Assurance-emploi (AE)

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Citation : BK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1225

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-767

ENTRE :

B. K.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Normand Morin
DATE DE L’AUDIENCE : 3 septembre 2020
DATE DE LA DÉCISION : 9 octobre 2020

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. Je conclus que l’appelant démontre sa disponibilité à travailler pour la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019 inclusivement, mais qu’il ne fait pas une telle démonstration à compter du 8 mai 2019, et ce, jusqu’au 3 août 2019, soit la date à laquelle sa période de prestations a pris finNote de bas de page 1. Son admissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi doit donc être établie du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019 inclusivement, mais ne peut l’être pour la période du 8 mai 2019 au 3 août 2019.

Aperçu

[2] Depuis 2010, l’appelant travaille comme professeur de français langue seconde pour X (X ou « l’employeur »), une école de langue.

[3] Le 6 juin 2019, l’appelant présente une demande renouvelée de prestations ayant pris effet le 12 mai 2019Note de bas de page 2.

[4] Le 18 juillet 2019, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), l’informe qu’elle ne peut pas lui verser de prestations d’assurance emploi à partir du 20 décembre 2018. Elle lui explique que le permis l’autorisant à travailler au Canada est expiré depuis le 20 décembre 2018, que son numéro d’assurance sociale n’est plus valide à compter de cette date et qu’il n’a pas fourni les documents requisNote de bas de page 3.

[5] Le 25 novembre 2019, la Commission l’informe qu’à la suite du réexamen de sa demande de prestations, elle ne peut pas lui payer de prestations d’assurance-emploi puisque son nouveau permis de travail n’est valide que du 17 septembre 2019 au 17 septembre 2020, alors que sa demande de prestations a pris fin le 3 août 2019. Elle lui précise qu’en conséquence, elle ne peut pas lui payer de prestations depuis le 20 décembre 2018Note de bas de page 4.

[6] Le 4 février 2020, la Commission l’avise qu’elle maintient la décision rendue à son endroit, en date du 25 novembre 2019, concernant sa disponibilité à travaillerNote de bas de page 5.

[7] L’appelant explique être en désaccord avec la décision de la Commission selon laquelle il n’était pas disponible à travailler au cours de la période du 20 décembre 2018 au 3 août 2019. Il fait valoir qu’il était disponible à travailler au cours de cette période. L’appelant indique avoir effectué des démarches pour renouveler son permis de travail avant qu’il ne soit expiré. Il soutient que même si son permis de travail était expiré en date du 20 décembre 2018, et que celui-ci a été renouvelé le 17 septembre 2019, il avait conservé un « statut implicite » lui permettant de travailler. L’appelant explique avoir travaillé à plusieurs moments au cours de cette période et avoir également fait des démarches pour se trouver un emploi lorsqu’il a été sans travail. Il indique s’être prévalu d’une période de congé du 8 au 31 mai 2019 inclusivement. L’appelant soutient que la Commission a mal évalué sa disponibilité à travailler. Le 3 mars 2020, l’appelant conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

[8] Je dois déterminer si l’appelant a prouvé qu’il était disponible pour travailler. L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

Question en litige

[9] Je dois déterminer si l’appelant était disponible à travailler au cours de la période du 20 décembre 2018 au 3 août 2019Note de bas de page 6.

Analyse

[10] Deux articles de la Loi indiquent qu’un prestataire doit démontrer qu’il est disponible à travaillerNote de bas de page 7. Les articles en question traitent tous deux de la disponibilité, mais il s’agit de deux inadmissibilités distinctes.

[11] D’une part, un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin, et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 8.

[12] D’autre part, pour démontrer la disponibilité à travailler, la Commission peut exiger du prestataire qu’il prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 9.

[13] Je précise que dans le présent dossier, je n’analyserai pas l’aspect se rapportant aux exigences pouvant être signifiées à un prestataire par la Commission afin qu’il prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 10.

[14] Dans son argumentation, la Commission se limite à faire valoir que l’appelant n’a pas pu démontrer qu’il effectuait des recherches d’emploi, car il n’a pas démontré sa capacité de travailler ou son droit de le faireNote de bas de page 11.

