Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PH c Commission de l’assurance-emploi du Canada et X, 2020 TSS 1184

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-1809

ENTRE :

P. H.

Appelant (prestataire)

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée (Commission)

et

X

Mis en cause (employeur)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Gerry McCarthy
DATE DE L’AUDIENCE : Le 15 septembre 2020
DATE DE LA DÉCISION : Le 17 septembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a valu une suspension de deux semaines). Par conséquent, le prestataire est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 2 mars 2020 au 6 mars 2020Note de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a été suspendu de son emploi pendant deux semaines à la suite d’un incident qui, selon ses dires, s’est produit le 25 février 2020 (page GD3-147). L’employeur du prestataire a affirmé que ce dernier a été suspendu pour avoir omis de signaler un petit incendie qu’il a accidentellement causé pendant qu’il effectuait des travaux de rénovation dans un appartement. Le prestataire ne conteste pas le fait que l’incident s’est produit, mais il affirme qu’il n’y a pas eu d’incendie, seulement quelques débris et des petits morceaux de nourriture qui ont accidentellement été chauffés sur une cuisinière et qui ont produit de la fumée. La représentante du prestataire a fait valoir que l’employeur a suspendu le prestataire pour ne pas avoir renoncé à une réclamation présentée antérieurement à « WorkSafeBC ».

[4] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer la suspension. La Commission a décidé que le prestataire avait été suspendu pendant deux semaines en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi du 2 mars 2020 au 6 mars 2020.

Questions dont je dois tenir compte en premier

Recommandation de la Commission sur les questions en litige

[5] Dans ses observations écrites, la Commission a expliqué que la question du départ volontaire n’a pas été officiellement révisée conformément à la loi. Il s’agit de son erreur (page GD4-6). La Commission a recommandé que le Tribunal rende une décision sur la question de la suspension du prestataire (inconduite) avant que le dossier soit renvoyé à la Commission pour la révision de la question du départ volontaire.

[6] J’ai accepté la recommandation de la Commission sur cette question. Par conséquent, j’ai rendu une décision sur la question de l’inconduite et le dossier sera renvoyé à la Commission pour la révision de la question du départ volontaire.

Documents déposés par le mis en cause après l’audience

[7] Quelques minutes avant le début de l’audience, l’avocate du mis en cause a expliqué qu’elle avait déposé d’autres documents au Tribunal le matin de l’audience. J’ai informé l’avocate du mis en cause que je n’avais pas ces documents. La représentante du prestataire a aussi confirmé qu’elle ne les avait pas. L’avocate du mis en cause a indiqué qu’elle était prête à participer à l’audience et à présenter ses arguments sans faire référence à ces documents. L’avocate du mis en cause n’a présenté aucune observation sur les raisons pour lesquelles il faudrait admettre en preuve ces documents.

[8] Après l’audience, le Tribunal a versé les documents du mis en cause au dossier (pièce GD12). Je n’ai pas admis en preuve les documents déposés après l’audience parce que l’avocate du mis en cause n’a présenté aucune observation précise expliquant pourquoi il fallait inclure les documents ou pourquoi ils étaient pertinents pour la question en litige.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?

[10] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. Premièrement, je dois savoir pourquoi le prestataire a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[11] Je juge que le prestataire a été suspendu de son emploi pendant deux semaines parce qu’il a omis de signaler un petit incendie (ou le brûlage de petits morceaux de nourriture et de débris) qu’il a accidentellement allumé dans un appartement qu’il rénovait.

[12] Le prestataire et la Commission ne sont pas d’accord sur la raison de la suspension. Selon la Commission, la raison fournie par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur (M. G. ou président) a dit à la Commission que le prestataire avait été suspendu pour avoir omis de signaler un petit incendie qu’il avait accidentellement causé dans un appartement qu’il rénovait.

[13] Le prestataire n’est pas d’accord. La représentante du prestataire a soutenu que la véritable raison de la suspension était que le prestataire n’avait pas renoncé à une réclamation antérieure qu’il avait déposée à « WorkSafeBC ».

