Assurance-emploi (AE)

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Citation : NS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 957

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-1953

ENTRE :

N. S.

Appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale — Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Josée Langlois
DATE DE L’AUDIENCE : 9 octobre 2020
DATE DE LA DÉCISION : 9 octobre 2020

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je conclus que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi.

Aperçu

[2] L’appelante a travaillé à la Boutique Lydie jusqu’au 7 février 2020 et elle a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[3] Le 14 août 2020, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a conclu qu’elle ne pouvait pas verser des prestations à l’appelante parce que quitter son emploi ne constituait pas la seule solution raisonnable dans ce cas.

[4] Je dois déterminer si l’appelante était fondée à quitter son emploi.

[5] La Commission affirme que l’appelante aurait pu s’organiser pour effectuer l’horaire demandé par l’employeur ou de s’assurer d’avoir un autre emploi avant de quitter celui qu’elle occupait.

[6] L’appelante n’est pas d’accord, elle soutient qu’elle n’avait d’autres choix que de quitter son emploi puisqu’elle est aidante naturelle pour son conjoint. Afin de conserver son emploi, elle a proposé des alternatives à l’employeur concernant l’horaire de travail, mais il ne les a pas acceptées.

Question en litige

[7] Le fait de quitter son emploi constituait-il la seule solution raisonnable pour l’appelante ?

Analyse

L’appelante a quitté volontairement son emploi

[8] L’appelante admet avoir quitté son emploi le 7 février 2020.

[9] J’accepte le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi. Pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, l’appelante doit démontrer qu’elle était fondée à le quitter.Note de bas de page 1

Le fait de quitter son emploi constituait-il la seule solution raisonnable pour l’appelante ?

[10] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[11] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justification.Note de bas de page 2 Il ne suffit pas d’avoir un motif valable (c’est-à-dire une bonne raison) de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[12] Le droit explique ce que veut dire « être fondée ». Il dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances.Note de bas de page 3

[13] L’appelante est responsable de prouver que son départ était fondé.Note de bas de page 4 Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances présentes au moment où l’appelante a quitté son emploi.

[14] L’appelante affirme qu’elle a quitté son emploi parce que son employeur a modifié son horaire de travail et qu’elle ne pouvait pas effectuer ce nouvel horaire de travail en raison de sa condition d’aidante naturelle.

[15] Selon elle, son départ était la seule solution raisonnable à ce moment‑là parce qu’elle a discuté de la situation avec l’employeur et qu’aucune entente n’était possible. L’employeur exigeait qu’elle travaille un samedi sur trois et qu’elle s’occupe de la fermeture du magasin.

[16] L’appelante a accepté de travailler un samedi sur trois, mais elle ne pouvait pas travailler au-delà de 15h00 puisqu’elle est responsable de la préparation des repas de son conjoint malade.

[17] En ce sens, l’appelante fait valoir qu’elle peut se prévaloir de l’exception prévue à l’alinéa 29)c)(xiv) de la Loi en raison de sa condition d’aidante naturelle.

[18] La Commission affirme que l’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Elle explique qu’il est raisonnable de s’attendre à cet horaire dans le commerce en détail. La Commission affirme plus précisément que l’appelante aurait pu s’organiser pour travailler jusqu’à la fermeture un samedi sur trois en demandant de l’aide ou qu’elle aurait pu s’assurer d’avoir un autre emploi avant de quitter celui qu’elle occupait.

[19] Je conclus que l’appelante était fondée à quitter son emploi parce que son départ constituait la seule solution raisonnable dans ce cas.

[20] L’appelante a quitté son emploi en raison de sa condition d’aidante naturelle. Elle prend soin de son conjoint qui a des limitations fonctionnelles. L’alinéa 29c)(xiv) de la Loi prévoit qu’un prestataire est fondé à quitter son emploi lorsque sa situation correspond à une circonstance raisonnable prévue par règlement. En ce sens, le paragraphe 51.1b) du Règlement sur l’assurance-emploi prévoit qu’un prestataire qui est dans l’obligation de prendre soin d’un proche parent est une circonstance raisonnable acceptée au sens de l’alinéa 29c)(xiv) de la Loi.Note de bas de page 5

[21] Aussi, l’alinéa 29c)(v) de la Loi prévoit qu’un prestataire est fondé à quitter son emploi lorsqu’il est nécessaire pour lui de prendre soin d’un proche parent.

[22] L’appelante travaillait à X depuis 23 ans et elle souhaitait conserver son emploi. Suite à l’accident vasculaire cérébral de son conjoint, elle a pris un congé de maladie. À son retour, l’employeur l’a avisé que l’horaire qu’elle avait depuis un an et demi était modifié.

[23] L’employeur a déclaré à la Commission qu’il devait former un autre employé avant de permettre à l’appelante de terminer son quart de travail à 15h00 le samedi. Il a indiqué qu’il n’avait d’autres choix que d’imposer ce nouvel horaire de travail.

[24] L’appelante a plutôt expliqué qu’il n’était pas possible de discuter avec l’employeur qui n’était pas ouvert à une entente ou à autoriser un congé temporaire. Elle précise qu’un autre employé était pourtant en mesure de combler l’horaire que lui imposait l’employeur. L’appelante a fait de nombreuses fermetures du magasin dans le passé, mais depuis l’ACV de son mari la situation était différente.

[25] Bien que la Commission soutienne que l’appelante aurait pu s’organiser autrement un samedi sur trois, la question n’est pas de savoir si la situation était tolérable pour l’appelante.Note de bas de page 6 L’appelante n’avait pas d’autres choix. Le CLSC se rend à sa résidence une fois par semaine essentiellement pour laver son conjoint, mais pas le samedi. Son conjoint qui a 87 ans a plusieurs limitations et elle ne peut se permettre de le laisser seul pendant une longue période et de s’absenter pendant les heures des repas.

[26] L’appelante a indiqué à l’employeur qu’elle accepterait une diminution d’heures pour conserver son emploi malgré sa situation d’aidante naturelle, mais l’employeur lui aurait répondu que sa semaine entière serait « coupée » si elle ne travaillait pas jusqu’à la fermeture un samedi sur trois. Elle a aussi rencontré une psychologue qui l’a accompagné, entres autres choses, à faire ce choix.

[27] Enfin, il est vrai que dans la plupart des cas, un prestataire a l’obligation de faire des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision de quitter celui qu’il occupe. Dans le cas de l’appelante, et bien qu’elle ait indiqué être à la recherche d’un emploi, elle n’en avait pas trouvé un au moment où l’horaire a été imposé par l’employeur.Note de bas de page 7

[28] Bien que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était obligée de prendre soin de son conjoint malade, j’accepte le fait qu’il est nécessaire qu’elle prenne soin d’un proche parent au sens de l’alinéa 29c)(v) de la Loi parce que sa présence est requise auprès de son conjoint particulièrement pendant l’heure des repas.

[29] L’appelante a démontré avoir été à la recherche de solutions avant de quitter son emploi et d’avoir réfléchi avant de le faire et elle était fondée à quitter son emploi puisqu’il est nécessaire qu’elle prenne soin d’un proche parent.

[30] Compte tenu de toutes les circonstances, il est plus que probable que la décision de quitter son emploi au moment où elle l’a fait constituait la seule solution raisonnable pour l’appelante en raison de sa condition d’aidante naturelle.

Conclusion

[31] Je conclus que l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

[32] Par conséquent, l’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

9 octobre 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparution:

N. S., appelante

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