[15] Je souligne que la Division d’appel du Tribunal a établi qu’avant de rendre un prestataire inadmissible au bénéfice des prestations pour ne pas avoir fourni la preuve exigée par la Commission indiquant qu’il a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable, elle doit d’abord lui faire une demande en ce sens et lui préciser quel type de preuve pourra satisfaire ses exigencesNote de bas de page 12.

[16] La notion de « disponibilité » n’est pas définie dans la Loi. Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») ont établi des critères qui permettent d’établir la disponibilité à travailler d’une personne de même que son admissibilité ou non à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 13.

[17] La disponibilité représente une question de fait qui exige que l’on tienne compte de trois critères généraux. Ces trois critères sont :

  1. Le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu'un emploi convenable est offert ;
  2. La manifestation de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable ;
  3. Le non-établissement ou l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 14.

[18] Pour l’examen de chacun de ces éléments, l’attitude et la conduite d’un prestataire doivent être prises en considérationNote de bas de page 15.

[19] Dans le présent dossier, je précise que mon analyse porte spécifiquement sur la période du 20 décembre 2018 au 3 août 2019. D’une part, la Commission a indiqué à l’appelant qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance emploi à partir du 20 décembre 2018, étant donné qu’à cette date, son permis l’autorisant à travailler au Canada était expiré, et lui a de plus précisé que sa demande de prestations avait pris fin le 3 août 2019Note de bas de page 16. D’autre part, l’appelant a indiqué qu’il contestait la décision de la Commission selon laquelle il n’était pas disponible à travaillerNote de bas de page 17. Il n’a pas spécifié s’il y avait des périodes pour lesquelles il ne contestait pas cette décision, soit des périodes au cours desquelles il avait travaillé pour l’employeur ou encore, la période au cours de laquelle il s’est prévalu d’un congé.

[20] Dans ce contexte, je considère que l’appelant conteste la décision de la Commission selon laquelle il n’était pas disponible à travailler du 20 décembre 2018 jusqu’à la fin de sa période de prestations le 3 août 2019.

[21] Dans le cas présent, je considère que l’appelant satisfait les critères énoncés plus haut au cours de la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019 inclusivement. Il démontre que les démarches qu’il a faites pour trouver un emploi au cours de la période en cause étaient habituelles et raisonnables.

[22] Je considère toutefois que cela n’était plus le cas à compter du 8 mai 2019, et ce jusqu’au 3 août 2019, date à laquelle sa période de prestations a pris fin.

Question no 1 : Est-ce que l’appelant a manifesté le désir ou la volonté de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert?

[23] L’appelant a manifesté son « désir de retourner sur le marché du travail » dès qu’un emploi convenable lui aurait été offert au cours de la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019. Il n’en fait toutefois pas la démonstration pour la période du 8 mai 2019 au 3 août 2019.

[24] L’appelant fait valoir qu’il a de la volonté de travailler. Il affirme qu’il était disponible à travailler et qu’il l’a démontré.

[25] L’appelant travaille pour l’employeur depuis 2010. Il précise qu’il s’agit d’un emploi à temps plein. Chaque année, il renouvelle son permis de travail pour être en mesure de travailler au CanadaNote de bas de page 18.

[26] L’appelant indique avoir présenté une demande pour renouveler son permis de travail, le 1er novembre 2018, soit avant qu’il ne soit expiréNote de bas de page 19. Le 1er novembre 2018, il a effectué un paiement de 100,00 $ auprès de Citoyenneté et Immigration Canada pour le renouvellement de son permisNote de bas de page 20.

[27] L’appelant soutient que malgré le fait que son permis de travail était expiré depuis le 2 novembre 2018Note de bas de page 21 et que ce permis a été renouvelé le 17 septembre 2019Note de bas de page 22,  il avait conservé un « statut implicite » démontrant qu’il était implicitement toujours détenteur d’un permis de travail lui permettant de travailler.

[28] Il explique que même si sa situation concernant son permis de travail n’était pas réglée, il a pu travailler à différents moments au cours de la période du 20 décembre 2018 au 3 août 2019.