[14] Je juge que le prestataire a été suspendu pour avoir omis de signaler un petit incendie qu’il a accidentellement allumé dans un appartement qu’il rénovait. Au cours de l’audience, le directeur du bureau provincial de l’employeur (M. H.) et le président (M. G.) ont tous deux déclaré que le prestataire a été suspendu pour ne pas avoir informé l’employeur qu’un petit incendie s’était produit pendant que le prestataire rénovait un appartement. De plus, l’employeur a déposé le formulaire de mesure disciplinaire que le prestataire a signé le 27 février 2020. Sur ce formulaire figurait la raison (inconduite) de la suspension du prestataire (page GD3-35). L’employeur a aussi déposé un courriel qui a été envoyé au prestataire le 26 février 2020 et qui contenait plus de détails sur les raisons pour lesquelles il avait été suspendu pour deux semaines (pages GD3-36 à GD3-37).

[15] Je conviens que la représentante du prestataire a fait valoir que le prestataire avait en fait été suspendu pour ne pas avoir renoncé à une réclamation présentée antérieurement à « WorkSafeBC ». Néanmoins, je préfère le témoignage de l’employeur (M. H. et M. G.) voulant que le prestataire a été suspendu pendant deux semaines pour ne pas lui avoir signalé un petit incendie parce que leurs déclarations étaient raisonnablement cohérentes, détaillées et plausibles. L’employeur a également fourni des documents pour appuyer la thèse que le prestataire a accidentellement causé un incendie sans le leur signaler (pièce GD9 et pages GD10-4 à GD10-7). Bref, je juge que l’observation selon laquelle le prestataire a été suspendu pour ne pas avoir renoncé à une réclamation présentée antérieurement à « WorkSafeBC » est hypothétique et non étayée par la preuve.

[16] Je conviens que le prestataire a déposé la transcription d’une conversation téléphonique entre lui et M. G. qui est répertoriée à la page GD7-4. La transcription indiquait que M. G. avait dit : [traduction] « Tu sais que l’histoire de la suspension, c’était parce qu’on n’avait pas de travail pour toi, n’est-ce pas? » Toutefois, M. G. a expliqué que cette « transcription » ne reflétait pas ce qu’il avait dit au prestataire et que ses paroles avaient été mal interprétées. M. G. a ajouté que la suspension du prestataire ne correspondait pas au fait qu’il n’y avait pas de travail pour lui. M. G. a précisé dans sa déclaration que l’employeur prévoyait envoyer le prestataire travailler ailleurs. De plus, M. G. a affirmé que l’incendie qui s’est produit dans l’appartement était un grave incident et que le prestataire a dissimulé et nié l’affaire. Je préfère le témoignage de M. G. sur ce point parce que ses déclarations étaient franches, plausibles et appuyées par la documentation.

La raison du congédiement du prestataire constitue-t-elle une inconduite au sens de la loi?

[17] La raison pour laquelle le prestataire a été suspendu est une inconduite au sens de la loi.

[18] Pour être une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Autrement dit, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. Une inconduite désigne aussi la conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (en d’autres mots, il n’est pas nécessaire de conclure qu’il voulait faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[19] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que la possibilité qu’il soit suspendu ou congédié pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 5.

[20] Il faut que la Commission prouve que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire aurait dû savoir que le fait de ne pas signaler l’incident, aussi petit soit-il, puis de nier qu’il s’était produit allait rompre le lien de confiance qui doit exister dans une relation employé-employeur.

[22] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que le brûlage accidentel de nourriture et de poussière dans l’appartement était un incident mineur qui se produit tout le temps.

[23] Je juge que la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite pour les motifs expliqués ci-dessous.

[24] Premièrement, le prestataire devait savoir (ou aurait dû savoir) qu’il fallait signaler à l’employeur l’incendie ou le brûlage de la nourriture et de particules de poussière. Je sais que le prestataire a déclaré qu’il avait divulgué l’incident au directeur des travaux. Toutefois, les messages textes figurant à la page GD11-2 indiquent que c’est le directeur qui a interrogé le prestataire au sujet d’une odeur de brûlé provenant de l’appartement qu’il rénovait. De plus, le prestataire a confirmé dans son témoignage qu’il n’avait pas signalé l’incident à l’employeur.

