Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, E. R. (prestataire), interjette appel de la décision de la division générale.

[3] La division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée de son emploi d’agente du contrôle de la qualité dans une entreprise de transformation des aliments en janvier 2019 en raison d’une inconduite. La division générale a conclu qu’elle avait falsifié un document. Le document falsifié montrait qu’elle avait effectué l’inspection de produits alimentaires alors qu’elle ne l’avait pas réellement fait. La division générale a conclu que cela constituait une inconduite. La division générale a conclu qu’en raison de son inconduite, la prestataire était exclue du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

[4] La prestataire soutient qu’elle ne faisait que suivre les directives qu’on lui avait données. Elle nie qu’elle savait que ses actions pouvaient entraîner son congédiement. Elle nie également avoir fait preuve d’inconduite. Elle soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs erreurs de fait, sans égard à la preuve portée à sa connaissance.

[5] Je dois décider si la division générale a commis une erreur énoncée à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[6] Je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur de fait concernant le fait que la prestataire avait reçu des avertissements au sujet de la falsification de documents. Toutefois, je conclus que la division générale n’a pas suffisamment expliqué ses motifs lorsqu’elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait mener à son congédiement. À la lecture de son analyse, il n’est pas manifeste qu’elle a pris en considération cette question de façon appropriée. Cela constitue une erreur. J’ai modifié la décision de la division générale afin d’aborder la question plus en détail. Toutefois, le résultat de l’appel n’est pas modifié.

Questions en litige

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Question no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire a affirmé qu’elle [traduction] « a reçu plusieurs avertissements »?
  2. Question no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait effectivement reçu plusieurs avertissements?
  3. Question no 3 : La division générale a-t-elle omis d’établir si la prestataire savait ou aurait dû savoir que le congédiement était une possibilité réelle?

Analyse

[8] En vertu de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel peut modifier la décision de la division générale seulement dans certaines circonstances. La division d’appel peut intervenir seulement si la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait relatives à la question de savoir si elle avait commis une inconduite ou non. Toutefois, cela ne suffit pas pour établir qu’une erreur factuelle a été commise : la division générale doit avoir commis cette erreur de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La division générale doit également fonder sa décision sur cette conclusion de fait erronée.

[10] La prestataire nie avoir fait preuve d’inconduite. Il y a inconduite lorsque l’acte est conscient, voulu ou intentionnel. En d’autres mots, il y a inconduite lorsqu’une partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à la réalisation des tâches dues à son employeur et que par conséquent, son congédiement était une possibilité réelle.

[11] La prestataire reconnaît qu’elle a modifié deux rapports d’inspection d’aliments au travail. Elle affirme qu’elle a modifié ces deux rapports à la demande de son superviseur. Elle prétend aussi qu’elle était sous pression et qu’elle craignait que si elle ne le faisait pas, elle allait perdre son emploi. Elle ne pensait pas qu’il y aurait des conséquences parce qu’elle ne faisait que suivre les directives qu’on lui avait données. La prestataire affirme que puisqu’elle suivait les directives qu’on lui avait données, elle n’aurait jamais pensé que son employeur allait la congédier.

[12] De plus, la prestataire affirme que son employeur ne l’a jamais avertie qu’elle pourrait être congédiée pour ce type d’action en particulier. Son employeur lui a plusieurs fois fait suivre de la formation et des formations d’appoint sur d’autres sujets, mais qu’il s’agissait de la norme lorsqu’il y avait des ajustements mineurs ou lorsque l’employeur mettait en place de nouveaux processus ou adoptait des innovations.

[13] Par ailleurs, les formations d’appoint n’ont pas entraîné d’avertissements. Par exemple, le 18 octobre 2018, la prestataire a suivi une formation d’appoint sur les documents d’inspection. Elle affirme qu’elle devait [traduction] « objectivement étudier les documents pour s’assurer que toute l’information était complète, correcte et préciseNote de bas de page 1 » avant d’enregistrer l’inspection. Il n’y a eu aucun avertissement dans les dossiers des formations d’appoint.