[29] L’appelant fait valoir que les éléments de preuve suivants démontrent qu’il avait conservé son statut implicite :

  • Lettre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) adressée à l’appelant, en date du 20 décembre 2018, lui demandant de payer le montant exact demandé concernant sa demande de permis de travail reçue le 13 novembre 2018Note de bas de page 23 ;
  • Note manuscrite rédigée par un agent d’IRCC énonçant un extrait du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés et remise à l’appelant pour que celui-ci la présente, au besoin, à un éventuel employeurNote de bas de page 24 ;
  • Retour au travail de l’appelant chez l’employeur, en date du 10 septembre 2019, soit avant que son permis de travail ne soit renouvelé le 17 septembre 2019 ;
  • Absence de convocation de l’appelant ou absence d’accusation dont il aurait pu faire l’objet de la part d’un agent d’IRCC s’il n’avait pas conservé son statut impliciteNote de bas de page 25.

[30] Concernant la lettre qu’IRCC lui a adressée, en date du 20 décembre 2018Note de bas de page 26, l’appelant fait valoir qu’il s’agissait de la continuité de la demande de renouvellement qu’il avait initialement faite le 1er novembre 2018Note de bas de page 27, soit avant l’expiration de son permis. Il explique que cette lettre lui a été envoyée afin qu’il paie la somme totale de 155,00 $ pour compléter son dossier et qu’un nouveau permis de travail lui soit délivréNote de bas de page 28. Il dit avoir fait ce qui lui a été demandé. Le 21 mai 2019, une nouvelle demande a été présentéeNote de bas de page 29. L’appelant souligne que lorsqu’il a présenté sa demande de renouvellement de permis, le 1er novembre 2018, IRCC a conservé le montant de 100,00 $ qu’il avait initialement versé à cet effetNote de bas de page 30, en attendant de faire un paiement additionnel de 55,00 $ afin de compléter le traitement de sa demandeNote de bas de page 31.

[31] Selon l’appelant, la Commission fait erreur en considérant qu’il a fait sa demande de permis lorsqu’il a versé le montant manquant de 55,00 $ et non lorsqu’il a présenté sa demande initiale pour le renouveler. Il souligne que c’est là où il y a une incompréhension entre lui et la Commission.

[32] Au sujet de la note manuscrite qu’un agent d’IRCC lui a remise dans laquelle est énoncé un extrait du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiésNote de bas de page 32, l’appelant explique que cette note lui a été fournie pour qu’il puisse la présenter à un employeur éventuel ou à quiconque afin de pouvoir démontrer qu’il avait toujours un statut implicite lui permettant de travailler. Il souligne que cette note lui a été fournie dans le cas où son permis de travail serait expiré.

[33] En ce qui concerne son retour au travail chez l’employeur, l’appelant précise avoir repris le travail le 10 septembre 2019, même si son permis de travail n’avait pas été renouvelé à ce moment. Son permis de travail a été renouvelé plusieurs jours plus tard, soit le 17 septembre 2019Note de bas de page 33. Selon l’appelant, s’il n’avait pas conservé son statut implicite, il n’aurait pas été en mesure de travailler et des agents d’IRCC l’auraient informé de cette situationNote de bas de page 34.

[34] Concernant l’absence de convocation ou d’accusation de la part d’un agent d’IRCC, l’appelant fait valoir que s’il n’avait pas de statut implicite, un agent de cette instance l’aurait convoqué. Il indique qu’il aurait également pu faire l’objet d’une accusation pour avoir violé la Loi sur l’immigration (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés). Selon l’appelant, son statut implicite n’a pas été révoqué puisqu’il n’a pas reçu d’avis à cet effetNote de bas de page 35.

[35] L’appelant fait valoir que la Commission a d’abord reconnu qu’il avait un « statut implicite », mais qu’elle a fait volte-face par la suiteNote de bas de page 36. Il souligne que dans le dossier, la Commission donne l’indication suivante : « [...] considérant qu’il n’est pas clair s’il [l’appelant] a conservé ou non son statut implicite nous [la Commission] avons décidé de communiquer avec le centre d’appel d’IRCC »Note de bas de page 37.

