Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

assurance-emploi – congédiement motivé – le prestataire a fait valoir que son employeur avait déformé un courriel pour justifier son licenciement pour abus de confiance – la Cour fédérale a conclu que l’observation du prestataire équivalait à une demande d’appréciation de la preuve – le refus de la division d’appel d’accorder la permission de faire appel était raisonnable

Le prestataire a travaillé comme chef des services financiers dans une société du secteur des ressources jusqu’en janvier 2019, suivi d’un emploi de courte durée qui a pris fin en mai 2019. Il a demandé des prestations d’assurance emploi (AE) en septembre 2019 et a voulu que sa demande soit antidatée à mai 2019. La Commission a rejeté sa demande, tout comme la division générale (DG). En appel, la division d’appel (DA) a antidaté la demande de quatre mois, soit jusqu’en mai 2019, et a ordonné à la Commission de verser des prestations.

Lorsqu’il a appris que le prestataire était admissible aux prestations d’AEd’assurance emploi, son ancien employeur, la société du secteur des ressources, a informé la Commission que le prestataire avait été congédié pour inconduite. L’employeur a expliqué que dans le cadre de son mandat à titre de chef des services financiers, le prestataire devait trouver d’éventuels investisseurs, et qu’il avait tout de même exigé que l’employeur lui verse une commission pour faire cette tâche. Cela a amené l’employeur à douter de la loyauté du prestataire. S’appuyant sur cette information, la Commission a revu sa position et a conclu que le prestataire avait été congédié pour abus de confiance et qu’il avait donc été exclu du bénéfice des prestations d’AEd’assurance-emploi.

Le prestataire a porté cette décision de révision en appel devant la DG, qui a conclu qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite. La DA a rejeté la demande de permission d’en appeler parce qu’à son avis, le prestataire ne faisait que plaider sa cause à nouveau.

Le prestataire a demandé à la Cour fédérale (CF) de réviser la décision de la DA. La CF a conclu que la décision de la DA était raisonnable.

Premièrement, le prestataire a prétendu que la DG n’avait pas enquêté correctement sur sa demande. Il a noté qu’il a demandé des prestations en septembre 2019 et qu’il a éventuellement réussi à faire antidater sa demande en avril 2020 pour ensuite constater que la DG contestait cette décision sur le fondement de nouveaux renseignements. Il a fait valoir que son inconduite présumée aurait pu être soulevée avant si Service Canada avait fait une enquête de base auprès de son ancien employeur.

La CF a convenu qu’il ne semblait pas raisonnable de traiter la question de l’antidatation avant d’avoir décidé de l’admissibilité de la demande. Cependant, c’est le processus qui est prévu dans la Loi sur l’assurance emploi, et toutes les décisions ont été rendues dans les délais prévus par le législateur. De plus, l’argument du prestataire concernait la conduite de la DG et non la décision de la DA ni la question de savoir si elle était raisonnable. Finalement, la CF a noté que le prestataire n’avait pas soulevé cet argument devant la DA, et qu’il ne pouvait donc pas le soulever devant la CF.

Deuxièmement, le prestataire a fait valoir que la DG a commis une erreur de droit. Son refus de [traduction] « trouver » ou de « solliciter » d’éventuels investisseurs ne peut pas être un abus de confiance puisque seuls les courtiers en valeurs mobilières inscrits peuvent solliciter des capitaux en vertu de la loi québécoise sur les valeurs mobilières. Il a souligné que son employeur avait retenu les services de deux courtiers indépendants pour s’acquitter de cette tâche. Il a admis que son contrat l’obligeait à chercher des [traduction] « occasions de financement » pour son employeur, mais il a soutenu que son rôle de chef des services financiers l’obligeait seulement à soutenir la collecte de capitaux en effectuant des tâches comme la diligence raisonnable.

La CF a qualifié cet argument d’erreur de fait plutôt que d’erreur de droit. Contrairement à l’argument du prestataire, la question n’était pas de savoir s’il était autorisé à solliciter des investisseurs en vertu de la loi québécoise sur les valeurs mobilières, mais s’il était raisonnable que la DG tire une telle conclusion avec la preuve dont elle disposait. Cette preuve comprenait le contrat de travail du prestataire, sa lettre de cessation d’emploi, son témoignage et divers courriels. D’après cette preuve, le DG a conclu que la demande de commission du prestataire avait mené à son congédiement pour abus de confiance. La DA a conclu que les éléments de preuve appuyaient cette conclusion, et que le prestataire avait simplement plaidé sa cause à nouveau pour obtenir un résultat différent. La CF a jugé cette conclusion raisonnable.

