Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – Partie mise en cause – Droit d’appel de l’employeur à la division d’appel (DA) –
La Commission a refusé d’accorder des prestations d’AE à la prestataire parce qu’elle a volontairement quitté son emploi sans justification. Elle a maintenu sa décision après révision. Lorsque la prestataire en a appelé à la division générale (DG), l’employeur a demandé d’être ajouté comme partie mise en cause, mais la DG a refusé car il n’avait pas un « intérêt direct » en cause. L’employeur a demandé à la DA la permission d’en appeler du refus de la DG de l’ajouter comme partie. Toutefois, l’employeur a tardé à présenter sa demande, alors la DA a refusé de lui fournir un délai supplémentaire et elle a rejeté sa demande de permission d’en appeler. Entre-temps, la DG a accueilli l’appel de la prestataire. Maintenant, l’employeur (qui n’a jamais été ajouté comme partie devant la DG) cherche de nouveau à obtenir la permission d’en appeler devant la DA.

Premièrement, la DA a jugé que toute personne qui était une partie à la DG ou qui a été ajoutée comme partie à la DG, a automatiquement le droit d’en appeler à la DA. La loi prévoit qu’une personne doit « faire l’objet de la décision » pour pouvoir faire appel à la DA. Toute personne qui était une partie à la DG répond donc à cette exigence. Par contre, la DA ne devrait pas déterminer qui peut déposer un appel à la DA en adoptant simplement le critère de « l’intérêt direct » utilisé pour l’ajout comme partie. Il devrait être plus difficile d’avoir droit d’en appeler à la DA si on n’a jamais participé comme partie à la DG; on devrait avoir quelque chose de plus que seulement un intérêt direct.

Ainsi, dans ce cas-ci, en plus d’avoir un intérêt direct, le droit d’en appeler à la DA exige que la décision de la DG ait « principalement une incidence sur l’admissibilité de la personne aux prestations, ou sur sa responsabilité concernant les sanctions au titre du régime (l’AE dans ce cas-ci) ». La DA a déterminé que l’employeur ne répondait à ni un ni l’autre des critères. Par conséquent, elle a jugé que l’employeur n’avait pas le droit d’en appeler à la DA, et elle a rejeté sa demande à nouveau.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : X c Commission de l’assurance-emploi du Canada et SS, 2020 TSS 845

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-19

ENTRE :

X

Demandeur

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Défenderesse

et

S. S.

Défenderesse


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


Décision relative à une demande de
permission d’en appeler rendue par :
Stephen Bergen
Date de la décision : Le 30 septembre 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’employeur, X (demandeur), n’a pas qualité pour (autrement dit, n’a pas le droit de) présenter une demande de permission d’en appeler.

Aperçu

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté la demande d’assurance-emploi régulière de S. S. (prestataire) parce qu’elle a conclu qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais cette dernière a maintenu sa décision.

[3] Lorsque la prestataire a fait appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, le demandeur a demandé à être ajouté comme partie à l’instance. Dans une décision datée du 4 juin 2019, la division générale a refusé d’ajouter le demandeur à l’appel. Elle a déclaré que le demandeur n’avait pas d’intérêt direct dans l’appel.

[4] Le 20 septembre 2019, la division générale a accueilli l’appel de la prestataire. Elle a conclu que la prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi. Après que la prestataire ait eu gain de cause dans son appel, le demandeur a demandé la permission de faire appel du rejet antérieur de la division générale de l’ajouter en tant que partie. Le demandeur a présenté sa demande en retard, et la division d’appel a refusé de lui accorder une prolongation du délai pour qu’il interjette appel.

[5] Le demandeur demande maintenant la permission d’en appeler de la décision du 20 septembre 2019 (décision sur le fond) auprès de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. La Commission et la prestataire sont toutes deux défenderesses.

[6] Le demandeur ne faisait pas l’objet de la décision de la division générale et n’a pas qualité pour faire appel devant la division d’appel. Par conséquent, je ne peux pas examiner la demande de permission d’en appeler du demandeur.

Questions préliminaires

Puis-je prendre en considération les observations du demandeur datées du 28 février 2020?

[7] J’ai demandé à la Commission, au demandeur et à la prestataire de fournir des observations sur la question de savoir si le demandeur a qualité pour interjeter appel devant la division d’appel. J’ai demandé une réponse au plus tard le 28 février 2020. La division d’appel a reçu les observations du demandeur et de la prestataire le 28 février 2020. La Commission n’a pas fourni d’observation.

[8] Bien que la division d’appel ait reçu les observations de la prestataire le 28 février 2020, le demandeur fait valoir que la prestataire a déposé ses observations trop tard. Il affirme que la division d’appel a reçu les observations de la prestataire après ses heures de bureau habituelles et que je devrais refuser de les examiner.

[9] Le demandeur fonde probablement son argumentation sur les règles de la Cour fédérale ou des tribunaux provinciaux. Le Tribunal n’a pas de règle qui oblige une personne à déposer des observations avant une heure précise de la journée. Le Tribunal doit suivre le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS). L’article 7 du Règlement sur le TSS prévoit ce qui suit :

L’appel, la demande ou tout autre document est présumé avoir été déposé :

  1. a) dans le cas d’un document déposé à l’adresse du Tribunal ou envoyé par courrier ou par télécopieur, à la date qui est estampillée sur le document par le Tribunal;
  2. b) dans le cas d’un document déposé par courriel ou selon les modalités de dépôt électronique fournies par le Tribunal, à la date qui figure sur le timbre apposé par le Tribunal.

[10] La prestataire semble avoir envoyé ses observations par courriel. Elles étaient datées du 28 février 2020 et ont été estampillées par le Tribunal le 28 février 2020. Conformément au Règlement sur le TSS, elles sont réputées avoir été reçues le 28 février 2020. Les observations de la prestataire n’étaient pas en retard.

[11] De toute manière, cela ne porte pas préjudice au demandeur. La division d’appel a depuis lors donné au demandeur et à la prestataire la possibilité de présenter des observations supplémentaires. De plus, la division d’appel a ensuite offert au demandeur et à la prestataire la possibilité de présenter des observations au sujet de l’affaire Francis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 1. Cette décision est une décision récente de la Cour fédérale relative à la question de la qualité pour faire appel.

[12] Je vais examiner les observations de la prestataire datées du 28 février 2020 en même temps que les autres observations que j’ai reçues de la prestataire et du demandeur.

Le demandeur a-t-il qualité pour présenter une demande de permission d’en appeler?

[13] La qualité d’un demandeur pour faire appel devant la division d’appel est régie par l’article 55 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). L’article 55 est ainsi libellé :

Toute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel par toute personne qui fait l’objet de la décision et toute autre personne visée par règlement.

À l’heure actuelle, le Règlement sur le TSS ne prescrit aucune autre personne pouvant faire appel d’une décision de la division générale.

[14] Je dois d’abord décider si le demandeur est une personne qui « fait l’objet de la décision » avant de pouvoir examiner la demande de permission d’en appeler de la décision sur le fond.

Position du demandeur

[15] Le demandeur fait valoir qu’il fait [traduction] « l’objet de l’appel » même si la division générale a estimé qu’il n’avait pas d’intérêt direct dans l’appel. Le demandeur soutient qu’il a un intérêt direct dans l’issue de l’appel, mais il fait valoir que la division d’appel devrait le considérer comme faisant « l’objet de la décision », même s’il n’a pas d’intérêt directNote de bas de page 2. Le demandeur estime que la division d’appel devrait donner à « l’objet de la décision » le sens que lui a donné la division d’appel dans l’affaire X c Commission de l’assurance-emploi du Canada et JF (X)Note de bas de page 3. La décision X a fait l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale dans l’affaire FrancisNote de bas de page 4, et la Cour a renvoyé l’affaire à la division d’appel pour la tenue d’un nouvel examenNote de bas de page 5. Cependant, le demandeur fait valoir que la Cour fédérale n’a pas explicitement rejeté le critère utilisé par X pour définir [traduction] « l’objet de l’appel ». Le demandeur soutient que je devrais appliquer le critère de X ou créer un critère semblableNote de bas de page 6.

[16] Dans l’affaire X, la division d’appel a défini un nouveau critère pour interpréter l’article 55. Elle a déclaré ce qui suit :

[…] une personne qui fait l’objet d’une décision de la division générale est une personne qui dépend de sa décision, est concernée ou possiblement concernée par celle-ci ou est susceptible de souffrir du résultat de celle-ciNote de bas de page 7.

