Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1156

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-1564

ENTRE :

D. F.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Katherine Wallocha
DATE DE L’AUDIENCE : Le 1er septembre 2020
DATE DE LA DÉCISION : Le 8 septembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande de prestations d’assurance-emploi (AE). On ne peut donc pas traiter la demande comme si le prestataire l’avait présentée à une date antérieure.   

Aperçu

[2] Le prestataire a perdu son emploi en juin 2018. Il a reçu une indemnité de départ et croyait qu’il n’était pas admissible aux prestations d’AE. Il n’a donc pas présenté de demande.

[3] Le prestataire a trouvé un emploi contractuel en novembre 2018. Son contrat a pris fin en février 2019. On lui a dit qu’il pourrait peut-être avoir un emploi permanent, alors il n’a pas demandé de prestations d’AE. Lorsqu’il a appris qu’il n’avait pas obtenu le poste permanent en avril 2019, il a demandé des prestations. Sa période de prestations a été établie le 14 avril 2019.

[4] Les éléments de preuve démontrent que le prestataire a d’abord demandé que la demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 24 février 2019. Toutefois, il a communiqué avec la Commission le lendemain pour corriger le dossier. Il a dit qu’il avait l’intention de demander que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée le 24 juin 2018. La Commission a refusé d’antidater sa demande de prestations d’AE à juin 2018, car il n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable de présenter une demande tardive. Toutefois, la Commission a commencé sa période de prestations plus tôt, le 24 février 2019,lorsque son contrat à pris fin.

[5] Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission. Il dit que la Commission utilise la mauvaise date de début. Au lieu du 24 février 2019, le prestataire a demandé que la date utilisée soit le 25 juin 2018. La Commission n’a pas tenu compte du fait qu’il avait reçu une indemnité de départ et qu’il n’était donc pas admissible aux prestations d’AE. La Commission n’a pas justifié sa décision d’autoriser une antidatation à la date du 24 février 2019, et non du 25 juin 2018.

Ce que je dois trancher

[6] La demande de prestations d’AE du prestataire peut-elle être considérée comme ayant été présentée le 25 juin 2018?

Motifs de ma décision

[7] Lorsqu’une personne présente unedemande de prestations d’AE plus tard que son dernier jour de travail, la Commission commence généralement la période de prestations dans la semaine où la demande a été présentéeNote de bas de page 1. Une personne peut demander à la Commission de commencer sa période de prestations plus tôt. C’est ce qu’on appelle une antidatation.

[8] Pour qu’une demande de prestations soit antidatée, le prestataire doit prouver deux chosesNote de bas de page 2 :

  1. qu’il était admissible à des prestations d’AE à la date antérieure.
  2. qu’il avait un motif valable justifiant toute la période du retard.

Le prestataire est-il admissible à des prestations d’AE à la date antérieure?

[9] Oui, le prestataire était admissible aux prestations d’AE le 24 juin 2018.

[10] Le relevé d’emploi daté du 10 juillet 2018 indique que le prestataire a accumulé 2124 heures d’emploi assurable. C’est plus que le nombre d’heures suffisant pour être admissible aux prestations d’AE, quelles que soient les circonstances.

[11] Pour ces raisons, j’estime que le prestataire aurait été admissible aux prestations d’AE plus tôt. Maintenant, je dois décider s’il a démontré qu’il avait un motif valable pour le retard.

Le prestataire a-t-il prouvé qu’il avait un motif valable de présenter sa demande de prestations d’AE en retard?

[12] Non, je conclus que le prestataire n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 3, qu’il avait un motif valable au cours de toute la période du retard.

[13] Le motif valable n’est pas la même chose que le fait d’avoir une bonne raison ou une justification pour le retard. Pour établir l’existence d’un motif valable, le prestataire doit démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la loiNote de bas de page 4. Il doit démontrer cela pour toute la période du retardNote de bas de page 5. Si le prestataire n’a pas pris de telles mesures, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéNote de bas de page 6.

