Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Citation : DB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 953

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-1918

ENTRE :

D. B.

Appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale — Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Charline Bourque
DATE DE L’AUDIENCE : 6 octobre 2020
DATE DE LA DÉCISION : 7 octobre 2020

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelante n’a pas subi d’arrêt de rémunération d’au moins 7 jours consécutifs comme l’utilisation d’un cellulaire constitue une rémunération. Par conséquent, sur une balance des probabilités, l’appelante ne remplit pas les conditions requises pour permettre l’établissement d’une période de prestations.

Aperçu

[2] L’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi à partir du 8 décembre 2019. Néanmoins, la Commission a déterminé que l’appelante était inadmissible aux prestations puisqu’elle n’a pas été sans travail et sans rémunération pendant moins de sept jours consécutifs. La Commission soutient que l’appelante n’a pas démontré que l’avantage dont elle bénéficie, soit l’utilisation d’un téléphone cellulaire payé par l’employeur pour des raisons personnelles, n’est pas lié à son emploi. Puisque l’appelante continue de profiter de cet avantage après sa fin d’emploi, la Commission considère que l’appelante n’a pas démontré avoir subi un arrêt de rémunération.

[3] L’appelante est en désaccord avec le fait qu’elle utilise son cellulaire pour le travail lorsqu’elle est en chômage. Elle considère qu’il s’agit d’un bénéfice d’actionnaire et que celui-ci n’est pas lié à son emploi.

Questions en litige

[4] L’appelante a-t-elle subi un arrêt de rémunération pour la demande de prestations débutant le 8 décembre 2019 ?

Analyse

[5] D’abord, je souhaite éclaircir le point soulevé par la représentante quant à la date de début de la demande de prestations. La représentante souligne en effet que la date de présentation de la demande était le 24 décembre 2019Note de bas de page 1. Je souhaite préciser que bien que l’appelante ait effectivement déposé sa demande de prestations le 24 décembre 2019, celle-ci a été présentée tardivement comme le dernier jour de travail était le 25 octobre 2019Note de bas de page 2. Ainsi, la Commission aurait dû débuter la demande de prestations le 22 décembre 2019, soit le dimanche de la semaine au cours de laquelle la demande a été formuléeNote de bas de page 3. Néanmoins, afin de ne pas pénaliser l’appelante, en débutant sa demande tardivement, je vais considérer, tel que l’a fait la Commission, que la demande de prestations a été établie au 8 décembre 2019.

Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle subi un arrêt de rémunération pour la demande de prestations débutant le 8 décembre 2019 ?

[6] Une personne doit subir un arrêt de rémunération provenant de son emploi et avoir exercé un emploi assurable selon un nombre d’heures déterminé en fonction du taux régional de chômage afin de remplir les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[7] Un arrêt de rémunération survient lorsque durant une période d’au moins sept jours consécutifs à l’égard de laquelle aucune rémunération provenant de cet emploi, ne lui est payable ni attribuéeNote de bas de page 5.

[8] Plus précisément, l’arrêt de rémunération est constitué de 3 éléments : une mise à pied ou un congédiement provenant d’un employeur ou une réduction significative des heures travaillées résultant en une baisse significative de la rémunération; une période d’au moins 7 jours consécutifs pendant lequel aucun travail n’est effectué pour cet employeur et; au moins 7 jours consécutifs pendant lesquels aucune rémunération ne provient de cet emploiNote de bas de page 6.

[9] Je constate que la représentante de l’appelante et la CommissionNote de bas de page 7 admettent que les deux premiers critères sont satisfaits. Elles sont d’accord avec le fait que l’appelante a été mise à pied le 25 octobre 2019 et qu’elle n’a pas travaillé pendant une période d’au moins 7 jours consécutifs.

[10] Ainsi, je suis d’avis que seul le troisième critère doit être évalué. L’appelante a-t-elle reçu ou non une rémunération provenant de son emploi pendant au moins 7 jours consécutifs ?

[11] Je constate que la rémunération qu’il faut prendre en compte pour vérifier s’il y a eu un arrêt de rémunération visé à l’article 14 est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploiNote de bas de page 8. Cette rémunération comprend la valeur de la pension, du logement et des autres avantages accordés au prestataire à l’égard de son emploi par son employeur ou au nom de celui-ciNote de bas de page 9.

[12] De plus, la jurisprudence consacre le principe voulant que la rémunération puisse être autre qu'en espèces et que certains avantages accordés et reliés à l'exercice d'un travail sont de la nature d'un revenu ayant qualité de rémunération au sens de la LoiNote de bas de page 10.

[13] La Commission est d’avis que l’utilisation par la prestataire du téléphone cellulaire payé par l’entreprise est liée à son emploi parce que la prestataire utilise cet appareil dans le cadre de son travail. L’utilisation à des fins personnelles de cet appareil a donc valeur de rémunération, en vertu de l’alinéa 35(10) d) du Règlement. Puisque la prestataire continue de profiter de cet avantage après sa mise à pied, et que cet avantage a valeur de rémunération, la prestataire continue d’être rémunérée sous la forme de cet avantage, après sa mise à pied. Il n’y a pas d’arrêt de rémunération, car il ne s’est pas écoulé une période d’au moins sept jours consécutifs sans rémunération. En vertu du paragraphe 7(2) de la Loi, la prestataire n’est pas admissible aux prestations puisqu’il n’y a pas d’arrêt de rémunération. Par conséquent, la Commission maintient qu’il y avait lieu d’annuler la demande de prestations débutant le 8 décembre 2019.

