Assurance-emploi (AE)

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Citation : NM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 678

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-1412

ENTRE :

N. M.

Appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Normand Morin
DATE DE L’AUDIENCE : 16 juillet 2020
DATE DE LA DÉCISION : 31 juillet 2020

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelante n’était pas justifiée de quitter volontairement son emploiNote de bas de page 1. Son exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi, à compter du 25 août 2019, est donc justifiée.

Aperçu

[2] Du 16 novembre 2018 au 27 août 2019 inclusivement, l’appelante a travaillé comme préposée à la cueillette des œufs (« journalier (sic) agricole ») pour l’employeur, X (« l’employeur »), et a cessé de travailler pour cet employeur après avoir effectué un départ volontaire. Le 20 septembre 2019, l’appelante présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières).

[3] Le 28 octobre 2019, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), avise l’appelante qu’elle n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi à partir du 25 août 2019 parce qu’elle a volontairement arrêté de travailler pour l’employeur, le 30 août 2019Note de bas de page 2, sans motif valable au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[4] L’appelante explique avoir quitté son emploi à la X pour aller s’établir en Gaspésie dans le but de faire l’acquisition d’un gîte et pour prendre soin de deux amis malades ou en fin de vie. Elle indique qu’à la fin de juillet 2019, soit environ un mois avant de déménager en Gaspésie, elle a communiqué avec un employeur potentiel de cette région qui lui a indiqué qu’il y avait du travail pour elle. L’appelante fait également valoir que l’emploi qu’elle a occupé à la X, était à temps partiel et que son nombre d’heures avait diminué. Elle soutient être admissible au bénéfice des prestations. Le 19 mars 2020, l’appelante conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[5] Dans le présent dossier, je dois déterminer si l’appelante était justifiée de quitter volontairement son emploiNote de bas de page 4.

[6] Je dois répondre aux questions suivantes :

  1. Est-ce que la fin d’emploi de l’appelante représente un départ volontaire?
  2. Si tel est le cas, est-ce que le départ volontaire de l’appelante représentait la seule solution raisonnable dans son cas?

Analyse

[7] Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») indiquent que le critère visant à déterminer si le prestataire est fondé de quitter son emploi aux termes de l’article 29 de la Loi consiste à se demander si, en tenant compte de toutes les circonstances et selon la prépondérance des probabilités, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploiNote de bas de page 5.

Question n1 : Est-ce que la fin d’emploi de l’appelante représente un départ volontaire?

[8] Oui. J’estime que dans le cas présent, la fin de l’emploi de l’appelante représente bien un départ volontaire au sens de la Loi.

[9] Je considère que l’appelante a eu le choix de continuer de travailler à la X, mais qu’elle a choisi de quitter volontairement son emploi.

[10] La Cour nous informe que dans un cas de départ volontaire, il faut d’abord déterminer si la personne avait le choix de conserver son emploiNote de bas de page 6.

[11] Les explications données par l’appelante indiquent qu’elle a quitté volontairement son emploi à la XNote de bas de page 7.

[12] L’appelante ne conteste pas le fait qu’elle a quitté volontairement son emploi chez cet employeur.

[13] L’appelante précise que contrairement à ce qui est indiqué dans ses déclarations à la CommissionNote de bas de page 8, elle n’a pas effectué de départs volontaires auprès de deux employeurs. Elle n’a quitté volontairement son emploi qu’à la X. L’appelante explique avoir travaillé comme préposée (« préposée [au] labo ») pour l’employeur X du 15 avril 2019 au 11 août 2019. Il s’agissait d’un contrat de remplacement au cours de l’été 2019 afin de remplacer des personnes en vacances ou en congé pour des raisons de santé. Elle a cessé de travailler à cet endroit en raison d’un manque de travail, comme l’indique le relevé d’emploi émis par cet employeurNote de bas de page 9.

[14] Je considère que l’appelante avait la possibilité de poursuivre l’emploi qu’elle avait à la X, mais qu’elle a pris l’initiative de mettre fin à son lien d’emploi en signifiant à cet employeur qu’elle n’allait pas continuer de l’occuperNote de bas de page 10.

