionnelle de procéder qui entraîne souvent un long délai pour une décision, j’ai écrit à la prestataire pour lui demander d’expliquer pourquoi elle préférerait ce mode d’audience. Les services d’interprétation lui ont été proposés si elle acceptait de procéder par téléconférenceNote de bas de page 1.

[7] La prestataire a répondu qu’elle voulait une audience par questions et réponses parce que son anglais écrit et parlé était imparfait et qu’elle craignait de ne pas pouvoir délivrer son message correctement si elle devenait émotive lors d’une téléconférence. Je comprends, d’après son message, qu’elle ne croit pas devoir subir les difficultés du processus d’appel parce que les prestations d’AE n’ont pas été versées à temps, sans qu’elle en soit responsable et après qu’elle ait suivi les instructions de Service Canada. Elle n’a pas les moyens de payer un avocat, et un interprète ne serait pas son représentant au même titre que des amisNote de bas de page 2. Dans un deuxième message au Tribunal, elle a déclaré qu’elle ne serait pas efficace lors d’une audience par téléconférence après avoir traité avec Service Canada pendant plus d’un an. Elle a compris qu’elle n’avait pas été bien entendue lors des conversations téléphoniques avec Service Canada et que sa déclaration directe avait été modifiée d’une manière ou d’une autre lorsqu’elle a reçu la décisionNote de bas de page 3.

[8] Après avoir examiné la correspondance écrite de la prestataire, je n’étais pas convaincue qu’elle comprenait le critère juridique qu’elle devait remplir pour obtenir gain de cause dans sa demande. De plus, comme j’ai trouvé que ses observations écrites étaient difficiles à suivre, j’ai pensé qu’une audience par téléphone me permettrait de clarifier les questions avec la prestataire et de mieux comprendre ses arguments. J’ai écrit à la prestataire pour lui confirmer que l’audience se déroulerait par téléconférence. Je tiens à préciser que ce n’était pas son mode d’audience préféré. J’ai également avisé la prestataire qu’après l’audience, si elle estimait ne pas avoir pu communiquer correctement, elle pouvait fournir des observations écrites dans les 5 jours suivant l’audience. Elle pouvait également fournir un témoignage écrit avant l’audience. On lui a de nouveau proposé des services d’interprétation et d’être accompagnée au téléphone par une personne accompagnatriceNote de bas de page 4. Elle a de nouveau écrit au Tribunal pour demander une audience par le biais de questions et de réponsesNote de bas de page 5. J’ai choisi de procéder par téléconférence, en laissant la porte ouverte à d’autres échanges par écritNote de bas de page 6.

[9] Le 5 juin 2020, la prestataire s’est jointe à la téléconférence planifiée. Elle a de nouveau indiqué qu’elle souhaitait obtenir une audience par le biais de questions et de réponses écrites. J’ai pris acte de la demande de la prestataire, mais j’ai suggéré que nous allions de l’avant avec l’audience pendant que nous étions au téléphone et qu’après l’audience nous pourrions échanger des questions et des réponses écrites si elle estimait que cela était encore nécessaire. La prestataire a accepté de me faire part de son témoignage au téléphone. Nous avons parlé pendant plus d’une heure et je pense que la prestataire s’est exprimée clairement et que j’ai pu mieux comprendre ses arguments.

[10] À la suite de la téléconférence, afin de m’assurer que la prestataire avait eu pleinement l’occasion de fournir des éléments de preuve pertinents, j’ai écrit à la prestataire en lui posant des questions précises. Dans cette lettre, je lui ai demandé de confirmer certaines déclarations qu’elle avait faites lors de l’audience. J’ai également demandé qu’elle fournisse plus de détails sur sa recherche d’emploiNote de bas de page 7. Les questions posées étaient semblables à celles que j’aurais posées lors d’une audience au moyen de questions et de réponses écrites, et aux questions que j’avais soulevées lors de l’audience par téléconférence.

[11] La prestataire a fourni une réponse écrite à cette lettreNote de bas de page 8. Cependant, dans cette réponse, elle n’a pas répondu directement aux questions qui lui ont été posées, disant que si j’estimais qu’elle les avait traitées de manière adéquate pendant l’audience, elle ne pouvait rien ajouter de plus. Elle a demandé pourquoi ce questionnaire supplémentaire lui avait été envoyé.