[14] L’appelante conteste cette décision. Elle indique que contrairement à ce que la Commission indique, elle n’utilise pas le cellulaire fourni pour le travail pendant qu’elle est en chômage. L’appelante indique que le cellulaire lui est fourni à titre d’actionnaire et non à titre d’employé. De plus, l’appelante indique qu’elle a déjà obtenu une décision qui lui était favorable pour la même situation, lors de la révision effectuée par la Commission, pour sa demande de prestations de 2016.

[15] D’abord, je trouve particulièrement surprenant que la question de l’arrêt de rémunération ait déjà fait l’objet d’une révision par la Commission en 2016Note de bas de page 11 et que le résultat de cette révision ait été contraire à celui obtenu pour la demande de 2019. D’autant plus, que l’appelante explique que les circonstances et faits étaient similaires, mais que la Commission a saisi la différence entre son statut d’employé et d’actionnaire puisqu’elle n’utilise pas le cellulaire dans le cadre de son travail.

[16] Néanmoins, je dois me pencher sur la question et les faits qui me sont présentés dans la présente demande. De plus, je ne peux ignorer la Loi ni refuser de l’appliquerNote de bas de page 12.

[17] L’appelante soumet une lettre du Président de l’entreprise indiquant « qu’aucun des employés du X., ne se voit remettre un téléphone cellulaire dans le cadre de leur emploi. Les tâches effectuées par les employés de notre entreprise sont strictement effectuées à partir de lignes de téléphones fixes de notre entreprise »Note de bas de page 13.

[18] L’appelante témoigne aussi à cet effet. Elle détaille les tâches qu’elle effectue pour l’entreprise et affirme ne pas utiliser son cellulaire dans le cadre de son travail. Elle ajoute qu’il s’agit d’un avantage à titre d’actionnaire et confirme que les coûts de son cellulaire sont défrayés par l’entreprise au même titre que deux autres actionnaires de l’entreprise. L’appelante est d’avis que son cellulaire n’est pas un avantage qui provient de son emploi.

[19] La définition d’emploi réfère à « tout emploi, assurable, non assurable ou exclu, faisant l’objet d’un contrat de louage de services exprès ou tacite ou de tout autre contrat de travail ». Elle inclut « tout emploi à titre de travailleur indépendant, exercé soit à son compte, soit à titre d’associé ou de coïntéressé »Note de bas de page 14.

[20] Ainsi, je suis d’avis que le Règlement ne fait pas de distinction entre le statut d’actionnaire de l’appelante et celui d’employé. Le Règlement indique que l’emploi à titre d’associé ou de coïntéressé doit être pris en considération dans la définition de ce qui constitue un emploi en regard de la Loi de l’assurance-emploi.

[21] Ainsi, comme l’appelante confirme avoir 20% des parts de l’entreprise, je suis d’avis qu’elle y est considérée comme y étant « associée ou coïntéressée ». De plus, elle confirme que c’est l’entreprise qui défraie les coûts de son cellulaire.

[22] De plus, je prends en considération le fait que ni la Loi ni le Règlement ne prévoient pas de seuil de valeur ou d’importance pécuniaire pour qu’un avantage soit qualifié de rémunération. La Loi prévoit que lorsque la rémunération n’est pas pécuniaire, la valeur de ses éléments est incluse dans le calcul de son revenuNote de bas de page 15. Même si la Loi ne prévoit pas de méthode pour le calcul de la valeur exacte des avantages autres que le logement et la pension, elle reconnait qu’il faut accorder une valeur aux avantages qui sont non pécuniaires. Je suis d’avis qu’il y a une valeur associée à l’avantage non pécuniaire du cellulaire et que l’appelante retire cet avantage même lors des périodes de mise à pied.

[23] Je prends en considération la décision de la division d’appel, dans laquelle le Tribunal a constaté qu’il n’y avait pas eu un arrêt de rémunération malgré que le Tribunal ait pris pour avérer que le prestataire n’avait pas utilisé son téléphone cellulaire (payé par l’entreprise) pour des fins professionnelles ni personnelles durant la période de chômage. Il existe un rapport certain entre l’emploi du prestataire et l’avantage reçu par celui-ci, et ce, même si le prestataire ne l’utilise qu’à des fins personnelles à la suite de sa mise à piedNote de bas de page 16.

[24] Ainsi, en prenant en considération la preuve et les observations présentées par les parties, je suis d’avis qu’il n’y a pas d’arrêt de rémunération d’au moins 7 jours consécutifs comme l’appelante bénéficie d’un téléphone cellulaire. Par conséquent, sur une balance des probabilités, l’appelante ne remplit pas les conditions requises pour permettre l’établissement d’une période de prestations.

Conclusion

[25] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 6 octobre 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparutions :

D. B., appelante

Me Johara Bijjou-Tremblay, représentante de l’appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.