Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : X c Commission de l’assurance-emploi du Canada et CE, 2020 TSS 1166

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-1776

ENTRE :

X

Appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée

et

C. E.

Prestataire / mise en cause


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : John Noonan
DATE DE L’AUDIENCE : Le 25 août 20200
DATE DE LA DÉCISION : Le 2 septembre 2020
DATE DU CORRIGENDUM : Le 12 février 2021

Sur cette page

[1] L’appelante, X, a appris que la Commission, après avoir révisé la demande de prestations de C. E. qui a été établie le 1er mars 2020, allait lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, elle était fondée à quitter volontairement son emploi chez X le 2 mars 2020. La Commission est d’avis que son départ volontaire était la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelante affirme qu’elle n’est pas d’accord pour dire que le départ volontaire de la prestataire était fondé. Elle soutient que les affirmations de la prestataire concernant l’intimidation et les conditions de travail sont totalement fausses. Le Tribunal doit décider s’il faut refuser de verser des prestations à la prestataire parce qu’elle a volontairement quitté son emploi sans justification, comme le prévoit l’article 29 de la Loi.

Décision

[2] L’appel de l’employeuse est accueilli, car il a été établi que la prestataire, C. E., n’était pas fondée à quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : Le 2 mars 2020, l’appelante [la prestataire] a-t-elle quitté volontairement son emploi chez X?

Question en litige no 2 : Si oui, y avait-il une justification?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans le document GD-4.

[5] Il y a exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si les prestataires quittent volontairement un emploi sans justification (article 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi). Une personne est fondée à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas (article 29(c) de la Loi).

[6] Il incombe à l’intimée de prouver que le départ était volontaire et, une fois ce fait établi, il incombe à l’appelante [la prestataire] de démontrer que son départ était fondé. Pour établir l’existence d’une justification, l’appelante [la prestataire] doit démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ était la seule solution raisonnable dans son cas (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190; Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17). L’expression « fardeau de la preuve » qualifie la partie qui doit produire une preuve suffisante pour établir sa position de façon à satisfaire le critère juridique. Dans la présente affaire, le fardeau de la preuve relève de la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est « plus probable qu’improbable » (il y a plus de chances) que les événements se soient déroulés comme ils sont décrits.

[7] Question en litige no 1 : Le 2 mars 2020, l’appelante [la prestataire] a-t-elle volontairement quitté son emploi chez X?

[8] Oui.

[9] Pour que le départ soit volontaire, c’est l’appelante [la prestataire] qui doit prendre l’initiative de rompre la relation de travail.

[10] Au moment de décider si l’appelante [la prestataire] a quitté volontairement son emploi, la question à trancher est la suivante : l’employée avait-elle le choix de rester ou de partir (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56).

[11] Les deux parties dans la présente affaire conviennent que l’appelante [la prestataire] a volontairement quitté son emploi chez X le 2 mars 2020. La prestataire affirme qu’elle était constamment victime de harcèlement et d’intimidation. L’employeuse soutient qu’elle a démissionné sans justification ni quelconque raison.

[12] Comme les circonstances entourant le départ correspondent bel et bien à la définition d’un départ volontaire en ce sens qu’elle n’a pas été congédiée, je conclus que C. E. a volontairement quitté son emploi chez X le 2 mars 2020.

Question en litige no 2 : Si oui, y avait-il une justification?

[13] Non.

[14] La prestataire ou mise en cause, C. E., a soutenu qu’elle a démissionné pour des raisons de santé découlant de ses conditions de travail. Elle travaillait dans un petit bureau comme directrice des services administratifs. Elle interagissait avec d’autres membres du personnel. C’est sa relation avec son employeuse qui a nui à sa santé. Ainsi, elle a démissionné en raison du stress que son employeuse lui faisait subir. Elle faisait souvent des heures supplémentaires non rémunérées et était censée travailler la fin de semaine après avoir reçu des messages textes de son employeuse après les heures de travail et pendant la fin de semaine. Au travail, elle était rabaissée et intimidée par son employeuse. Elle se sentait surchargée de travail et incapable de se concentrer en raison du harcèlement que lui faisait subir son employeuse. Elle a déclaré que de nombreuses personnes avaient démissionné de leur poste chez cette employeuse pour les mêmes raisons.

