Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Citation : AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1118

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-1970

ENTRE :

A. L.

Appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Josée Langlois
DATE DE L’AUDIENCE : 21 octobre 2020
DATE DE LA DÉCISION : 21 octobre 2020

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Je conclus que l’appelante n’a pas cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite.

Aperçu

[3] L’appelante est cuisinière aux X. Le 26 décembre 2019, l’employeur a congédié l’appelante. Il lui reproche une insubordination parce qu’elle n’aurait pas respecté une directive concernant la santé et la sécurité au travail. Il lui reproche spécifiquement de ne pas avoir porté des chaussures recouvertes pendant son quart de travail le 24 décembre 2019.

[4] Le 22 mai 2020, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a avisé l’appelante qu’elle ne pouvait lui verser des prestations puisqu’elle a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite.

[5] L’appelante admet avoir porté des sandales pour travailler le 24 décembre 2019 entre 11h30 et 16h30, mais elle soutient qu’elle n’avait pas le choix puisqu’elle s’était blessée au pied. De plus, elle fait valoir qu’elle n’a pas été congédiée puisque le Tribunal administratif du travail (TAT) a modifié cette sanction pour une suspension du 24 décembre 2019 au 5 janvier 2020.

[6] Je dois déterminer si l’appelante a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite qu’elle a commise.

Questions en litige

[7] Pour quelle raison l’appelante a-t-elle été congédiée ?

[8] La raison du congédiement est-elle une inconduite selon la Loi ?

Analyse

Pour quelle raison l’appelante a-t-elle été congédiée ?

[9] Le directeur chez l’employeur a expliqué qu’il a congédié l’appelante le 26 décembre 2019 parce que le 24 décembre 2019 en fin de journée, la directrice adjointe a vu l’appelante travailler avec des chaussures non sécuritaires. L’employeur soutient que l’appelante travaillait souvent avec des chaussures non sécuritaires. Il a expliqué qu’il avait donné un avertissement final à l’appelante le 12 décembre 2019 concernant le port de chaussures sécuritaires. Le directeur lui aurait demandé de porter des chaussures « fermées » pour prévenir les accidents.

[10] La lettre de congédiement indique que l’appelante est congédiée en raison de son insubordination ainsi que de ne pas avoir respecté les règles minimales de santé et de sécurité au travail.

[11] L’appelante a été congédiée parce qu’elle aurait fait preuve d’insubordination en ne respectant pas la directive de l’employeur de porter des chaussures couvertes et à semelles antidérapantes dans la cuisine.

La raison du congédiement est-elle une inconduite selon la Loi ?

[12] Un travailleur qui est congédié en raison de son inconduite ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1 Bien que la décision de la Commission concerne une inconduite commise en vertu de l’article 30 de la Loi, l’analyse est la même si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite qu’elle a commise. Un travailleur qui est suspendu en raison de son inconduite n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi jusqu’à la fin de la période de suspension.Note de bas de page 2

[13] L’appelante a expliqué que le TAT a conclu que le congédiement était abusif et que, malgré que la suspension ait été déterminée jusqu'au 5 janvier 2020, elle n’a pas encore réintégré son emploi. Le 5 octobre 2020, après avoir reçu la décision rendue par le TAT, l’appelante s’est présentée au travail. L’employeur a exigé qu’elle effectue un test de dépistage pour la Covid-19. L’appelante a passé ce test le 6 octobre 2020 et il s’est avéré négatif. Elle attend toujours d’être réintégrée à son emploi.

[14] Cependant, puisque je suis compétente en vertu de la décision rendue par la Commission, la question en litige consiste à déterminer, au moment des faits, si la raison du congédiement est une inconduite au sens de la Loi.Note de bas de page 3

[15] Pour déterminer si le geste posé est une inconduite, il n’est pas nécessaire de prouver que la personne avait l’intention de commettre ce geste. Il suffit de démontrer que le geste ayant mené au congédiement est délibéré. Ce qui veut dire que ce geste est un acte conscient, volontaire ou intentionnel.Note de bas de page 4

[16] Une personne peut commettre une inconduite même si elle n’avait pas l’intention de nuire à son employeur. L’inconduite est un acte posé par un travailleur alors qu’il savait qu’il pourrait être congédié en agissant de cette manière.Note de bas de page 5

[17] Le directeur chez l’employeur a expliqué à la Commission que l’appelante a désobéi aux ordres et que son attitude constitue de l’insubordination. Il a expliqué qu’une politique concernant le port de chaussures fermées est affichée dans la cuisine et que l’appelante avait reçu un manuel de l’employé lors de son embauche qui en fait mention. Il a également indiqué avoir averti l’appelante le 12 décembre 2019.