[12] Pour répondre à la question de la prestataire, les questions lui ont été envoyées afin de s’assurer qu’elle avait eu une possibilité entière et équitable de fournir des éléments de preuve pertinents d’une manière qui lui convenait. Étant donné que la prestataire avait insisté pour avoir une audience au moyen de questions et de réponses écrites, j’ai estimé que l’envoi de certaines questions clés liées au critère juridique de la disponibilité lui permettrait de répondre de manière plus précise et de combler les lacunes de ses éléments de preuve, si elle décidait de le faire. Ses réponses à ces questions ont été prises en considération au moment de prendre les décisions que je présente ci-dessous.

B – Autres questions à trancher

[13] Comme mentionné ci-dessus, la Commission avait précédemment exclu la prestataire du bénéfice des prestations régulières d’AE, en déclarant qu’elle avait tardé à soumettre ses rapports bimensuels. Lorsque la prestataire a demandé la révision de cette décision, la Commission a annulé cette inadmissibilité au bénéfice des prestations. De ce fait, la seule question dont je suis saisi à l’heure actuelle est celle de savoir si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler, plus particulièrement alors qu’elle suivait un programme de formation à temps plein. 

Question en litige

[14] La prestataire était-elle disponible pour travailler alors qu’elle suivait une formation en apprentissage? 

[15] Pour répondre à cette question, je devrai me pencher sur les points suivants :         

En ce qui a trait à la formation de la prestataire :

  1. cette formation lui a-t-elle été suggérée par la Commission?
  2. Était-elle aux études à temps plein?
  3. Si elle étudiait à temps plein, a-t-elle réfuté la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible?

En ce qui a trait à la disponibilité de la prestataire :

  1. La prestataire a-t-elle fait des démarches raisonnables et habituelles pour obtenir un emploi convenable?
  2. La prestataire souhaitait-elle retourner sur le marché du travail le plus tôt possible?
  3. La prestataire a-t-elle exprimé ce désir en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable?
  4. La prestataire a-t-elle établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travail?

Analyse

[16] Deux articles de la loi exigent des parties prestataires qu’elles démontrent qu’elles sont disponibles pour travaillerNote de bas de page 9; la Commission a jugé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations aux termes de ces deux articles. En outre, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties prestataires qui fréquentent l’école à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 10. Je vais commencer par examiner si la présomption s’applique à la prestataire. Ensuite, j’examinerai les deux articles de la loi sur la disponibilité. 

Présomption selon laquelle les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler

[17] La présomption s’applique uniquement aux étudiants qui suivent un cours ou une formation à temps plein sans que cela ait été suggéré par la Commission ou une autorité désignée par la Commission. 

[18] Cette présomption ne s’applique pas aux prestataires qui sont orientés vers un cours ou une formation par la Commission ou une autorité désignée par la CommissionNote de bas de page 11. Je devrai établir si la prestataire a été orientée vers son cours par la Commission ou une autorité désignée et ensuite, si elle suivait sa formation à temps plein.

a) La prestataire a-t-elle été orientée vers son cours par une autorité désignée par la Commission?

[19] La prestataire fait valoir que ce programme d’apprentissage est admissible à l’AE pendant une période de formation, de sorte qu’elle ne devrait pas être exclue du bénéfice des prestations d’AE pendant la période où elle suivait une formation.

[20] La Commission n’a pas confirmé que la prestataire a été orientée vers son programme de formation en apprentissage. En fait, elle mentionne que c’était l’initiative de la prestataire de suivre le programme de formation en menuiserie.

[21] Au cours de l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle avait compris, d’après le formulaire de demande d’AE, qu’elle pouvait obtenir des prestations d’AE tout en suivant un programme d’apprentissage. Comme elle n’avait pas reçu de prestations d’AE ni aucune communication de la part de la Commission, elle a désespérément trouvé son programme d’apprentissage en menuiserie et s’est inscrite par ses propres moyens. Elle a déménagé de X à X pour suivre le programme d’apprentissage, dans l’espoir d’améliorer ses chances de trouver un emploi.

