Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1165

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-2019

ENTRE :

J. C.

Appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Christianna Scott
DATE DE L’AUDIENCE : Le 29 octobre 2020
DATE DE LA DÉCISION : Le 30 octobre 2020

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Décision

[1] Je rejette l’appel. Je conclus que J. C. (prestataire) est exclue du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi (AE) parce qu’elle n’a pas prouvé que quitter son emploi était la seule option raisonnable dans ses circonstances.

Aperçu

[2] La prestataire a travaillé dans un établissement de soins de longue durée comme préposée aux services combinés. Il s’agissait d’un poste syndiqué. La prestataire était responsable du nettoyage et de la cuisine. En novembre 2019, la prestataire a commencé à se sentir fatiguée et à avoir des douleurs au dos parce qu’elle faisait des quarts de travail de 12 heures. En février 2020, la prestataire a démissionné de son emploi parce qu’elle ne pensait plus être capable de faire des quarts de travail de 12 heures.

[3] Après sa démission, elle a présenté une demande de prestations régulières d’AE. La Commission de l’assurance-emploi du Canada l’a exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a établi qu’elle avait quitté son emploi sans justification. 

[4] La prestataire a porté en appel cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Faits sur lesquels il y a consensus

[5] Lors de l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle avait décidé de démissionner de son emploi. Cela est cohérent avec l’information qu’elle a fournie dans sa demande de prestations d’AENote de bas de page 1. Ainsi, toutes les parties à l’appel sont d’accord sur le fait que la prestataire a volontairement quitté son emploi puisqu’elle a démissionné.

Questions en litige dans le présent appel

[6] La Commission a affirmé que la prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification puisque d’autres solutions raisonnables s’offraient à elle. La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle était fondée à quitter son emploi parce qu’elle ne pouvait plus faire des quarts de 12 heures comme on le lui demandait. Elle affirme qu’elle avait parlé à son superviseur au sujet de ses douleurs au dos et qu’elle cherchait du travail ailleurs. Elle affirme qu’en fin de compte, elle ne pouvait plus continuer à travailler.

Question en litige

[7] Selon la loi, une personne est exclue du bénéfice des prestations régulières d’AE si elle quitte son emploi volontairement sans justificationNote de bas de page 2.

[8] C’est la responsabilité de la Commission de prouver que la prestataire a volontairement quitté son emploi.

[9] C’est ensuite la responsabilité de la prestataire de prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi. Note de bas de page 3  Avoir une bonne raison de quitter son emploi ne suffit pas pour prouver qu’elle était fondée à le faireNote de bas de page 4. Ainsi, la question n’est pas de savoir s’il était raisonnable que la prestataire quitte son emploi. La loi indique qu’une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment de sa démissionNote de bas de page 5. La prestataire doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[10] Je dois donc décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi au moment de sa démission.

Analyse

[11] Je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi au moment de sa démission.

[12] Lors de l’audience, la prestataire a expliqué qu’elle avait travaillé comme préposée aux services combinés pendant plus de 15 ans. Pendant neuf de ces années, elle a travaillé dans un hôpital communautaire comme préposée au nettoyage. Dans les six dernières années, elle a travaillé dans un établissement de soins de longue durée. Elle était responsable du nettoyage et de la cuisine. La prestataire a mentionné à plusieurs reprises pendant l’audience qu’elle aimait son travail. Elle a expliqué qu’elle faisait toujours des quarts de travail de 12 heures.

[13] En novembre 2019, elle a commencé à avoir des douleurs au dos en raison des longues heures de travail. Elle a parlé à son superviseur de ses douleurs au dos, mais il a ignoré ses commentaires. Elle a aussi parlé à son médecin de ses douleurs et lui a dit qu’il lui était difficile de faire de longues heures de travail. La prestataire a dit que son médecin lui avait dit de continuer de travailler. Elle a expliqué qu’elle a décidé de démissionner et elle a donné un mois de préavis à son employeur. 

[14] La prestataire affirme qu’après avoir quitté son emploi, elle a consulté son médecin. Elle affirme que le 7 avril 2020, son médecin lui a donné une note médicale indiquant qu’elle n’était pas capable de travailler depuis le 21 février 2020, soit la date de sa démission. 

[15] La prestataire soutient qu’elle était fondée à quitter son emploi au moment de sa démission puisqu’elle était incapable de répondre aux exigences de son travail. Elle affirme qu’elle avait parlé à son superviseur et que ses préoccupations avaient été ignorées. Elle affirme également qu’elle avait utilisé tous ses congés de maladie et qu’elle ne pouvait donc pas demander de congé de maladie. La prestataire insiste sur le fait que son médecin avait ignoré ses préoccupations au sujet de ses maux de dos. Elle affirme qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment de sa démission parce qu’elle ne pouvait plus continuer et qu’elle ne s’était pas trouvé un autre emploi malgré qu’elle eut offert ses services à au moins quatre magasins.

