Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1223

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-433

ENTRE :

M. L.

Appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Charlotte McQuade
DATE DE L’AUDIENCE : 16 mars 2020 et 2 juillet 2020
DATE DE LA DÉCISION : Le 9 juillet 2020

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvéNote de bas de page 1 que M. L., la prestataire, a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs et qu’elle avait donc le droit de lui imposer une pénalité. La Commission n’a pas adéquatement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a imposé une pénalité non monétaire en servant un avertissement. Toutefois, puisque je remplace la décision de la Commission par la mienne, j’estime qu’un avertissement était tout de même une pénalité adéquate. 

[2] La prestataire n’a pas montré qu’elle avait travaillé suffisamment d’heures pour être admissible aux prestations spéciales d’assurance-emploi (AE

Aperçu

[3] La prestataire a présenté une demande de prestations de maladie de l’AE le 30 décembre 2013. Dans sa demande, elle a indiqué qu’elle avait été mise à pied de son emploi de fermière auprès d’une société à numéro en raison d’un manque de travail. La prestataire a fourni un relevé d’emploi d’un emploi précédent, auprès d’un restaurant, affirmant qu’elle avait travaillé du 9 juin 2013 au 31 août 2013, accumulant 480 heures d’emploi assurable. Note de bas de page 2 Elle a également fourni un relevé d’emploi de la société à numéro, affirmant qu’elle avait travaillé du 16 septembre 2013 au 20 décembre 2013, accumulant 584 heures d’emploi assurable. Note de bas de page 3 La Commission a établi une période de prestations le 22 décembre 2013 et la prestataire a reçu 55 semaines de prestations spéciales combinées (prestations de maladie, prestations de maternité et prestations parentales). Une enquête menée par l’équipe de l’intégrité de la Commission a conclu que les relevés d’emploi fournis par la société à numéro, dont les activités étaient celles d’une agence de placement, étaient suspects. La Commission a révisé la demande de la prestataire, affirmant qu’elle était toujours dans la période de 72 mois où elle avait le droit de le faire, puisqu’elle soupçonnait que la prestataire avait fourni des renseignements faux ou trompeurs. 

[4] Le 19 août 2019Note de bas de page 4, la Commission a établi que la prestataire n’était pas admissible aux prestations spéciales de l’AE parce qu’elle avait fourni un relevé d’emploi frauduleuxNote de bas de page 5 pour appuyer sa demande. La Commission a établi, après avoir exclu les heures d’emploi assurable de ce relevé d’emploi, que la prestataire n’avait accumulé que 480 heures d’emploi assurable pendant sa période de référence, plutôt que les 600 heures dont elle avait besoin, et qu’en conséquence, elle n’était pas admissible aux prestations spéciales qu’elle avait touchées. Cela a entraîné un versement excédentaire. La Commission a également imposé une pénalité non monétaire (un avertissement) parce que la prestataire avait sciemment fourni quatre renseignements faux et négocié trente mandats auxquels elle n’avait pas droitNote de bas de page 6. Ces décisions ont été maintenues par la Commission après révision. La prestataire porte la décision de la Commission en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (TSS). Elle affirme qu’elle a effectivement travaillé pour l’employeur en question et qu’elle ne devrait pas avoir reçu un avertissement. Elle affirme par ailleurs qu’elle avait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations spéciales, si l’on comptait les heures d’emploi assurable accumulées au restaurant et à la société à numéro.

[5] Pour les motifs décrits ci-dessous, j’ai décidé que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour établir son admissibilité aux prestations spéciales. J’ai aussi conclu qu’elle avait sciemment fourni quatre faux renseignements et qu’à ce titre, une pénalité s’impose. La Commission n’a pas adéquatement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a décidé de servir un avertissement, et j’ai donc remplacé la décision de la Commission par la mienne en ce qui a trait à la pénalité. Je conclus qu’un avertissement demeure une pénalité adéquate. 

Questions préliminaires

[6] La prestataire a bénéficié de services d’interprétation lors des deux audiences. Au début de l’audience du 16 mars 2020, la prestataire a confirmé qu’elle avait le dossier du TSS. Toutefois, il est devenu évident au fil de l’audience que la prestataire n’avait pas reçu le dossier complet du TSS. J’ai ajourné l’audience afin que le dossier complet soit fourni à la prestataire et à son représentant. Le représentant de la prestataire a confirmé à l’audience suivante que le dossier complet avait été reçu.

Questions en litige

[7] Question en litige 1 : La Commission peut-elle réviser le dossier après la période habituelle de révision de 36 mois, en l’occurrence, après 72 mois?

[8] Question en litige 2 : Le relevé d’emploi de la société à numéro contient-il de faux renseignements au sujet de l’emploi de la prestataire?

[9] Question en litige 3 : Dans l’affirmative, la prestataire a-t-elle accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible à des prestations spéciales?

[10] Question en litige 4 : La prestataire a-t-elle sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs? Dans l’affirmative, la Commission a-t-elle adéquatement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a imposé une pénalité non monétaire en servant un avertissement ?

Analyse

La Commission peut-elle réviser le dossier après la période habituelle de révision de 36 mois, en l’occurrence, après 72 mois?

[11] Oui. La Commission avait des fondements raisonnables pour conclure que la prestataire avait fait des déclarations fausses ou trompeuses en lien avec sa demande de prestations. Ainsi, il lui était possible de prolonger la période de révision à 72 mois.