[15] Je dois maintenant déterminer si l’appelant était justifié de quitter volontairement son emploi et s’il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.

Question n2 : Est-ce que le départ volontaire de l’appelante représentait la seule solution raisonnable dans son cas?

[16] Non. Je considère que le départ volontaire de l’appelante ne représentait pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[17] Dans le cas présent, je considère que malgré les nombreuses raisons qu’elle fournit, l’appelante ne démontre pas qu’elle était justifiée, au sens de la Loi, de quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait. Ces raisons sont les suivantes :

  • Faire l’acquisition d’un gîte à Gaspé ;
  • Prendre soin de deux amis malades ou en fin de vie ;
  • Occuper un emploi en Gaspésie ;
  • Avoir subi une diminution d’heures de travail chez l’employeur.

Faire l’acquisition d’un gîte à Gaspé

[18] L’appelante explique avoir quitté son emploi pour aller habiter en Gaspésie dans le but de faire l’acquisition d’un gîte situé à Gaspé. Elle s’est établie à cet endroit le 28 août 2019. L’appelante indique avoir informé l’employeur de cette situation. Elle mentionne avoir encore sa résidence personnelle à Saint-Jean-sur-RichelieuNote de bas de page 11.

[19] Je considère que l’appelante ne démontre pas que sa décision de quitter volontairement son emploi pour aller s’établir dans une autre ville afin de faire l’acquisition d’un gîte représente une circonstance justifiant son départ. Il s’agit d’un choix personnel que l’appelante a fait dans le but de réorienter son cheminement professionnel.

[20] Je souligne que dans l’une de ses déclarations, l’appelante a elle-même indiqué avoir quitté son emploi pour des raisons personnellesNote de bas de page 12.

Prendre soin de deux amis malades ou en fin de vie

[21] L’appelante explique avoir également quitté son emploi pour s’installer en Gaspésie afin de s’occuper de deux amis malades ou en fin de vieNote de bas de page 13. Le propriétaire du gîte dont elle veut faire l’acquisition est l’une de ces deux personnes. L’appelante explique qu’elle s’est d’abord rendue en Gaspésie à la fin de juillet 2019 pour prendre des vacances. À ce moment, elle savait déjà que ce dernier était malade et qu’il avait besoin d’aide. Depuis son arrivée en Gaspésie, le 28 août 2019, elle demeure chez lui. Elle indique qu’elle agit toujours comme proche aidante ou aidante naturelle auprès de lui. L’autre personne dont elle s’est occupée est décédéeNote de bas de page 14.

[22] L’appelante explique ne pas avoir présenté une demande de prestations pour « proches aidants » (prestations spéciales). Elle indique avoir discuté de cette question avec la Commission pour présenter son appel auprès du TribunalNote de bas de page 15.

[23] Je considère que la décision de l’appelante d’aller s’établir en Gaspésie pour venir en aide à deux de ses amis malades ou en fin de vie ne justifie pas non plus son départ volontaire.

[24] J’estime que les explications données par l’appelante sur cet aspect ne correspondent pas à une situation démontrant qu’il y avait nécessité de prendre soin d’un membre de sa famille, soit un enfant ou proche parentNote de bas de page 16. Cette situation ne peut rendre l’appelante admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi. Je souligne qu’il ne s’agit pas de membres de la famille de l’appelante, mais d’amis de cette dernière.

[25] De plus, je suis d’avis qu’il ne s’agissait pas d’une circonstance qui existait au moment où l’appelante a quitté son emploi à la fin du mois d’août 2019.

[26] Je souligne que l’appelante n’a fait valoir ce motif qu’après avoir reçu une décision défavorable de la Commission concernant sa demande de prestations, le 28 octobre 2019.

