Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1053

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-1702

ENTRE :

N. T.

Prestataire

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale — Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Gary Conrad
DATE DE L’AUDIENCE : Le 3 septembre 2020
DATE DE LA DÉCISION : Le 5 septembre 2020

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Les postes de vice-présidente et de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux occupés par la prestataire ne sont pas un emploi; par conséquent, les paiements qu’elle a touchés pour ces deux postes ne représentent pas un revenu provenant d’un emploi, et ainsi ne constituent pas une rémunération.

Aperçu

[2] La prestataire a occupé deux postes, soit de vice-présidente du Caucus national des 2e et 3e cycles de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, et de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux. Elle a reçu un paiement pour chacun des postes, un premier de 6300 $ pour son rôle de vice-présidente et un second de 250 $ pour son rôle de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux.

[3] La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi (AE) et a avisé la Commission des paiements reçus pour avoir agi à titre de vice-présidente et de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux.

[4] La Commission a initialement jugé que les 6300 $ et les 250 $ constituaient une rémunération et a réparti les paiements, ce qui a fait en sorte que la prestataire devait de l’argent à la Commission.

[5] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision selon laquelle ses paiements constituaient une rémunération.

[6] Après révision de sa décision, la Commission l’a bien modifiée, mais pas comme la prestataire le souhaitait. Elle a maintenu la conclusion selon laquelle le paiement de 3600 $ constituait une rémunération, et a maintenu que le paiement de 250 $ constituait une rémunération, mais en a modifié la répartition.

[7] La prestataire a alors interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, soutenant que ses paiements ne constituaient pas une rémunération puisque son poste de vice-présidente ne répond pas à la définition d’un emploi et qu’une rémunération doit provenir d’un emploi; puisque son poste n’était pas un emploi, les paiements ne peuvent constituer une rémunération.

[8] La prestataire n’a pas obtenu gain de cause devant la division générale, qui a jugé que les postes de la prestataire étaient un emploi et qu’ainsi, les paiements constituaient une rémunération de par leur provenance de ses postes de vice-présidente et de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux. La division générale a également déterminé que la Commission avait correctement réparti les paiements de la prestataire.

[9] La prestataire a ensuite porté en appel la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal.

[10] La division d’appel a décidé que la division générale avait commis une erreur de droit en rendant la décision selon laquelle les postes de la prestataire étaient un emploi puisqu’elle n’avait pas considéré tous les facteurs nécessaires selon la loi pour tirer cette conclusion, précisément la question de savoir si la prestataire avait droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatableFootnote 1.

[11] La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour qu’elle rende une nouvelle décision.

Questions en litige

[12] Voici les questions que je dois trancher :

  1. Les paiements que la prestataire a reçus constituent-ils une rémunération?
  2. Dans l’affirmative, la Commission l’a-t-elle correctement répartie?

Analyse

1. Les paiements que la prestataire a reçus constituent-ils une rémunération?

[13] Non, les paiements ne sont pas une rémunération, puisque les postes de la prestataire n’étaient pas un emploi. Comme ses postes ne représentaient pas un emploi, cela signifie que les paiements ne constituaient pas un revenu provenant d’un emploi et qu’ainsi, ils ne sont pas une rémunération. Les motifs de ma décision sont expliqués ci-dessous.

[14] La loi dit que la rémunération est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploiFootnote 2. La loi définit les termes « revenu » et « emploi ». Le « revenu » est tout revenu que la partie prestataire reçoit ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne, que ce soit en espèce ou nonFootnote 3. L’« emploi » est tout emploi faisant l’objet d’un contrat de louage de services ou de tout autre contrat de travailFootnote 4.

[15] La Commission soutient que les paiements de 6300 $ et de 250 $ reçus par la prestataire sont une rémunération.

[16] La Commission soutient que la prestataire avait un contrat implicite de louage de services en sa qualité de vice-présidente. L’intimée fait valoir que l’emploi inclut tout emploi faisant l’objet de tout type de contrat de travail.

