Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TD c Commission de l’assurance-emploi du Canada et X, 2020 TSS 846

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-708

ENTRE :

T. D.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée

et

X

Partie mise en cause


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Pierre Lafontaine
DATE DE LA DÉCISION : Le 1er octobre 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire) a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a accueilli sa demande et a commencé à lui verser des prestations. Lorsque la partie mise en cause (employeur) a appris que le prestataire recevait des prestations, elle a demandé à la Commission de réviser sa décision.

[3] Après avoir parlé avec l’employeur, la Commission a jugé que le prestataire avait commis une fraude et qu’il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations et a exigé qu’il rembourse les prestations qu’il avait déjà reçues. Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission à la division générale du Tribunal.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait utilisé les crédits d’un client pour s’acheter un billet à destination de Punta Cana. De plus, elle a jugé que le prestataire aurait dû savoir qu’utiliser les crédits d’un client pour son usage personnel briserait le lien de confiance avec son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit licencié. La division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[5] Le Tribunal a accordé au prestataire la permission d’en appeler. Celui-ci soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son application du fardeau de la preuve en matière d’inconduite.

[6] Le Tribunal doit décider si la division générale a commis une erreur de droit dans son application du fardeau de la preuve en matière d’inconduite.

[7] Le Tribunal rejette l’appel.

Questions en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la Commission et l’employeur s’étaient acquittés du fardeau de la preuve en l’absence de toute preuve de fraude?

[9] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en imposant au prestataire le fardeau de la preuve en lui demandant de fournir des éléments de preuve à l’appui, alors qu’elle ne l’a pas fait pour l’employeur?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[10] La Cour d’appel fédérale a jugé que, lorsque la division d’appel instruit des appels en vertu de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), elle n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[11] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[12] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Questions préliminaires

[13] Compte tenu des moyens d’appel soulevés par le prestataire, j’ai écouté l’enregistrement intégral de l’audience devant la division générale. Conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, je n’ai examiné que les éléments de preuve dont disposait la division générale.

Question en litige n1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la Commission et l’employeur s’étaient acquittés du fardeau de la preuve en l’absence de toute preuve de fraude?

[14] La division générale devait décider si le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite, conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[15] Il incombe à l’employeur et à la Commission de prouver que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Par conséquent, la division générale doit être convaincue qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a posé les gestes ayant mené à son licenciement.

[16] Pour trancher la question de l’inconduite, la division générale doit tenir compte de tous les éléments de preuve, c’est-à-dire la preuve au dossier d’appel et la preuve présentée à l’audience.

[17] Le prestataire fait valoir que l’employeur, qui n’a pas participé à l’audience, n’a déposé aucune preuve à l’appui de la fraude présumée. Il soutient que la division générale a commis une erreur de droit en concluant que l’employeur et la Commission s’étaient acquittés du fardeau de la preuve en l’absence de toute preuve de fraude.

[18] Il est important de réitérer que la division générale n’est pas liée par les règles strictes de la preuve qui s’appliquent devant les tribunaux criminels ou civils et qu’elle peut recevoir et retenir la preuve par ouï-direNote de bas de page 3. Une preuve par ouï-dire est toute déclaration écrite ou orale qui a été faite avant l’audience, mais qui est présentée à la division générale dans le but de prouver la véracité de la déclaration.

[19] Par conséquent, l’absence de l’employeur à l’audience n’est pas un facteur déterminant et n’oblige pas nécessairement la division générale à rejeter la preuve que ce dernier a déjà présentée. Le prestataire a la possibilité de contester la preuve de l’employeur communiquée avant l’audience.

[20] La division générale doit ensuite examiner tous les éléments de preuve présentés par les parties. Si la division générale décide de rejeter une preuve ou de lui accorder peu ou pas de poids, elle doit expliquer les motifs de sa décision. Elle doit aussi expliquer la raison pour laquelle elle estime qu’une partie est plus crédible qu’une autreNote de bas de page 4.

[21] La preuve portée à la connaissance de la division générale montre que l’employeur a reçu l’appel d’un client qui a remarqué une anomalie dans le système de suivi des frais de voyage de l’entreprise. Le système de suivi indiquait qu’un employé au service du client avait un billet réservé à son nom pour la fin de semaine, alors que le client n’avait ni projet ni raison de se rendre à Punta Cana.