Troisièmement, le prestataire a prétendu que la DG avait commis une erreur de fait importante en adoptant une vision étroite de la preuve et en ne l’analysant pas dans son contexte. Le prestataire a soutenu que la DG avait mal interprété un courriel dans lequel il semblait demander une commission; en fait, il tentait [traduction] « avec insolence » de faire valoir que c’était le rôle du courtier, et non le sien, de recueillir des capitaux. Ce courriel avait été envoyé à la suite de l’une des tentatives de l’employeur de faire pression sur le prestataire pour qu’il sollicite des capitaux dans son réseau personnel. L’employeur a ensuite utilisé le courriel comme prétexte pour le congédier avec justification et éviter de lui verser une indemnité de départ.

La CF a estimé que la DA avait pris en compte l’argument du prestataire selon lequel la DG avait mal interprété son courriel, mais elle n’a finalement constaté aucune erreur dans la conclusion de la DG selon laquelle il avait perdu son emploi en raison d’un abus de confiance. La tâche de la CF n’était pas de réévaluer la preuve qui avait été présentée à la DG, mais d’évaluer si la DA DG avait fondé sa décision sur une chaîne d’analyse cohérente et rationnelle. La demande de contrôle judiciaire a été rejetée.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : S. V. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 801

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-781

ENTRE :

S. V.

Demandeur

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


Décision relative à une demande de permission
d’en appeler rendue par :
Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 22 septembre 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal refuse d’accorder la permission d’en appeler devant la division d’appel.

Aperçu

[2] Le demandeur, S. V. (prestataire) a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi après avoir perdu son emploi comme directeur des finances. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a initialement approuvé sa demande de prestations régulières, mais a plus tard accepté les motifs fournis par l’employeur pour son congédiement pendant le processus de révision.

[3] La Commission a établi que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il avait demandé de toucher une commission en échange du nom d’un investisseur potentiel, ce qui a brisé le lien de confiance. Elle a établi que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite et l’a exclu du bénéfice des prestations. Le prestataire a porté cette décision en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[4] La division générale a conclu que la preuve prépondérante montrait qu’il avait parlé à deux investisseurs potentiels et qu’il refusait de fournir leurs noms au courtier de l’employeur sans toucher une commission. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que cela pouvait nuire à la relation d’emploi et pouvait mener à son congédiement pour déloyauté. La division générale a exclu le prestataire du bénéfice des prestations.

[5] La prestataire souhaite maintenant obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Il avance que la division générale a commis une erreur de droit et qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire sans égard aux éléments portés à sa connaissance.

[6] Le Tribunal doit établir si la division générale a commis une quelconque erreur révisable sur le fondement de laquelle l’appel pourrait avoir une chance de succès.

[7] Le Tribunal rejette la demande de permission d’en appeler parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire a-t-il soulevé une quelconque erreur révisable de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait avoir une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale qui peuvent être invoqués. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.

b) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

c) La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l’affaire. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver sa thèse, mais il doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[11] Ainsi, avant d’accorder la permission d’en appeler, le Tribunal doit être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel ci-dessus énoncés et qu’au moins l’un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Le prestataire a-t-il soulevé une quelconque erreur révisable commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait avoir une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il y avait eu déloyauté, puisque s’il avait accepté la demande de l’employeur de [traduction] « trouver » ou de [traduction] « solliciter » des investisseurs potentiels qui souhaitent investir dans l’entreprise, il aurait enfreint les lois québécoises sur les valeurs mobilières et il se serait mis en position de conflit d’intérêts en raison des modalités de son contrat d’emploi. Il affirme que compte tenu du fait qu’il n’est pas un courtier en valeurs mobilières autorisé au Québec, il ne pouvait pas légalement solliciter des capitaux ni toucher une quelconque commission ou paiement découlant d’une telle activité.

[13] Le prestataire soutient par ailleurs que la division générale a commis une importante erreur de fait en rendant sa décision. Il soutient qu’il n’a jamais demandé de commission à son employeur pour la mobilisation de capitaux.