[22] Dans mes questions écrites, j’ai demandé à la prestataire si, mis à part cette mention sur la demande d’AE, elle avait vérifié que son programme de formation en menuiserie serait admissible à l’AE auprès de quelqu’un d’autre ou si elle avait interrogé son fournisseur de formation au sujet des prestations d’AE. La prestataire n’a pas répondu directement à cette question, mais je comprends, d’après ses commentaires écrits, qu’elle estime que la Commission a tort de ne pas confirmer qu’elle est admissible à l’AE pendant son apprentissage alors que le gouvernement du Canada indique qu’il existe un programme de soutien.

[23] Pour qu’une personne prestataire d’un programme d’apprentissage soit considérée comme capable de travailler et disponible à cette fin pendant une période où elle suit une formation, elle doit avoir été orientée vers le programmeNote de bas de page 12. Je reconnais que la prestataire dit que si elle avait eu le soutien et les renseignements appropriés de Service Canada, elle ne se serait pas retrouvée dans la situation où elle a dû s’inscrire à ce cours. Cela ne signifie pas pour autant que la Commission l’a orientée vers cette formation. Puisque je n’ai reçu aucune preuve à l’appui du fait que la prestataire a été orientée vers son programme de menuiserie, je dois conclure qu’elle n’a pas été orientée vers la formation. De ce fait, elle est soumise à la présomption selon laquelle si elle étudie à temps plein, elle n’est pas disponible pour travailler.

b) La prestataire suivait-elle un cours de formation à temps plein?

[24] La prestataire suivait un cours de formation à temps plein.

[25] Les notes de la Commission indiquent que lors de discussions précédentes avec la prestataire, elle lui avait demandé combien de temps elle consacrait à ses études. La prestataire a déclaré qu’elle passait environ 30 heures en classe et entre 15 et 30 heures à étudier, à faire ses devoirs et ses travaux. Elle était en classe du lundi au vendredi, de 7 h 30 à 14 h 30 pour les cours à l’horaire. Un deuxième agent de la Commission a noté que la prestataire avait de nouveau déclaré qu’elle avait 35 heures de formation par semaine et qu’elle consacrait 15 heures par semaine à ses études. Son établissement d’enseignement considérait cette formation comme étant une formation à temps plein.

[26] La prestataire n’a pas contesté le fait qu’elle suivait un programme à temps plein, mais elle fait valoir qu’elle était disponible pour un poste à temps plein s’il y en avait un, même pendant son programme de formation. J’estime qu’elle suivait une formation à plein temps.

c) La prestataire a-t-elle réfuté la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler pendant qu’elle suivait sa formation à temps plein?

[27] Comme elle suivait une formation à temps plein, la présomption légale selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler s’applique à la prestataire. Cette présomption peut toutefois être réfutée, ce qui signifie que dans un tel cas, elle ne serait pas applicable. La prestataire peut réfuter la présomption selon laquelle les étudiants à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler en démontrant qu’elle a travaillé à temps plein tout en étudiantNote de bas de page 13 ou en démontrant qu’il y avait des circonstances exceptionnellesNote de bas de page 14.   

[28] J’estime que la prestataire n’a pas réfuté la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler pendant sa formation à temps plein.

[29] Ni la prestataire ni la Commission n’a fourni de preuve ou d’arguments laissant entendre que la prestataire a travaillé à temps plein tout en étudiant. Je n’ai également vu aucune preuve de circonstances exceptionnelles qui permettraient à la prestataire de réfuter la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler pendant ses études à temps plein.

[30] La Commission affirme que la prestataire n’a pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle n’a pas fourni de preuve à l’appui du fait qu’elle avait cherché un emploi à temps plein. La prestataire fait valoir qu’elle aurait spontanément quitté la formation si un emploi à temps plein semblable à son précédent emploi au sein du gouvernement fédéral et dans le même domaine que celui-ci avait été disponible. Elle a également déclaré qu’elle avait cessé de suivre son programme de formation après s’être adressée à la Commission au début de l’année 2020 pour prouver qu’elle était disponible pour travailler.