[17] La Commission affirme que la prestataire servait à titre de vice-présidente, qu’elle assurait des fonctions et fournissait des services pour lesquels elle a reçu des honoraires.

[18] La prestataire a déclaré que les postes de vice-présidente et de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux étaient tous deux bénévoles. La prestataire a indiqué que les deux postes faisaient l’objet de nominations par voie d’un processus électoral. Elle assistait à une réunion de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants et l’on a dit que des bénévoles étaient recherchés pour ces postes. La prestataire affirme avoir été la seule personne qui se soit portée volontaire, et elle a donc obtenu le poste par acclamation. Un vote aurait cependant eu lieu si une autre personne s’était présentée, et ce pour donner une chance équitable de briguer le poste.

[19] La prestataire a déclaré n’avoir signé aucun contrat ou document pour l’un ou l’autre des postes. On ne lui a pas non plus parlé des exigences et des attentes de la Fédération envers elle, ni des tâches qu’elle devait remplir pour l’un ou l’autre des postes. La prestataire a affirmé qu’on ne lui avait jamais demandé de consigner ses heures ou de remettre des documents concernant ce qu’elle faisait ou de faire rapport à une personne en particulier à propos de ses activités dans le cadre de l’un ou l’autre des postes.

[20] La prestataire a témoigné qu’à sa connaissance, elle ferait ce qu’elle pouvait lorsque son horaire le lui permettrait et qu’il n’y avait aucune pénalité si une chose n’était pas faite puisque les attentes n’étaient pas fixées concernant ce qu’elle avait à faire pour l’un ou l’autre des postes.

[21] La prestataire dit que lorsqu’on lui a assigné ces rôles, elle n’était pas tout à fait sûre de ce qu’elle ferait dans les postes. Lors d’une téléconférence avec la présidence au sujet de son rôle de vice-présidente, elle affirme qu’on lui a dit ce que la présidence faisait et qu’elle a demandé si elle pouvait aider de quelque façon que ce soit. La présidence a dit à la prestataire qu’elle pouvait chercher des fournisseurs de services en santé mentale qui pourraient aider les étudiants si elle le désirait.

[22] La prestataire affirme que pendant sa période à la vice-présidence, elle a consacré environ 10 heures de son temps au poste, l’ayant occupé pendant environ un an et approximativement 10 à 15 heures au poste de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux, qu’elle a également occupé pendant environ un an.

[23] La prestataire a témoigné qu’on ne lui a jamais dit que de l’argent était lié à l’un ou l’autre des rôles.

[24] La prestataire dit que ce n’est qu’à l’approche de la fin de son mandat de vice-présidente qu’elle a appris qu’elle pouvait obtenir un paiement pour le rôle, comme le lui a indiqué la trésorière nationale en lui parlant de l’assemblée générale prochaine de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. La prestataire affirme avoir demandé si elle pouvait recevoir le paiement à l’assemblée générale et que la trésorière nationale lui a répondu qu’un chèque lui serait remis sur place. La prestataire dit qu’on ne lui a jamais indiqué le montant du paiement ou qu’elle avait quoi que ce soit à présenter de son côté pour l’obtenir.

[25] La prestataire affirme que, en raison du travail de préparation à l’assemblée générale, la trésorière nationale avait omis de faire le chèque, et qu’elle ne l’a donc pas reçu à l’assemblée générale. La prestataire dit qu’en mars 2019, elle a envoyé un courriel à la trésorière nationale pour s’informer au sujet du chèqueFootnote 5. Elle dit qu’elle n’aurait peut-être jamais reçu le paiement si elle n’avait pas envoyé le courriel de suivi.

[26] La prestataire a déclaré que pour ce qui est des deux paiements, de 6300 $ et de 250 $, on ne l’a jamais avisée qu’elle allait les recevoir lorsqu’elle a accepté les postes.