[14] La prestataire ne s’attendait pas à ce que l’employeur la congédie. Elle pensait que son employeur allait respecter sa politique sur la disciplineNote de bas de page 2. Un représentant syndical a expliqué la politique sur la disciplineNote de bas de page 3. Selon la politique, l’employeur devait d’abord donner un avertissement verbal, puis un avertissement écrit. À la suite, il devait imposer une suspension d’une journée, puis une suspension de cinq jours avant de pouvoir congédier un employé pour inconduite.

[15] La prestataire affirme qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait être congédiée et qu’elle ne pouvait pas s’y attendreNote de bas de page 4 parce qu’elle prétend qu’elle n’avait jamais reçu d’avertissement écrit préalable, et n’avait jamais reçu de suspension. Ainsi, même si la prestataire admet que son employeur lui a donné un avertissement verbal le 14 janvier 2019Note de bas de page 5, elle ne savait pas qu’elle pouvait être congédiée pour la falsification d’un document puisqu’elle n’avait pas reçu d’avertissement écrit ni de suspension. Puisqu’elle ne savait pas que son congédiement était possible, la prestataire soutient que ses actes n’équivalaient pas à une inconduite.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire a affirmé qu’elle « a reçu plusieurs avertissements »?

[16] La prestataire soutient que la membre de la division générale a commis plusieurs erreurs factuelles au paragraphe 14. La division générale a écrit que la prestataire a affirmé qu’elle avait reçu plusieurs avertissements. La prestataire nie avoir dit qu’elle avait reçu plusieurs avertissements. Elle soutient qu’elle n’a reçu qu’une [traduction] « menace verbale »Note de bas de page 6.

[17] La division générale a souligné aux paragraphes 37, 42 et 50 que la prestataire avait affirmé n’avoir jamais reçu de lettre d’avertissement de son employeur. La division générale était au courant de la preuve de la prestataire selon laquelle elle n’avait jamais reçu de lettre d’avertissement.

[18] Même si la division générale a mal cité la preuve de la prestataire en affirmant qu’elle avait reçu plusieurs avertissements, la division générale a conclu que la prestataire avait témoigné qu’elle n’avait reçu aucun avertissement de son employeur. La division générale semble avoir considéré que c’était au cœur de l’argument de la prestataire.

[19] En fin de compte, la division générale a conclu que la preuve de la prestataire selon laquelle elle n’avait reçu aucun avertissement était incohérente avec la preuve de l’employeur, qui indiquait qu’elle avait en fait reçu plusieurs avertissements. Comme juge des faits, la division générale était en droit de donner préséance à la preuve de l’employeur, tant que les déclarations de l’employeur étaient raisonnables et étaient fondées sur des preuves.

Question en litige n2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait effectivement reçu plusieurs avertissements?

[20] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu qu’elle avait reçu plusieurs avertissements. Elle affirme qu’elle n’a pas reçu plusieurs avertissements. Elle nie avoir reçu des avertissements écrits et n’avoir reçu qu’un avertissement verbal. Elle nie qu’elle savait ou aurait dû savoir que le congédiement était une possibilité réelle.

[21] La prestataire soutient par ailleurs que la division générale a commis une autre erreur de fait lorsqu’elle a conclu que son employeur lui avait remis des lettres indiquant ses attentes envers elle en septembre 2018, en novembre 2018 et en janvier 2019. La prestataire affirme qu’elle n’a reçu que la lettre de novembre 2018Note de bas de page 7.

[22] Si, en fait, la prestataire avait reçu des avertissements que la falsification de documents pouvait entraîner son congédiement, cela laisserait entendre que la prestataire savait ou aurait dû savoir que la falsification de documents pouvait entraîner son congédiement.

[23] Au paragraphe 63, la division générale a indiqué que l’employeur avait présenté la preuve qu’il avait donné plusieurs avertissements à la prestataire.

[24] L’employeur de la prestataire a rédigé une lettre de congédiementNote de bas de page 8. L’employeur a écrit ce qui suit : [traduction] « Après plusieurs discussions, avertissements et mesures disciplinaires au sujet de votre mauvais rendement, nous avons décidé de mettre fin à votre emploi immédiatement. » L’employeur n’a pas décrit en quoi consistaient ces avertissements ni quand il aurait donné ces avertissements à la prestataire.

