Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – offre d’emploi réelle – motif valable de refuser un emploi convenable –
Le prestataire est enseignant. En juin 2018, il a présenté deux demandes de prestations. Après réexamen, la Commission a déterminé qu’il n’avait pas de motif valable de ne pas avoir profité d’une occasion d’emploi offerte par son employeur. La division générale (GD) s’est dite d’accord avec la Commission et le prestataire a fait appel à la division d’appel (DA).

La Loi sur l’AE stipule qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations si, sans motif valable, il ne profite pas d’une occasion d’obtenir un emploi convenable. Il n’y a pas d’exigence légale qu’une offre d’emploi réelle soit refusée. L’exclusion prévue peut donc se produire sans qu’une offre d’emploi tangible ait été faite; tant et aussi longtemps que le prestataire a une occasion d’obtenir un emploi convenable. Le prestataire n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable lorsqu’il a décidé de s’exclure du processus d’attribution des postes disponibles chez l’employeur. Il se trouvait alors au sommet de la liste de priorité et des postes d’enseignants étaient à sa portée. En agissant ainsi, le prestataire a provoqué sa situation de chômage et il ne peut faire assumer cette décision par l’ensemble des cotisants au fonds de l’AE. La DA a rejeté l’appel.

Contenu de la décision

Citation : A. Y. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 752

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-685

ENTRE :

A. Y.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Pierre Lafontaine
DATE DE LA DÉCISION : Le 4 septembre 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant, A. Y. (prestataire), est enseignant à la Commission scolaire de Montréal depuis 2008. Le 29 juin 2018, le prestataire a présenté une demande de prestations ayant pris effet le 1er juillet 2018. Le 14 juillet 2019, le prestataire a présenté une demande de prestations ayant pris effet le 30 juin 2019.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a informé le prestataire du réexamen de ses demandes de prestations ayant commencé le 1er juillet 2018 et le 30 juin 2019. Elle a décidé que pour les deux demandes, le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable de ne pas avoir profité d’une occasion d’emploi qui lui a été offerte par la Commission scolaire de Montréal, d’abord le 1er juillet 2018, puis le 1er juillet 2019.

[4] Le prestataire a demandé la révision des décisions mais la Commission a maintenu ses décisions initiales. Le prestataire a interjeté appel des décisions en révision auprès de la division générale du Tribunal.

[5] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il avait un motif valable de ne pas avoir postulé pour un emploi convenable après avoir appris qu’il était vacant ou sur le point de le devenir, de ne pas avoir profité d’une occasion d’en obtenir un à la fin de chacune des années scolaires ou de l’avoir refusé lorsqu’il lui a été offert, en vertu des articles 27(1) (a) et (b) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[6] Le prestataire a obtenu la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il fait valoir que la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’article 27 de la Loi sur l’AE.  Il fait également valoir que la division générale a ignoré la preuve portée à sa connaissance.

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en droit et si elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Le Tribunal rejette l’appel du prestataire.

Questions en litige

[9] Est-ce que la division générale a commis une erreur de fait ou de droit dans son interprétation de l’article 27 de la Loi sur l’AE en concluant que le prestataire n’a pas profité d’une occasion d’obtenir un emploi convenable?

[10] Est-ce que la division générale a commis une erreur en concluant que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire, de manière judiciaire, lorsqu’elle a déterminé que la durée de la période d’exclusion imposée au prestataire devait être établie à 12 semaines?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[11] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas de page 1

[12] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.Note de bas de page 2 

[13] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

La décision de la division générale

[14] La division générale devait décider si l’exclusion imposée au prestataire était justifiée aux termes de l’article 27(1) de la Loi sur l’AEparce qu’il n’a pas profité d’une occasion d’obtenir un emploi convenable.

[15] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’il avait un motif valable de ne pas avoir postulé un emploi convenable après avoir appris qu’il était vacant ou sur le point de le devenir, de ne pas avoir profité d’une occasion d’en obtenir un à la fin de chacune des années scolaires ou de l’avoir refusé lorsqu’il lui a été offert, en vertu des articles 27(1) (a) et (b) de la Loi sur l’AE.

La position du prestataire

[16] Le prestataire fait valoir que la division générale a erré en droit dans son interprétation de l’article 27 de la Loi sur l’AE.  Il fait également valoir que la division générale a ignoré la preuve portée à sa connaissance.

[17] Plus particulièrement, le prestataire fait valoir que la Commission lui impose l’article 27 de la Loi sur l’AE alors que les paragraphes 33 (a) et (b) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) devraient confirmer son droit aux prestations. Il soutient qu’il n’a pas reçu une authentique offre d’emploi de la Commission scolaire de Montréal pendant l’été. Le prestataire affirme que la Commission scolaire de Montréal ne peut donner aucune garantie sur l’attribution d’un emploi convenable dans son champ de qualification.

[18] Le prestataire soutient que la soi-disant offre d’emploi offerte par la Commission scolaire de Montréal le 1er juillet 2018 et le 1er juillet 2019 n’était pas pour la période de congé estival mais pour le début de l’année scolaire. Il estime donc avoir droit aux prestations d’assurance-emploi durant la période de congé estival, conformément à l’article 33 du Règlement de l’AE.