[25] Deuxièmement, le prestataire a confirmé dans son témoignage qu’il connaissait la politique disciplinaire et le Code de conduite de l’employeur. Selon son propre témoignage, le prestataire aurait dû savoir qu’il devait signaler l’incendie ou l’incident de brûlage à l’employeur. Je reconnais que le prestataire a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un incendie, mais d’un incident mineur impliquant le brûlage de nourriture et de poussière. Néanmoins, l’incident était une question de santé et de sécurité et le prestataire aurait dû savoir qu’il devait le signaler immédiatement au directeur du bureau provincial (M. H.).

Observations supplémentaires de la représentante du prestataire

[26] Je conviens que la représentante du prestataire a fait valoir que le prestataire a accidentellement allumé une cuisinière pendant qu’il rénovait un appartement et qu’il a causé un incident mineur ayant duré moins de 60 secondes. Toutefois, l’incident a produit de la fumée que le directeur des travaux a remarquée (page GD11-2). De plus, le prestataire a confirmé qu’il connaissait (et a signé) le Code de conduite de l’entreprise (pages GD3-52 à GD3-55) et qu’il devait savoir (ou aurait dû savoir) qu’il fallait signaler l’incident au directeur du bureau provincial (M. H.).

[27] Je reconnais aussi que la représentante du prestataire a fait valoir que l’employeur a exclu le prestataire de son enquête sur l’incident et l’a agressé verbalement au téléphone lorsqu’il lui a parlé de l’incident. Toutefois, l’employeur (M. H.) a déclaré qu’il a appelé le prestataire après que [traduction] « la gestion de Strata » lui a posé des questions au sujet d’un incendie dans son immeuble. De plus, la question dont je suis saisi n’était pas de savoir si le prestataire avait été réprimandé avec colère par l’employeur lors d’une conversation téléphonique. Comme je l’ai mentionné plus haut, je dois décider si la suspension de deux semaines imposée au prestataire résultait de son inconduite.

[28] La représentante du prestataire a également fait valoir que la suspension de deux semaines était liée au fait que le prestataire n’avait pas renoncé à une réclamation présentée antérieurement à « WorkSafeBC ». Comme je l’ai mentionné plus haut, je considère cette observation comme étant hypothétique. M. H. et M. G. ont tous deux fourni un témoignage crédible voulant que la raison de la suspension de deux semaines était l’omission de signaler un incendie dans l’appartement que le prestataire rénovait. Le prestataire insiste sur le fait que l’incident n’était pas un incendie, mais le brûlage de nourriture et de poussière sur une cuisinière. Néanmoins, le prestataire devait savoir (ou aurait dû savoir) qu’il fallait signaler l’incident à l’employeur parce qu’il a confirmé qu’il connaissait la politique disciplinaire et le Code de conduite de l’employeur.

[29] Enfin, la représentante du prestataire a présenté des observations sur la question du départ volontaire. Plus précisément, elle a soutenu que le prestataire n’a pas abandonné son emploi, mais qu’il a été congédié. Néanmoins, la seule question dont je suis saisi est la question de savoir si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Comme je l’ai mentionné plus tôt, j’ai accepté la recommandation de la Commission de rendre une décision sur la question de la suspension (inconduite) du prestataire et de lui renvoyer le dossier pour la révision de la question du départ volontaire.

Ainsi, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[30] Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, je juge que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

Conclusion

[31] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi pendant deux semaines en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 2 mars 2020 au 6 mars 2020.

[32] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 15 septembre 2020

Mode d’instruction :

Vidéoconférence (Zoom)

Comparutions :

P. H., appelant

S. H., représentante de l’appelant

« X », mis en cause

Amy-Lynn Kosick, représentante du mis en cause (Gowling WLG, Canada)

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