[15] Au départ, sa demande a été rejetée par la Commission.

[16] Après avoir demandé la révision de la décision, la prestataire a déclaré qu’elle avait démissionné parce qu’elle n’avait pas d’autre option raisonnable. Elle a ajouté que ses droits de la personne avaient été violés, qu’elle avait subi du harcèlement, de l’intimidation et de la discrimination et qu’elle avait tenté de régler le problème, mais que rien n’avait changé. La prestataire a également affirmé qu’elle éprouvait du stress et de l’anxiété en travaillant chez X et qu’elle a tenté de voir sa médecin peu après sa démission, mais qu’en raison de la COVID-19, elle ne pouvait la voir que de façon virtuelle.

[17] Par la suite, sa demande a été approuvée et l’employeuse a porté la décision en appel au présent Tribunal.

[18] On a communiqué avec l’employeuse. Elle a alors fourni les renseignements suivants à la Commission :

  1. elle a déclaré que la prestataire avait d’abord démissionné en février, puis elle avait décidé de rester pour finalement démissionner en mars;
  2. elle a déclaré que la prestataire avait démissionné auparavant et lui avait demandé de ne pas en parler à personne; elle a ajouté qu’elle n’avait pas supplié la prestataire de ne pas démissionner et ne lui a pas non plus conseillé de ne pas démissionner;
  3. elle a affirmé que les deux fois, la prestataire n’a pas expliqué pourquoi elle démissionnait;
  4. elle a informé la propriétaire que la prestataire avait démissionné en raison du traitement qu’elle lui avait infligé;
  5. elle a mentionné que la prestataire avait fourni une copie de sa lettre de démission;
  6. elle a dit ne pas se souvenir s’il y avait une lettre de démission, mais elle croit que oui;
  7. elle affirme ne pas se souvenir du contenu de la lettre de démission;
  8. la lettre de démission au dossier a été lue à la propriétaire;
  9. elle a déclaré que la prestataire s’est plainte du fait que ses collègues ne l’aimaient pas; elle a été informée que la lettre indique qu’il était difficile de travailler avec elle et que la prestataire se sentait stressée, rabaissée et victime de violence psychologique;
  10. elle a déclaré que la prestataire s’est seulement plainte que ses collègues essayaient de l’aider dans son travail;
  11. elle a affirmé que son entreprise était petite et n’avait pas de service de ressources humaines et que la prestataire était censée assurer ce service;
  12. elle a déclaré qu’elle n’a jamais harcelé ou rabaissé la prestataire ni commis des gestes de violence psychologique envers elle;
  13. elle a confirmé avoir reçu une copie de la lettre de démission et n’avoir pris aucune mesure pour régler la situation parce que la prestataire a présenté sa démission, puis est partie;
  14. elle a confirmé que la prestataire lui avait fait part de ses préoccupations à sa première démission et qu’elle a demandé la tenue d’une réunion, mais qu’elle a changé d’avis à la réunion et lui a demandé de ne pas en parler à personne;
  15. elle a expliqué qu’elle corrigeait la grammaire de la prestataire sur papier et non verbalement, que la prestataire ne faisait pas le travail de trois personnes et que la charge de travail n’était pas trop lourde;
  16. elle a précisé que les tâches de la prestataire incluaient l’administration générale, le classement, le paiement de factures, la préparation des factures et l’organisation des comptes fournisseurs;
  17. elle a déclaré que la prestataire avait du mal à suivre le rythme et de la difficulté à accepter les critiques et qu’elle était toujours offensée lorsqu’elle corrigeait ses fautes;
  18. elle a dit avoir formulé des commentaires constructifs, mais qu’elle les prenait comme des insultes.

[19] La prestataire a répondu qu’elle avait été maltraitée par l’employeuse et que les déclarations de cette dernière étaient fausses.