[12] Lorsqu’une personne a reçu des prestations pour lesquelles elle n’était pas admissible, ou si elle n’a pas reçu des prestations auxquelles elle avait droitNote de bas de page 7, la Commission a le pouvoir de réviser la demande de prestations de cette personne dans les 36 mois après le début du versement des prestations ou après la date à laquelle elles étaient payables.

[13] Si une personne a touché des prestations auxquelles elle n’était pas admissible ou auxquelles elle n’avait pas droit, la somme calculée doit être rembourséeNote de bas de page 8

[14] Si, selon la Commission, une déclaration fausse ou trompeuse a été faite en lien avec la demande, la Commission peut prolonger la période de révision à 72 moisNote de bas de page 9. La Commission n’a pas à prouver que la déclaration fausse ou trompeuse a été faite sciemment. Toutefois, la Commission doit avoir un fondement raisonnable pour conclure qu’il y a eu une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuseNote de bas de page 10.

[15] Le pouvoir de la Commission de prolonger sa période de révision de 36 à 72 mois s’inscrit dans un « régime d’exception » et à ce titre, la Commission a le lourd fardeau de démontrer qu’elle a un fondement raisonnable pour exercer son pouvoir. La Commission a le devoir d’expliquer à une personne « pourquoi, précisément [...] la déclaration lui paraît fausse »Note de bas de page 11

[16] Je conclus que la Commission avait un fondement raisonnable pour conclure que la prestataire avait fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse en lien avec sa demande.

[17] La prestataire a présenté sa demande de prestations de maladie de l’AE le 30 décembre 2013. Pour appuyer sa demande, elle a fourni deux relevés d’emploi. L’un des relevés d’emploi avait été produit par un restaurant et indiquait que la prestataire avait travaillé du 9 juin 2013 au 31 août 2013 et qu’elle avait accumulé 480 heures d’emploi assurable. Note de bas de page 12 La prestataire a également fourni un relevé d’emploi (E26764572) de 1683754 Ontario Ltd., dont les activités étaient celles d’une agence de placement, qui indiquait qu’elle avait travaillé du 16 septembre 2013 au 20 décembre 2013 et qu’elle avait accumulé 584 heures d’emploi assurable. Le relevé d’emploi avait été produit en raison d’un manque de travail. Note de bas de page 13 La prestataire a déclaré dans sa demande qu’elle avait travaillé comme fermière, au salaire de 10,50 $ l’heure. La Commission a établi une période de prestations le 22 décembre 2013 et la prestataire a reçu 55 semaines de prestations spéciales combinées (prestations de maladie, prestations de maternité et prestations parentales).

[18] Une enquête menée par l’équipe de l’intégrité de la Commission a conclu que les relevés d’emploi fournis par l’agence de placement étaient suspects.

[19] La Commission a été dans l’impossibilité de valider l’emploi de la prestataire auprès de l’employeur pendant son enquête. Bien que l’employeur avait des copies des sept chèques émis à la prestataire et un registre des transactions du système de paye pour ces chèquesNote de bas de page 14, et en dépit du fait qu’il avait produit un T4 pour la prestataire, aucun autre dossier de l’employeur ne vient appuyer ces documents, comme des feuilles de temps ou des registres de présences. La prestataire a fourni à la Commission le nom d’une personne qui travaillait avec elle, mais celle-ci n’a jamais trouvé ce nom dans les dossiers de l’employeur pour la période pendant laquelle la prestataire était censée avoir travaillé. Note de bas de page 15La Commission a établi, après avoir enquêté sur de nombreuses demandes liées à ce même employeur, que pour chaque placement de cet employeur, il y avait des feuilles de présence ou des feuilles de temps, ou encore des dossiers d’entreprise qui prouvaient que les personnes y avaient travaillé. Toutefois, le nom de la prestataire était introuvable dans les dossiers de placement. Note de bas de page 16 La situation de la prestataire était donc différente de celle des autres travailleurs ou prestataires que l’on pouvait identifier grâce à leur signature dans les dossiers d’entreprise, ainsi que par leur horaire de travail lorsqu’ils travaillaient, comme à l’habitude, à la serre.

[20] L’employeur a dit à la Commission que ses dossiers d’entreprises étaient précis. Il a affirmé qu’il se pouvait qu’il existe différentes variations du nom d’une personne, mais qu’il se fiait à ce que les travailleurs écrivaient sur les feuilles de temps ou de présence. Il a affirmé que lorsqu’une personne travaillait, il enregistrait son quart de travail sur papier dans les dossiers et que chaque semaine il [traduction] « faisait ses papiers » pour s’assurer de savoir qui avait travaillé et pour établir les payes à verser aux travailleursNote de bas de page 17.

[21] Dans un questionnaire portant sur son emploi, la prestataire a dit à la Commission qu’elle n’avait utilisé que son vrai nom et aucun autre nom ou pseudonyme. La prestataire a également dit qu’elle était récemment arrivée au Canada et qu’elle ne savait pas où se situait la ferme où elle travaillait, seulement qu’elle était située dans la région de X. On a demandé à la prestataire de fournir les noms de ses collègues afin d’aider à valider son emploi, mais elle n’a fourni que le prénom d’un collègue appelé « T »Note de bas de page 18.