[31] La Commission a expliqué qu’au moment de conclure que la prestataire n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle suivait un programme de formation, elle a tenu compte des faits suivants :

  • La prestataire a fourni plusieurs déclarations contradictoires concernant son désir de chercher et d’accepter un travail à temps plein et si elle aurait abandonné ses études pour accepter un emploi immédiatement;
  • Même la déclaration de la prestataire indiquait qu’il aurait été difficile de travailler à temps plein tout en étant inscrit à l’école en raison des exigences du programme;
  •  Le coût du programme et le fait que la prestataire a déménagé de X à X dans le seul but de terminer le programme de formation signifient qu’il ne serait pas raisonnable pour la prestataire d’abandonner ses études et d’accepter un travail immédiatement.

[32] La prestataire a expliqué lors de l’audience qu’après avoir parlé à la Commission en janvier 2020, elle a cessé de suivre sa formation afin d’être disponible pour travailler à temps plein. Dans ses réponses écrites à mes questions, elle a fourni deux déclarations différentes concernant le moment où elle a cessé de suivre ses cours. Elle nie avoir dit à la Commission qu’elle allait [traduction] « envisager de modifier son horaire de formation à partir de maintenantNote de bas de page 15 ». Elle écrit que ce qu’elle a dit à la Commission était qu’elle [traduction « cesserait d’aller à ma formation parce que vous dites que je ne suis pas disponible pour occuper un emploi à temps plein alors que je dis clairement qu’il n’y avait pas de période pendant laquelle je n’étais pas disponible pour occuper un emploi à temps pleinNote de bas de page 16 ». Elle écrit ultérieurement qu’elle avait cessé de suivre la formation depuis décembre 2019Note de bas de page 17. Même si j’accepte que cela ait bel et bien été le cas, elle a poursuivi ses études à temps plein du 26 août 2019 jusqu’en décembre 2019. La prestataire doit également prouver sa disponibilité pour la période suivant le moment où elle a cessé de suivre sa formation.

[33] La prestataire conteste également l’affirmation de la Commission selon laquelle sa formation était soumise à des restrictions en raison de ses prêts étudiants. Elle dit avoir expliqué à la Commission qu’elle devait commencer à rembourser son prêt étudiant puisqu’elle ne suivait pas sa formation pour lui prouver qu’elle était disponible, et c’est pourquoi elle a demandé à Service Canada de rembourser immédiatement les prestations rétroactives d’AENote de bas de page 18.

[34] En examinant la preuve, je ne vois aucune circonstance exceptionnelle qui permettrait de réfuter la présomption selon laquelle la prestataire n’était pas disponible pour travailler alors qu’elle était en formation à temps plein. Son horaire de formation ne lui permettait pas de travailler pendant les heures normales de bureau. Elle a assumé de grandes obligations financières pour se déplacer à travers le pays afin de suivre son programme de formation. Bien qu’elle ait cessé de suivre sa formation en décembre 2019 ou au début de 2020, elle n’a pas démontré qu’elle avait postulé pour de nouveaux emplois. Pour ce motif, j’estime que la prestataire est soumise à la présomption selon laquelle elle n’était pas disponible pour travailler pendant qu’elle suivait son programme de formation à temps plein.

[35] La Cour d’appel fédérale ne nous a pas encore dit comment la présomption et les articles de loi traitant de la disponibilité sont liés entre eux. Comme cela n’est pas clair, je vais continuer à décider des articles de la loi qui traitent de la disponibilité, même si j’ai déjà conclu que la prestataire est présumée non disponible.   

La prestataire était-elle disponible pour travailler?

a) La prestataire a-t-elle fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi?

[36] Le premier article de loi que je vais examiner prévoit que les personnes prestataires doivent prouver qu’elle a fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploiNote de bas de page 19.

[37] La loi énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches de la prestataire étaient raisonnables et habituellesNote de bas de page 20. Je dois examiner si ses démarches étaient soutenues et si elles étaient orientées vers l’obtention d’un emploi convenable. Je dois également tenir compte des efforts de la prestataire dans les activités suivantes de recherche d’emploi : évaluation des possibilités d’emploi; rédaction d’un curriculum vitæ ou d’une lettre de présentation; inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement; participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi; réseautage; communication avec des employeurs éventuels; présentation de demandes d’emploi; participation à des entrevues; et participation à des évaluations des compétences.