[17] Le demandeur déclare qu’il a un intérêt dans la décision de la division générale, car elle peut avoir une incidence sur d’autres instances judiciaires dans lesquelles le demandeur et la prestataire sont impliqués. La division générale a conclu que le demandeur avait congédié la prestataire. La prestataire a apparemment fait valoir dans cette instance que la question avait déjà été tranchée par la division générale (argument de la chose jugée). Par conséquent, le demandeur soutient que la décision de la division générale peut avoir une incidence sur ses chances de succès.

[18] Le demandeur affirme également que la décision de la division générale pourrait affecter la manière dont il répondra aux besoins des employés blessés à l’avenir.

Position de la prestataire

[19] La prestataire reconnaît que la personne qui fait « l’objet de la décision » est une personne qui peut présenter un appel à la division d’appel. Elle convient avec le demandeur que ce n’est pas la même chose que d’avoir un [traduction] « intérêt direct dans la décision », ce que la division générale exige avant d’ajouter une personne comme partie.

[20] La prestataire laisse entendre que le critère relatif à la qualité pour interjeter appel devant la division d’appel devrait en fait être plus restreint que le critère de l’ [traduction] « intérêt direct » que le Tribunal utilise pour décider s’il doit ajouter une personne en tant que partieNote de bas de page 8. La prestataire affirme que la division d’appel devrait examiner qui a participé à la procédure. Elle fait également valoir que le critère devrait être axé sur la personne (ou les personnes) sur laquelle la décision porte principalement, ce qu’elle décrit comme étant la personne qui fait [traduction] « l’objet principal de la décision ». Autrement dit, une personne ne doit pas nécessairement être considérée comme faisant « l’objet de la décision » simplement parce qu’elle est [traduction] « directement concernée ».

[21] En outre, la prestataire fait valoir qu’il serait [traduction] « injuste et incohérent » que la division d’appel accorde au demandeur le droit de faire appel alors que la division générale avait refusé de l’autoriser à participerNote de bas de page 9.

[22] Je conviens que la division d’appel ne peut pas décider qui peut interjeter appel auprès de la division d’appel en adoptant simplement le critère de l’intérêt direct dans le contexte de la « partie mise en cause ». La personne qui fait « l’objet de la décision » est la personne qui peut faire appel auprès de la division d’appel en vertu de l’article 55 de la Loi sur le MEDS. La personne qui a un intérêt direct dans l’affaire est la personne qui peut être ajoutée comme partie en vertu de l’article 10 du Règlement sur le TSS.

[23] L’article 55 de la Loi sur le MEDS décrit la personne ayant qualité pour faire appel en utilisant un libellé sensiblement différent de celui de l’article 10 du Règlement sur le TSS, car les deux articles sont destinés à des fins différentes. La division d’appel emploie « l’objet de la décision » pour évaluer la qualité pour faire appel d’une personne qui souhaite interjeter appel et pour faire valoir qu’une décision a été prise à tort. La personne qui fait valoir un « intérêt direct » dans la décision a l’intention d’influer sur le déroulement de l’appel d’une autre personne.

[24] Je note que le demandeur se trompe en disant que le choix du critère juridique dépend de la division du Tribunal qui entend l’appelNote de bas de page 10. Le même critère relatif à l’intérêt direct serait appliqué, qu’une personne demande à être ajoutée comme partie à un appel devant la division générale ou devant la division d’appelNote de bas de page 11. L’article 55 n’est pas utilisé pour évaluer la qualité pour faire appel, car le demandeur tente de faire appel devant la division d’appel plutôt que devant la division générale. Il est utilisé parce que le demandeur tente de lancer un nouvel appel plutôt que de joindre un appel existant.

[25] Le sens de « l’objet de la décision » à l’article 55 est une question d’interprétation. J’utiliserai des principes d’interprétation législative comme point de départ à mon analyse. Toutefois, avant de commencer, je répondrai à l’argument du demandeur selon lequel la Cour fédérale n’a pas rejeté le critère élaboré dans l’affaire X et que je peux, ou devrais, appliquer ce critère.

Utilité du critère établi dans l’affaire X

[26] L’affaire X est la première décision à énoncer un critère permettant de décider si la division d’appel doit accorder à une demanderesse ou à un demandeur la qualité pour faire appel. Lorsque la Cour fédérale a procédé au contrôle judiciaire de l’affaire X, elle a jugé que l’analyse de la division d’appel dans l’affaire X n’était pas fiable parce que la division d’appel n’avait pas pris en considération le libellé approprié de l’article 55Note de bas de page 12. Dans l’affaire Francis, la Cour fédérale s’est inquiétée du fait que la division d’appel s’était demandée par erreur qui est [traduction] « assujetti à la décisionNote de bas de page 13 » (« subject to the decision » dans la version anglaise) et qu’elle a interprété le critère de la qualité pour faire appel comme si « assujetti à la décision » était la formulation réelle utilisée à l’article 55.

[27] Le demandeur reconnaît que dans l’affaire Francis, l’analyse de la division d’appel a été rejetée parce que cette dernière n’avait pas établi le droit d’un employeur pour faire appel en se fondant sur le fait qu’il était « assujetti à la décision ». Cependant, selon le demandeur, le critère énoncé dans l’affaire X n’a pas été rejeté dans l’affaire FrancisNote de bas de page 14.

[28] Je ne suis pas d’accord. Lorsque l’affaire Francis a rejeté l’analyse par laquelle la division d’appel est arrivée à son critère, elle a du fait même rejeté le critère. Dans l’affaire Francis, on a estimé que la division d’appel avait commis une erreur de droit en n’expliquant pas pourquoi elle s’était écartée du libellé de l’article 55 pour se demander qui était la personne « assujettie » [mis en évidence par le soussigné] à la décisionNote de bas de page 15. La Cour fédérale a estimé que cette erreur était suffisamment importante pour affecter la fiabilité de l’analyse de la division d’appelNote de bas de page 16. Si le fait que la division d’appel se soit écartée du libellé de l’article 55 avait peu d’importance, il est peu probable que la Cour fédérale aurait conclu que la division d’appel avait commis une erreurNote de bas de page 17.

[29] La prestataire suggère que la mauvaise interprétation de l’article 55 de la Loi sur le MEDS par la division d’appel a donné lieu à un critère trop large. Elle fait valoir que la division d’appel ne devrait pas adopter le critère prévu dans l’affaire X.

[30] Je suis d’accord avec la prestataire et je refuse d’appliquer le critère relatif à la qualité pour faire appel décrit dans l’affaire X. L’affaire Francis n’en fait pas mention, mais la division d’appel a relevé deux définitions de l’expression anglaise « subject to » (« assujetti à » en français) dans le dictionnaire avant d’élaborer son critère. Elle a fait référence à la définition du Black’s Law Dictionary de « subject to » comme [traduction] « conditionnel à quelque chose ou dépendant de quelque chose » et à la définition du Merriam-Webster selon laquelle « subject to » signifie [traduction] « affecté ou éventuellement affecté par quelque chose, ou susceptible de subir quelque choseNote de bas de page 18 ». Le critère employé par la division d’appel était une combinaison évidente de ces deux définitions. À mon avis, le critère de la division d’appel dans l’affaire X a été influencé par sa mauvaise interprétation de l’article 55 ou par une opinion erronée selon laquelle [traduction] « toute personne qui fait l’objet de la décision » signifie la même chose que [traduction] « toute personne qui est assujettie à la décision ». Cela a mené la division d’appel à élaborer un critère axé sur l’effet de la décision sur une demanderesse ou un demandeur.

[31] Un tel critère n’est pas nécessairement approprié pour évaluer si une personne qui cherche à faire appel d’une décision de la division générale « fait l’objet de la décision », comme l’exige l’article 55 de la Loi sur le MEDS.

Interprétation des lois

[32] Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re)Note de bas de page 19, l’interprétation des lois implique une [traduction] « analyse textuelle, contextuelle et téléologique de la loi ou de la disposition en question ». Selon la Cour, [traduction] « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ». Cela nécessite la prise en compte de trois facteurs :

  • Le libellé de la disposition
  • Le contexte dans lequel le libellé est utilisé
  • L’objectif du texte de loi ou du régime législatif dans lequel se trouve le libellé
I. Le libellé de la disposition

[33] Selon le demandeur, il importe peu qu’il s’agisse de « l’objet de la décision » (« the subject of the decision » en anglais) ou d’être « assujetti à la décision » (« subject to the decision » en anglais) [mis en évidence par le soussigné]. Citant l’arrêt Rizzo Shoes, le demandeur a déclaré ce qui suit : [traduction] « [N]ous devons nous concentrer sur le sens ordinaire des mots de la loi dans leur contexte immédiat et dans l’esprit de la loi dans son ensembleNote de bas de page 20 ».