[14] Le prestataire soutient que le courriel sur lequel la décision de la division générale était fondée doit être interprété dans le bon contexte. Ce courriel était une réponse du prestataire à l’un des deux courtiers en valeurs mobilières autorisés embauchés par l’employeur pour mobiliser des capitaux en son nom. Il avance que la réponse était pour donner suite à l’une des nombreuses tentatives de son employeur de faire pression pour qu’il aide à mobiliser des capitaux lorsqu’il est devenu évident que les courtiers en valeurs mobilières embauchés n’avaient plus de pistes pour trouver des investisseurs potentiels.

[15] La division générale devait trancher la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Son rôle n’était pas de juger la gravité de la sanction imposée par l’employeur, mais plutôt d’établir si la conduite du prestataire était une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

[16] La division générale a conclu que, bien que le prestataire contestait le fait d’avoir demandé de toucher une commission et qu’il a témoigné à plusieurs reprises qu’il n’avait pas l’autorisation de solliciter des investisseurs puisqu’il n’est pas courtier, la preuve prépondérante montrait que le prestataire avait parlé avec deux investisseurs potentiels et qu’il refusait de fournir leurs noms aux courtiers de l’employeur sans toucher une commission en échange. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que cela nuirait à la relation d’emploi et que cela pourrait mener à son congédiement pour déloyauté. La division générale a conclu que la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

[17] La division générale a accordé davantage de poids au contenu du courriel du 9 janvier 2019 qu’au témoignage du prestataire. Elle a conclu que le prestataire avait initialement nié avoir écrit le courriel lorsqu’il a parlé avec la Commission et que, lors de l’audience, il a admis qu’il l’avait effectivement écrit, mais a soutenu qu’il ne signifiait pas ce qu’il semblait vouloir dire.

[18] La division générale n’a pas été convaincue par l’argument du prestataire et a conclu qu’il était plus probable qu’improbable que le courriel parlait de lui-même et qu’il montrait que le prestataire voulait toucher une commission en échange des noms des investisseurs potentiels dans l’entreprise de l’employeur par l’entremise de son courtier.

[19] La Commission a parlé à l’employeur le 29 juillet 2020. Celui-ci a affirmé que le prestataire avait déclaré qu’il avait trouvé deux investisseurs potentiels, mais qu’il voulait toucher une commission avant de fournir leurs noms. L’employeur était préoccupé du fait que le prestataire a pu travailler pour faire avancer ses propres intérêts plutôt que les siens. L’employeur a congédié le prestataire pour déloyauté.

[20] Le courriel envoyé au prestataire le 8 janvier 2019 se lit comme suit :

« Bonne Année S.,

(…)

J. nous a informé que tu pourrais amener des « friends & family » à investir en équité et que tu souhaitais recevoir une commission pour ce faire.

SVP me confirmer ce que tu désires comme contrepartie (%) afin que je fasses ce qui s’impose dans une telle situation. » [sic]

[Soulignement ajouté par le soussigné]

[21] Le courriel adressé au prestataire indique clairement que le courtier a été mis au courant que le prestataire avait des investisseurs potentiels et que ce dernier voulait toucher une commission en échange. Dans ledit courriel, le courtier a demandé précisément au prestataire quelle commission il voulait toucher en échange de l’information.

[22] La preuve prépondérante présentée à la division générale vient soutenir sa conclusion, selon laquelle la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

[23] En présentant sa demande de permission d’en appeler, la prestataire souhaite essentiellement plaider à nouveau sa cause afin d’obtenir un résultat différent. Malheureusement pour lui, un appel devant la division d’appel du Tribunal ne constitue pas une nouvelle audience au cours de laquelle une partie peut présenter de nouveau sa preuve et espérer une nouvelle issue favorable.

[24] Dans sa demande de permission d’en appeler, le prestataire n’a pas soulevé d’erreur révisable, comme une erreur de compétence ou l’omission de la division générale d’observer un principe de justice naturelle. Il n’a soulevé aucune erreur de droit ni de conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu avoir tirée de façon abusive ou arbitraire, sans égard aux éléments portés à sa connaissance quand elle a rendu sa décision.

[25] Pour les motifs énoncés ci-dessus, après avoir révisé le dossier d’appel et la décision de la division générale, et en prenant en considération les arguments avancés par le prestataire pour soutenir sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[26] Le Tribunal refuse d’accorder la permission d’en appeler devant la division d’appel.

Représentant :

S. V., non représenté

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