[27] Le représentant de la prestataire soutient que les deux paiements de 6300 $ et de 250 $ qu’elle a reçus ne constituent pas une rémunération provenant d’un emploi dans l’exercice d’une fonction. Le représentant fait valoir que les paiements ne remplissent pas les conditions correspondant à une rémunération puisqu’il ne s’agissait pas d’un traitement déterminé comparable à une rémunération, mais étaient plutôt des dons remis à la prestataireFootnote 6.

[28] Le représentant de la prestataire soutient que, conformément à la décision CUB 57001, il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances entourant le versement afin de déterminer s’il s’agit vraiment de donsFootnote 7 et qu’en ce qui concerne la prestataire, l’examen de l’ensemble de ces circonstances montre que les paiements sont des dons.

[29] Le représentant de la prestataire affirme qu’il n’y a aucune indication selon laquelle les paiements sont une compensation pour des heures travaillées, puisqu’il n’y a pas de comptabilisation d’heures. Le représentant fait valoir que la prestataire a travaillé de façon discrétionnaire et que les environ 10 heures travaillées comme vice-présidente sont disproportionnées par rapport au montant du paiement de 6300 $ reçu par la prestataire. De plus, la prestataire n’était pas au courant de l’existence d’un paiement et de la nécessité d’en faire la demande; il ne s’agissait pas de paiements propres à une quelconque exécution ou à des heures travaillées; et il n’y a eu aucune entente contractuelleFootnote 8.

[30] Le représentant de la prestataire a aussi affirmé que les paiements ne constituaient pas une rémunération déterminée ou constatable comme il est requis pour établir que le poste de la prestataire est une « fonction » selon la loi. Le représentant indique que pour qu’ils aient été déterminés, il aurait fallu que la prestataire connaisse leur existence avant son entrée en fonction et ils n’auraient pu avoir été obtenus après coup; dans sa situation, elle ne pouvait pas connaître d’avance le montant de rétribution qu’elle recevrait pour les postesFootnote 9.

[31] J’estime que la preuve est insuffisante pour montrer que la prestataire a jamais eu un contrat écrit ou des attentes écrites quant aux tâches professionnelles. Je souligne qu’aucune partie n’a plaidé en ce sens, et je conclus donc qu’elle ne travaillait pas aux termes d’un contrat écrit, c’est-à-dire d’un contrat explicite de travail ou de louage de services.

[32] J’estime en outre que je suis en désaccord avec l’observation de la Commission selon laquelle les postes occupés par la prestataire étaient un emploi et qu’il existait un contrat de travail implicite. J’estime que la preuve est insuffisante pour appuyer un contrat implicite. J’accepte le témoignage de la prestataire selon lequel ses démarches dans le cadre des postes étaient entièrement discrétionnaires, puisqu’on ne lui avait donné aucune tâche assignée ni aucune attente quant aux heures à travailler ou aux tâches à accomplir; j’estime qu’il n’y a pas suffisamment de preuves permettant de soutenir le contraire. Je souligne par ailleurs son témoignage indiquant qu’elle n’était même pas certaine de ce qu’elle allait faire dans ces postes durant sa téléconférence avec la présidence pour appuyer le manque de tâches ou d’attentes définies.

[33] Je constate que dans une situation comme celle de la prestataire, ceci étant un poste bénévole, il convient de signaler qu’aucune partie n’a contesté que le poste était bénévole, sans tâches ou attentes définies, avec des heures de travail et des activités entièrement à sa discrétion, il n’y avait pas de contrat implicite de travail ou de louage de services.

[34] Toutefois, un emploi désigne entre autres l’occupation d’une fonctionFootnote 10, le terme « fonction » étant défini en partie comme le poste qu’occupe un particulier, lui donnant droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable, dont le titulaire est élu par vote populaire ou est élu ou nommé à titre de représentantFootnote 11.

[35] J’estime que la prestataire a été élue aux deux postes, ceux de vice-présidente et de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux. Comme elle l’a déclaré, les personnes intéressées par le poste ont donné leur nom, et le vote a été utilisé comme processus de sélection. Bien qu’elle n’ait eu aucune opposition, cela a donc été une élection par acclamation, la sélection a tout de même été faite par vote populaire, mais il n’y a eu qu’une seule candidate à appuyer.