[36] L’appelant explique que la Commission lui a demandé de fournir une confirmation écrite de la part d’IRCC démontrant qu’il avait conservé son statut implicite même si son permis de travail n’avait pas été renouveléNote de bas de page 38. Il affirme que contrairement à ce que la Commission a indiquéNote de bas de page 39, il ne lui a pas promis de lui fournir un document écrit (ex. : lettre) à cet effet.

[37] L’appelant précise que la Commission lui a suggéré de faire une démarche en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (LAI) pour obtenir un document officiel démontrant qu’il avait un statut implicite même si son permis de travail était expiréNote de bas de page 40.

[38] L’appelant fait valoir qu’une telle démarche n’est plus nécessaire. Selon lui, les raisons qu’il donne au Tribunal pour démontrer qu’il avait conservé son statut implicite lui permettant de travailler sont suffisantes pour l’éclairer sur cet aspect. L’appelant indique qu’il ne fera pas d’autres démarches en ce sens.

[39] L’appelant indique avoir pris une période de congé du 8 au 31 mai 2019 à la suite d’une demande adressée à l’employeur à cet effetNote de bas de page 41.

[40] L’appelant explique qu’au cours de la période de mai à août, ce n’est pas très occupé chez l’employeur, car il n’y a pas beaucoup de contrats. Il mentionne que d’habitude, c’est entre mai et septembre qu’il reçoit des prestations.

[41] L’appelant indique que l’employeur lui a dit que dès qu’il y aurait des contrats, il allait pouvoir revenir travailler. Il souligne que c’est à ce moment qu’il a présenté sa demande renouvelée de prestationsNote de bas de page 42.

[42] La preuve au dossier indique que l’employeur a adressé plusieurs courriels à l’appelant en mai 2019 et juin 2019 afin de savoir s’il revenait travaillerNote de bas de page 43.

[43] Dans un courriel adressé à l’appelant, en date du 31 mai 2019, l’employeur lui a demandé s’il revenait au travail le lundi [lundi 3 juin 2019]Note de bas de page 44.

[44] Le 31 mai 2019, dans un courriel en réponse à celui de l’employeur, l’appelant lui a indiqué qu’il devait d’abord régler sa situation à Citoyenneté et Immigration Canada concernant le renouvellement de son permis de travailNote de bas de page 45.

[45] Dans un courriel en date du 3 juin 2019, l’employeur demande à l’appelant s’il allait se présenter au travail ce jour-là pour une classeNote de bas de page 46.

[46] Le 18 juin 2019, l’employeur envoie un autre courriel à l’appelant pour lui signifier qu’il avait besoin de lui et lui demander de retourner au travailNote de bas de page 47.

[47] L’appelant n’a pas répondu aux courriels que l’employeur lui a envoyés les 3 et 18 juin 2019.

[48] Dans le cas présent, je considère que les démarches que l’appelant a effectuées afin de renouveler son permis de travail, et ce, avant même que son permis ne soit expiré, démontrent qu’il voulait travailler. L’appelant a d’ailleurs indiqué avoir été en mesure de le faire à différents moments au cours de la période du 20 décembre 2018 au 3 août 2019. Je souligne que la Commission ne conteste pas le fait que l’appelant ait travaillé au cours de cette période.

[49] Je suis d’avis que le fait que le permis de travail de l’appelant n’était pas renouvelé, en date du 20 décembre 2018, ne fait pas en sorte de compromettre son désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui aurait été offert au cours de la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019 inclusivement.

[50] Je considère qu’au cours de cette période, l’appelant voulait travailler et demeurer sur le marché du travail. J’estime que le paiement par l’appelant d’une somme de 100,00 $ à Citoyenneté et Immigration Canada, en date du 1er novembre 2018, prouve qu’il a fait une démarche pour régler sa situation concernant son permis de travail avant que celui-ci ne soit expiréNote de bas de page 48.

[51] De plus, l’appelant a travaillé pour l’employeur à différents moments au cours de la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019.