[27] Je souligne également que lorsqu’elle a présenté sa demande de prestations le 20 septembre 2019, l’appelante a indiqué qu’elle avait quitté son emploi pour aller habiter en Gaspésie et « reprendre » un gîteNote de bas de page 17. Dans sa demande de prestations, après avoir fourni cette explication, l’appelante a répondu « non » à la question suivante : « Nous vous avons demandé les raisons et les circonstances concernant le fait de quitter cet emploi en particulier. Est-ce que vous aimeriez ajouter des commentaires pertinents? »Note de bas de page 18.

[28] Je trouve paradoxal que l’appelante n’ait pas fait mention du fait qu’elle s’était établie en Gaspésie pour prendre soin de deux amis malades ou en fin de vie au moment de présenter sa demande de prestations, étant donné qu’elle affirme qu’elle savait depuis la fin de juillet 2019, lors de ses vacances dans cette région, que l’une des deux personnes en question était malade et avait besoin d’aide.

[29] La preuve au dossier indique que ce n’est qu’en mars 2020 que l’appelante a rempli des formulaires relatifs à une demande de prestations pour proches aidants pour l’une de ces deux personnesNote de bas de page 19.

[30] À la suite d’une demande du Tribunal, la Commission a indiqué que l’appelante n’avait formulé aucune demande de prestations pour « proches aidants » et qu’elle n’avait rendu aucune décision sur cette questionNote de bas de page 20.

[31] Sur ce point, je souligne qu’à titre de membre du Tribunal, je suis lié par la décision de révision rendue par la Commission. Je ne peux pas me prononcer sur une question pour laquelle je n’ai pas été saisi.

[32] Je précise toutefois qu’un prestataire exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi peut recevoir des prestations spéciales s’il remplit les conditions requises à cet effet.

[33] Des dispositions sont prévues à la Loi faisant en sorte que l’exclusion du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi est suspendue pendant les semaines pour lesquelles un prestataire a autrement le droit de recevoir des prestations spéciales, dont celles pour proches aidantsNote de bas de page 21.

Occuper un emploi en Gaspésie

[34] L’appelante explique avoir aussi quitté son emploi pour aller travailler chez X à Gaspé, un fabricant de pales d’éoliennes. Le 27 juillet 2019, elle a communiqué avec cet employeur et celui-ci lui a dit qu’il y avait du travail pour elle. L’appelante soutient qu’elle avait une promesse d’emploi de la part de cet employeur, mais qu’elle n’avait pas eu de proposition de contrat. Elle souligne qu’elle allait améliorer sa situation en déménageant en Gaspésie. Le 29 octobre 2019, l’appelante a eu un entretien d’embauche avec l’employeur en question, mais sa candidature n’a pas été retenue. Elle indique qu’elle pensait trouver un travail, ce qui explique pourquoi elle n’a pas pensé à faire une demande de prestations dès son arrivée en GaspésieNote de bas de page 22.

[35] Le 25 octobre 2019, l’appelante déclare à la Commission qu’elle n’avait pas eu de confirmation voulant qu’elle allait avoir un autre emploi avant de quitter celui qu’elle avait. Elle indique ne pas avoir demandé de congé à l’employeur parce qu’elle n’y avait pas penséNote de bas de page 23.

[36] Dans sa déclaration du 17 octobre 2019 à la Commission, l’appelante explique qu’elle ne pouvait pas se chercher un emploi puisqu’elle devait faire des travaux de rénovation dans le gîte dont elle comptait faire l’acquisitionNote de bas de page 24.

[37] Je considère que l’appelante ne démontre pas qu’elle avait obtenu l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat avant qu’elle ne quitte l’emploi qu’elle avait à la XNote de bas de page 25.

[38] Je trouve contradictoires les affirmations de l’appelante selon lesquelles elle avait reçu une promesse d’emploi de la part d’un employeur potentiel auprès duquel elle a postulé en juillet 2019, soit X. Je considère qu’une telle promesse n’a pas été faite à l’appelante.

[39] Je souligne que dans des déclarations faites à la Commission le 25 octobre 2019 et le 19 novembre 2019, l’appelante indique d’ailleurs qu’elle n’avait pas eu de confirmation voulant qu’elle allait avoir un autre emploi avant de quitter celui qu’elle avait et qu’elle n’avait pas reçu de proposition de contrat de la part de l’employeur auprès duquel elle avait postuléNote de bas de page 26.