[19] Le prestataire fait également valoir que la Commission ne pouvait conclure qu’il avait refusé un emploi le 1er juillet puisque les emplois offerts à cette date étaient uniquement pour les enseignants qui n’étaient pas sur la liste de priorité.

[20] Au soutien de sa position, le prestataire réfère au Guide de détermination de l’admissibilité, Chapitre 14, concernant les enseignants, qui indique qu’une invitation à une séance générale de recrutement durant la période de congé d’été ne constitue pas une authentique offre d’emploi. Il fait également valoir qu’il n’a reçu aucune offre d’emploi pendant la période de congé estival, période à laquelle il recevait des prestations.

Les faits

[21] La preuve démontre qu’il y a eu des séances d’affectation par internet et une assemblée de placement en juin 2018 et 2019 pour le personnel de la liste de priorité d’engagement. Par la suite, les postes non pourvus ont été offerts en juin et juillet au personnel enseignant qualifié qui n’étaient pas sur la liste de priorité. Les assemblées suivantes de placement ont eu lieu au mois d’août, avant la rentrée scolaire.

[22] Le prestataire, qui se retrouve en haut de la liste de priorité, a été informé de la tenue des séances d’affection (SAI) mais il n’a pas assisté parce qu’il a choisi se rendre en Algérie au mois de septembre pour être près de sa mère. Il savait qu’il ne serait pas disponible pour le début de l’année scolaire.  Il n’a donc pas voulu contracter un engagement avec la Commission scolaire de Montréal sachant qu’il ne pourrait le respecter.

[23] L’employeur a déclaré que le prestataire aurait pu obtenir des postes à compter du 1er juillet à chacune des séances du mois de juin pour les années 2018 et 2019. L’employeur a précisé que le prestataire aurait pu obtenir des contrats à 100 % puisqu’il y avait déjà pénurie d’enseignants en 2013, et que la situation ne s’est pas améliorée dans les années subséquentes. L’employeur a souligné trois (3) postes par année, mais le prestataire avait aussi accès à d’autres postes que ceux mentionnés.

Est-ce que la division générale a erré en fait ou en droit dans son interprétation de l’article 27 de la Loi sur l’AE en concluant que le prestataire n’a pas profité d’une occasion d’obtenir un emploi convenable?

[24] Le prestataire soutient qu’il n’a pas reçu une authentique offre d’emploi pendant l’été. Il affirme que la Commission scolaire de Montréal ne peut donner aucune garantie sur l’attribution d’un emploi convenable dans son champ de qualification.

[25] Le prestataire s’appuie sur le Guide de détermination de l’admissibilité, Chapitre 14, concernant les enseignants, qui indique qu’une invitation à une séance générale de recrutement durant la période de congé d’été ne constitue pas une authentique offre d’emploi. Il fait également valoir qu’il n’a reçu aucune offre d’emploi pendant la période de congé estival, période à laquelle il recevait des prestations.

[26] La division générale a décidé que même si le prestataire n’a pas refusé d’emploi parce que l’employeur ne lui en a pas offert un directement ou personnellement, il a eu la possibilité d’en obtenir un pour le début de chacune des années scolaires.

[27] Est-ce que l’offre d’emploi de la Commission scolaire de Montréal devait être réelle ou authentique?

[28] Je suis d’avis que non.

[29] L’article 27(1) (b) de la Loi sur l’AE stipule qu'un prestataire est exclu du bénéfice des prestations prévues si, sans motif valable, il n'a pas profité d'une occasion d'obtenir un emploi convenable. Cet article n'exige pas qu'une offre d'emploi réelle soit refusée.

[30] L'exclusion prévue pour ne pas avoir profité d’une occasion d'obtenir un emploi convenable peut se produire sans qu'une offre d'emploi tangible ait été faite « tant et aussi longtemps que le prestataire a une occasion d'obtenir un emploi convenable ».Note de bas de page 3

[31] Est-ce que le prestataire a négligé de profiter d’une occasion d’obtenir un emploi convenable?

[32] Je suis d’avis que oui.

[33] Tel que décidé par la division générale, le prestataire n’a pas profité d’une occasion d’emploi convenable qui lui a été offerte par la Commission scolaire de Montréal. Le prestataire enseigne à la Commission scolaire de Montréal depuis 2008. Il est en haut de la liste de priorité et a été informé de la tenue des séances d’affection (SAI) mais il a choisi de ne pas assister parce qu’il désirait se rendre en Algérie au mois de septembre pour être près de sa mère. Il savait qu’il ne serait pas disponible pour le début de l’année scolaire. 

[34] L’employeur a déclaré que le prestataire aurait pu obtenir des contrats à 100 % à compter du 1er juillet puisqu’il y avait déjà pénurie d’enseignants en 2013 et que la situation ne s’est pas améliorée dans les années subséquentes. L’employeur a souligné trois (3) postes par année, mais le prestataire avait aussi accès à d’autres postes que ceux mentionnés.