[52] L’appelant pouvait raisonnablement croire qu’il avait conservé son statut implicite lui permettant de travailler même s’il n’avait pas complété toutes les formalités administratives pour renouveler son permis de travail, étant donné qu’il n’avait pas fait le paiement complet de la somme qui lui était exigée pour qu’un nouveau permis lui soit délivré.

[53] Toutefois, j’estime que l’appelant n’a pas manifesté son désir ou sa volonté de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui aurait été offert au cours de la période du 8 mai 2019 au 3 août 2019.

[54] Au cours de cette période, l’appelant s’est d’abord prévalu d’une période de congé du 8 au 31 mai 2019.

[55] Par la suite, il n’a pas signifié à l’employeur qu’il était prêt à retourner au travail au cours du mois de juin 2019, malgré les demandes qui lui ont été faites en ce sens.

[56] J’estime que le 31 mai 2019, lorsqu’en guise de réponse à la demande de son employeur pour savoir s’il revenait au travail à la suite de son congé, l’appelant indique qu’il doit d’abord régler sa situation concernant le renouvellement de son permis de travailNote de bas de page 49, il ne manifeste pas son désir de retourner sur le marché du travail.

[57] Sur ce point, je suis d’avis que la réponse de l’appelant à l’employeur contredit l’explication qu’il donne selon laquelle il était disponible à travailler puisqu’il avait conservé un statut implicite lui permettant de le faire. D’une part, l’appelant fait valoir que même si son permis de travail n’avait pas été renouvelé, il était en mesure de travailler. D’autre part, il explique à son employeur qu’il doit d’abord régler son permis de travail, mais sans lui indiquer qu’il est prêt à retourner au travail. J’estime que dans son message du 31 mai 2019, l’appelant fournit une telle explication à l’employeur pour lui signifier qu’il ne veut pas, à ce moment, reprendre le travail immédiatement après la fin de son congé. Je considère toutefois que ses explications concernant les démarches qu’il a effectuées pour le renouvellement de son permis de travail démontrent que pour la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019, il veut travailler. J’accorde une valeur prépondérante aux explications de l’appelant à cet égard. Elles sont d’ailleurs soutenues par un élément de preuve convaincant, soit le reçu indiquant que l’appelant avait versé une somme d’argent pour le renouvellement de son permis avant que ce permis ne soit expiréNote de bas de page 50.

[58] Je considère que l’appelant ne manifeste pas non plus son désir de retourner sur le marché du travail parce qu’il n’a pas donné suite aux demandes de l’employeur les 3 et 18 juin 2019 pour qu’il revienne au travail.

[59] Le témoignage de l’appelant indique que ce n’est que le 10 septembre 2019 qu’il a repris le travail chez l’employeur.

[60] En résumé, je considère que l’appelant a manifesté son désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui aurait été offert au cours de la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019, malgré le fait qu’il ne remplissait pas toutes les conditions pour que son permis de travail soit renouvelé. J’estime toutefois que du 8 mai 2019 au 3 août 2019, il n’a pas manifesté une telle volonté.

Question no 2 : Est-ce que l’appelant a exprimé ce désir par des efforts ou des démarches pour se trouver cet emploi convenable?

[61] Je considère que l’appelant a manifesté son désir de retourner sur le marché du travail par des efforts significatifs pour se trouver cet emploi convenable au cours de la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019 inclusivement. J’estime toutefois qu’il n’a pas exprimé un tel désir au cours de la période du 8 mai 2019 au 3 août 2019.

[62] L’appelant explique qu’il a travaillé pour l’employeur au cours de la période du 20 décembre 2018 au 3 août 2019, exception faite de la période du 8 au 31 mai 2019.

[63] L’appelant indique avoir participé à une séance de formation de la Commission lorsqu’il a déposé sa demande renouvelée de prestationsNote de bas de page 51. Environ deux semaines après cette rencontre, l’appelant a fourni à la Commission une liste des employeurs qu’il avait contactés.

[64] Concernant ses démarches pour trouver un emploi, l’appelant indique avoir postulé auprès de plusieurs employeurs entre les mois de mai 2019 et septembre 2019. Il fournit une liste d’une dizaine d’employeurs potentiels auprès desquels il a postulé au cours de cette périodeNote de bas de page 52.