[34] Cependant, le demandeur renonce immédiatement à ce principe lorsqu’il me suggère d’écarter la manière dont les mots « of » et « to » en anglais modifient le sens du mot anglais « subject ». Autrement dit, le demandeur me demande d’ignorer le contexte grammatical immédiat et de considérer le mot anglais « subject » de manière indépendante. Il a choisi plusieurs définitions pour le mot anglais « subject », et il soutient que la division d’appel devrait l’autoriser à faire appel parce qu’il répond à ces définitions du dictionnaireNote de bas de page 21. Je crois que le demandeur veut me faire comprendre que les définitions du dictionnaire représentent le sens ordinaire du mot anglais « subject » ou peuvent être utilisées pour éclairer le sens de ce mot.

[35] Deux des définitions proposées ne s’appliquent pas, car elles concernent la forme adjectivale du mot anglais « subject »Note de bas de page 22. Ainsi, elles ne s’appliqueraient que dans les cas où la personne est « subject to the decision » ou « assujettie à la décision » en français (et non « the subject of the decision  » en anglais, ce qui se traduit par « l’objet de la décision » en français). Ces deux définitions sont 1) que la personne « qui fait l’objet » (ou « the subject » en anglais) est celle qui [traduction] « assume une certaine responsabilité ou qui subit une certaine exposition », et 2) que les actions de cette personne [traduction] « dépendent d’une action ultérieure ou sont sous l’influence d’une action ultérieure » (présumément, de la décision).

[36] Ces définitions donneraient un sens au mot anglais « subject » qui ne peut pas être utilisé dans le contexte grammatical de l’article 55. Je considère que la distinction entre les expressions anglaises « subject to » (« assujetti à ») et « subject of » (« faire l’objet de ») est importante, comme l’a soulevé la Cour fédérale dans la décision Francis. La Cour fédérale a renvoyé la décision à la division d’appel pour un nouvel examen parce que la division d’appel a ignoré cette distinction.

[37] Par conséquent, ces définitions du dictionnaire qui se rapportent à l’expression anglaise « subject to » ne m’aident pas à interpréter l’article 55.

[38] Le demandeur a relevé une troisième définition du dictionnaire pour le mot anglais « subject », à savoir [traduction] « une personne dont les réactions ou les réponses sont étudiées ». Ce sens du mot anglais « subject » décrit le sujet d’une expérience ou d’une étude. Elle ne s’applique pas aux faits de la présente affaire et ne m’aide pas à définir qui a qualité pour faire appel d’une décision de la division générale.

[39] Cependant, deux des définitions proposées se rapportent au sens ordinaire de l’expression anglaise « the subject of the decision » (« l’objet de la décision » en français). L’une des définitions proposées est que le « subject » (ou « l’objet » en français) est [traduction] « quelque chose au sujet duquel quelque chose est dit ou fait ».

La personne qui fait l’objet de la décision est celle sur laquelle « porte » la décision

[40] [traduction] « [Q]uelque chose au sujet duquel quelque chose est dit ou fait » est une définition trop large pour être le dernier mot sur qui « fait l’objet de la décision ». Une personne peut avoir un intérêt minimal ou secondaire dans le résultat d’une décision, ou être mentionnée de manière informelle dans la décision, tout en étant [traduction] « quelque chose au sujet duquel quelque chose est dit ou fait ». Un critère de sélection qui définit ainsi la personne qui fait l’objet de la décision n’écarterait pas beaucoup de demanderesses ou de demandeurs.

[41] Toutefois, cette définition reste utile, car elle saisit le sens le plus évident ou le plus simple du mot anglais « subject ». La personne qui fait l’objet de la décision (« the subject » en anglais) doit être celle sur laquelle porte la décision.

[42] Le demandeur donne deux exemples de la manière dont une personne peut être considérée comme faisant l’objet d’une décision. Il suggère que la division d’appel devrait examiner la fréquence à laquelle la décision fait référence à une personne. Il suggère également que l’utilisation par la division générale des déclarations d’une personne pour rendre sa décision devrait être pertinente. Ces exemples sous-entendent que le demandeur accepte que la personne qui « fait l’objet de la décision » soit une personne sur laquelle porte la décision.

[43] Pour sa part, la prestataire fait valoir que la personne qui « fait l’objet de la décision » doit être la personne qui [traduction] « fait l’objet principal » de la décision. Elle conteste le fait que la personne qui « fait l’objet » de la décision est une personne qui peut simplement, ou éventuellement, être affectée par celle-ci, comme l’avait déclaré la division d’appel dans l’affaire X. La prestataire se penche principalement sur le fait que l’article 55 indique en anglais la personne qui est « the subject » (« fait l’objet de » en français) et pas seulement « a subject » (« assujettie à » en français)Note de bas de page 23. Elle fait valoir que l’utilisation de l’article défini « the » en anglais (qui serait traduit par « le » en français) signifie que la personne qui fait l’objet de la décision doiwt être quelqu’un de précis. En même temps, la prestataire reconnaît que « la personne » pourrait être plus d’une personne. En d’autres mots, la décision pourrait avoir plus d’une personne qui en fait l’objet « principal ».

[44] Je reconnais qu’une décision est plus susceptible de faire référence à la personne qui « fait l’objet de la décision » et même que cette personne qui fait l’objet de la décision est susceptible d’être mentionnée plusieurs fois dans la décision. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec le fait que toute personne mentionnée à plusieurs reprises dans la décision fait nécessairement l’objet de la décision. Je peux penser à une affaire pénale ou civile dans laquelle la condamnation ou le jugement repose sur le témoignage d’un témoin oculaire. La décision du tribunal peut faire référence au témoin fréquemment, mais cela ne ferait pas du témoin l’objet de la décision. Je rejette également le deuxième point de l’employeur selon lequel une personne peut être considérée comme faisant l’objet d’une décision si la division générale se fonde sur la preuve fournie par cette personne. Dans mon exemple, la preuve du témoin aurait pu être déterminante pour la condamnation ou le jugement, mais cela ne ferait pas de ce témoin l’objet de la décision.

[45] Je suis d’accord avec la prestataire pour dire que l’emploi des mots anglais « the subject » plutôt que « a subject » signifie que la personne qui fait l’objet de la décision doit être quelqu’un de précis. J’entends par là que la personne qui fait l’objet de la décision doit être une personne identifiée dans la décision ou qui fait partie d’une catégorie définie de personnes identifiées dans la décision. Je reconnais également que l’utilisation de l’article défini avec le mot anglais « subject » laisse entendre que la personne qui fait l’objet de la décision occupe une place importante dans le résultat de la décision.

La décision affecte la personne qui fait l’objet de la décision

[46] L’autre définition possible est que la personne qui fait l’objet d’une décision est [traduction] « celle qui est soumise à cette décision ». Cette définition laisse entendre que la personne qui fait l’objet de la décision peut être identifiée par la façon dont elle est affectée par le résultat de la décision. Le demandeur fait valoir que les conclusions de la division générale pourraient affecter ses autres instances judiciaires et qu’il devrait donc également relever de cette définition.

[47] À mon avis, une lecture en langage simple de la formule anglaise « the subject of the decision » (« personne qui fait l’objet de la décision » en français) laisse entendre que la personne qui fait l’objet de la décision est, au minimum, celle sur laquelle porte la décision. Cependant, l’article 55 fait également référence à la personne qui « fait l’objet de la décision » [mis en évidence par le soussigné]. Une décision est importante pour la ou les personnes qui en font l’objet en raison de la manière dont elles sont ou peuvent être affectées par cette décision. Par conséquent, la personne qui fait « l’objet d’une décision » est aussi celle qui est, ou peut être, « soumise à » cette décision ou affectée par celle-ci.

[48] Je reconnais que l’incidence de la décision sur une personne est pertinente afin de juger si cette personne fait l’objet de la décision. À mon avis, la décision peut concerner une personne, mais cette personne ne ferait pas l’objet de la décision si celle-ci ne l’affecte pas.