[25] La prestataire n’a pas considéré la lettre de novembre 2018 indiquant les attentes placées envers elle comme étant un avertissement. Dans cette lettre, l’employeur a écrit qu’il allait discuter du rendement de la prestataire et des attentes qu’il plaçait envers elle. L’employeur s’attendait à une amélioration, mais il n’a pas spécifié qu’il pourrait congédier la prestataire si son rendement ne s’améliorait pas. La prestataire affirme qu’elle ne savait pas que son employeur pouvait la congédier. Elle considérait que la lettre ne l’avertissait pas qu’elle pourrait être congédiée.

[26] La division générale a pris note de la preuve de l’employeur selon laquelle il avait émis trois lettres indiquant les attentes placées envers la prestataire. La division générale a indiqué que l’employeur avait fourni une copie de la lettre indiquant les attentes placées envers la prestataire de novembre 2018. Elle n’a toutefois tiré aucune conclusion – d’un sens ou de l’autre – sur la question de savoir si l’employeur avait émis une ou plusieurs lettres indiquant les attentes placées envers la prestataire ni si une telle lettre constituait un avertissement.

[27] La division générale a conclu que la prestataire avait reçu plusieurs avertissements, mais elle n’a pas dressé de liste de ces avertissements et ne les a pas décrits. Par exemple, la division générale n’a pas indiqué si elle considérait la lettre indiquant les attentes placées envers la prestataire comme étant une lettre d’avertissement.

[28] La Commission soutient que la division générale n’avait pas la liste des différents avertissements servis par l’employeur à la prestataire. Toutefois, le nombre et la nature de ces avertissements sont essentiels à l’argument de la prestataire, selon lequel elle ne savait pas et n’aurait pas pu savoir que le congédiement était une possibilité puisqu’elle n’avait pas reçu d’avertissement écrit. Elle soutient que la division générale était dans l’erreur lorsqu’elle a affirmé qu’elle avait reçu plusieurs avertissements.

[29] La lettre indiquant les attentes placées envers la prestataire n’avertissait pas clairement la prestataire qu’elle pourrait être congédiée. Toutefois, il est évident que l’employeur a averti la prestataire que d’autres mesures pourraient être prises si son rendement ne s’améliorait pas.

[30] Des copies des avertissements écrits figurent dans le dossier de l’audience, mais la prestataire affirme que ces avertissements écrits ont été créés seulement après son congédiement. Elle nie avoir reçu ces avertissements écrits. Les dossiers d’avertissement de l’employée sont soit vides, soit illisibles. La division générale n’a pas fait mention des dossiers d’avertissement de l’employée. Elle n’a par ailleurs tiré aucune conclusion précise à partir de ces dossiersNote de bas de page 9.

[31] Il y a des dossiers disciplinaires qui montrent que l’employeur a appliqué des mesures disciplinaires à la prestataire. (Ces mesures comprenaient notamment une formation d’appointNote de bas de page 10.) Ces dossiers ne montrent toutefois pas en quoi consistaient les mesures disciplinaires imposées à la prestataire. Ils ne montrent pas non plus si l’employeur a donné une quelconque forme d’avertissement à la prestataireNote de bas de page 11

[32] L’employeur a remis à la prestataire un document intitulé [traduction] « Correction d’information sur un formulaire ». Le formulaire indiquait qu’il est [traduction] « strictement interdit de falsifier l’information sur un formulaire de contrôleNote de bas de page 12. » Le formulaire indiquait ce qui était acceptable et ce qui ne l’était pas lorsque l’on inscrivait de l’information sur un formulaire de contrôle. Toutefois, il n’indiquait pas que la falsification de documents pouvait entraîner des mesures disciplinaires ou le congédiement.

[33] La prestataire a reçu un formulaire de mesure disciplinaire daté du 15 janvier 2019Note de bas de page 13. Sous la section [traduction] « Conséquences en cas d’infraction subséquente », l’employeur a inscrit qu’il avait suspendu la prestataire. Elle avait été suspendue pour le reste de son quart de travail du 10 janvier 2019 et pour son quart de travail suivant du 11 janvier 2019. L’employeur a demandé à la prestataire de rentrer au travail le 14 janvier 2019. Elle devait revenir au travail après une rencontre au cours de laquelle il y aurait une discussion sur ses réflexions au sujet de l’incident et sur la façon qu’elle pourrait s’améliorer à l’avenir.