[65] Dans son argumentation, la Commission fait valoir que dans la mesure où l’appelant n’a pas démontré qu’il avait la capacité de travailler, il n’a pas pu démontrer qu’il effectuait des recherches d’emploi. Selon elle, avant même de pouvoir chercher un emploi et d’évaluer ces efforts, un prestataire doit d’abord démontrer sa capacité, ou son droit, au travailNote de bas de page 53.

[66] Dans le cas présent, j’estime que même si l’appelant n’avait pas renouvelé son permis de travail, en date du 20 décembre 2018, étant donné qu’il n’avait pas rempli toutes les conditions à cet effet, il a fait des efforts démontrant son désir d’occuper un emploi convenable jusqu’au 7 mai 2019.

[67] Je retiens que l’appelant a travaillé pour l’employeur à différents moments entre le 20 décembre 2018 et le 7 mai 2019, malgré le fait qu’il n’avait pas complété son dossier pour le renouvellement de son permis de travail. Rien dans la preuve au dossier n’indique que l’appelant a été dans l’attente d’un rappel au travail au cours de la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019.

[68] Je retiens aussi que parmi les recherches d’emploi que l’appelant a déclaré avoir effectuées, certaines d’entre elles ont été faites au cours du mois de mai 2019 selon les indications qu’il a données à cet effetNote de bas de page 54.

[69] Je souligne également que le témoignage de l’appelant indique qu’il a été en mesure de reprendre le travail chez l’employeur le 10 septembre 2019, soit plusieurs jours avant même qu’il ne reçoive son permis de travail. Son permis de travail est entré en vigueur le 17 septembre 2019Note de bas de page 55.

[70] Je ne retiens pas l’argument de la Commission selon lequel l’appelant n’a pas pu démontrer qu’il effectuait des recherches d’emploi, car il n’a pas démontré qu’il avait la capacité de travaillerNote de bas de page 56.

[71] Je souligne que la question se rapportant au fait qu’un prestataire détienne ou non un permis de travail a constamment été considérée dans le contexte du critère relevant des conditions personnelles ayant pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail et non comme une question de capacité à travailler.

[72] Des décisions rendues par la Division d’appel du Tribunal précisent que le fait de ne pas avoir un permis de travail valide doit être examiné selon le critère se rapportant au non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 57.

[73] Dans une autre de ses décisions, la Division d’appel explique que la Commission a soutenu que le fait de ne pas disposer d’un permis de travail est une condition personnelle qui empêche un prestataire d’être disponible pour travaillerNote de bas de page 58.

[74] Bien que je ne sois pas lié par les décisions rendues par le Tribunal, je trouve convaincantes ses conclusions pour démontrer que la question se rapportant au fait qu’une personne puisse détenir ou non un permis de travail doit être analysée sous l’angle des conditions personnelles ayant pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. J’adopte ainsi la même approche dans le présent dossier.

[75] J’estime toutefois que l’appelant n’a pas manifesté sa volonté de trouver un emploi convenable au cours de la période du 8 mai 2019 au 3 août 2019 par des efforts ou des démarches en ce sens.

[76] D’une part, l’appelant s’est prévalu d’une période de congé du 8 au 31 mai 2019. Il a choisi de ne pas travailler ou de ne pas essayer de se trouver un emploi au cours de cette période.

[77] D’autre part, j’estime que l’appelant ne souhaitait pas reprendre le travail à la suite de cette période de congé, malgré les offres que l’employeur lui a faites en ce sens les 31 mai 2019, 3 juin 2019 et 18 juin 2019Note de bas de page 59.

[78] Le 31 mai 2019, en réponse à la demande que l’employeur lui a faite le même jour afin de savoir s’il allait revenir au travail, l’appelant évoque la question du renouvellement de son permis de travail et ne s’engage pas à reprendre le travailNote de bas de page 60 alors qu’il en avait la possibilité.

[79] De plus, l’appelant n’a pas donné suite aux courriels de l’employeur des 3 et 18 juin 2019 demandant s’il revenait au travail ou pour signifier que l’école de langue avait besoin de lui, car elle était très occupéeNote de bas de page 61.