[22] J’estime que la Commission avait un fondement raisonnable pour conclure que la prestataire avait fait une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse en lien avec sa demande lorsqu’elle a fourni un relevé d’emploi d’une société à numéro et qu’elle a affirmé dans sa demande qu’elle avait travaillé pour cet employeur. À cet égard, l’employeur n’a aucun document d’appui, comme des feuilles de présence ou des feuilles de temps, pour valider son emploi, alors que ces documents existaient pourtant pour les autres employés, aux fins des chèques de paye, des dossiers de la paye et de la production des T4. De plus, les fermes pour lesquelles l’employeur fournissait des travailleurs ont été incapables de valider son emploi. La prestataire elle-même n’a fourni aucune information vérifiable à la Commission pour appuyer sa déclaration, selon laquelle elle avait travaillé pour l’agence de placement.

[23] Je constate que les lettres de décision du 19 août 2019Note de bas de page 19 ont été produites à l’intérieur du délai de révision de 72 mois à partir de l’établissement de la période de prestations, le 22 décembre 2013.     

Le relevé d’emploi de la société à numéro contient-il de faux renseignements au sujet de l’emploi de la prestataire?

[24] Oui. J’estime qu’il s’agit d’un fait que le relevé d’emploi (E26764572) émis par 168375 Ontario Ltd. que la prestataire a présenté en appui à sa demande contient de faux renseignements, soit qu’elle était employée du 16 septembre 2013 au 20 décembre 2013 et qu’elle avait accumulé 584 heures d’emploi assurable.

[25] La Commission soutient que selon les résultats de son enquête, la prestataire n’a pas travaillé pour 1683875 Ontario Ltd. Comme elle le prétend et que le relevé d’emploi de cet employeur était faux. L’intimée soutient que si l’on exclut ce relevé d’emploi, la prestataire n’a pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour prouver qu’elle est admissible aux prestations spéciales.

[26] La Commission affirme que l’information découverte en 2012 et 2013 était que 16383875 Ontario Ltd., dont les activités étaient celles d’une agence de placement, payait en argent comptant des personnes qui ne déclaraient pas leur emploi ou leurs revenus alors qu’elles touchaient des prestations. Une enquête menée par l’équipe de l’intégrité de la Commission a conclu que les relevés d’emploi fournis par cet employeur, y compris celui de la prestataire, étaient suspects.

[27] La Commission a obtenu les dossiers d’entreprise de l’employeur et a rencontré divers propriétaires de serres ou de fermes à qui l’agence fournissait des travailleurs. L’enquête de la Commission a révélé que plusieurs travailleurs utilisaient des noms différents, des surnoms anglais, des noms liés à la famille, et d’autres noms inventés pour s’identifier pendant la période d’emploi figurant au relevé d’emploi et pendant les périodes de prestations au cours desquelles ils tentaient de cacher leur emploi et leur identité. L’enquête a aussi révélé que les travailleurs ou prestataires pouvaient être identifiés grâce à leur signature dans les dossiers d’entreprise, ainsi que par leur horaire de travail lorsqu’ils travaillaient dans les serres de façon régulière.

[28] La Commission affirme qu’elle ne conteste pas le fait que l’entreprise existait. Elle affirme cependant que la prestataire n’a jamais occupé de rôle ou travaillé pour la société à numéro. La Commission affirme que la prestataire et l’employeur ont conspiré de manière à ce que la prestataire puisse toucher des prestations d’AE auxquelles elle n’avait pas droit.

[29] La Commission soutient qu’aucun dossier d’entreprise n’existait pour pouvoir prouver que la prestataire avait réellement travaillé les heures indiquées sur son relevé d’emploi, ce qui était contraire à ce que l’on pouvait trouver lors de l’enquête majeure, qui a révélé que les heures travaillées par les travailleurs étaient régulièrement validées ou inscrites dans les dossiers d’entreprise de manière à pouvoir corroborer les données des autres relevés d’emploi émis par l’employeur. La Commission affirme que par moments, l’employeur identifiait certains travailleurs dans ses dossiers avec la mention « paye »Note de bas de page 20. Cette mention n’a jamais été vue ni liée au nom ou prénom de la prestataire dans les dossiers.

[30] L’employeur a dit à la Commission qu’il agissait comme agence de placement qui fournissait des travailleurs à diverses serres dans la région de X. Il a affirmé qu’il payait principalement ces travailleurs en argent comptant pour leur travail et qu’il considérait que la plupart de ces travailleurs étaient des sous-traitants plutôt que des employés. Il a affirmé que certains travailleurs avaient demandé à être payés en argent comptant ou par chèque, mais qu’il n’a jamais dit à quiconque de ne pas déclarer ses revenus. L’employeur a nié avoir conspiré avec des travailleurs en leur disant de ne pas déclarer leurs revenus ou gains. Il a confirmé que ses dossiers d’entreprise étaient précis et qu’aucun faux nom n’avait été enregistré dans le but de cacher l’identité des travailleurs. Il a admis qu’il se pouvait qu’il existe différentes variations du nom d’une personne, mais qu’il se fiait à ce que les travailleurs écrivaient sur les feuilles de temps ou de présence. Il a affirmé que lorsqu’une personne travaillait, il enregistrait son quart de travail sur papier dans les dossiers et que chaque semaine il [traduction] « faisait ses papiers » pour s’assurer de savoir qui avait travaillé et pour établir les payes à verser aux travailleursNote de bas de page 21.