[38] La Commission affirme que la prestataire n’a pas fait assez de démarches pour essayer de trouver un emploi et n’a pas répondu aux exigences en matière de disponibilité que doivent respecter tous les prestataires qui demandent des prestations régulières d’AE. La prestataire affirme qu’on l’a empêché d’avoir un environnement de recherche d’emploi sain, mais équilibré parce qu’elle s’est retrouvée sans soutien au revenu pendant la longue période au cours de laquelle elle n’avait aucun moyen de communiquer avec Service Canada. J’estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle a fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi convenable.

[39] La prestataire a affirmé que lorsqu’elle a été congédiée, ce congédiement injustifié l’a déprimée, et que puisque la Commission ne lui avait pas versé ses prestations d’AE, elle était en train d’épuiser ses économies et n’était pas en mesure de planifier avec calme et lucidité. Elle a expliqué qu’elle a mis à jour son curriculum vitæ et qu’elle a commencé à chercher un emploi sur le site Web de « jobs.gc.ca ». C’était surtout les offres d’emploi au sein du gouvernement fédéral qui l’intéressait, mais pas exclusivement. Elle cherchait des offres d’emploi qu’elle serait en mesure d’exercer, compte tenu de ses capacités et de ses limitations. Lorsqu’on lui a demandé quel type d’emploi serait convenable, sa réponse a été soit un emploi administratif ou de bureau semblable à celui qu’elle exerçait auparavant. Elle a également expliqué qu’elle n’avait pas de membre de la famille au Canada et que ses seuls amis étaient d’anciens collègues. Par conséquent, elle n’était pas en mesure de faire du réseautage pour se trouver un nouvel emploi.

[40] Lors de l’audience, on a demandé à la prestataire de fournir des exemples d’emplois qu’elle a envisagés ou pour lesquels elle a postulé depuis qu’elle est au chômage. Elle n’a pas été capable de fournir des exemples pendant la téléconférence. Lorsque j’ai écrit à la prestataire après l’audience, je lui ai donné une autre chance de fournir plus de détails sur sa recherche d’emploi en lui demande : [traduction] « Mis à part votre recherche sur le site Web GC.ca, quelles autres démarches avez-vous entreprises pour vous trouver un emploi? Veuillez être précise et, si possible, fournissez le nom de l’entreprise et du ministère, le titre du poste et la date à laquelle vous pensez avoir postulé ou passé une entrevue. » Aucun détail supplémentaire n’a été fourni par la prestataire. Elle a plutôt écrit qu’elle attendait de l’aide de Service Canada et qu’on ne lui avait pas dit de consigner ses recherches d’emploi.

[41] Bien que je comprenne que la prestataire s’attendait à recevoir plus de soutien de la part de Service Canada, je n’accepte pas le fait qu’elle ne savait pas qu’elle devait consigner ses recherches d’emploi. Il est clair pour moi que la prestataire a lu les détails de la demande de prestations parce qu’elle a vu que les prestations d’AE pouvaient être versées aux personnes suivant une formation en apprentissage. Ce formulaire de demande indique également, sous la rubrique [traduction] « Vos responsabilités », que lorsque vous demandez des prestations d’AE, vous devez [traduction] « conserver un dossier détaillé comme preuve de vos efforts de recherche d’un emploi approprié, car nous pouvons vous demander de fournir cette preuve à tout moment. Vous devez donc conserver votre dossier de recherche d’emploi pendant 6 ansNote de bas de page 21 ».

[42] La prestataire n’a fourni aucune preuve du type d’emploi pour lequel elle a postulé ou qu’elle a envisagé. Elle n’a pas non plus été en mesure de me dire quels emplois au sein du gouvernement fédéral elle a pu envisager ou pour lesquels elle a postulé, ni quand elle a probablement faire une demande. Je ne suis donc pas en mesure de décider si ses démarches pour trouver un emploi ont été soutenues ou si les emplois qu’elle a pu envisager ou auxquels elle a postulé étaient convenables. Je ne peux pas conclure qu’elle faisait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi convenable.

