Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1054

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-1500

ENTRE :

G. G.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
DÉCISION INTERLOCUTOIRE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Candace R. Salmon
DATE DE LA DÉCISION INTERLOCUTOIRE : Le 8 septembre 2020

Sur cette page

Question en litige

[1] L’appelant a-t-il rempli les conditions énoncées à l’article 20(1)(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale?

Contexte et analyse

[2] L’appelant souhaite contester la constitutionnalité d’un article de la Loi sur l’assurance-emploi qui, selon lui, est discriminatoire.

[3] Des exigences procédurales bien précises doivent être respectées lorsqu’une question constitutionnelle est soulevée dans le cadre d’un appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). L’une de ces exigences est décrite à l’article (20)(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, qui spécifie notamment ce qui suit :

la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une disposition […] de la Loi sur l’assurance-emploi […] est mis en cause devant le Tribunal, la partie qui soulève la question :

  1. a) dépose auprès du Tribunal un avis qui contient :
    1. (i) la disposition visée,
    2. (ii) toutes observations à l’appui de la question soulevée[.]

[4] L’appelant a déposé un avis le 10 février 2020, dans lequel il contestait la décision rendue le 15 janvier 2020 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Dans cette décision, il était jugé inadmissible à des prestations régulières d’assurance-emploi du fait qu’il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler.

[5] La division générale du Tribunal a instruit l’appel le 4 mars 2020. Le membre a rejeté l’appel, ayant conclu que l’appelant n’avait pas démontré qu’il avait été disponible pour travailler.

[6] Le 7 avril 2020, l’appelant a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. Même si la division d'appel a confirmé la décision de la division générale sur la question de la disponibilité, elle a noté que l’appelant avait également soulevé une question constitutionnelle qui n’avait pas été traitée. La permission d’en appeler a été accordée le 16 avril 2020. Le 20 mai 2020, la division d’appel a rendu une décision ordonnant le renvoi du dossier à la division générale du Tribunal, dans l’unique but de permettre à l’appelant de présenter son argument fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

[7] J’ai tenu une conférence préparatoire le 7 juillet 2020. L’appelant et trois représentants de la Commission y ont participé. J’ai expliqué à l’appelant le processus lié aux questions constitutionnelles. Il a confirmé qu’il comprenait le processus pour l’instruction de telles questions et qu’il désirait poursuivre dans cette voie. Je lui ai demandé de présenter des observations d’ici le 7 août 2020, afin de satisfaire aux exigences prévues au Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[8] Vu la complexité de cette procédure et le fait que l’appelant n’est pas représenté, je lui ai écrit une lettre en guise de suivi le 7 juillet 2020. Ma lettre résumait les exigences relatives à un appel constitutionnel, comme discuté durant la conférence préparatoire.

[9] Le 13 juillet 2020, l’appelant a soumis des documents, dont : des copies des décisions de la division d’appel datées du 16 avril 2020 et du 20 mai 2020; une copie d’une décision rendue par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario dans une autre affaire; et une copie de ma lettre du 7 juillet 2020.

[10] Comme l’appelant n’avait fourni aucune information se rapportant aux exigences de l’avis décrit par le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, et qu’il avait reconnu qu’il était non représenté, je lui ai écrit une seconde lettre le 15 juillet 2020. Dans cette lettre, je réitérais ce qu’il lui fallait fournir, en matière de documentation, pour remplir les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Tout en reconnaissait qu’il pouvait parfaitement poursuivre son appel sans être représenté, je lui ai rappelé que le site Web du Tribunal répertoriait différentes ressources en la matière, s’il décidait de solliciter l’aide d’un représentant pour préparer son dossier. La page en question était intégrée dans la lettre sous la forme d’un hyperlienNote de bas de page 1. J’ai précisé à l’appelant qu’il avait jusqu’au 7 août 2020 pour soumettre des informations additionnelles.