[49] En outre, une personne ne peut pas faire l’objet d’une décision si l’incidence sur cette personne n’est que spéculative ou simplement possible. En même temps, je n’accepte pas le fait que l’incidence de la décision sur une personne soit d’abord connue avant que cette personne ne puisse être reconnue comme faisant l’objet de la décision. Par conséquent, je reconnais que la personne qui fait l’objet de la décision est susceptible d’être affectée par celle-ci.

Conclusions au sujet du libellé

[50] Le libellé de l’article 55 laisse entendre qu’une personne ayant qualité pour faire appel devant la division d’appel doit être une personne ou un membre d’une catégorie de personnes mentionnée dans la décision, doit être importante dans ou pour la décision, et doit être susceptible d’être affectée par la décision.

II. Le contexte dans lequel le libellé est utilisé

[51] Dans l’arrêt Rizzo Shoes, il est dit que la disposition doit être lue dans son contexte global.

Contexte actuel

[52] L’article 55 se trouve dans la Loi sur le MEDS. Le demandeur fait remarquer que l’article 20(1) de la Loi sur le MEDS prévoit la nomination de commissaires représentant les travailleurs et les employeurs auprès de la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Le demandeur laisse entendre que cela signifie que l’objectif global de la Loi sur le MEDS est d’équilibrer les intérêts des employés et des employeurs et d’ [traduction] « analyser les faits fournis par les employés et les employeursNote de bas de page 24 ».

[53] Je ne suis pas d’accord avec le fait que l’objectif global de la Loi sur le MEDS est d’équilibrer les intérêts des employés et des employeurs ou d’analyser les faits des employés et des employeurs. Je n’accepte pas non plus que la sélection des commissaires chargés d’administrer le régime d’assurance-emploi ait quoi que ce soit à voir avec les exigences procédurales du Tribunal.

[54] L’ [traduction] « objectif global » de la Loi sur le MEDS est clairement beaucoup plus large que la médiation des intérêts des employés et des employeurs. La Loi sur le MEDS décrit la structure du ministère de l’Emploi et du Développement social, du ministère du Travail, de la Commission de l’assurance-emploi du Canada et du Tribunal. Elle décrit également les pouvoirs, les devoirs et les fonctions qui incombent à chaque organisation. En outre, le Tribunal a le pouvoir d’entendre les appels des décisions relatives au Régime de pensions du Canada et à la Sécurité de la vieillesse ainsi que les décisions relatives à l’assurance-emploi.

[55] Je reconnais que le contexte plus large de la Loi sur le MEDS laisse entendre que la division d’appel a le pouvoir d’établir les critères ou les facteurs pertinents grâce auxquels elle évalue qui fait « l’objet de la décision » en vertu de l’article 55. Cependant, l’objectif global de la Loi sur le MEDS ne m’aide pas à interpréter l’article 55.

[56] Dans l’arrêt Hillier c Canada (Procureur général), la Cour d’appel fédérale a interprété une autre des dispositions procédurales de la partie 5 de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 25. Dans l’arrêt Hillier, la Cour ne s’est pas trop préoccupée de l’objectif global de la Loi sur le MEDS.

[57] Ce qui est important, c’est la façon dont l’article 55 s’inscrit dans le cadre du processus d’appel administratif. Le processus d’appel comprend le processus de révision de la Commission et les appels à la division générale et à la division d’appel. Certains articles de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) constituent également un contexte pertinent, tout comme la partie 5 de la Loi sur le MEDS et certaines dispositions du Règlement sur le TSS qui régissent les procédures du Tribunal.

[58] Un bon point de départ est l’article 1 du Règlement sur le TSS. Il définit ce qu’est une « partie » à la division d’appel. Une partie comprend l’appelante ou l’appelant, toutes les autres parties à l’instance de la division générale et toute personne ajoutée comme partie en vertu de l’article 10 du Règlement sur le TSS.

[59] En vertu de l’article 1 du Règlement sur le TSS, j’accepte que toute personne qui est une partie, ou qui a été ajoutée comme partie à la division générale, ait qualité pour faire appel devant la division d’appel.

[60] L’article 1 prévoit également que l’appelante ou l’appelant est une partie. Cependant, une demanderesse ou un demandeur ne devient « l’appelante ou l’appelant » en vertu de l’article 1 du Règlement sur le TSS qu’après que la division d’appel ait reconnu que la demanderesse ou le demandeur fait l’objet de la décision et a qualité pour faire appel. Je ne lis pas l’article 1 du Règlement sur le TSS pour affirmer que le fait de présenter un appel à la division d’appel fait d’une demanderesse ou d’un demandeur une partie ou lui donne qualité pour faire appel. Cela viderait de son sens le critère de l’article 55.

[61] L’article 55 se trouve à la partie 5 de la Loi sur le MEDS parmi un certain nombre d’autres dispositions régissant les procédures propres à la division d’appel. Cependant, la partie 5 contient également des dispositions procédurales relatives à la division générale.

[62] La Loi sur le MEDS ne précise pas expressément qui a qualité pour faire appel auprès de la division générale. Cependant, l’article 52 de la Loi sur le MEDS prévoit qu’un appel devant la division générale doit être déposé selon les modalités prévues. L’article 24(1) du Règlement sur le TSS prescrit la forme. Il exige que l’appelante ou l’appelant indique la date à laquelle la décision portée en appel a été « communiquée à l’appelant ». L’article 52(a) de la Loi sur le MEDS laisse également entendre que la seule personne qui pourrait faire appel est celle à qui la Commission a communiqué la décision. Elle prévoit que l’appelante ou l’appelant doit faire appel à la division générale dans les 30 jours suivant la date à laquelle la décision lui a été communiquée.

[63] L’article 113 de la Loi sur l’AE prévoit que les seules décisions qui peuvent faire l’objet d’un appel devant la division générale sont les décisions de révision. On peut supposer que la Commission ne communiquerait pas la décision de révision à une personne n’appartenant pas à la catégorie des personnes qui auraient pu demander la révision en premier lieu (conformément à l’article 112(1) de la Loi sur l’AE). Selon l’article 112(1) de la Loi sur l’AE, les seules personnes qui peuvent demander la révision d’une décision de la Commission sont « [q]uiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision » [mis en évidence par le soussigné].

[64] Aux fins de révision, l’article 112(1) de la Loi sur l’AE associe « un prestataire » et « quiconque fait l’objet d’une décision » dans un même syntagme. « [T]out employeur d’un prestataire » se trouve dans un autre syntagme, comme une catégorie apparemment distincte de celle de demandeur ou de demanderesse. Cela distingue la capacité d’un employeur à demander une révision des personnes qui peuvent demander une révision parce qu’elles font l’objet de l’appel, y compris la ou le prestataire. Si les employeurs faisaient systématiquement « l’objet de la décision », l’article 112(1) aurait pu être rédigé comme suit : [traduction] « le demandeur, l’employeur ou toute autre personne qui fait l’objet d’une décision... ».

[65] L’article 112(1) donne explicitement à l’employeur d’une ou d’un prestataire la possibilité de demander une révision à la Commission. Cette capacité ne dépend pas du fait que l’employeur fasse l’objet de la décision de la Commission. En supposant que la Commission communique la décision de révision à l’employeur, ce dernier pourrait faire appel de cette décision auprès de la division générale, qu’il fasse ou non « l’objet de la décision ». Cela laisse entendre qu’un employeur peut faire appel d’une décision de révision auprès de la division générale sans pour autant faire l’objet de la décision.

[66] Cela entre également en contradiction avec l’unique exigence de l’article 55 selon laquelle une personne doit faire l’objet de la décision pour faire appel devant la division d’appel. Un employeur devrait faire l’objet de la décision pour pouvoir faire appel devant la division d’appel.

Contexte historique de l’article 55

[67] Le demandeur et la prestataire ont tous deux présenté des arguments sur le sens de l’« objet de la décision » en se fondant sur les changements intervenus au fil du temps dans la législation qui régit la qualité pour faire appel.

[68] La Loi sur le MEDS a créé le Tribunal, y compris sa division générale et sa division d’appel, afin de regrouper en un seul organisme la capacité d’instruire les appels de décisions prises dans le cadre de différents régimes de prestations prévus par la loi. Le droit d’une personne de faire appel des décisions d’un conseil arbitral de l’assurance-emploi auprès du juge-arbitreNote de bas de page 26 était autrefois traité en vertu de l’article 115(1) d’une ancienne version de la Loi sur l’AENote de bas de page 27. La disposition qui décrit qui peut faire appel au dernier niveau du processus d’appel administratif a été révisée et déplacée de la Loi sur l’AE à la section 55 de la Loi sur le MEDS en 2013.