[80] Dans ce contexte, je ne retiens pas l’argument de l’appelant selon lequel il y a peu de contrats d’enseignement chez l’employeur au cours de la période de mai à septembre.

[81] Je considère que l’appelant avait la possibilité de reprendre le travail chez l’employeur à compter du début de juin 2019, mais il a choisi de ne pas donner suite aux offres qui lui ont été faites en ce sens.

[82] Même si l’appelant indique avoir communiqué avec des employeurs potentiels de mai à septembre 2019, j’estime qu’il ne s’agissait pas d’efforts visant à trouver un emploi convenable. Je suis d’avis que l’appelant avait la possibilité de reprendre le travail chez son employeur, mais il n’a pas donné suite à la demande de celui-ci lui en juin 2019. Je considère que l’appelant est ainsi demeuré en attente de reprendre le travail chez son employeur habituel.

[83] La Cour nous informe que même s’il peut lui sembler raisonnable de ne pas le faire, un prestataire a la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 62.

[84] Je considère que du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019 inclusivement, l’appelant s’est acquitté de la responsabilité qui lui incombaitde faire des efforts pour se trouver un emploi convenable. J’estime toutefois que du 8 mai 2019 au 3 août 2019, l’appelant ne s’est pas acquitté de cette responsabilité.

Question no 3 : Est-ce que l’appelant a établi des conditions personnelles ayant pu limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[85] Je considère que l’appelant n’a pas établi des « conditions personnelles » qui ont eu pour effet de limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail au cours de la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019. J’estime toutefois qu’il a établi de telles conditions, à compter du 8 mai 2019, et ce jusqu’au 3 août 2019, date à laquelle sa période de prestations a pris fin.

[86] Dans son argumentation, la Commission fait valoir que l’appelant n’a pas démontré l’absence de conditionspersonnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travail. Selon elle, un prestataire doit non seulement démontrer qu’il désire retourner sur lemarché du travail dans les meilleurs délais, mais doit aussi démontrer qu’il est enmesure de travailler. La Commission soutient qu’une personne qui ne possède pas le droit de travailler au Canadaen raison de la perte d’un permis de travail ne peut pas affirmer être disponible, car elle nepeut pas affirmer, au départ, pouvoir travailler. Elle souligne que l’appelant n’a pas démontré, au plan légal, sa capacité à travailler. Selon la Commission, l’appelant a plutôt démontré qu’il y avait un obstacle majeur à sa disponibilité,soit le fait de ne pas pouvoir travailler légalement au CanadaNote de bas de page 63.

[87] La Commission explique avoir conclu, selon la prépondérance de la preuve, que l’appelant avait perdu son statut implicite et qu’il devait prouver qu’il l’avait conservé entre sa demande de renouvellement du permis de travail, soit le 1er novembre 2018, et la date d’entrée en vigueur du nouveau permis de travail, le 17 septembre 2019. Selon elle, l’appelant n’a pas fait une telle démonstrationNote de bas de page 64.

[88] Je considère que l’appelant n’a pas établi de conditions personnelles en lien avec le fait que son permis de travail n’avait pas été renouvelé en date du 20 décembre 2018.

[89] Sur ce point, je suis d’avis que même si l’appelant n’avait pas complété toutes les étapes pour le renouvellement de son permis de travail, il fait néanmoins la démonstration qu’il a été en mesure de travailler malgré cette situation. Je souligne que son témoignage indique qu’il a repris le travail chez l’employeur le 10 septembre 2019, soit plusieurs jours avant que son permis de travail ne soit en vigueur.

[90] J’accepte l’explication de l’appelant voulant que même s’il n’avait pas de document officiel démontrant qu’il avait conservé son statut implicite lui permettant de travailler sans avoir son permis de travail, cette situation ne l’empêchait pas de travailler.

[91] J’estime le témoignage de l’appelant crédible. Il donne des explications détaillées sur ses démarches afin de renouveler son permis de travail avant qu’il ne soit expiré. L’appelant fournit plusieurs éléments de preuve pertinents à cet effet, dont ceux indiquant qu’il avait entrepris une démarche pour le renouvellement de son permis avant qu’il ne soit expiré, en effectuant un paiement à cet effet et qu’il pouvait avoir conservé son statut implicite en attendant que sa situation soit régulariséeNote de bas de page 65.