[31] La prestataire affirme qu’elle était employée chez 168375 Ontario Ltd., tel qu’indiqué sur le relevé d’emploi. Pour appuyer ses dires, la prestataire a fourni une lettre de l’employeur datée du 17 novembre 2019, dans laquelle on peut lire [traduction] « La présente lettre vise à confirmer que (nom de la prestataire) a été employée par (nom de l’employeur). Depuis 2013, (nom de la prestataire) travaille à temps plein au salaire de 10,50 $ l’heure. N’hésitez pas à communiquer avec moi au (numéro de téléphone) si vous avez des questions ou avez besoin de plus amples renseignements. » Le document est signé par le [traduction] « directeur » de l’agence de placementNote de bas de page 22.

[32] La prestataire a également fourni un T4 indiquant des revenus d’emploi de 6514 $ pour l’année 2013Note de bas de page 23. Elle affirme qu’elle a payé de l’impôt sur le revenu. Elle a également fourni sept relevés de paye sur lesquels figure son nom, pour la période du 16 septembre 2013 au 21 décembre 2013. Les relevés de paye sont pour des périodes de deux semaines et indiquent un salaire horaire de 10,50 $. Les heures travaillées sur une période de deux semaines variaient de 76 à 85 heuresNote de bas de page 24.

[33] La prestataire a témoigné lors de la première audience que c’est grâce à un ami du nom de « T » qu’elle a obtenu ce travail. Elle ne savait pas qu’elle travaillait pour une agence de placement. Elle ne savait pas qui était la personne qui avait produit son relevé d’emploi. Lors de la deuxième audience, la prestataire a dit qu’elle était nouvellement arrivée au Canada à l’époque. Elle affirme qu’elle est arrivée au Canada en mars ou avril 2013 et qu’elle ne savait ni lire ni parler l’anglais. Elle a été référée à cet emploi, mais ne se souvenait pas du nom de la personne qui l’avait référée à cet employeur.

[34] La prestataire a témoigné qu’elle ne se souvenait pas si elle avait signé des documents avec l’employeur lorsqu’elle a commencé à travailler. Elle affirme n’avoir rencontré personne de l’employeur au moment de son embauche. Elle a simplement été référée à un endroit et a commencé à travailler. Elle a expliqué qu’on l’embarquait et qu’on la déposait dans un vignoble à X. Elle affirme qu’elle ne connaissait pas le nom de la ferme, puisqu’elle ne pouvait pas lire l’anglais et qu’elle ne l’avait simplement jamais appris. Elle ne savait pas exactement où se situait la ferme à X puisqu’elle était récemment arrivée au Canada et qu’elle ne connaissait pas cela. Elle affirme que diverses personnes l’embarquaient, la conduisaient au travail et la ramenaient chez elle. 

[35] La prestataire a décrit son emploi. Elle affirme qu’elle travaillait toujours à la même ferme, bien qu’à différents endroits à la ferme. Elle a expliqué qu’il y avait plusieurs vignes dans chaque ligne. Sa tâche était de couper les feuilles et d’attacher les branches. Elle embarquait dans un véhicule, puis on lui disait dans quelle rangée travailler. Parfois, ils ne pouvaient pas terminer la rangée. Elle commençait à 7 h et faisait des quarts de 8 ou 9 heures. Elle ne sait pas combien de personnes travaillaient à la ferme. Elle ne travaillait pas avec les mêmes personnes tous les jours. Elle ne se souvenait que du prénom de ses collègues T., H. et P. Elle ne savait pas qui était son superviseur. Elle affirme qu’elle ne posait jamais ces questions. La personne qui la conduisait au travail lui disait quoi faire puis s’en allait. 

[36] La prestataire affirme qu’elle n’a signé aucune feuille de temps ni aucun autre document à la ferme qui aurait indiqué ses heures travaillées. Elle a dit que la personne qui faisait la navette vers son lieu de travail savait combien d’heures elle avait travaillé. Elle a dit que cette personne inscrivait ses heures et donnait l’information à un supérieur. Elle a affirmé qu’elle était payée par chèque toutes les deux semaines et que c’est la personne qui la conduisait à la ferme qui lui remettait. Elle n’avait aucun contact avec le propriétaire de l’agence de placement. Elle a dit qu’elle ne savait pas qu’elle travaillait pour une agence de placement. Elle en avait entendu parler, mais elle n’était pas vraiment au courant. Elle a obtenu son relevé d’emploi de la personne qui la conduisait. Elle a dit à cette personne qu’elle partait en congé de maladie. La prestataire a affirmé qu’elle n’a pas rempli de paperasse avec cette personne. Elle a fourni son nom complet et son numéro d’assurance sociale à la personne qui la conduisait au travail, mais ses collègues l’appelaient « T ». La prestataire affirme qu’elle n’est pas retournée travailler pour cet employeur après son congé de maternité. J’ai demandé à la prestataire pourquoi elle avait dit à la Commission qu’elle n’avait utilisé que son prénom. Elle a répondu qu’elle avait dû simplement oublier de fournir l’information. La prestataire affirme qu’elle ne sait pas pourquoi l’employeur n’avait pas consigné son nom dans les dossiers de la ferme ni pourquoi son nom ne figurait dans aucun dossier des fermes.