[18] La lettre de congédiement est claire. En raison des risques d’accident reliés au non-respect de cette directive, le directeur aurait dit à l’appelante le 12 décembre 2019 que c’était le seul avertissement qu’il lui donnait et qu’elle devait s’y conformer.Note de bas de page 6 La lettre de congédiement indique que malgré cet avertissement, l’appelante a continué à porter des chaussures découvrant le pied alors qu’elle travaillait dans la cuisine et que ce comportement a été remarqué par l’employeur le 24 décembre 2019.

[19] L’employeur a indiqué à la Commission qu’il n’y avait aucun autre avertissement indiqué au dossier de l’appelante avant cet événement.

[20] La Commission affirme que l’appelante a commis les gestes reprochés par l’employeur et que ces gestes constituent une inconduite parce qu’elle en avait été avisée. Elle explique qu’il est reconnu qu’une cuisinière doive porter des chaussures fermées et que ce geste qu’elle a posé est conscient et délibéré.

[21] L’appelante a expliqué qu’elle s’est blessée au pied le 23 décembre 2019. Au moment où elle poussait la porte du réfrigérateur avec son pied droit, une autre personne a tiré la porte en même temps de l’autre côté. Cette situation a fait que l’appelante a été poussée et qu’elle a perdu l’équilibre. En tombant, elle s’est renversé le pied droit.

[22] Plutôt que d’aller consulter un médecin, elle a pris des « Tylenols » pour soulager la douleur et lui permettre de terminer sa journée. Elle est revenue au travail le lendemain. Après quelques heures debout, la douleur au pied est redevenue souffrante.

[23] Elle a cogné à la porte du directeur vers 11h00 pour vérifier s’il avait déjà quitté puisqu’elle voulait l’informer de sa blessure. Mais ni le directeur ni la directrice adjointe n’étaient là. L’appelante a alors pris des « Tylenols » pour soulager la douleur et lui permettre de terminer sa journée de travail. Vers 11h30, elle a changé les chaussures qu’elle portait pour porter une paire de chaussures moins serrées, mais qui ne recouvraient pas complètement le pied. Elle indique avoir travaillé avec ces chaussures jusqu’à 16h00. Vers 16h00 jusqu’à la fin de son quart de travail vers 17h30, l’appelante portait des chaussures complètement fermées.

[24] L’appelante a expliqué lors de l’audience qu’elle savait que les résidents ne pourraient avoir leur repas du soir si elle ne terminait pas sa journée de travail parce que le directeur avait quitté les lieux du travail. Elle explique qu’elle a cherché la directrice adjointe, mais qu’elle ne l’a pas vu non plus. Puisqu’il n’était pas prévu qu’elle travaille le 25 décembre 2019, elle s’est dit qu’elle pourrait reposer son pied. Elle ne voulait pas causer de soucis au directeur qui avait terminé sa journée tôt pour préparer son réveillon de Noël.

[25] Le directeur l’aurait congédiée sur le champ le 26 décembre 2019 lorsqu’elle est arrivée pour effectuer son quart de travail. Il lui aurait dit qu’il « en avait deux sur la CSST » et qu’il n’en aurait pas une troisième. En ce sens, l’appelante n’est pas certaine d’avoir été congédiée pour la raison mentionnée par l’employeur, elle trouvait la raison invoquée « un peu grosse » et elle ne s’attendait pas à être congédiée pour cette raison.

[26] Concernant l’avertissement final invoqué par l’employeur, l’appelante indique qu’elle a travaillé pendant deux ans aux X, que pendant cette période, elle portait en alternance des chaussures ouvertes et fermées, qu’elle ne connaissait pas la directive concernant le port des chaussures et qu’elle n’a jamais été avisée avant le 12 décembre 2019 qu’elle devait porter des chaussures fermées lorsqu’elle travaillait dans la cuisine. Elle mentionne qu’il n’y avait aucune affiche concernant cette directive ni dans la cuisine ni aux casiers des employés. Cependant, comme elle avait été avisée par le directeur le 12 décembre 2019, elle savait qu’elle devait porter des chaussures fermées et, pour cette raison, elle est allée au bureau du directeur le 24 décembre 2019 pour lui indiquer qu’elle s’était blessée et que ses chaussures la faisaient souffrir.