[20] À l’audience, M. R., l’employeuse, a déclaré que selon l’emploi de la prestataire, son horaire de travail était de 9 h à 17 h 30. La nature du travail exigeait qu’elle respecte des délais. La prestataire travaillait avec diligence pour apprendre de nouvelles choses au moment de son embauche. Elle, l’employeuse, travaille principalement de la maison et, lorsqu’un problème survient, elle envoie un message texte ou un courriel à la personne responsable, non pas pour qu’elle s’en occupe immédiatement, puisque le personnel n’a pas accès aux dossiers de la maison, mais pour qu’elle puisse s’en occuper le plus tôt possible lorsqu’elle retournera au bureau. Elle fonctionnait ainsi pour ne pas oublier le problème particulier dont il était question.

[21] La prestataire a reçu l’autorisation de l’employeuse pour afficher un poste et ainsi embaucher une autre personne pour l’aider dans son travail. Elle ne l’a jamais fait.

[22] Au cours d’une entrevue en février, la prestataire a exprimé son plaisir à l’égard des conditions de travail. Cependant, la situation était bien différente pour d’autres membres du personnel qui ont affirmé qu’il était difficile de travailler avec la prestataire et ont dit préférer traiter avec une autre personne.

[23] La prestataire s’était plainte que le bruit de la photocopieuse était une grande source de distraction, mais lorsqu’on lui a offert de travailler à un bureau plus éloigné de la machine, elle a refusé en disant qu’elle était satisfaite de l’emplacement de son bureau.

[24] La prestataire, qui avait commencé à travailler pour cette employeuse le 2 octobre 2019, était une employée relativement nouvelle. Néanmoins, elle a demandé une augmentation de salaire ainsi que des vacances supplémentaires. On lui a accordé une semaine supplémentaire de vacances.

[25] En ce qui concerne la correction des fautes de la prestataire, l’employeuse a déclaré que sa société traite régulièrement avec des avocates, des avocats et des tribunaux. Dans ce contexte, les fautes d’orthographe et de grammaire peuvent être fatales pour une cause. Lorsque des fautes étaient signalées à la prestataire, elle le prenait comme une offense personnelle alors qu’elle aurait dû les considérer comme ce qu’elles devaient être : des critiques constructives.

[26] La prestataire a déclaré qu’à son embauche, des collègues l’ont informée qu’il était difficile de travailler avec cette employeuse. Elle avait possédé sa propre entreprise pendant un certain nombre d’années et retournait maintenant sur le marché du travail. L’employeuse était intimidante, ce qui, selon elle, constituait de la violence psychologique. Dans le milieu de travail, l’employeuse était exigeante et elle, la prestataire, n’avait pas le soutien dont elle avait besoin. Si elle était incompétente, l’employeuse aurait pu la congédier.

[27] Pendant que l’employeuse était en vacances, la prestataire a demandé une augmentation de salaire ainsi que des vacances supplémentaires. Elle était débordée au travail et a décidé de démissionner le 7 février 2020. Elle a cependant changé d’avis et a demandé à son employeuse de garder sa démission confidentielle.

[28] Elle a pris l’initiative d’émettre une directive non autorisée concernant le port de parfum au travail.

[29] Lorsque le service de traiteur retenu pour une réception d’affaires s’est avéré de mauvaise qualité, son employeuse lui a dit de ne plus commander auprès de ce fournisseur.

[30] Elle [traduction] « croyait » que l’employeuse avait un parti pris pour les Blancs et qu’elle ne harcelait ni les personnes blanches ni les hommes qui travaillaient pour elle.

[31] L’employeuse a alors déclaré qu’elle est une professionnelle et que le souci du détail est essentiel pour son entreprise. Oui, elle aurait pu congédier la prestataire, mais elle reconnaissait ses forces et a tenté de répondre à son désir d’avoir un meilleur emplacement parmi les bureaux disponibles. Il n’était pas approprié de demander des vacances supplémentaires et une augmentation de salaire après avoir occupé cet emploi pendant seulement trois mois.

[32] En ce qui concerne le service de traiteur, l’employeuse avait demandé à la prestataire de commander auprès d’un traiteur connu qui avait fourni un bon service par le passé. La prestataire a ignoré cette demande et retenu les services d’un autre fournisseur. Lorsque l’employeuse a jugé que le produit n’était pas d’assez bonne qualité pour sa clientèle et son personnel, elle a dit à la prestataire de ne plus commander de cet endroit à l’avenir.