[37] J’ai demandé à la prestataire de me dire comment elle avait obtenu la lettre de l’employeur datée du 17 novembre 2019. Le représentant de la prestataire m’a répondu qu’elle avait obtenir la lettre après avoir écrit à l’employeur.

[38] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire n’était pas employée à 168375 Ontario Ltd. Du 16 septembre 2013 au 20 décembre 2013 et qu’elle n’a pas accumulé 584 heures d’emploi assurable pour cet employeur, comme l’indique le relevé d’emploi.

[39] Bien que les chèques de paye, les relevés de paye, les T4 ainsi que les notes de paye de l’employeur prouvent que la prestataire a été payée par l’employeur, ce dernier n’avait aucun document à l’appui de ces dossiers ou paiements, comme des feuilles de temps ou des relevés de présence portant le nom de la prestataire, alors que l’employeur a été en mesure de fournir ces documents d’appui à la Commission pour d’autres employés, qui montraient les heures travaillées à quel endroit, et qui portaient la signature des employés. Note de bas de page 25 Cela me porte à mettre en doute le fait que la prestataire ait réellement travaillé pour cet employeur. 

[40] Je reconnais qu’il est possible que les dossiers de l’employeur ne soient pas complètement précis. Toutefois, compte tenu du fait que la prestataire soutient qu’elle a été employée pendant plus de trois mois par cet employeur, je m’attendrais à ce qu’il y ait quelque part mention de son nom dans les dossiers de l’employeur pour appuyer l’existence des chèques de paye et de la documentation de paye qui ont été fournis. Même si la prestataire n’a rien signé et que ses heures de travail étaient consignées par la personne qui la conduisait, la documentation relative à ses heures travaillées et à son lieu de travail aurait dû se trouver dans les dossiers de l’employeur. La prestataire affirme qu’elle a fourni son numéro d’assurance sociale et son nom complet à la personne qui la conduisait. Elle soutient que puisque son nom complet se trouvait sur les documents de paye, l’employeur avait clairement son nom complet. Toutefois, la Commission n’a pas été en mesure de trouver un seul document d’appui concernant la prestataire dans les dossiers de l’employeur ou des lieux de travail pour lesquels l’employeur fournissait des employés. 

[41] De plus, la prestataire n’avait fourni que peu de renseignements à la Commission, des renseignements qui ne permettaient pas de vérifier qu’elle avait véritablement travaillé pour l’agence de placement. La prestataire a fourni à la Commission le prénom d’un de ses collègues avec qui elle travaillait dans la région de X.  Elle ne pouvait pas fournir à la Commission d’information vérifiable par rapport à son emploi, comme le nom précis de l’endroit où elle avait travaillé ou le nom complet de l’un ou l’une de ses collègues.

[42] J’estime que le témoignage de la prestataire, selon lequel elle a travaillé à l’agence de placement, manque de crédibilité. La prestataire affirme qu’elle a travaillé dans une ferme, mais elle a dit qu’elle n’était pas au courant qu’elle travaillait pour une agence de placement. Bien que la prestataire a fourni des détails sur ses responsabilités sur un vignoble, sa description demeurait vague et manquait de détails pour me convaincre qu’elle avait réellement travaillé pour la société à numéro. Lors de l’audience initiale, la prestataire a fourni le prénom d’un ami qui l’avait référé à cet emploi. Lors de la deuxième audience, elle m’a dit qu’elle ne se souvenait pas du nom de la personne. Excepté la brève explication de ses responsabilités à la ferme, la prestataire n’a fourni aucun détail au sujet de son emploi. Elle a témoigné qu’elle ne connaissait pas le nom de la ferme où elle avait travaillé. Elle ne connaissait pas le nom d’aucun de ses collègues. Elle ne connaissait pas le nom de la personne qui la conduisait au travail et la ramenait chez elle chaque jour. Elle ne connaissait pas le nom de ses superviseurs. Elle ne se souvenait pas si elle avait signé de la documentation d’emploi lorsqu’elle a commencé à travailler. Elle affirme qu’elle n’a signé aucun document à la ferme qui indiquait ses heures de travail. Elle a seulement fourni son numéro d’assurance sociale à la personne qui la conduisait au travail et la ramenait chez elle. Cette personne était au courant des heures de travail qu’elle avait effectuées, et c’est elle qui relayait l’information aux supérieurs.

[43] La prestataire affirme qu’elle ne pouvait pas fournir d’autres détails au sujet de son emploi parce qu’elle était nouvellement arrivée au Canada et qu’elle ne parlait pas l’anglais. Bien que je reconnaisse que la prestataire était nouvellement arrivée au Canada, on peut s’attendre à ce que sur une période de trois mois, elle aurait au moins appris le nom de la ferme où elle travaillait, ou au moins le nom de la personne qui la conduisait et lui remettait ses chèques de paye, ou encore qu’elle soit capable de nommer au moins une personne liée à son emploi. Je considère qu’il n’est pas plausible qu’une personne qui a travaillé à temps plein à un endroit pendant plus de trois mois ne soit pas en mesure de fournir un quelconque détail sur les circonstances de son emploi, même si elle ne parlait pas l’anglais.