Capacité de travailler, disponibilité à cette fin, mais incapacité de trouver un emploi convenable

[43] Puisque j’ai conclu que la prestataire était présumée ne pas être disponible pour travailler et qu’elle n’avait pas fait de démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi convenable, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’AE. Étant donné que la prestataire était également inadmissible parce qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, je vais également examiner les critères de cette exigence légale permettant de toucher des prestations d’AENote de bas de page 22.

[44] Selon cet article, la prestataire doit prouver trois choses pour démontrer qu’elle était disponible :  

  • qu’elle désirait retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait disponible;
  • que ce désir s’est traduit par des efforts pour se trouver un emploi convenable;  
  • qu’elle n’a pas établi de conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travailNote de bas de page 23.

[45] Je dois prendre en considération chacun de ces critères pour trancher la question de la disponibilitéNote de bas de page 24 ainsi qu’examiner l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 25.

b) La prestataire a-t-elle manifesté le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait disponible?

[46] Je conclus que la prestataire a exprimé le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait disponible.

[47] Bien que la Commission ait fait valoir que la prestataire avait fourni des déclarations contradictoires quant à sa volonté d’abandonner sa formation pour un emploi approprié, je constate que leurs dossiers indiquent que la prestataire a toujours fait valoir qu’elle voulait travailler. Après avoir entendu son témoignage, je crois que son désir sincère était idéalement de retrouver son ancien emploi, et elle contestait son congédiement. Elle n’est pas d’accord avec son congédiement et veut travailler.

c) La prestataire a-t-elle fait des démarches pour trouver un emploi convenable?

[48] Il ne suffit pas à une personne prestataire de manifester le désir de travailler pour satisfaire à ce critère juridique. Elle doit également démontrer cette volonté de travailler en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable.

[49] La prestataire n’a pas fait de démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable. Je me suis guidée, pour me prononcer sur ce second critère, sur les activités de recherche d’emploi énumérées plus haut, bien que cette liste ne soit pas contraignante dans l’examen de cette exigence particulière. Pour les motifs expliqués ci-dessus, les démarches de la prestataire pour trouver un nouvel emploi comprenaient la réactivation de son compte sur jobs.gc.ca et la recherche d’un emploi au sein du gouvernement fédéral semblable à celui qu’elle avait occupé auparavant. Elle affirme également que son désir de travailler se manifeste par sa décision désespérée de s’installer dans une autre province pour suivre le cours d’apprentissage et améliorer ses perspectives d’emploi.

[50] J’estime que ces démarches n’ont pas été suffisantes pour répondre aux exigences de ce deuxième critère, car la prestataire n’a fourni aucune information sur les emplois qu’elle aurait pu envisager. Elle n’a pas non plus confirmé qu’elle avait effectivement postulé pour des emplois avant pendant ou après son programme de formation.

[51] Je comprends que la prestataire estime que la Commission doit être tenue responsable de la situation dans laquelle elle se trouve, car le manque de communication de leur part et le non-paiement des prestations l’ont empêchée de mener une recherche d’emploi. Cependant, bien qu’elle ait été interrogée lors de l’audience et invitée à s’expliquer par écrit, elle n’a pas expliqué pourquoi son incapacité à parler à quelqu’un de Service Canada l’a empêchée de chercher un emploi. Elle a fait valoir à la fois que la situation avec Service Canada lui avait causé du stress et avait affecté sa santé mentale, mais aussi qu’elle était à la recherche d’un emploi. Comme elle n’a pas fourni beaucoup d’informations sur ses activités de recherche d’emploi, je ne peux pas évaluer sa recherche d’emploi et je dois conclure qu’elle n’était pas suffisante pour démontrer son désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait disponible.   

d) La prestataire a-t-elle établi des conditions personnelles qui pourraient avoir eu pour effet de limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[52] Je conclus que la prestataire a fixé des conditions personnelles qui pourraient avoir indûment restreint ses chances de retourner sur le marché du travail. La prestataire dit qu’elle n’a pas fait cela, parce qu’elle cherchait un emploi convenable. La Commission n’a pas fait d’observations précises à ce sujet. J’estime que la prestataire a limité ses chances de retourner sur le marché du travail en concentrant sa recherche principalement sur des emplois au sein du gouvernement fédéral.