[11] Le 29 juillet 2020, l’appelant a envoyé un courriel montrant qu’il avait communiqué avec un centre d’aide à l’emploi le 17 juillet 2020, sans avoir reçu de réponse. Il était aussi entré en contact avec un bureau d’aide juridique, qui lui avait répondu le 28 juillet 2020 pour l’informer qu’il ne le représenterait pas. L’appelant avait joint à son courriel une lettre, dans laquelle il affirmait qu’il essaierait encore de remplir l’avis, et demandait au Tribunal de le faire à sa place s’il n’y parvenait pas. Je souligne que le Tribunal ne peut pas remplir les exigences des avis pour l’appelant.

[12] L’appelant avait aussi inclus dans cette lettre une copie des articles 18 et 27 de la Loi sur l’assurance-emploi, ainsi qu’une copie de l’article 15 de la Charte, sur les droits à l’égalité. Il n’a pas décrit le lien entre ces textes de loi ni présenté un exposé des faits expliquant comment les faits appuient sa prétention que la Loi sur l’assurance-emploi contrevient à ses droits protégés par la Charte.

[13] Le 14 août 2020, la Commission a soumis une lettre. Elle soulignait que l’appelant avait soumis des informations se rattachant à une plainte concernant les droits de la personne, mais sans expliquer leur pertinence dans le cadre de l’instance. Elle a aussi fait remarquer qu’il n’avait présenté aucun exposé des faits expliquant comment ces faits soutenaient sa prétention que la Loi sur l’assurance-emploi contrevenait à ses droits en vertu de la Charte. La Commission soutient que, sans ces précisions, il y a lieu de rejeter l’appel.

[14] L’appelant a répondu à l’observation de la Commission le 18 août 2020. Il a reconnu qu'il avait inclus, dans les documents qu’il avait soumis au Tribunal, son dossier du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. Il a affirmé qu’il [traduction] « essayai[t] de montrer à quel point la maladie mentale est facilement ignorée ou mal comprise dans le système canadien actuel, du secteur privé au secteur public ».

[15] Le 19 août 2020, l’appelant a soumis un document intitulé Exposé des faits. Il s’agissait essentiellement de la chronologie des événements. Il a expliqué qu’il avait reçu des prestations de maladie et qu’il avait ensuite demandé de les convertir en prestations régulières, mais que sa demande avait été refusée puisqu’il ne pouvait pas démontrer sa disponibilité pour travailler. L’appelant a admis qu’il était toujours malade au terme du versement de ses prestations de maladie. Il a affirmé qu’il voulait que la Commission [traduction] « prenne des mesures » contre son ancien employeur, car il estimait que celui-ci n’avait pas agi comme il se doit, ce qui l’avait obligé à demander des prestations d’assurance-emploi.

[16] La Commission a présenté des observations le 31 août 2020, affirmant que les éléments présentés par l’appelant ne remplissaient pas les critères de l’avis décrit à l’article 20(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Elle a souligné qu’il incombait l’appelant d’identifier les dispositions exactes de la Loi sur l’assurance-emploi ou du Règlement sur l’assurance-emploi qu’il contestait, et de présenter des observations s’y rapportant qui soient suffisamment précises pour que le Tribunal y décèle son argument fondé sur la Charte. Ici, la Commission affirme que les éléments soumis par l’appelant n’expliquent pas comment les dispositions identifiées contreviendraient à ses droits protégés par la Charte. Voici ce qu’elle a écrit :

[traduction]

L’article 15 de la Charte suppose de procéder à une évaluation multidimensionnelle de nombreux facteurs et d’appliquer un critère juridique en deux volets. Il est question de savoir si 1) la loi crée une distinction sur le fondement de motifs nommés ou analogues et 2) si cette distinction est discriminatoire. Bien que l’appelant ne soit pas tenu de prouver son argument fondé sur l’article 15(1) à ce stade préliminaire, il doit, au minimum, expliquer comment les dispositions législatives se trouvent mises en cause, pour que le Tribunal puisse clairement comprendre son argument voulant que ses droits garantis par la Charte aient été brimés. 