[36] J’estime par ailleurs que, comme il n’y avait pas de traitement ou de rémunération déterminée ou constatable, les postes de vice-présidente et de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux de la prestataire ne répondent pas à la définition de « fonction ».

[37] J’estime qu’il n’y a pas eu de rétribution ou traitement pour l’un ou l’autre des postes de la prestataire car il n’y a pas suffisamment de preuves appuyant l’existence de renseignements énonçant le montant qui lui serait versé soit au total ou au prorata des activités accomplies ou des heures travaillées soit lorsqu’elle accepté les postes ou avant ce moment, ou pour démontrer que les montants lui ayant été versés étaient tout sauf arbitraires.

[38] En examinant la jurisprudence présentée par le représentant de la prestataire, je trouve convaincant le raisonnement exposé dans l’arrêt Real Estate Council of Alberta c M.R.N., 2011 CCI 5, sur « le traitement ou la rémunération déterminée ou constatable » où l’on dit que « … lorsque la rémunération n’est pas fixée, le caractère constatable doit alors exister a priori, c’est-à-dire qui est imaginé ou conçu à l’avance, qui participe ou découle d’un raisonnement fondé sur une assertion qui va de soi, et non a posteriori, c’est-à-dire qui participe ou découle d’un raisonnement fondé sur des faits observésFootnote 12 ».

[39] J’estime qu’il n’y a pas suffisamment de preuves montrant l’existence de renseignements relatifs à un traitement ou à une rétribution pour l’un ou l’autre des postes à la disposition de la prestataire, ou lui ayant été mentionné au moment où elle a accepté les postes ou avant ce moment. Aucun calendrier de paiement ou renseignement de remboursement ou même confirmant qu’il y avait de l’argent en lien avec les postes, ce qui lui aurait permis de déterminer le montant de sa rétribution; rien qui lui aurait permis de connaître ou d’établir le montant de son paiement avant d’accepter les postes.

[40] Je conclus que, puisque les postes de vice-présidente et de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux de la prestataire ne correspondaient pas à un traitement ou à une rémunération déterminée et constatable, les postes ne répondent pas à la définition de « fonction » selon la loiFootnote 13.

[41] Ayant conclu que la prestataire n’avait pas de contrat ou de contrat de travail implicite et que les postes ne répondent pas à la définition de fonction, je conclus en conséquence que ses postes ne sont pas un emploi selon la loiFootnote 14.

[42] Puisque ces postes ne sont pas un emploi, alors les paiements de 6300 $ et de 250 $ ne sont pas une rémunération étant donné qu’une rémunération est un revenu provenant d’un emploiFootnote 15. En l’absence d’emploi, les paiements ne peuvent pas être un revenu provenant d’un emploi.

2. La Commission a-t-elle correctement réparti la rémunération?

[43] J’estime ne pas avoir à examiner cette question puisque seule la rémunération est répartie selon la loiFootnote 16 et que j’ai conclu que les paiements à la prestataire ne sont pas une rémunération.

Conclusion

[44] L’appel est accueilli. Je conclus que les postes de vice-présidente et de commissaire des étudiantes et étudiants internationaux de la prestataire ne sont pas un emploi puisqu’elle n’avait aucun contrat de travail ou contrat implicite de travail et que les postes ne répondent pas à la définition de « fonction » selon la loi, parce qu’ils ne font pas l’objet d’un traitement ou d’une rémunération déterminée ou constatable.

[45] Comme ses postes ne sont pas un emploi, les paiements de 6300 $ et de 250 $ provenant de ces postes ne sont donc pas une rémunération, puisqu’une rémunération provient d’un emploi, et puisque seule une rémunération est répartie selon la loi, les paiements ne peuvent être répartis.

Date de l’audience :

Le 3 septembre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

N. T., prestataire
Yavar Hameed, représentant de la prestataire

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