[69] L’ancien article 115(1) décrivait qui pouvait « de plein droit [...] port[er] en appel » une décision, c’est-à-dire :

  1. a) la Commission;
  2. b) un prestataire ou une autre personne qui fait l’objet de la décision de la Commission;
  3. c) l’employeur du prestataire;
  4. d) une association dont le prestataire ou l’employeur est membre.

Le droit des employeurs de faire appel

[70] L’article 55 de la Loi sur le MEDS régit désormais les personnes qui peuvent faire appel à la division d’appel. Toute personne qui souhaite faire appel devant la division d’appel doit faire « l’objet de la décision » à la division générale. Cela diffère clairement de la liste des personnes qui peuvent faire appel de plein droit en vertu de l’article 115(1) d’une ancienne version de la Loi sur l’AENote de bas de page 28.

[71] Le demandeur estime que ce changement a élargi la catégorie des personnes qui peuvent faire appel. Il a invoqué le « principe du même ordre » (connu aussi sous le nom de ejusdem generis). Ce principe implique que lorsqu’une liste d’articles précis est suivie d’un libellé général, ce dernier doit être [traduction] « atténué » (autrement dit, l’interprétation doit être limitée) pour ne mentionner que les articles présentant des caractéristiques semblables à celles de la listeNote de bas de page 29. Le demandeur a fait remarquer que l’article 55 de la Loi sur le MEDS ne recréait pas la liste de celles et de ceux qui bénéficient explicitement d’un droit d’appel. Selon le raisonnement du demandeur, la suppression de la liste signifie que le libellé ne doit pas faire l’objet d’une interprétation atténuée. Par conséquent, l’« objet de l’appel » ne devrait pas être une personne de la même catégorie que celles figurant dans la liste de l’ancienne version de la Loi sur l’AE. Le demandeur soutient que le Parlement a voulu dire que toutes les personnes figurant dans l’ancienne liste auraient qualité pour faire appel en vertu de l’article 55. Cela comprendrait les employeurs et pourrait éventuellement comprendre d’autres personnes qui ne figurent pas dans la liste de l’article 115(1).

[72] Cependant, je ne suis pas d’accord avec le fait que le principe du même ordre s’applique à ces circonstances de la manière proposée par le demandeur. Le principe du même ordre est un principe qui est utilisé pour interpréter le libellé général d’une disposition législative lorsque ce libellé suit une liste précise. En vertu de ce principe, le libellé général doit être interprété comme se référant uniquement aux types de choses figurant dans la liste qui précède.

[73] Bien que l’article 115(1) de l’ancienne version de la Loi sur l’AE comportait une liste précise des personnes pouvant faire appel, cette liste n’était pas suivie d’un libellé général. Le syntagme « l’objet de la décision » provenant de l’article 55 de la Loi sur le MEDS ne constitue pas un [traduction] « libellé général » tiré de l’article 115(1) de la Loi sur l’AE. Il s’agissait autrefois de la caractéristique qui définissait l’une des personnes précédemment énumérées comme ayant le droit de faire appel, et il décrit maintenant la seule personne qui peut faire appel.

[74] En outre, le principe du même ordre tient compte du contexte dans lequel se trouve le libellé général. Il n’est pas destiné à être utilisé pour interpréter le sens d’une disposition législative en examinant la manière dont elle a changé. Le principe du même ordre ne me permet pas de tirer une conclusion sur ce que le nouveau critère législatif a adopté ou omis de l’ancien critère.

[75] Je comprends que la création d’un nouveau critère de qualité pour faire appel puisse être considérée comme un effort visant à créer un critère de qualité générique approprié à tous les types d’appels. L’article 115(1) de l’ancienne version de la Loi sur l’AE traitait de la qualité pour faire appel des décisions du juge-arbitre, lesquelles portaient sur l’assurance-emploi. Le Tribunal de la sécurité sociale continue d’instruire les appels en matière d’assurance emploi. Toutefois, le Tribunal instruit également les appels concernant d’autres affaires. Il serait peu logique de distinguer le droit d’appel d’un employeur lors de l’examen de ces autres questions.

[76] Cependant, je ne suis pas convaincu que la compétence élargie du Tribunal signifie qu’il n’a pas supprimé intentionnellement le « plein droit » de faire appel des employeurs en tant que catégorie. Si le Parlement avait voulu préserver un droit d’appel pour les employeurs, il aurait pu le faire. Les personnes qui ont rédigé l’article 55 auraient facilement pu conserver un droit d’appel pour les employeurs ou pour toute autre catégorie précise de personnes qui pourrait être appropriée aux autres types d’appels entendus par le TSS. Le Parlement aurait pu insérer un tel droit comme une exception à l’exigence selon laquelle les demanderesses ou les demandeurs doivent prouver qu’ils font l’objet de la décision.

[77] J’accepte que les employeurs n’aient plus qualité pour faire appel « de plein droit ». Selon le nouveau critère, seules les personnes qui font « l’objet de la décision » peuvent être considérées comme pouvant faire appel « de plein droit ». Je suis d’accord avec la prestataire pour dire que le fait que l’article 55 ne fasse plus expressément référence à l’employeur est significatif. On ne peut pas présumer que les employeurs font l’objet de la décision ou qu’ils peuvent faire appel « de plein droit » du seul fait qu’ils étaient auparavant inscrits sur une liste de personnes ayant un droit d’appel.

La capacité des employeurs de faire appel

[78] Le demandeur fait valoir que le libellé de l’article 55 n’empêche pas les employeurs de faire appelNote de bas de page 30. Pour sa part, la prestataire invoque un argument d’ [traduction] « exclusion implicite Note de bas de page 31 ». Elle fait observer que l’ancienne législation donnait à un employeur le droit de faire appel séparément des personnes qui faisaient l’objet de la décision. Selon la prestataire, le Parlement n’a pas suivi ce modèle établi qui consiste à faire expressément référence à l’employeur. De là, la prestataire soutient que les employeurs et les personnes qui font l’objet de la décision doivent être considérés comme deux catégories s’excluant mutuellement. Cela signifierait que les employeurs ne pourraient pas avoir qualité pour interjeter appel auprès de la division d’appel.

[79] Je n’accepte pas que les employeurs et les personnes qui font l’objet de la décision s’excluent mutuellement. Il ne s’ensuit pas que les personnes qui font l’objet de la décision doivent exclure les employeurs ou que les employeurs ne peuvent pas faire l’objet de la décision. La prestataire a raison de dire que l’article 115(1) de l’ancienne Loi sur l’AE désignait les employeurs comme ayant la possibilité de faire appel devant la division d’appel et que l’article 55 n’autorise désormais que les personnes faisant l’objet de la décision à faire appel. Cependant, l’article 115(1) a aussi expressément indiqué que la Commission avait la possibilité de faire appel. Il serait absurde de suggérer que la Commission ne peut pas faire « l’objet de la décision » ou qu’elle n’a pas la possibilité d’interjeter appel auprès de la division d’appel.

[80] De plus, la division d’appel peut instruire les appels des décisions de la division générale qui portent directement atteinte aux droits d’un employeur, indépendamment du droit d’une personne à des prestations. Par exemple, la Commission peut réexaminer sa décision et retirer une sanction qu’elle a imposée à l’employeur pour avoir fait une fausse déclarationNote de bas de page 32. Dans une telle situation, la personne pourrait être convaincue que l’employeur devrait payer pour interférer avec sa demande de prestations et faire appel de cette décision. Bien que l’employeur puisse choisir de ne pas participer à l’appel devant la division générale, il peut décider de faire appel devant la division d’appel lorsque la division générale impose à nouveau la sanction. L’employeur ferait clairement « l’objet » d’une décision de la division générale lorsque cette décision concerne son obligation de payer une pénalité, même s’il n’a pas participé à l’appel devant la division générale.

[81] L’article 115(1) donnait aux employeurs d’une ou d’un prestataire un droit d’appel devant le juge-arbitreNote de bas de page 33, indépendamment du fait qu’ils fassent ou non l’objet de la décision. Cependant, l’employeur aurait également pu être qualifié d’« objet de la décision » dans des circonstances appropriées. Il n’y a aucune raison pour que les employeurs ne puissent pas également faire l’objet de la décision dans le cadre d’un appel devant la division d’appel.