[44] La prestataire a fourni une lettre de son employeur datée du 17 novembre 2019, qui selon elle, vient valider son emploi. J’estime que l’information figurant dans cette lettre n’est pas crédible. D’abord, l’employeur lui-même faisait l’objet d’une enquête de la Commission pour diverses raisons. Ainsi, l’information contenue dans la lettre doit être examinée en tenant compte du fait que l’employeur a peut-être intérêt à ce que le relevé d’emploi de la prestataire soit considéré comme étant valide. Ensuite, l’information n’est pas suffisamment détaillée pour que je la trouve convaincante. La prestataire soutient qu’elle n’a pas travaillé pour cet employeur après son congé de maternité. Pourtant, cette lettre indique qu’elle est employée depuis 2013 et laisse donc entendre qu’elle est toujours employée. De plus, la lettre ne fournit aucune date précise d’embauche de la prestataire ni les dates auxquelles elle a travaillé ni d’information sur les lieux de travail où elle a été placée ni aucun document d’appui corroborant l’information dans la lettre. Aussi, l’information contenue dans la lettre est incohérente avec l’information fournie par l’employeur à la Commission, selon laquelle ses dossiers étaient précis. Si c’était le cas, le nom de la prestataire aurait figuré dans les documents d’appui de l’employeur pour les paiements qu’il lui a versés. J’estime que cette lettre de vient pas valider l’emploi de la prestataire. 

[45] Je reconnais que la prestataire a été payée par la société à numéro, mais cela ne suffit pas à prouver qu’elle a travaillé et accumulé les heures d’emploi assurable indiquées sur le relevé d’emploi de celle-ci. Je ne peux pas conclure que la prestataire a fourni des preuves crédibles de son emploi auprès de l’agence de placement. La prestataire n’a pas prouvé qu’il était plus probable qu’improbable qu’elle avait travaillé pour 168375 Ontario Ltd. du 16 septembre 2013 au 20 décembre 2013. Ainsi, je conclus que les renseignements figurant sur le relevé d’emploi de la prestataire au sujet de son emploi et de ses heures d’emploi assurable accumulées ne sont pas valides et ne peuvent donc pas être utilisés pour appuyer sa demande de prestations d’AE.

La prestataire a-t-elle accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pendant sa période de référence pour pouvoir établir une demande de prestations spéciales?

[46] Non. La prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait accumulé les 600 heures nécessaires pour pouvoir établir une demande de prestations spéciales pendant sa période de prestations.

[47] Toute personne qui cesse de travailler n’est pas forcément admissible à des prestations d’AE. Les personnes doivent prouverNote de bas de page 26 qu’elles sont admissibles à ces prestations. Note de bas de page 27 Pour être admissibles, elles doivent avoir travaillé suffisamment d’heures pendant une certaine période. Note de bas de page 28 (On appelle cette période la période de référence. Je vais expliquer ce dont il s’agit plus en détail plus loin dans la présente décision.) 

[48] De manière générale, le nombre d’heures qu’une personne doit avoir accumulé pour être admissible dépend du taux régional de chômage qui lui est applicable. Note de bas de page 29 Cependant, pour les personnes qui demandent des prestations spéciales (prestations de maladie, prestations de maternité, prestations parentales), la loi établit d’autres règles d’admissibilité.

[49] Celles-ci peuvent être admissibles si elles ont accumulé au moins 600 heures d’emploi assurable. Note de bas de page 30 Cela ne s’applique qu’aux personnes qui ne sont pas admissibles selon la règle générale. Aucune des parties n’a affirmé que la prestataire était admissible selon la règle généraleNote de bas de page 31, donc je considère qu’elle n’est pas admissible selon cette règle. 

[50] Comme je l’ai indiqué précédemment, les heures calculées sont celles que la prestataire a accumulées pendant sa période de référence. De manière générale, la période de référence consiste en les 52 semaines précédant le début de la période de prestations d’une personne. Note de bas de page 32 (La période de prestations est une période différente : c’est la période de temps pendant laquelle des prestations d’AE peuvent être payées aux personnes.) 

[51] La Commission a établi que la période de référence de la prestataire était la période habituelle de 52 semaines, soit du 23 décembre 2012 au 21 décembre 2013.  Note de bas de page 33 La prestataire n’a pas contesté la décision de la Commission concernant sa période de référence et aucun élément de preuve ne me fait douter de cette décision. Ainsi, j’accepte comme étant un fait que la période de prestations [sic] de la prestataire est du 23 décembre 2012 au 21 décembre 2013. 

[52] La Commission ne conteste pas l’information figurant sur le relevé d’emploi fourni par le restaurant. Note de bas de page 34 La Commission reconnaît que la prestataire a accumulé 480 heures d’emploi assurable chez cet employeur pendant sa période de référence. Je reconnais que la prestataire a accumulé 480 heures d’emploi assurable pendant sa période de référence auprès de cet employeur. 

[53] Toutefois, la Commission affirme qu’en excluant les 584 heures indiquées sur le relevé d’emploi de la société à numéroNote de bas de page 35, la prestataire n’a pas accumulé les 600 heures d’emploi assurable requises pour être admissible aux prestations spéciales.