[14] Le prestataire a soutenu que la Commission avait accepté sa demande d’antidatation jusqu’au 24 février 2019, mais qu’elle n’avait  pas expliqué pourquoi. Il m’a dit à l’audience qu’il semble que la Commission prenne des décisions arbitraires. Comme l’antidatation à la date du 24 février 2019 relève de ma compétence pour instruire l’appel, j’ai demandé au prestataire s’il faisait appel de la décision de la Commission d’autoriser l’antidatation jusqu’à son dernier jour de travail à son emploi contractuel. Le prestataire a confirmé qu’il ne faisait pas appel de la période à partir de laquelle son contrat a pris fin le 24 février 2019 et de la date à laquelle il a présenté une demande de prestations d’AE le 14 avril 2019. Étant donné que la Commission a déjà décidé qu’il a prouvé qu’il avait un motif valable pour le retard à partir du 24 février 2019, la période de retard visée par l’appel va du 25 juin 2018 au 23 février 2019.

[15] Le prestataire affirme qu’il avait un motif valable pour justifier le retard pour les raisons suivantes :

  • La Commission n’a pas tenu compte du fait qu’il avait reçu une indemnité de départ et qu’il travaillait. Il n’était pas admissible aux prestations d’AE et il n’est pas rationnel de présenter une demande d’AE lorsque vous n’y êtes pas admissible.
  • Il avait prévu qu’il ne serait pas au chômage pendant une longue période et qu’il trouverait un emploi avant d’utiliser toute son indemnité de départ. Cela est démontré par son emploi avec son employeur suivant.
  • Il est atteint de dépression et subissait d’énormes pressions de la part de son premier employeur. Il a reçu un diagnostic de dépression pendant qu’il occupait cet emploi et il prend maintenant des médicaments. Il s’est absenté du travail à deux reprises en raison de sa dépression, et c’est pendant cette période qu’il a reçu son avis de cessation d’emploi. Le traumatisme de la perte de son emploi a aggravé ses problèmes de santé et a contribué à son manque de prévoyance et de jugement entre le 25 juin et le 28 novembre 2018.
  • Il a travaillé pendant 13 années consécutives, et cela n’est pas pris en compte dans la décision de la Commission relative aux prestations. Il ne savait pas qu’un retard dans sa demande lui donnerait 24 semaines de prestations, même s’il était admissible à 45 semaines.
  • Son manque de connaissance des exigences de la Commission et son incapacité à communiquer avec la Commission. Bien souvent, ses appels téléphoniques sont restés sans réponse et il n’y a pas de possibilité de rappel. Son manque de connaissances est injustement pénalisé par la Commission, qui ne fait aucun effort pour communiquer avec les parties prestataires.

[16] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré de motif valable pour justifier le retard pour les raisons suivantes :

  • Le prestataire n’a pas a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans sa situation pour s’informer de ses droits et ses obligations selon la loi.
  • Plus précisément, le prestataire a déclaré dans son appel et tout au long de ses discussions avec la Commission qu’il n’avait pas demandé de prestations d’AE au départ parce qu’il croyait qu’il n’aurait pas droit à des prestations étant donné qu’il avait reçu une indemnité de départ et qu’il avait trouvé un emploi à temps plein.
  • Le prestataire a d’abord déclaré qu’il n’avait pas communiqué avec Service Canada ou la Commission pour déterminer son admissibilité aux prestations d’AE pendant la période de chômage parce qu’il était certain qu’il ne serait pas admissible.
  • Le prestataire n’a pas mentionné ses problèmes de santé pendant ses conversations avec la Commission, ni dans sa demande de révision.  

[17] La preuve montre que le prestataire a dit à la Commission, lorsqu’il a demandé l’antidatation, qu’il avait reçu une indemnité de départ de son employeur et qu’il ne pensait pas être admissible aux prestations d’AE. Il ne comprenait pas le processus.  

[18] Le prestataire a dit à la Commission, lors d’un autre appel téléphonique, qu’il n’avait pas présenté de demande plus tôt en raison de l’indemnité de départ. Il croyait comprendre qu’il n’était pas admissible aux prestations d’AE et qu’il ne servait donc à rien de présenter une demande. Pendant cette période de chômage, il n’a jamais communiqué avec Service Canada pour obtenir des précisions sur ses droits ou ses responsabilités. Au cours d’une autre conversation avec la Commission, il a déclaré qu’il avait l’impression qu’on le punissait parce qu’il ne connaissait pas les règles sur le moment de présenter une demande.