[34] Dans le même formulaire, sous le sous-titre [traduction] « Plan d’amélioration », l’employeur a écrit : [traduction] « Nous avons expliqué [à la prestataire] que toute autre falsification ou tout autre mensonge ne serait pas toléré et pourrait entraîner le congédiement. »

[35] L’employeur a produit un formulaire de mesure disciplinaire parce que la prestataire avait falsifié un rapport d’inspection. La prestataire prétend qu’elle a falsifié le rapport d’inspection pour couvrir les fautes d’un autre employé. Elle affirme que son employeur a conclu qu’elle n’avait commis aucune faute.

[36] Même si son employeur avait conclu qu’elle n’avait pas commis de faute, elle avait reçu un avertissement et on lui avait imposé une suspension. Ainsi, la prestataire devait savoir que son employeur considérait que la falsification de documents était une faute grave qui pouvait entraîner le congédiement.

[37] La prestataire a reçu un autre formulaire de mesure disciplinaire daté du 21 janvier 2019Note de bas de page 14. Le coordonnateur de l’assurance de la qualité a indiqué que la prestataire avait réécrit des documents relativement à un formulaire d’inspection pour le 15 janvier 2019. La prestataire a écrit qu’elle avait effectué des inspections. Toutefois, il n’est pas possible qu’elle ait effectué ces inspections. L’employeur a écrit ce qui suit : [traduction] « Nous avons précédemment expliqué que toute autre falsification ou tout autre mensonge ne serait pas toléré et pourrait entraîner le congédiement. Nous ne recommandons donc pas d’autre plan d’amélioration. » La directrice a recommandé le congédiement.

[38] L’employeur a congédié la prestataire le 22 janvier 2019Note de bas de page 15 en raison d’un « mauvais rendement continu ».

[39] Une correspondance interne datée du 14 mars 2019 laisse entendre que la prestataire a falsifié des dossiers à d’autres occasions. L’employeur a indiqué qu’il n’avait pas produit de dossier disciplinaire pour l’incident en questionNote de bas de page 16.

[40] La prestataire soutient qu’elle considérait que l’employeur ne lui avait pas donné d’avertissement écrit qu’elle pourrait perdre son emploi. Il est difficile de savoir ce que la division générale considérait comme étant des avertissements à la prestataire. Il est aussi difficile de savoir si elle considérait l’avertissement verbal comme l’un des « plusieurs avertissements » qu’elle avait reçus. Selon toutes les définitions, un avertissement vient signaler une situation déplaisante à venir.

[41] À l’exception de l’avertissement verbal que la prestataire reconnaît avoir reçu, je considère que la plupart des documents présentés par l’employeur ne comprenaient pas d’avertissements à la prestataire :

  • Les dossiers d’avertissement de l’employéeNote de bas de page 17 sont vides ou illisibles. Il est difficile de savoir s’ils montrent que l’employeur a même interpellé la prestataire pour son mauvais rendement ou pour son inconduite ou s’il a émis des avertissements.
  • Les dossiers disciplinairesNote de bas de page 18 laissent entendre que l’employeur a peut-être imposé des mesures disciplinaires à la prestataire. Il n’y a toutefois aucun avertissement de mesures disciplinaires futures.
  • Le formulaire de correction d’informationNote de bas de page 19 interdit clairement aux employés de falsifier de l’information. Toutefois, le formulaire ne contenait pas d’avertissement.

[42] Du point de vue de l’employeur, il semble qu’il s’inquiétait du rendement de la prestataire. Toutefois, la lettre indiquant les attentes placées envers la prestataire et le formulaire de mesure disciplinaire sont les deux seuls avertissements écrits par l’employeur. Le formulaire de mesure disciplinaire correspondait à la suspension de la prestataire.