[92] Je suis d’avis que la situation de l’appelant ne représente pas le cas d’un prestataire dont le permis de travail avait expiré et pour lequel il n’avait pas demandé un renouvellement ou une prolongation avant l’expiration de ce permis. Je souligne que l’appelant a fait une démarche dans le but de renouveler son permis de travail avant que ce permis ne soit expiré. Je considère que l’appelant démontre qu’il n’a pas renoncé à son permis de travail et n’a pas décidé qu’il ne voulait pas le renouveler. L’appelant pouvait raisonnablement croire qu’il n’y avait aucun obstacle pouvant l’empêcher de travailler.

[93] Je considère que l’appelant a ainsi démontré sa disponibilité à travailler sans pour autant limiter indûment ses chances de réintégrer le marché de l’emploi.

[94] Je ne retiens par l’argument de la Commission selon lequel l’appelant n’a pas démontré l’absence de conditionspersonnelles qui pouvaient limiter indûment ses chances de réintégrer le marché du travail parce qu’il n’avait pas, selon elle, conservé son statut implicite lui permettant d’occuper un emploi.

[95] Ni la Cour d’appel fédérale ni la Cour fédérale n’ont rendu de décisions traitant de la question de la disponibilité d’un prestataire possédant ou ayant possédé un permis de travail.

[96] Je souligne que dans une décision rendue par un juge-arbitre, celui-ci a accueilli l’appel d’un prestataire qui avait été considéré inadmissible au bénéfice des prestations parce que son permis de travail était expiréNote de bas de page 66. Dans cette décision, le juge-arbitre a rappelé le contenu d’une décision rendue antérieurement par un autre juge-arbitreNote de bas de page 67 pour expliquer que l’article 18 de la Loi s’applique à une circonstance où le prestataire n’est pas disponible pour travailler en raison de son absence ou de son engagement dans une activité de son propre choix, ce qui fait qu’il ne peut satisfaire au fardeau de la preuve de la disponibilité au travail. Je souligne aussi que dans cette décisionNote de bas de page 68, la Commission a recommandé que l’appel soit accueilli.

[97] Toutefois, j’estime que du 8 mai 2019 au 3 août 2019, l’appelant a imposé des conditions personnelles parce qu’il s’est d’abord prévalu d’une période de congé au cours de la période du 8 au 31 mai 2019. Il a choisi de ne pas travailler au cours de cette période.

[98] Ces conditions personnelles sont aussi liées au fait qu’il n’explique pas pourquoi il n’a pas donné suite aux demandes de l’employeur afin qu’il reprenne le travail à compter de juin 2019.

[99] Je considère que l’explication qu’il a donnée selon laquelle il n’y avait pas beaucoup de contrats chez l’employeur au cours de la période de mai à septembre ne fournit pas une explication satisfaisante à cet égard. Je suis d’avis que l’appelant a fait le choix de retarder son retour au travail. Son témoignage indique qu’il a repris le travail le 10 septembre 2019.

[100] En résumé, je considère que du 8 mai 2019 au 3 août 2019, l’appelant a établi ses propres conditions et qu’il a déterminé lui-même celles à partir desquelles il aurait accepté d’occuper un emploi ou de reprendre son travail chez l’employeur. Je considère qu’au cours de cette période, l’appelant a imposé des conditions personnelles ayant eu pour effet de limiter de manière excessive ses chances de réintégrer le marché du travail.

Conclusion

[101] Je conclus que l’appelant démontre sa disponibilité à travailler, au cours de la période du 20 décembre 2018 au 7 mai 2019 inclusivement. Il est donc admissible au bénéfice des prestations au cours de cette période.

[102] L’appelant ne démontre pas sa disponibilité à travailler du 8 mai 2019 au 3 août 2019 inclusivement. Il est donc inadmissible au bénéfice des prestations durant cette période.

[103] L’appel est accueilli en partie.

 

Date de l’audience :

3 septembre 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparution :

B. K., appelant

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