[53] La prestataire a expliqué que sa recherche d’emploi était limitée parce qu’elle n’a pas de contrôle sur les systèmes gouvernementaux. Elle écrit que son statut au sein du gouvernement a été modifié, passant d’employé interne à grand public, ce qui a réduit ses possibilités. Elle écrit également que le secteur privé et le secteur public se distinguent par de nombreuses exigences, par exemple les compétences requises en matière de logiciels. C’était la première fois qu’elle faisait une demande de prestations d’AE, et elle s’attendait à recevoir de l’aide de Service Canada.

[54] La prestataire a également précisé au cours de l’audience que la raison pour laquelle elle n’avait pas postulé pour des emplois dans le secteur de la menuiserie pendant qu’elle suivait sa formation était qu’elle n’était pas encore qualifiée pour ce métier. Dans ses réponses écrites, elle a expliqué qu’il s’agissait d’un problème de santé et de sécurité. Je suis d’accord avec elle pour dire que postuler pour un emploi dans le secteur de la menuiserie avant qu’elle n’ait reçu une formation adéquate n’aurait pas été convenable pour elle, et je ne considère donc pas que cela comme une limitation à sa recherche d’emploi.  

[55] Après avoir écouté la prestataire à l’audience et examiné les documents versés au dossier, je constate que la prestataire a concentré sa recherche d’emploi sur des postes de bureau au sein du gouvernement fédéral. Elle dit qu’elle a réactivé son compte sur « jobs.gc.ca » et qu’elle regarderait sur le site pour voir les emplois pour lesquels elle pourrait postuler, chaque fois qu’elle le pourrait. Elle avait également un compte sur « Indeed ». Elle cherchait des emplois en ligne qui étaient semblables à celui qu’elle avait occupé dans le passé.

[56] Il est normal qu’une personne prestataire cherche des emplois semblables à ceux qu’elle a occupés dans le passé afin de mettre à profit son expérience. Cependant, dans la présente affaire, j’estime que la prestataire a limité sa recherche d’emploi principalement aux emplois au sein du gouvernement fédéral. Elle n’a fourni aucun détail sur les emplois qu’elle aurait pu envisager en dehors du secteur public et semble dire que les exigences du secteur privé comprennent des compétences en matière de logiciels pour déterminer si la personne est qualifiée, ce qui ne serait donc pas convenable pour elle. L’accent mis sur la recherche d’un emploi au sein du gouvernement fédéral a limité les emplois qui lui étaient disponibles et a restreint ses chances de revenir rapidement sur le marché du travail.

La prestataire était-elle capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable?

[57] Compte tenu des conclusions auxquelles je suis arrivée pour chacun des trois critères pris ensemble, j’estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 26. Elle n’a pas démontré qu’elle était à la recherche d’un emploi pendant son programme de formation et a laissé entendre que sa recherche d’emploi était limitée par son désir de retourner travailler pour le gouvernement fédéral.

[58] Je reconnais que la prestataire a fortement fait valoir que sa situation était due au fait que la Commission ne lui avait pas versé ses prestations d’AE et ne lui avait pas fourni d’informations à partir de mai 2019. Je comprends que les problèmes techniques liés à son compte Service Canada l’ont empêchée de faire des rapports. Comme beaucoup d’autres, elle était frustrée par la longue attente pour parler à Service Canada au téléphone. Cependant, pour recevoir des prestations d’AE, tous les prestataires sont tenus de prouver qu’ils sont disponibles pour travailler et qu’ils cherchent un emploi. Cette obligation aurait été applicable à la prestataire même si elle n’avait pas suivi de formation à temps plein. Bien qu’elle soit offensée qu’on lui ait demandé de prouver qu’elle était disponible pour travailler, la prestataire n’est pas traitée différemment d’une autre personne qui demande des prestations d’AE. Ce n’est pas à la Commission qu’il incombe de trouver un emploi à la prestataire, mais à la personne prestataire de prouver qu’elle est à la recherche d’un emploi. La prestataire n’a pas prouvé cela dans la présente affaire.

Conclusion

[59] Je conclus que la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations. Ainsi, l’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 5 juin 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence; questions et réponses écrites

Comparution :

G. O., appelante

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