[43] J’ai discerné trois avertissements évidents. Il s’agit de l’avertissement verbal, de la lettre indiquant les attentes placées envers la prestataire et du formulaire de mesure disciplinaire. La suspension s’est produite dans la même période pendant laquelle l’employeur a produit le formulaire de mesure disciplinaire. La suspension elle-même pourrait également avoir servi d’avertissement.

[44] Ensemble, l’avertissement verbal et les deux avertissements écrits peuvent être considérés comme étant « plusieurs avertissements ». Je conclus donc que la division générale n’a pas commis d’erreur de fait lorsqu’elle a conclu que l’employeur de la prestataire avait donné plusieurs avertissements à celle-ci.

[45] L’employeur de la prestataire a peut-être émis ces avertissements. Toutefois, cela ne vient pas forcément prouver que la prestataire savait que le congédiement était une possibilité si elle falsifiait des documents. Cela ne vient pas prouver le contraire non plus.

[46] Je vais maintenant me pencher sur la question de savoir si la prestataire savait ou aurait dû savoir que ses actions pouvaient entraîner son congédiement.

Question en litige n3 : La division générale a-t-elle omis d’établir si la prestataire savait ou aurait dû savoir que le congédiement était une possibilité réelle?

[47] La prestataire nie qu’elle aurait dû savoir que son employeur pouvait la congédier. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, elle ne pensait pas que le congédiement était une possibilité parce qu’elle ne faisait que suivre les ordres lorsqu’elle a falsifié les documents. Elle nie aussi avoir reçu des avertissements qu’elle pourrait être congédiée si elle falsifiait des documents.

[48] La prestataire laisse entendre que la division générale n’a pas tenu compte de la question de savoir si elle savait ou aurait dû savoir que le congédiement était une possibilité réelle.

[49] La Commission soutient que la division générale a en effet tenu compte de cette question aux paragraphes 74 et 75, qui se lisent comme suit :

[74] J’ai tenu compte de l’argument de la prestataire selon laquelle elle a commis une erreur et j’éprouve de la sympathie à son égard. La notion d’inconduite délibérée n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Un manque de jugement n’est pas pertinent à la question de savoir si ses actions constituaient une inconduite.

[75] Je conclus que la preuve est incontestable. La prestataire a admis avoir réécrit le document et elle l’a fait de son plein gré. Je conclus que les actions de la prestataire étaient volontaires et délibérées et qu’elle savait ou aurait dû savoir qu’ils pouvaient entraîner son congédiement.

[50] La division générale a peut-être tenu compte de la question de savoir si la prestataire savait ou aurait dû savoir que le congédiement était une réelle possibilité. Si tel est le cas, son analyse de la question était peu étoffée. Rien dans ces paragraphes ne vient expliquer comment la division générale a pu conclure que la prestataire savait ou aurait dû savoir que ses actions pouvaient entraîner son congédiement. La division générale n’a pas fourni des motifs adéquats pour expliquer sa décision.

[51] Les lacunes de la décision de la division générale me permettent d’examiner la preuve afin de trancher cette question. L’article 59 de la Loi me permet de tirer des conclusions de fait. Cet article me permet aussi de modifier la décision ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. En procédant de cette manière, je n’aurais pas besoin de renvoyer l’affaire devant la division générale aux fins de réexamenNote de bas de page 20.

[52] Comme l’a soutenu la Cour d’appel fédérale, l’exercice de ce pouvoir suit l’énoncé de l’article 3(1)(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 21. Cet article exige du Tribunal qu’il mène les instances de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[53] Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Le dossier de preuve est complet, même si la prestataire n’est pas d’accord avec ce que certains éléments de preuve viennent illustrer.

[54] La Commission soutient que l’ensemble de la preuve ne peut mener qu’à une seule conclusion. La prestataire devait savoir que sa conduite allait nuire à l’exécution des tâches dues à son employeur. Elle devait savoir que le congédiement était donc une possibilité réelle.

[55] La Commission renvoie aux procédures et directives écrites. Ces documents insistaient sur l’importance de l’exactitude des rapports. Les rapports d’inspection faux ou imprécis entraînent des coûts additionnels pour l’employeur et peuvent aussi mettre en danger la santé et la sécurité du public. Pour cette raison, l’employeur a offert de la formation et des formations d’appoint sur les procédures.