[27] L’appelante soutient qu’elle n’a pas posé ce geste dans le but de contrevenir à une directive du directeur, mais pour ne pas lui causer de soucis en terminant son quart de travail. L’appelante savait qu’il était nécessaire que les résidents aient un repas pour le souper. Elle mentionne également que si la directrice adjointe l’a vu porter ses chaussures qui étaient moins couvertes, elle ne l’a pas su pas parce qu’elle ne l’a pas avertie et qu’elle n’est pas venue la voir.

[28] Il est vrai que l’appelante n’a pas respecté une directive émise par l’employeur et elle le reconnaît. Il n’est pas permis aux employés de porter des chaussures qui ne recouvrent pas le pied pour préserver la sécurité sur les lieux du travail. L’appelante le savait puisque le directeur l’avait averti le 12 décembre 2019.

[29] Cependant, la preuve ne démontre pas clairement que l’appelante avait été avisée avant le 12 décembre 2019 et que cet avertissement constituait un avertissement final. Au contraire, la preuve tend à démontrer que cet avertissement constitue un premier avertissement et qu’il a été fait tout bonnement par le directeur lorsqu’il est passé dans la cuisine cette journée-là. Il a demandé à l’appelante de porter des chaussures couvertes dorénavant. La preuve ne démontre pas clairement que l’appelante a déjà lu une telle directive. Cependant, elle démontre que le directeur était absent le 24 décembre 2019. L’appelante n’a pas pu le consulter pour trouver une solution à son problème et elle a trouvé une solution temporaire lui permettant de continuer son quart de travail.

[30] Ce geste est répréhensible puisqu’en agissant de la sorte, l’appelante contrevenait à une directive émise par l’employeur. Cependant, je ne suis pas d’avis que l’appelante pouvait s’attendre à être congédiée pour avoir agi de la sorte. Même si l’intention coupable n’est pas requise pour déterminer si le geste posé constitue une inconduite, je ne crois pas que l’appelante a agi ainsi dans le but de ne pas obéir aux ordres de l’employeur comme celui-ci le mentionne. L’appelante s’était blessée. En l’absence de l’employeur et pour continuer son quart de travail, elle a travaillé pendant 3 heures avec une paire de chaussures qui ne recouvrait pas tout le pied.

[31] En raison de l’absence du directeur lors de cet événement, l’appelante n’a pu obtenir un conseil sur la manière dont elle devait agir. Et elle a été congédiée sur le champ dès son arrivée le 26 décembre 2019 sans même avoir pu s’expliquer alors que le directeur n’était pas présent lors de l’événement. Pour cette raison, l’appelante croit que l’employeur l’a congédié de peur qu’elle demande un congé et des prestations de la CNESST.

[32] L’appelante explique que du 12 décembre 2019 au 24 décembre 2019, elle a porté des chaussures sécuritaires en tout temps. Ce n’est que le 24 décembre 2019 en après-midi qu’elle a mis des chaussures qui ne recouvraient pas complètement son pied droit pour se soulager.

[33] Étant donné les circonstances survenues le 23 décembre 2019 et le 24 décembre 2019 et bien que le geste de l’appelante soit répréhensible, il ne constitue pas une inconduite au sens de la Loi.

[34] Je suis d’avis que l’appelante ne pouvait présumer qu’elle serait congédiée si elle portait des chaussures non recouvertes le 24 décembre 2019.

[35] Le geste posé par l’appelante, de ne pas avoir respecté la directive de l’employeur en portant des chaussures qui ne couvraient pas complètement le pied dans la cuisine le 24 décembre 2019, est répréhensible, mais ne constitue pas une inconduite au sens de la Loi.

L’appelante a-t-il cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite ?

[36] L’appelante a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté une directive émise par l’employeur, mais elle n’a pas cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi.

Conclusion

[37] L’appelante ne pouvait pas présumer qu’elle serait congédiée pour avoir posé ce geste.

[38] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 21 octobre 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparution :

A. L., appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.