[33] L’employeuse a affirmé qu’elle embauche du personnel en fonction de ses compétences, et non de la couleur de la peau, de la religion ou de toute autre caractéristique. Elle et d’autres membres de son personnel ont récemment reçu une invitation pour présenter un exposé dans le cadre d’un programme sur la diversité qui a renforcé sa position sur cette question.

[34] En ce qui concerne la question de communiquer avec la prestataire à la maison après les heures de travail et durant la fin de semaine, je juge qu’il s’agit d’une liste de choses à faire à son retour au bureau. L’employeuse savait très bien que ses demandes ne pouvaient pas être traitées immédiatement. La prestataire, qui occupe un poste de gestion, devrait s’attendre à ce que son employeuse communique avec elle au sujet de questions importantes qui sont de son ressort.

[35] En ce qui concerne les propos de la prestataire voulant qu’elle n’ait pas pu voir de médecin en raison de la situation liée à la COVID-19 en Ontario, cette affirmation n’est pas valide, car aucune restriction imposée en Ontario n’exigeait la fermeture des cabinets médicaux avant au moins le 16 mars. La prestataire a démissionné le 2 mars 2020 sans avoir cherché à obtenir un avis médical en ce sens. Les notes médicales pertinentes au dossier datent de juin, soit cinq mois après la démission et, même si elles appuient la décision de la prestataire, rien ne démontre qu’on lui a recommandé de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[36] La lettre de démission que la prestataire a rédigée le 27 janvier 2020 pour expliquer les raisons de son départ peut seulement être interprétée que comme une exagération, car elle a annulé sa démission et a continué de travailler, ce qui montre que la situation au travail n’était pas assez grave pour la pousser à partir.

[37] En ce qui concerne l’incident impliquant le traiteur, l’employeuse a tout à fait le droit de dicter les choix de fournisseurs pour son entreprise. Si la prestataire ignore délibérément une directive de son employeuse à ce sujet, elle peut s’attendre à se faire [traduction] « rencontrer » et réprimander. La prestataire fait référence à un comportement non professionnel de la part de l’employeuse, mais il s’agit d’un exemple flagrant d’un tel comportement de sa part.

[38] Il est très grave de qualifier un lieu de travail ou une employeuse de raciste. Étant donné la région où cette employeuse mène ses activités professionnelles, la région multiculturelle du Grand Toronto, une telle accusation pourrait avoir des effets dévastateurs sur la poursuite de ses activités. Toutefois, je ne dispose d’aucun élément de preuve, mis à part les accusations de la prestataire, montrant qu’il y avait de la discrimination en milieu de travail fondée sur la race ou tout autre facteur. Je juge que les accusations de la prestataire sont sans fondement. En fait, d’après son témoignage et ses observations, l’employeuse a montré qu’elle est reconnue par la collectivité comme une chef de file dans le domaine de la compréhension et de la formation en matière de diversité.

[39] Les déclarations initiales sont plus crédibles parce que la prestataire a fourni ces renseignements plus candidement que pour les déclarations subséquentes, qui ont été fournies dans l’intention de faire annuler une décision défavorable. Dans sa demande de prestations, la prestataire ne mentionne pas le racisme comme facteur ayant influencé sa décision de démissionner.

[40] Je dois maintenant me pencher sur l’affirmation de la prestataire voulant qu’un collègue de travail, Khaled, ait quitté son emploi chez X pour les mêmes raisons qu’elle. Cette affirmation s’est révélée manifestement fausse. Ce monsieur était aux prises avec des problèmes personnels qui l’ont obligé à s’absenter du travail pendant un certain temps. L’employeuse, lorsqu’elle a pris connaissance de sa situation, lui a accordé un congé. Lorsqu’il serait prêt à retourner au travail, son poste l’attendrait. Les circonstances entourant son départ étaient personnelles et n’ont été communiquées à personne. Cette situation montre que M. R. est une employeuse compatissante.

[41] Avec sa version des faits, la prestataire a tenté d’utiliser les problèmes personnels d’une autre personne pour faire avancer sa propre cause, ce qui soulève des questions quant aux efforts qu’elle est prête à déployer pour faire croire que cette employeuse agit comme une ogresse au travail. Le seul résultat est que sa propre crédibilité est remise en question. Si, dans le cadre de ses fonctions de directrice des services administratifs, elle a recueilli des renseignements au sujet du congé de cet homme, les divulguer à quelque fin que ce soit dénote un grand manque de professionnalisme.