[82] Je conviens que l’article 55 n’empêche pas une demanderesse ou un demandeur de faire appel simplement parce qu’il s’agit peut-être d’un employeur.

Conclusions au sujet du contexte

[83] Le contexte de l’article 55 de la Loi sur le MEDS ne fait que confirmer l’intention du Parlement de faire en sorte que toutes les demanderesses et les demandeurs qui souhaitent faire appel devant la division d’appel démontrent qu’ils font l’objet de la décision.

[84] On ne présume pas que les employeurs font l’objet de la décision, mais on ne les empêche pas non plus de faire appel des décisions de la division générale s’ils peuvent prouver qu’ils font l’objet de la décision.

[85] Certaines demanderesses et certains demandeurs font « l’objet » d’une décision parce qu’ils étaient des parties à la division généraleNote de bas de page 34 ou parce que la division générale a reconnu qu’ils avaient un intérêt direct et les a ajoutés comme partiesNote de bas de page 35. D’autres demanderesses ou demandeurs doivent convaincre la division d’appel qu’ils font « l’objet de l’appel » d’une autre manière.

III.  L’objectif du texte de loi

[86] Selon l’arrêt Rizzo Shoes, l’interprétation de la loi exige également que je lise la disposition législative conformément à l’intention et à l’objectif du Parlement.

[87] J’ai mentionné qu’il est important de définir la place de l’article 55 dans le processus d’appel administratif. En fait, l’objectif de l’article 55 ne peut être compris qu’en comprenant le processus d’appel dans son ensemble.

[88] Le processus d’appel global présente deux caractéristiques que j’ai trouvées utiles pour examiner les intentions du Parlement et ce qu’il a voulu dire en n’autorisant que les personnes faisant « l’objet de l’appel » à interjeter appel auprès de la division d’appel. Le processus d’appel fait preuve à la fois d’une complexité croissante et d’une capacité d’accès de plus en plus restreinte au processus d’appel, car une décision est contestée par le biais de niveaux d’appel successifs.

Un modèle de complexité croissante

[89] À l’étape de la révision, le processus est simple. Sur demande, une agente ou un agent de la Commission examine la décision initiale de la Commission et a la possibilité de modifier ou de confirmer la décision. Il s’agit d’un processus de collecte d’informations, bien que de nouvelles questions puissent surgir au cours de l’enquête et que celles-ci pourraient en affecter le résultat. Dans la mesure du possible, une agente ou un agent de la Commission s’entretiendra avec la personne qui fait la demande afin de mieux comprendre pourquoi elle souhaite que la décision soit révisée. La Commission donne généralement à la personne une chance de répondre à toute information contraire dont elle dispose ou qu’elle obtient, mais la possibilité pour une personne de participer est limitée. Aucune audience formelle n’a lieu.

[90] L’étape suivante est un appel à la division générale. Ce processus est un peu plus compliqué. La division générale se limite à examiner uniquement les questions découlant de la décision de révision. Le processus d’audience est plus formel et repose généralement sur des faits. J’entends par là que l’appelante ou l’appelant essaie de convaincre la division générale que la preuve appuie davantage une conclusion qui est différente de celle de la Commission. Toutes les parties participantes ont la possibilité de présenter des éléments de preuve supplémentaires, de faire valoir la manière dont ces éléments de preuve doivent être interprétés et d’expliquer comment le droit s’applique à ces éléments de preuve. Les parties ont également la possibilité de répondre aux éléments de preuve retenus contre elles et aux arguments des autres parties.

[91] Le processus à la division d’appel est plus complexe et aussi plus technique. Pour faire appel auprès de la division d’appel, une demanderesse ou un demandeur doit d’abord obtenir la permission d’en appeler. Cela signifie que cette personne doit démontrer à la division d’appel que son appel a une chance raisonnable de succès avant que la division d’appel n’autorise la tenue d’une audience sur le fond. L’appel est fondé sur la preuve qui figure au dossier de la division générale et la présentation de nouveaux éléments de preuve n’est pas autorisée. La personne qui fait appel doit axer ses arguments sur la façon dont la division générale a commis l’une des quelques erreurs précises que l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS décrit comme étant les moyens d’appel. Pour obtenir la permission d’en appeler et avoir finalement gain de cause, la personne doit généralement savoir comment s’est déroulée la procédure de la division générale, quels éléments de preuve ont été présentés à la division générale et comment celle-ci a appliqué le droit à ces éléments de preuve.

Un modèle d’exclusivité croissante

[92] Plus le processus devient complexe, plus il devient exclusif.

[93] Le processus de révision de la Commission comporte peu de restrictions. Il est ouvert à toute personne à qui la Commission communique une décision initiale. Cela pourrait comprendre toute personne qui fait « l’objet de la décision », ainsi que la Commission, les employeurs, ou même les associations dont une partie demanderesse ou l’employeur de celle-ci est membre, qu’ils fassent ou non l’objet de la décision.

[94] La division générale est plus restrictive quant aux personnes qui peuvent participer. Toute personne qui pourrait demander une révision peut également faire appel à la division générale, pour autant que la Commission lui ait communiqué la décision. Toutefois, seules la partie appelante et la partie intimée ont le droit de participer à l’appel devant la division générale. Les autres personnes qui souhaitent y participer doivent d’abord prouver qu’elles ont été directement touchées par la décision ou qu’elles ont un « intérêt direct ».

[95] Tout comme la division générale, la division d’appel exige qu’une personne ait un intérêt direct dans l’affaire pour être ajoutée comme partie. Toutefois, la division d’appel est plus restrictive que la division générale en ce qui concerne les personnes qu’elle autorise à interjeter appel. Toute personne qui n’était pas une partie à la division générale doit démontrer qu’elle fait l’objet de la décision de la division générale.

[96] Pour donner un exemple de la manière dont l’accès à la procédure d’appel devient plus restrictif à mesure qu’une affaire progresse dans les différents niveaux d’appel, prenons le cas d’un employeur qui souhaite faire appel d’une décision relative à une demande de prestations. La Commission communiquera probablement avec l’employeur au cours de l’enquête initiale et de la prise de décision, ou au stade de la révision. L’employeur peut demander une révision sans être celui qui demande les prestations (ou celui qui fait « l’objet de la décision ») ou il peut fournir des renseignements à tout moment lors de la révision de la décision d’une partie prestataire. Si l’employeur n’est pas satisfait de la décision découlant de la révision, il peut faire appel auprès de la division générale. Cependant, si la partie prestataire ou la Commission interjetait appel de la décision de révision, l’employeur ne pourrait pas participer à moins que la division générale ne l’ajoute comme partie. Pour ce faire, l’employeur doit convaincre la division générale qu’il a un intérêt direct dans la décision.

[97] Si l’employeur participait à l’appel à la division générale, il serait alors une partie et pourrait faire appel à la division d’appel. Cependant, si l’employeur n’a pas fait appel à la division générale et n’a jamais été ajouté comme partie, il n’aura pas le même « droit » de faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel que s’il avait dû faire appel de la décision de révision devant la division générale. Pour faire appel devant la division d’appel, il faudrait qu’il démontre qu’il fait « l’objet de la décision ». Autrement dit, la division d’appel ajoute une exigence que la division générale n’a pas, pour celles et ceux qui veulent déposer un appel.

[98] Le processus d’appel global laisse à penser que le Parlement a voulu que la division d’appel soit plus sélective que la division générale quant aux personnes pouvant être autorisées à interjeter appel. Cela n’est pas surprenant. Le passage par les niveaux d’appel devient progressivement plus exclusif dans la plupart des systèmes d’appel administratifs ou judiciaires.

Cohérence et équité

[99] L’un des objectifs de tout processus d’appel quasi judiciaire est d’agir de manière prévisible. Cela exige de la cohérence. Un autre objectif est d’agir de manière équitable. Par conséquent, je dois interpréter « l’objet de l’appel » comme étant cohérent avec le processus d’appel et d’une manière qui soit équitable pour ceux et celles qui sont concernés par l’appel.

Cohérence

[100] Pour être impliqué dans un appel en cours devant le Tribunal qu’une autre personne a déposé, il n’est pas nécessaire d’avoir été impliqué préalablement dans l’appel. Cependant, la personne doit démontrer qu’elle a un intérêt direct dans la décision, peu importe si l’appel est devant la division générale ou la division d’appelNote de bas de page 36.