[35] Tel que souligné par la division générale, le prestataire a délibérément choisi de s’exclure de la procédure en vigueur chez l’employeur visant à attribuer des contrats d’enseignement et des postes d’enseignant qui lui auraient été proposés pour le début de l’année scolaire.

[36] Est-ce que l’emploi était convenable?

[37] Je suis d’avis que si le prestataire avait choisi de prendre part aux séances d’affectations ou d’assister aux assemblées de placement, les postes auxquels il aurait eu accès auraient représenté le même type de travail qu’il exerce chez l’employeur depuis 2008, soit l’enseignement, et l’auraient assuré d’avoir un poste régulier, à temps plein. Il s’agissait d’un emploi convenable même s’il ne s’agissait pas de son champ d’expertise. Le prestataire a d’ailleurs retourné travailler pour la Commission scolaire de Montréal en 2019 après son retour au Canada.

[38] Est-ce que le prestataire avait un motif valable de ne pas profiter d'une occasion d'obtenir un emploi convenable?

[39] Tel que décidé par la division générale, je suis d’avis que les motifs du prestataire pour expliquer pourquoi il n’a pas postulé pour un emploi ne représentent pas un motif valable pour ne pas avoir profité d’une occasion d’obtenir un emploi convenable.

[40] Le critère qui convient pour déterminer ce qui constitue un motif valable est de savoir si le prestataire a prouvé qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable, dans la même situation, pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi sur l’AE.

[41] Tel que souligné par la division générale, le prestataire a fait le choix personnel de se rendre en Algérie pour des raisons familiales plutôt que de saisir l’occasion d’obtenir un emploi convenable. Il ne voulait pas s’engager dans ces circonstances. Je suis d’avis que cette situation ne représente pas un motif valable pour ne pas avoir profité d’une occasion d’obtenir un emploi convenable.

[42] Je suis d’avis que le prestataire n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable lorsqu’il a décidé de s’exclure du processus d’attribution des postes disponibles chez l’employeur alors qu’il était au sommet de la liste de priorité et que des postes d’enseignants étaient à sa portée.

[43] En agissant ainsi, le prestataire a provoqué sa situation de chômage et il ne peut faire assumer cette décision par l’ensemble des cotisants au fonds de l’assurance-emploi.

[44] Est-ce que la division générale a refusé d’exercer sa juridiction en ne considérant pas l’article 33 du Règlement sur l’AE?

[45] Je ne le crois pas.

[46] Même si le prestataire fait valoir que son contrat d’emploi s’est terminé au mois de juin, et qu’il allègue avoir travaillé comme suppléant, l’article 33 du Règlement sur l’AE n’est pas pertinent au présent litige.

[47] La division générale devait décider si le prestataire a négligé de profiter d’une occasion d’emploi convenable et non si son contrat s’était terminé au mois de juin ou s’il occupait un poste de suppléant durant l’année scolaire au sens de l’article 33 du Règlement sur l’AE.

[48] Je suis d’avis que la division générale n’a pas refusé d’exercer sa juridiction.

Est-ce que la division générale a commis une erreur en concluant que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire, de manière judiciaire, lorsqu’elle a déterminé que la durée de la période d’exclusion imposée au prestataire allait être établie à 12 semaines?

[49] L’article 28(1) (a) de la Loi sur l’AE indique que le nombre de semaines d’exclusion est d’une durée minimale de 7 semaines et maximale de 12 semaines. Le pouvoir de déterminer la durée de la période d’exclusion est un pouvoir discrétionnaire qui relève de la Commission.

[50] L’article 28(2) de la Loi sur l’AE prévoit clairement que les semaines d’exclusion doivent être purgées au cours des semaines suivant le délai de carence et au cours des semaines pour lesquelles au moins 1 $ de prestations aurait été payable si ce n'était de l'exclusion qui a été imposée.

[51] La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel le Tribunal ne devrait pas intervenir dans le pouvoir discrétionnaire de la Commission lors de la détermination de la durée de la période d’exclusion à moins que le pouvoir discrétionnaire de la Commission ait été exercé d'une « manière non judiciaire »., c’est-à-dire en tenant compte de facteurs non pertinents ou sans tenir compte des considérations pertinentes; autrement dit, à moins que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne soit vicié par une erreur fondamentale.Note de bas de page 4

[52] La division générale a déterminé que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire, de manière judiciaire, lorsqu’elle a déterminé que la durée de la période d’exclusion imposée au prestataire était de 12 semaines dans chaque cas.

[53] Le prestataire n’a pas profité d’une occasion d’obtenir un emploi convenable qui lui a été offerte par la Commission scolaire de Montréal. Il est en haut de la liste de priorité et a été informé de la tenue des séances d’affection (SAI) mais il a délibérément choisi de ne pas assister parce qu’il désirait se rendre en Algérie au mois de septembre pour être près de sa mère. Il a choisi de ne pas s’engager auprès de la Commission scolaire alors que des postes d’enseignants étaient à sa portée.

[54] Je ne vois aucune raison qui justifierait mon intervention sur la question de l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire.

Conclusion

[55] Pour les motifs précédemment mentionnés, le Tribunal rejette l’appel du prestataire.

 

Date de l’audience :

Le 27 août 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparutions :

A. Y.

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