[42] J’accorde plus d’importance à la version des faits de l’employeuse qu’aux autres observations concernant le départ de la prestataire. L’employeuse a présenté des documents montrant que Khaled était en congé autorisé et qu’il est retourné au travail depuis, contrairement à la version de la prestataire.

[43] Cela dit, il incombe à l’appelante [la prestataire], et non à l’employeuse, de tenter de régler toute situation avec cette dernière en cherchant des solutions raisonnables avant de se mettre au chômage et d’avoir besoin de l’aide du régime d’assurance-emploi.

[44] Tout le monde a le droit de démissionner ou de quitter un emploi, mais cette décision ne donne pas automatiquement droit à des prestations d’assurance-emploi. Il est inévitable qu’une personne qui a le droit de recevoir des prestations soit appelée à venir prouver qu’elle remplit les conditions prévues par la Loi.

[45] Dans la présente affaire, la prestataire a demandé à rencontrer son employeuse pour régler ses problèmes avec elle. Elles ont eu une rencontre au cours de laquelle la prestataire a remis sa démission, puis y a renoncé. Je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant que ses conditions d’emploi avaient changé, si ce n’est que la prestataire a généreusement bénéficié d’une semaine supplémentaire de vacances. Je juge que la situation au travail n’était pas grave au point de la pousser à démissionner, puisqu’elle a renoncé à démissionner et a continué à occuper son poste.

[46] Contrairement à la Commission, je juge que quitter l’emploi qu’elle occupait chez X n’était pas la seule solution raisonnable dans le cas de l’appelante [la prestataire]. Elle n’aurait pas [sic] pu conserver cet emploi et trouver un autre emploi avant de démissionner. Auparavant, elle aurait pu demander des conseils médicaux au sujet de ses problèmes de stress, car ces événements et sa démission ont eu lieu avant la mise en place des restrictions dues à la COVID-19 en Ontario. Quitter son emploi au moment où elle l’a fait ne correspond à aucun des motifs admissibles qui sont décrits à l’article 29(c) de la Loi.

[47] La Commission était d’avis que l’employeuse avait intérêt à dissimuler certains éléments pour éviter les critiques, entre autres choses. J’ai trouvé que l’employeuse était très ouverte et crédible dans son témoignage et ses observations. Je ne peux pas en dire autant de la prestataire, surtout lorsqu’elle a tenté d’utiliser les problèmes personnels regrettables d’un collègue pour étayer faussement sa cause.

[48] S’il y avait un semblant d’environnement défavorable ou hostile, c’était probablement en raison du refus de la prestataire d’aider ses collègues, de ses demandes déraisonnables d’augmentation de salaire après avoir été en poste pendant seulement trois mois, de ses directives non autorisées, de son mépris direct de la demande de son employeuse de retenir les services d’un traiteur en particulier et de son sentiment d’offense lorsqu’on corrigeait ses fautes d’orthographe et de grammaire qui pouvaient avoir une incidence sur la réputation professionnelle de l’employeuse.

[49] Je remarque que la Commission n’était pas au courant du retour au travail de monsieur et des circonstances entourant son congé. Si elle avait su que la prestataire ignorait tout de la situation personnelle de son collègue, comme il se doit, son affirmation selon laquelle d’autres personnes avaient quitté leur emploi chez cette employeuse dans les mêmes circonstances qu’elle aurait été considérée comme étant sans importance.

Conclusion

[50] Après avoir examiné attentivement toutes les circonstances, je conclus que l’appelante [la prestataire] n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait était la seule solution raisonnable dans son cas. La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable pour l’appelante [la prestataire] de quitter son emploi, mais plutôt si le fait de quitter son emploi était la seule solution raisonnable qui s’offrait à elle (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129). Comme l’appelante [la prestataire] a quitté volontairement son emploi, compte tenu de toutes les circonstances, je conclus que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas et que, par conséquent, elle ne satisfait pas au critère de justification aux termes de l’article 29 ou des dispositions de l’article 30 de la Loi. L’appel de l’employeuse est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 25 août 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

M. R., appelante

C. E., mise en cause / prestataire

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