[56] La Commission souligne aussi les nombreux dossiers disciplinaires, l’avertissement verbal, ainsi que la suspension de deux jours de janvier 2019.

[57] La Commission a fait référence à Canada (Procureur général) c MaherNote de bas de page 22. La Cour d’appel fédérale a décrit ce qu’était une inconduite. La Cour d’appel a dit qu’il était important de tenir compte de la nature de l’infraction de M. Maher « à la lumière de l’ensemble du dossier ». La Cour d’appel a dit que juge-arbitre (le prédécesseur de la décision d’appel) aurait dû se demander si M. Maher, « à la lumière de son dossier d’employé dans son ensemble, s’était comporté avec une insouciance telle qu’il ne pouvait ignorer que son absence pouvait entraîner son congédiement ».

[58] La Commission soutient que le fait que l’employeur n’ait peut-être pas strictement suivi sa propre politique de discipline progressive n’est pas pertinent. Elle soutient que le dossier d’employé de la prestataire n’était pas reluisant. Elle affirme qu’elle aurait dû savoir que falsifier des documents pouvait entraîner son congédiement.

[59] L’employeur de la prestataire était évidemment préoccupé par les fausses informations inscrites dans les rapports d’inspection des aliments. Ces faux rapports d’inspection auraient pu nuire à la réputation de l’employeur et à ses activités. Pire encore, de fausses informations auraient pu nuire à la santé et à la sécurité du public. En effet, l’employeur a mis l’accent sur l’importance de l’exactitude des informations fournies. Le document intitulé [traduction] « Correction d’information sur un formulaire » indiquait qu’il était [traduction] « strictement interdit de falsifier une information sur un formulaire de contrôleNote de bas de page 23 ».

[60] L’employeur avait émis une lettre indiquant les attentes placées envers la prestataire à la fin de novembre 2018. Dans cette lettre, l’employeur exprimait ses préoccupations quant au fait que la prestataire n’accordait pas la priorité aux protocoles de salubrité alimentaire. L’employeur a écrit ce qui suit :

[traduction]

Je ne vois pas, après avoir pris le temps de m’assurer que vous compreniez, les améliorations graduelles auxquelles nous nous attendions après les conversations et les diverses formations que vous avez suivies. Des choses comme vous assurer que l’information sur les documents que vous vérifiez soit complète et précise ne sont pas faites… quelques exemples préoccupants. Lorsque j’ai abordé ces problèmes avec vous, vous avez réagi en disant qu’il s’agissait d’un oubli ou que les documents avaient simplement été erronément remplis...

Nous vous demandons d’améliorer votre compréhension des processus et des normes, et de bien comprendre nos attentes pour l’avenir, sans quoi, d’autres mesures devront être prisesNote de bas de page 24.

[61] L’employeur a émis des avertissements verbaux et écrits au sujet des falsifications précédentes de dossiers. La prestataire avait également été suspendue. La prestataire affirme qu’on avait déterminé qu’elle n’était pas en faute dans le cadre de l’incident de la mi-janvier 2019. Toutefois, les avertissements et la suspension auraient dû lui servir d’avertissement. La falsification d’information était une infraction grave. L’employeur ne le tolérait pas et le faire malgré cela pouvait entraîner le congédiement.

[62] Il y a aussi, en toile de fond, les dossiers disciplinaires et le formulaire de correction d’information. À partir de cela, la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il y aurait des conséquences si elle continuait à falsifier des rapports ou dossiers d’inspection des aliments. Cela nuirait aussi à son rendement dans l’exécution des tâches dues à son employeur et pouvait donc entraîner son congédiement.

Conclusion

[63] La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que la falsification de rapports pouvait mener à son congédiement. Elle n’a pas fourni suffisamment de motifs pour expliquer comment elle a tiré cette conclusion. Néanmoins, je conclus que la preuve montre que la prestataire savait ou aurait dû savoir que ces actions pouvaient entraîner son congédiement.

[64] L’appel est rejeté.

Date de l’audienceNote de bas de page 25 :

 

Mode d’instruction :

Sur la foi du dossier

Comparutions :

E. R., appelante

Angèle Fricker, représentante pour l’intimée

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