[40] Ce n’est que le 29 octobre 2019, soit plus de deux mois après avoir effectué son départ volontaire, que l’appelante a eu un entretien d’embauche avec l’employeur potentiel en question. Sa candidature n’a pas été retenueNote de bas de page 27.

[41] Dans sa déclaration du 17 octobre 2019 à la Commission, l’appelante explique aussi qu’elle devait faire des travaux de rénovation dans le gîte dont elle comptait faire l’acquisition et qu’elle ne pouvait donc pas se chercher un emploiNote de bas de page 28.

Avoir subi une diminution d’heures de travail chez l’employeur

[42] L’appelante fait valoir que son départ volontaire s’explique aussi par le fait que ses heures de travail avaient diminué à la X. Lorsqu’elle a travaillé à cet endroit, il s’agissait d’un emploi à temps partiel à raison de 15 à 25 heures par semaine. Au début de cet emploi, en novembre 2018, l’appelante travaillait aussi pour un autre employeur, soit X. L’appelante affirme que son nombre d’heures à la X avait diminué à environ 10 à 15 heures par semaine en raison de l’embauche de travailleurs étrangers. Elle affirme avoir donné de la formation à des travailleurs étrangers et qu’elle allait ensuite être « mise à la porte »Note de bas de page 29.

[43] Je ne retiens pas l’argument de l’appelante selon lequel elle a aussi quitté son emploi parce que l’employeur avait diminué ses heures de travail, de 15 à 25 heures par semaine à 10 à 15 heures, en raison de l’embauche de travailleurs étrangers.

[44] Je suis d’avis que ces éléments ne sont pas à l’origine de son départ volontaire, étant donné les explications qu’elle a d’abord fournies dans sa demande de prestations, dans ses déclarations à la Commission et dans son avis d’appel.

[45] Ce n’est que lors de l’audience que l’appelante présente ces éléments. Ce que je trouve paradoxal. Je suis d’avis que l’appelante ajoute ces éléments pour tenter de démontrer que son départ volontaire était justifié après avoir évoqué plusieurs autres raisons pour l’avoir fait.

[46] De plus, l’appelante n’indique pas quelle démarche elle a effectuée auprès de l’employeur afin de savoir si une solution pouvait être apportée à ce problème ni depuis combien de temps elle y aurait été confrontée.

[47] Je considère que la diminution des heures de travail évoquée par l’appelante ne justifie pas son départ volontaire.

[48] La Cour a établi que la réduction du nombre d’heures de travail ne constitue pas une justification pour quitter un emploi, même dans le cas d’un employé à temps partielNote de bas de page 30.

[49] Je ne retiens pas non plus l’argument de l’appelante voulant que l’employeur allait mettre fin à son emploi suivant l’arrivée de travailleurs étrangers. Je trouve que l’appelante anticipe une situation à laquelle elle n’a pas été confrontée et pour laquelle elle ne présente pas d’éléments de preuve pertinents.

Solution raisonnable

[50] L’appelante dit trouver déplorable et un peu aberrant qu’elle ne soit pas admissible au bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi à la XNote de bas de page 31. Malgré l’avis exprimé par l’appelante sur ce point, je considère qu’elle avait d’autres choix que celui de quitter son emploi, le 27 août 2019.

[51] Je considère qu’une solution raisonnable au sens de la Loi, par exemple, aurait été qu’avant son départ volontaire, l’appelante s’assure d’obtenir un autre emploi correspondant à ses intérêts et à ses attentes.

[52] J’estime que l’appelante ne démontre pas qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi.

Conclusion

[53] Je conclus que compte tenu de toutes les circonstances, l’appelante n’était pas justifiée de quitter volontairement son emploi.

[54] L’exclusion de l’appelante du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 25 août 2019 est justifiée.

[55] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 16 juillet 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparution :

N. M., appelante

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