[101] Cependant, si une personne n’est pas directement concernée par une décision de la Commission qui a fait l’objet d’un appel devant la division générale, cette personne ne sera pas non plus directement concernée par la décision de la division générale. Il serait incohérent que le Tribunal interdise à une personne de participer à un appel devant la division générale, mais l’autorise ensuite à participer à l’appel de la division générale. Lorsque la division générale conclut qu’une personne n’a pas d’intérêt direct dans l’appel devant la division générale, cette personne ne peut pas non plus participer à l’appel devant la division d’appel compte tenu de cette conclusion.

[102] La division générale pouvait ajouter toute demanderesse ou tout demandeur qui, selon elle, a un intérêt direct en tant que partie dans un appel devant la division générale. Par conséquent, cette personne aurait également la possibilité de faire appel devant la division d’appel. Cependant, dans certains cas, il se peut qu’une personne cherchant à faire appel d’une décision de la division générale devant la division d’appel n’ait même pas demandé à être ajoutée à la procédure de la division générale. Dans un tel cas, la division générale n’aurait pas examiné si la personne avait ou non un intérêt direct dans l’affaire.

[103] Selon moi, une personne qui n’a pas demandé à être ajoutée à l’appel devant la division générale ne devrait pas se trouver dans une meilleure position devant la division d’appel qu’une personne qui a essayé sans succès de participer à l’appel de la division générale. Si une personne n’a pas été autorisée à participer à l’appel devant la division générale, cette personne ne devrait pas être autorisée à participer à l’appel devant la division d’appel.

[104] Le Tribunal exige qu’une personne démontre un intérêt direct afin d’être ajoutée comme partie à l’appel devant la division générale. Il exige également qu’une personne ait un intérêt direct dans l’affaire pour être ajoutée à l’appel devant la division d’appel. Cependant, pour que la procédure de la division d’appel soit cohérente avec celle de la division générale, j’estime qu’une personne qui n’était pas une partie à la division générale ne peut pas interjeter appel devant la division d’appel sans démontrer également un intérêt direct. Avoir un intérêt direct est au moins l’une des conditions requises pour qu’une demanderesse ou un demandeur puisse être considéré comme faisant « l’objet de la décision ».

Équité

[105] Lorsqu’aucune des parties ayant participé à l’appel devant la division générale n’a fait appel d’une décision de la division générale, la partie qui a obtenu un certain succès à la division générale devrait avoir droit à une certaine certitude ou finalité. Il ne serait pas juste pour cette partie de permettre à une personne intervenant à la dernière minute dans le processus de faire appel pour perturber une décision dans laquelle elle n’a pas d’intérêt direct.

[106] Cependant, la division d’appel permet à la personne qui fait « l’objet de la décision » de présenter un dernier appel même si cette personne n’était pas une partie à l’appel devant la division générale. À mon avis, un tel appel ne devrait être autorisé que lorsque les intérêts de la demanderesse ou du demandeur sont directement affectés. La division d’appel ne doit pas accorder à cette personne la qualité pour agir lorsque le but de cette personne est d’interférer avec les intérêts de quelqu’un d’autre ou de promouvoir ses propres intérêts collatéraux.

[107] En fait, il devrait être encore plus difficile d’obtenir le droit de faire appel à la division d’appel que de participer de quelque manière que ce soit à l’appel devant la division générale. Comme je l’ai noté, le processus d’appel indique une tendance à la complexité et à l’exclusivité croissantes, car une décision est contestée par le biais d’appels successifs.

[108] Une personne qui n’était ni appelante ni intimée à la division générale doit démontrer qu’elle a un intérêt direct dans l’affaire pour être ajoutée comme partie à la division générale. Une personne qui n’était ni appelante ni intimée à la division générale et qui n’avait pas été ajoutée comme partie peut toujours se joindre à un appel devant la division d’appel en démontrant qu’elle a un intérêt direct dans l’affaire.

[109] Cependant, la division d’appel ne devrait pas permettre à une personne de déposer un appel auprès de la division d’appel sans démontrer autre chose qu’un intérêt direct dans l’affaire.

L’objet de l’appel

[110] Le Tribunal se prononce sur les appels des décisions relatives aux prestations ou aux pénalités qui sont associées à une législation particulière en matière de prestations. Le Tribunal a été créé pour offrir un certain recours à celles et ceux qui estiment qu’une de ces décisions est injuste à leur égard. Il donne également à la Commission les moyens de défendre ses décisions.

[111] L’une des définitions du terme anglais « subject » (« objet » en français) qui a été proposée par le demandeur laisse entendre un critère supplémentaire pour la personne qui fait « l’objet de la décision » (« the subject of the decision » en anglais). Il s’agit de la définition qui exigerait que la décision soit « au sujet » de la personne qui fait l’objet de la décision.

[112] La prestataire a fait un lien entre « l’objet de la décision » et le but ou l’objectif de la décision. Elle a décrit « l’objet de la décision » comme étant l’objectif principal de la décision. Je suis d’accord avec la prestataire pour dire qu’il est essentiel de connaitre le but de la décision pour déterminer sur qui porte la décision.

[113] Le but de toute décision prise en vertu de la Loi sur l’AE est de décider si une personne a droit à des prestations ou si elle est passible de sanctions ou de pénalités décrites dans la Loi sur l’AE. C’est là l’objet de la décision. Il va de soi que la décision de la division générale doit être « au sujet » de l’objet de la décision. Pour que la décision soit au sujet de la personne qui en fait l’objet, celle-ci doit être une personne ayant un intérêt direct en ce qui a trait à l’objet de la décision. Cela signifie que l’« intérêt direct » doit être interprété au sens strict, c’est-à-dire comme l’admissibilité de la demanderesse ou du demandeur à des prestations ou à d’autres droits, ou le risque de pénalités ou d’autres sanctions en vertu de la Loi sur l’AE.

[114] Il importe donc peu de savoir combien de fois la division générale fait référence à la demanderesse ou au demandeur, ou dans quelle mesure ses renseignements ont été utiles à la décision. Si la demanderesse ou le demandeur avait un certain droit ou une certaine obligation au titre de la Loi sur l’AE que la décision était susceptible d’affecter, alors cette personne ferait l’objet de la décision, même si elle refuse de parler à la Commission et que la décision ne la mentionne que brièvement. Cependant, cette personne ne ferait pas l’objet de la décision si son droit ou son obligation n’est pas susceptible d’être directement affecté par la décision. Cela est vrai même si cette personne est mentionnée une centaine de fois dans la décision ou si le résultat de la décision dépend entièrement des renseignements qu’elle a fournis.

Résumé du critère relatif à la qualité pour faire appel

[115] J’ai examiné le libellé de l’article 55, le contexte dans lequel il est utilisé et l’objectif du processus d’appel. Toute personne qui était une partie à l’appel de la division générale, que cette dernière l’ait ou non ajoutée à la procédure d’appel, peut faire l’objet de la décision. Une partie à la division générale peut toujours faire appel de la décision auprès de la division d’appel, même si l’appel ne concerne pas les droits ou avantages propres de cette personne, ni ses obligations, ses coûts ou ses pénalités.

[116] Dans d’autres affaires, la personne qui fait « l’objet de la décision » peut être établie en tenant compte de deux caractéristiques nécessaires :

  1. « L’objet » est une ou plusieurs personnes susceptibles d’être directement touchées par la décision.
  2. La décision doit principalement affecter le droit à des prestations de la personne qui fait l’objet de la décision ou sa responsabilité en matière de pénalité dans le cadre du régime de prestations applicable (dans ce cas-ci, la Loi sur l’AE).

Application aux faits

[117] Je reconnais que la division générale a désigné le demandeur par son nom et par sa position d’ancien employeur de la prestataire. Le demandeur est nommé dans le dossier d’appel et est également mentionné dans la décision. Je reconnais également que le demandeur a maintenu un intérêt important à participer à la procédure. Il a demandé à être ajouté comme partie à la division générale.

[118] La division générale a cité une jurisprudence selon laquelle une partie a un intérêt direct lorsqu’elle est directement concernée, que des obligations légales lui sont imposées ou qu’elle subit un préjudice d’une manière directeNote de bas de page 37. Elle a déclaré qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui du fait que sa décision imposerait une obligation légale au demandeur, lierait le demandeur ou lui causerait un préjudice direct.