[22] L’employeur a mené une enquête interne et a constaté que le prestataire avait réservé un billet à destination de Punta Cana en utilisant les crédits de voyage du client, puis qu’il avait appelé la compagnie aérienne pour demander que le billet soit changé à son nom. Le client n’aurait pas vu le changement de nom, car le système ne relève que le numéro des billets. L’employeur a noté que le prestataire avait pris congé aux mêmes dates coïncidant avec le voyage, lesquelles étaient indiquées sur le billet. L’employeur a également reçu la confirmation de la compagnie aérienne que le billet et le passeport du prestataire avaient été numérisés à l’aéroport.

[23] La division générale a examiné la déclaration initiale du prestataire selon laquelle le billet aurait pu être une réservation d’essai. Le prestataire a plus tard déclaré qu’il s’était acheté un billet à destination de Punta Cana la veille sur un coup de tête, pensant qu’il s’évaderait pour se détendre un jour ou deux pendant la grande fin de semaine. La division générale a aussi examiné la déclaration du prestataire selon laquelle il s’est rendu à l’aéroport le matin du vol et que son passeport et son billet ont été numérisés à la porte d’embarcation, mais qu’il a finalement changé d’avis à la dernière minute et qu’il n’est pas monté à bord de l’avion.

[24] Bien que l’employeur n’ait fourni à la Commission aucun document à l’appui de ses plaintes contre le prestataire, la division générale a conclu que ses explications de la situation étaient claires et détaillées. Elle a jugé que la version des faits de l’employeur était cohérente tout au long des discussions avec la Commission et qu’elle a été confirmée par plusieurs représentantes et représentants de l’employeur.

[25] Les différentes explications du prestataire n’ont pas convaincu la division générale. Visiblement, celle-ci n’a pas trouvé le prestataire crédible lorsqu’il a déclaré qu’il avait lui-même acheté un billet à destination de Punta Cana sur un coup de tête la veille du vol, parce que sa copine insistait pour partir en voyage et se détendre pendant la fin de semaine, étant donné qu’il avait pris congé aux mêmes dates coïncidant avec le voyage, lesquelles étaient indiquées sur le billet du client.

[26] Après avoir examiné tous les éléments de preuve des parties, la division générale a conclu qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a commis une fraude. Elle a conclu que le prestataire avait réservé un billet à destination de Punta Cana en utilisant les crédits de voyage du client. La division générale a également jugé que le prestataire aurait dû savoir que d’utiliser les crédits d’un client pour son usage personnel briserait le lien de confiance avec son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit licencié. La division générale a aussi conclu que le prestataire avait perdu son emploi pour cette raison et non à cause de son congé de maladie. Elle a donc conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[27] Comme expliqué lors de l’audience relative à l’appel, je n’ai pas le pouvoir de juger une affaire de nouveau ou de substituer mon pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. La compétence de la division d’appel est limitée par l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS. À moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

[28] La jurisprudence a aussi établi qu’à moins de circonstances particulièrement évidentes, la question de la crédibilité doit être laissée à l’appréciation de la division générale. Le Tribunal n’interviendra que s’il est clair que la preuve portée à sa connaissance n’appuie pas la conclusion de la division générale sur cette question.

[29] J’estime que le moyen d’appel invoqué par le prestataire n’est pas fondé. La division générale a fondé sa décision sur les éléments dont elle disposait et celle-ci est conforme au droit et à la jurisprudence. De plus, je ne vois aucune raison d’intervenir sur la question de la crédibilité qui a été tranchée par la division générale.

Question en litige n2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en imposant au prestataire le fardeau de la preuve en lui demandant de fournir des éléments de preuve à l’appui, alors qu’elle ne l’a pas fait pour l’employeur?

[30] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit en lui imposant le fardeau de la preuve en lui demandant de fournir des éléments de preuve à l’appui, alors qu’elle ne l’a pas fait pour l’employeur.

[31] J’estime que la division générale n’a pas imposé au prestataire le fardeau de la preuve. Elle ne lui a pas demandé de fournir des éléments de preuve à l’appui.

[32] Le prestataire a déclaré qu’il avait acheté le billet à destination de Punta Cana avec sa propre carte de créditNote de bas de page 5. La division générale a ensuite expliqué au prestataire qu’il pouvait déposer tous les éléments de preuve qu’il souhaitait à l’appui de sa positionNote de bas de page 6. Le prestataire a choisi de ne pas fournir d’éléments de preuve liés à l’achat de sa carte de crédit. La division générale a donc rendu sa décision selon les éléments dont elle disposait.

[33] J’estime que le moyen d’appel invoqué par le prestataire n’est pas fondé.

Conclusion

[34] Pour les motifs mentionnés précédemment, le Tribunal rejette l’appel.

Date de l’audience :

Le 24 septembre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

T. D., appelant

Melanie Allen, représentante de l’intimée

D. B., représentant de la partie mise en cause

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