[54] La prestataire a confirmé dans son témoignage qu’elle n’avait pas travaillé dans l’année qui précédait sa demande de prestations d’AE, sauf au restaurant et pour la société à numéro pour lesquels elle a présenté des relevés d’emploi.

[55] Comme je l’ai expliqué précédemment, la prestataire ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver que les heures d’emploi assurable indiquées sur son relevé d’emploi de la société à numéroNote de bas de page 36 ont réellement été accumulées en travaillant pour cet employeur. Ainsi, la prestataire ne peut pas utiliser le relevé d’emploi de la société à numéro pour établir sa demande de prestations.

[56] Puisque la prestataire n’a accumulé que 480 heures d’emploi assurable sur les 600 heures requises pendant sa période de référence, je conclus qu’elle n’a pas accumulé suffisamment d’heures pour établir une demande de prestations spéciales. 

[57] La prestataire n’a pas prouvé qu’elle était admissible aux prestationsNote de bas de page 37. Ainsi, les prestations n’ont jamais été payables et une période de prestations n’aurait jamais dû être établie. La prestataire a la responsabilité de rembourser les sommes d’argent auxquelles elle n’était pas admissibleNote de bas de page 38

La prestataire a-t-elle sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs?

[58] Oui. Je conclus qu’elle a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs.

[59] Pour pouvoir imposer une pénalité, la Commission doit prouver que la prestataire a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeursNote de bas de page 39.

[60] Une pénalité peut être imposée si une personne a sciemment négocié ou tenté de négocier un mandat spécial établi à son nom pour des prestations au bénéfice desquelles elle n’est pas admissible. Note de bas de page 40 Négocier un mandat exige l’encaissement d’un chèque. Note de bas de page 41

[61] Il ne suffit pas que l’information soit fausse ou trompeuse. Pour pouvoir imposer une pénalité, la Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a fourni ces renseignements sciemment, sachant qu’ils étaient faux ou trompeurs.

[62] Il est évident dans la preuve que les questions étaient simples et que la prestataire a répondu de façon erronée. Je peux donc inférer que la prestataire savait que l’information était fausse ou trompeuse. Ensuite, la prestataire doit expliquer pourquoi elle a fourni des réponses erronées et montrer qu’elle ne l’a pas fait sciemment. Note de bas de page 42 La Commission peut imposer une pénalité pour chaque déclaration fausse ou trompeuse faite par la prestataire. 

[63] Je n’ai pas besoin d’établir si la prestataire avait l’intention de frauder ou de tromper la Commission lorsque je décide si elle était sujette à une pénalitéNote de bas de page 43

[64] La Commission a affirmé que la prestataire avait sciemment fait un total de quatre fausses affirmations lorsqu’elle a présenté sa demande de prestations, avait fourni un relevé d’emploi qu’elle savait être faux, et fourni des déclarations écrites à la Commission le 31 mai 2019Note de bas de page 44 et le 21 juin 2019Note de bas de page 45 comme quoi elle avait travaillé et accumulé les heures indiquées sur le relevé d’emploi de 163875 Ontario Ltd. La Commission affirme que la prestataire avait également négocié 30 mandats de prestations, sachant que sa période de prestations avait été établie sur le fondement de faux renseignements. La Commission dit que la prestataire avait reconnu ses droits et responsabilités lorsqu’elle a présenté sa demande et qu’elle avait reçu l’avertissement que faire des affirmations fausses ou trompeuses pouvait entraîner l’imposition de pénalités ou des poursuites judiciaires.

[65] Dans la demande présentée par la prestataire le 30 décembre 2013, elle devait fournir le nom de son dernier employeur et indiquer la période pendant laquelle elle avait travaillé. La prestataire a inscrit dans son formulaire qu’elle avait été embauchée comme fermière par 1683175 Ontario Ltd. du 16 septembre 2013 au 20 décembre 2013 au taux horaire de 10,50 $, et qu’elle ne travaillait plus en raison d’un manque de travail.  Note de bas de page 46 Elle a également inscrit le restaurant où elle avait travaillé avant cela. La prestataire a fourni les relevés d’emploi du restaurantNote de bas de page 47 et de 1683175 Ontario Ltd.Note de bas de page 48 en appui à sa demande. On a demandé à la prestataire si elle avait travaillé pour 1683174 Ontario Ltd. [sic] pour la période indiquée sur le relevé d’emploi sur le questionnaire présenté à la Commission le 31 mai 2019. Elle a répondu oui. Dans le questionnaire qu’elle a rempli le 21 juin 2019, on lui demandait de fournir toute documentation appuyant son emploi chez 163875 [sic] Ontario Ltd. Elle a fourni ses relevés de paye et son T4.

[66] Sur le formulaire de demande rempli par la prestataire, on peut lire la mention suivante : « Si vous ne dévoilez pas certains éléments d’information, ou si vous faites sciemment une déclaration fausse ou trompeuse, vous commettez une infraction pouvant entraîner un trop payé et vous vous exposez à de graves pénalités, voire des poursuitesNote de bas de page 49. » La prestataire a reconnu avoir lu et compris ses droits et responsabilitésNote de bas de page 50.

[67] Comme je l’ai indiqué précédemment, la prestataire n’était pas employée par 1683175 Ontario Ltd. du 16 septembre 2013 au 20 décembre 2013 et le relevé d’emploi de cet employeur était invalide.