[19] J’estime que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable pour le retard de la demande de prestations parce qu’il n’a pas pris de mesures raisonnablement rapides pour s’informer de ses droits et de ses obligations selon la loi. À l’audience, le prestataire a dit qu’il savait qu’il avait communiqué avec la Commission à plusieurs reprises au sujet de sa demande d’antidatation. Ces conversations ont été consignées dans le dossier d’appel. Toutefois, le prestataire ne se rappelait pas s’il avait téléphoné pendant la période de chômage qui a commencé en juin 2018. Il n’en est pas certain parce qu’il a téléphoné si souvent et que pendant qu’il attend qu’on lui réponde, on finit par lui raccrocher la ligne.

[20] Je reconnais qu’il peut être difficile et frustrant d’essayer de joindre la Commission. Cependant, il a demandé l’antidatation en novembre 2019, après avoir touché toutes ses prestations d’AE. La preuve montre qu’il a réussi à joindre la Commission à six reprises et que ces appels ont été consignés. Aucun appel n’a été consigné avant février 2019, pendant la période du retard. Pour ces raisons, j’estime que le prestataire n’a pas fait d’efforts pour connaître ses droits et ses obligations et qu’il a présumé qu’il n’aurait pas droit aux prestations d’AE parce qu’il a reçu une indemnité de départ.

[21] Même s’il est vrai que le prestataire n’aurait pas reçu de prestations d’AE avant d’avoir épuisé son indemnité de départ, cela n’enlève pas la responsabilité au prestataire de prendre rapidement des mesures pour connaître ses droits et obligations. Cela n’enlève pas non plus la responsabilité au prestataire de demander des prestations d’AE dès qu’il se retrouve sans emploi.

[22] Le prestataire a soutenu qu’après avoir épuisé son indemnité de départ, il a trouvé un emploi et travaillait à temps plein. Il m’a dit qu’il considère que travailler à temps plein est une bonne raison de ne pas demander de prestations d’AE parce qu’il n’y avait pas droit. Bien que je respecte cet argument, le fait d’avoir un emploi ne l’empêchait pas de demander des prestations d’AE pour la période de chômage précédente. Cela ne lui enlevait pas non plus la responsabilité de prendre des mesures pour connaître ses droits et ses obligations.

[23] Le prestataire a soutenu dans son avis d’appel qu’il est atteint de dépression en raison de la nature stressante de son emploi. Il m’a dit à l’audience que son objectif était de retourner au travail et qu’il savait que cela l’aiderait à améliorer son état psychologique. Il n’avait pas les idées claires, et bien qu’il n’attribue pas la raison du retard à ses problèmes de santé mentale, c’était un facteur qui y a contribué. Il ne pensait pas de façon rationnelle.

[24] Je n’ai aucun doute que la perte de son emploi a été un choc qui a aggravé ses problèmes de santé. Toutefois, le prestataire a été capable de chercher du travail pendant la période de retard. S’il était capable de chercher et de trouver du travail, il pouvait communiquer avec Service Canada ou la Commission. Ainsi, je ne peux pas conclure que le prestataire se trouvait dans des circonstances exceptionnelles en raison de ses problèmes de santé qui l’ont empêché de demander des prestations d’AE plus tôt.

[25] Le prestataire a ajouté que ses 13 années de travail consécutives ne sont pas prises en considération  et qu’on le punit parce qu’il ne connaissait pas les règles. Malheureusement, la loi ne permet pas que l’on tienne compte de ses 13 années de travail consécutives dans le calcul de ses prestations. Je reconnais que le prestataire a agi de bonne foi et avec les meilleures intentions. Il a reçu une indemnité de départ, il avait l’intention de trouver un emploi et il ne connaissait pas le processus. Cependant, l’ignorance de la loi et la bonne foi ont été jugées insuffisantes pour constituer un motif valableNote de bas de page 7.

Conclusion

[26] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable pour le retard de la présentation de sa demande de prestations d’AE pour l’ensemble de la période du retard. Cela signifie que l’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 1er septembre 2020

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparution :

D. F., appelant

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