[17] Le 2 septembre 2020, l’appelant a de nouveau répondu aux observations de la CommissionNote de bas de page 2. Aucune nouvelle information n’était présentée. Son observation arrivait aussi en retard. Même si je me suis montrée flexible du fait que l’appelant est non représenté, et même si je lui ai permis de répondre après l’échéance originale, cette dynamique ne peut se poursuivre éternellement. Je juge que ce document, lui non plus, ne l’acquitte pas du fardeau de remplir les conditions relatives à l’avis devant être déposé.

Décision

[18] Je constate que l’appelant a identifié certaines dispositions mises en cause, comme il a fait référence aux articles 18 et 27 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3. Il a également indiqué les dispositions de la Charte se rapportant aux droits à l’égalitéNote de bas de page 4. Par contre, aucun des documents qu’il a fournis n’expliquait comment ces dispositions contrevenaient à ses droits en vertu de la Charte. Plus précisément, l’appelant n’a pas expliqué comment les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi violent des droits garantis par la Charte. Je peux déduire que l’appelant croit qu’il est injuste qu’il ne puisse pas recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi alors qu’il est malade. Par contre, il n’a pas fourni les informations nécessaires pour soulever une question constitutionnelle.Note de bas de page 5 La plupart de ses observations se rapportent à la procédure et révèlent qu’il croit que la Commission n’a pas correctement traité son dossier. Il n’aborde pas le lien entre les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi en cause et la Charte.

[19] Le 22 août 2020, l’appelant a soumis une autre lettre au Tribunal, faisant référence à l’article 82(1)(2) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, qui n’existe pasNote de bas de page 6. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale compte 50 articles au total. L’appelant soutient que la question devrait être considérée comme ultra vires et instruite directement par la Cour fédérale du Canada. D’après cette observation, je présume que l’appelant voulait faire référence à l’article 82 du Règlement sur l’assurance-emploi. Celle-ci traite de la suspension des prestations en cas d’appel. Je juge que cette disposition n’est pas pertinente à son appel, puisque la question de savoir si le Règlement sur l’assurance-emploi excède les compétences du Tribunal n’est pas une question constitutionnelle.

[20] Qui plus est, si l’appelant a l’intention de soutenir que la division générale du Tribunal n’est pas habilitée à trancher cette question (c’est ce que je suppose qu’il avance en disait « ultra vires »), j’estime que cette observation est sans fondement. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale confère expressément au Tribunal le pouvoir de trancher des questions constitutionnelles, comme l’explique l’article 20 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[21] L’appelant a soumis beaucoup d’informations se rattachant à un dossier auprès d’un tribunal provincial des droits de la personne, qu’il croit lié à sa procédure d’appel en assurance-emploi. Je juge que l’instance devant le Tribunal est complètement distincte de celle devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. De plus, l’appelant n’a pas expliqué comment ces documents l’aident à remplir les exigences relatives à un appel constitutionnel, conformément à l’article 20(1)(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Je n’ai donc pas tenu compte de cette documentation.

[22] Je note aussi que, malgré son intérêt à être représenté, qui s’est soldé sans l’aide d’un représentant, l’appelant a eu l’occasion de solliciter les services d’un tel professionnel et a été informé des avenues possibles à cette fin. Pour s’assurer qu’il soit entendu et qu’il ait toutes les chances de plaider sa cause, le Tribunal lui a aussi expliqué de nombreuses fois la procédure relative à un appel constitutionnel et a accepté l’ensemble de ses observations, même après l’échéance du 7 août 2020. Je suis convaincue que l’équité procédurale a été respectée dans ce dossier.

Conclusion

[23] Je conclus que cet appel ne soulève pas une question constitutionnelle qui remplisse les critères énoncés à l’article 20(1)(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. L’appel est rejeté et le dossier sera clos, comme il avait déjà été renvoyé à la division générale dans le but précis d’instruire l’argument fondé sur la Charte.

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