[16] La Commission soutient que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment de sa démission. Elle affirme que la prestataire aurait pu explorer les options suivantes :

  • discuter de sa situation avec son employeur;
  • faire une demande formelle de mesures d’adaptation appuyée par une note d’un médecin;
  • demander un congé de maladie ou présenter une note médicale à l’appui de sa décision de démissionner; 
  • continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi.

[17] Je reconnais que la prestataire a déclaré que les quarts de travail de 12 h étaient longs et exigeants et qu’ils faisaient en sorte que c’était difficile pour elle de continuer à travailler. La prestataire était sincère et franche en livrant son témoignage. C’est la position qu’elle a adoptée depuis le début de son processus de demande de prestations d’AE. Bien que j’estime que la prestataire avait une bonne raison de quitter son emploi au moment de sa démission, je ne crois pas que c’était la seule solution raisonnable qui s’offrait à elle.

[18] La prestataire occupait un poste syndiqué. La prestataire a reconnu pendant l’audience qu’elle n’avait pas discuté avec son syndicat avant de démissionner. Elle a également dit que même si elle avait consulté son médecin au sujet de ses douleurs au dos en novembre 2019, elle n’avait pas obtenu de note du médecin avant le 7 avril 2020, après avoir quitté son emploi. C’est seulement après le 7 avril 2020 qu’elle a parlé avec son superviseur de la possibilité de revenir au travail si on lui donnait des quarts de travail de huit heures. 

[19] Compte tenu de ses déclarations lors de l’audience, je pense qu’avoir une discussion avec son représentant syndical au sujet de sa situation avant de remettre sa démission à son employeur aurait été une solution raisonnable. Cela lui aurait donné l’occasion d’obtenir des conseils quant aux documents à fournir pour présenter une demande formelle pour obtenir des quarts de travail plus courts et quant à la façon de présenter une demande de mesures d’adaptation à son employeur. Avoir une conversation avec son représentant syndical lui aurait également fourni l’information lui permettant de faire entendre ses préoccupations à un représentant des ressources humaines plutôt qu’à son supérieur immédiat. De plus, je remarque que le superviseur et le représentant des ressources humaines de la prestataire ont tous deux affirmé qu’elle leur avait communiqué sa décision de démissionner sans évoquer au préalable la nécessité d’obtenir des mesures d’adaptationNote de bas de page 6. La prestataire a également reconnu lors de l’audience qu’elle n’avait pas eu de discussion avec son syndicat. Puisque la prestataire n’a pas exploré cette option, je ne peux pas conclure que quitter son emploi était la seule solution raisonnable qui s’offrait à elle dans ses circonstances.

[20] J’estime par ailleurs qu’une autre solution raisonnable aurait été d’obtenir une note médicale avant de démissionner pour appuyer sa décision. La prestataire a dit lors de l’audience que ses douleurs au dos ne s’aggravaient pas, mais qu’elles étaient stables. Elle a affirmé qu’elle donné à son employeur un généreux préavis. Elle a également dit qu’aucun incident en particulier ne l’avait mené à sélectionner le 21 février 2020 comme date de prise d’effet de sa démission.

[21] Compte tenu de l’ensemble des circonstances, je ne suis pas d’accord avec la prestataire que la note médicale du 7 avril 2020 lui confère une justification pour avoir quitté son emploi au moment de sa démission. Elle a obtenu cette note après avoir décidé qu’elle ne pouvait plus continuer à travailler. Je conclus donc que la prestataire a quitté son emploi à la lumière de sa propre évaluation de sa situation et pas selon la recommandation de son médecin. Je conclus qu’une solution raisonnable aurait été qu’elle obtienne une note médicale recommandant qu’elle quitte son emploi avant de démissionner. Si elle a été incapable d’obtenir une note médicale parce que son médecin était d’avis qu’elle pouvait continuer à travailler d’un point de vue médical, une solution raisonnable aurait été de continuer à travailler. Dans de telles circonstances, une solution raisonnable aurait été de continuer à travailler jusqu’à ce qu’elle puisse obtenir une note médicale semblable à celle qu’elle a obtenue en avril 2020.

[22] Compte tenu de l’ensemble des circonstances, y compris des déclarations de la prestataire au sujet de la longueur des quarts de travail, de ses douleurs au dos, de ses tentatives de trouver un emploi et de ses consultations médicales, je conclus que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 29 octobre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

J. C., appelante

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