[119] La division générale a rejeté la demande de mise en cause du demandeur, et le demandeur a demandé la permission d’en appeler de ce rejet devant la division d’appel. Malheureusement pour le demandeur, il n’a interjeté appel du refus de la division générale à ce qu’il participe à l’appel qu’au moment où la division générale a rendu sa décision sur le fond de l’appel. À ce moment-là, le délai du demandeur pour faire appel était expiré. La division d’appel a rejeté la demande de prolongation de délai du demandeur.

Intérêt direct dans la décision

[120] Le demandeur continue de faire valoir que les conclusions de la division générale pourraient affecter ses autres instances judiciaires et que la décision pourrait affecter la manière dont il traitera ses employés à l’avenir. Cependant, la division générale a déjà conclu que le demandeur n’avait pas d’intérêt direct dans cette affaire. Le demandeur n’était pas une partie et n’a pas été ajouté comme partie au niveau de la division générale. Indépendamment de l’intérêt que le demandeur peut avoir ou revendiquer concernant la décision de la division générale, la conclusion de la division générale selon laquelle le demandeur n’a pas d’intérêt direct tient toujours.

[121] Comme le demandeur n’avait pas d’intérêt direct dans la décision de la division générale lorsqu’il a demandé à être ajouté comme partie, il n’a pas non plus d’intérêt direct dans la décision de la division générale à l’heure actuelle. Par conséquent, le demandeur ne fait pas l’objet de la décision parce qu’il ne remplit pas le premier critère.

Incidence sur les droits ou les obligations du demandeur au titre de la Loi sur l’AE

[122] Le demandeur ne remplit pas non plus le deuxième critère. Il n’a pas indiqué comment la décision de la division générale est susceptible d’affecter tout droit ou prestation auquel il est admissible ou pourrait être admissible au titre de la Loi sur l’AE et du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE). Il n’a pas non plus précisé comment la décision pourrait affecter ses risques de pénalités ou d’autres sanctions au titre de la Loi sur l’AE ou du Règlement de l’AE.

[123] La décision de la division générale porte sur l’admissibilité de la prestataire à des prestations. Elle ne porte aucunement sur les droits, les prestations ou les risques du demandeur dans le cadre du régime d’assurance-emploi. Elle n’oblige pas le demandeur à faire quoi que ce soit en vertu de la Loi sur l’AE ou du Règlement sur l’AE, ni ne lui interdit de faire quoi que ce soit.

[124] Le demandeur ne cherchait pas à obtenir une prestation disponible en vertu de la Loi sur l’AE ou du Règlement sur l’AE, ni l’annulation ou la réduction d’une pénalité ou d’une autre sanction. Le demandeur a déclaré qu’il était principalement préoccupé par la manière dont certaines des conclusions de la division générale affecteraient son procès civil en cours et une plainte relative aux droits de la personne. La Loi sur l’AE ne traite pas de ces questions, et ces questions ne relèvent pas de la compétence de la division générale.

[125] La division générale n’a pas examiné comment une autre instance judiciaire pourrait utiliser ses conclusions; elle n’était pas non plus tenue de le faire. Je ne peux pas exclure la possibilité que la décision puisse avoir un effet indirect sur les autres litiges entre le demandeur et la prestataire, mais ses incidences sont, tout au plus, indirectement liées aux droits ou aux responsabilités que le demandeur peut avoir en vertu de la Loi sur l’AE ou du Règlement sur l’AE. Quelle que soit la décision découlant de ces instances distinctes, elle ne modifiera ni ne remettra en question la décision de la division générale concernant le droit de la prestataire à des prestations.

[126] Le demandeur n’a pas démontré que la décision de la division générale est susceptible d’affecter la manière dont il devra répondre aux besoins de ses employés. De plus, il ne m’a pas convaincu que la décision aura une incidence directe à cet égard et il n’a pas démontré que la façon dont il fournit des mesures d’adaptation à ses employés a quelque chose à voir avec les droits ou les obligations du demandeur dans le cadre du régime de prestations d’assurance-emploi.

[127] J’estime que la décision n’est pas susceptible d’affecter les droits du demandeur ou de lui causer un préjudice dans le cadre du régime de prestations d’assurance-emploi.

[128] J’estime également que le demandeur ne fait pas « l’objet de la décision » au sens de l’article 55 de la Loi sur le MEDS.

Réponse aux consignes prévues dans la décision Francis

[129] Dans l’affaire Francis, la Cour fédérale a déclaré que la division d’appel aurait dû considérer que l’employeur avait choisi de ne pas participer à l’appel, et elle a dit que cela soulevait certaines questions sur les droits d’appel des employeurs. Je vais maintenant aborder ces questions.

[130] La Cour fédérale a déclaré que la division d’appel aurait dû se demander si les employeurs qui choisissent de ne pas participer à un appel devraient avoir à établir les motifs ou les raisons pour lesquels ils devraient être autorisés à participer à un appel au niveau de la division d’appelNote de bas de page 38. La question de la Cour fédérale implique qu’elle a considéré que le fait que l’employeur ait renoncé à ses droits d’appel à la division générale était pertinent pour décider si l’employeur pouvait être considéré comme faisant « l’objet de la décision » à la division d’appel. Autrement dit, le choix de l’employeur de ne pas participer pourrait potentiellement le disqualifier et faire en sorte qu’il ne puisse pas faire « l’objet » de la décision, même si la division d’appel aurait pu autrement conclure que l’employeur faisait l’objet de la décision en fonction d’autres facteurs ou critères.

[131] Dans l’affaire Francis, la Cour fédérale s’est également penchée sur la question de savoir si les employeurs ont le droit de participer pleinement à un appel devant la division d’appel, ou encore s’ils ont le droit de déposer de nouveaux éléments de preuve ou de présenter de nouveaux arguments lorsqu’ils n’ont pas participé à l’appel devant la division générale. En posant ces questions dans l’affaire Francis, la Cour fédérale semble avoir laissé entendre que la division d’appel pourrait avoir accordé une qualité limitée pour faire appel à l’employeur dans les circonstances, où l’employeur aurait pu faire appel, mais qu’il y avait peut-être des limites à ses droits procéduraux.

[132] Comme l’a fait remarquer la Cour fédérale, ses questions découlaient des faits particuliers de l’affaire. Dans le cas présent, les faits sont différents. Premièrement, on ne peut pas reprocher au demandeur d’avoir négligé de participer à l’appel devant la division générale. Il a tenté d’y participer en demandant à être ajouté comme partie. Deuxièmement, la division générale a déjà conclu que le demandeur n’avait pas d’intérêt direct dans l’affaire et a refusé de l’ajouter comme partie. Puisque le demandeur n’a pas d’intérêt direct dans l’affaire, la division générale a refusé de l’ajouter comme partie.

[133] Par conséquent, le fait que le demandeur n’a pas participé à l’appel devant la division générale n’est pas un facteur pertinent dans la présente affaire, comme c’était le cas dans l’affaire Francis. Toutefois, la conclusion de la division générale selon laquelle il n’a pas d’intérêt direct dans l’affaire et son refus d’ajouter le demandeur comme partie sont des facteurs à prendre en compte dans ce cas-ci, alors que ce n’était pas le cas dans l’affaire Francis.

[134] Il n’est pas clair comment les questions de la Cour fédérale pourraient s’appliquer dans le cas présent. Dans l’affaire X (la décision révisée dans l’affaire Francis), la division d’appel a conclu que l’employeur faisait l’objet de la décision. La Cour fédérale s’est naturellement intéressée à ce que cela signifiait pour la participation de l’employeur. Cependant, j’ai conclu que le demandeur ne faisait pas l’objet de la décision et qu’il ne pouvait pas faire appel à la division d’appel. Je n’ai aucune raison de me demander si le demandeur aurait dû avoir entièrement le droit de participer ou la possibilité de présenter de nouveaux arguments. Ces questions ne seraient pertinentes que si j’avais conclu que le demandeur faisait « l’objet de la décision ».

Conclusion

[135] Le demandeur n’a pas qualité pour faire appel auprès de la division d’appel.

[136] Comme je n’autorise pas le demandeur à faire appel, il n’est pas nécessaire que j’examine si je dois accorder la permission d’en appeler.

 

Représentants :

Daniel Sorenson (cabinet d’avocats Sorenson Smith LLP), avocat du demandeur (employeur)

Christopher D. Drinovz (cabinet d’avocats Kane Shannon Weiler), avocat de la défenderesse (prestataire)

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