[68] Je conclus que la Commission s’est acquittée de son fardeau de prouver que la prestataire a sciemment fait quatre fausses affirmations. Elle a déclaré dans son formulaire qu’elle était employée par l’agence de placement alors qu’elle ne l’était pas et elle a fourni un faux relevé d’emploi de cet employeur. Elle a fait deux fausses affirmations lorsqu’elle a confirmé son emploi auprès de la société à numéro sur les questionnaires soumis à la Commission le 31 mai 2019 et le 21 juin 2019. Les questions sur son dernier employeur et sur la durée de son dernier emploi étaient simples. La prestataire aurait dû savoir si elle avait ou non été employée par la société à numéro, si elle avait rempli sa demande et si elle avait présenté le relevé d’emploi de cet employeur au moment de remplir les questionnaires confirmant cet emploi.

[69] Toutefois, j’estime que la Commission ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver que la prestataire a sciemment négocié trente mandats de prestations auxquels elle n’était pas admissible. Pour s’acquitter de ce fardeau, la Commission devrait prouver que la prestataire a négocié le paiement des prestations par chèque. Toutefois, la Commission n’a fourni aucune preuve que la prestataire a été payée par chèque.

[70] La prestataire n’a pas expliqué pourquoi elle avait demandé des prestations sur le fondement de faux renseignements, ni pourquoi elle avait fourni un relevé d’emploi indiquant de faux renseignements, ni pourquoi elle a confirmé avoir été à l’emploi de la société à numéro dans les deux questionnaires qu’elle a rempli. Elle n’a fait que nier que l’information était fausse. Je conclus que la prestataire n’a pas fourni d’explication raisonnable pour montrer que les affirmations n’ont pas été faites sciemment. La prestataire n’a pas été en mesure de fournir des preuves crédibles pour appuyer son affirmation, selon laquelle elle était employée par 1683175 Ontario Ltd. La prestataire savait que le relevé d’emploi était faux et que l’information fournie à la Commission dans sa demande et dans les questionnaires, à savoir qu’elle était employée de 1683175 Ltd Ontario., était fausse, puisqu’elle savait qu’elle n’avait pas travaillé pour cette entreprise.

[71] Je conclus que la prestataire a sciemment fait quatre fausses affirmations et que par conséquent, la possibilité d’imposer une pénalité s’offrait à la Commission.

La Commission a-t-elle adéquatement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a imposé une pénalité non monétaire en servant un avertissement ?

[72] J’estime que non. Toutefois, puisque je remplace la décision de la Commission par la mienne, j’estime qu’un avertissement était tout de même une pénalité adéquate.

[73] Une pénalité monétaire ne peut pas être imposée si 36 mois se sont écoulés après la date où l’acte ou l’omission a eu lieuNote de bas de page 51.

[74] Une pénalité monétaire ne peut pas être imposée si 72 mois se sont écoulés après la date où l’acte ou l’omission a eu lieuNote de bas de page 52.

[75] La Commission a le pouvoir discrétionnaire de servir un avertissement plutôt que d’imposer une pénalité monétaire.  Note de bas de page 53 Je dois examiner comment la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire. Je ne peux annuler l’avertissement et remplacer par ma propre décision de pénalité que si je conclus que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire adéquatement lorsqu’elle a décidé de servir un avertissementNote de bas de page 54.

[76] Lorsqu’elle a décidé de servir un avertissement, la Commission considérait que quatre fausses déclarations avaient été faites et que trente mandats avaient été négociés par la prestataire pour des prestations auxquelles elle n’était pas admissible. La Commission a également considéré le fait que tous les mandats ont été négociés et que toutes les déclarations ont été faites après le délai de 36 mois pour une pénalité monétaire, à l’exception des quatre déclarations faites dans les réponses écrites de la prestataire le 31 mai 2019 et le 21 juin 2019. La Commission a pris en considération le fait que presque toutes les fausses affirmations et tous les documents falsifiés étaient datés d’après le délai de 36 mois pour une pénalité monétaire. Compte tenu des circonstances atténuantes de la prestataire, soit qu’elle était une nouvelle arrivante au Canada, qu’il existait une barrière linguistique et que sa demande était pour des prestations spéciales, la Commission a simplement émis un « avertissement »Note de bas de page 55.

[77] Je conclus que la Commission n’a pas adéquatement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a servi un avertissement parce que la Commission a considéré le fait que la prestataire avait sciemment négocié trente mandats pour des prestations auxquelles elle n’était pas admissible. Comme je l’ai indiqué précédemment, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de le prouver, et à ce titre, elle n’aurait pas dû en tenir compte lorsqu’elle a établi quel type de pénalité il fallait imposer.

[78] Puisque la Commission n’a pas adéquatement exercé son pouvoir discrétionnaire, je vais rendre ma propre décision concernant la pénalité. Étant donné qu’il y a eu quatre fausses affirmations sciemment faites dans le délai de 72 mois et compte tenu des circonstances atténuantes qui existent, à savoir que la prestataire était nouvellement arrivée au Canada, qu’il y avait une barrière linguistique, et que la demande était pour des prestations spéciales, je conclus qu’un avertissement demeure une pénalité adéquate. 

Conclusion

[79] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 16 mars 2020 et le 2 juillet 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

M. L., appelante

Dung Van Truong, représentant de l’appelante

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