Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1157

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-887

ENTRE :

B. S.

Appelant (prestataire)

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Catherine Shaw
DATE DE L’AUDIENCE : Le 5 novembre 2020
DATE DE LA DÉCISION : Le 20 novembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifie que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE)Note de bas de page 1.

Aperçu

[2] Le prestataire travaillait comme camionneur. Il a perdu son emploi et a demandé des prestations d’AE. L’employeur a affirmé qu’il avait été congédié pour plusieurs raisons. Il a dit que le prestataire ne consignait pas son temps correctement, qu’il refusait le travail qu’on lui confiait et qu’il avait enfreint le Code de la route. Le prestataire conteste ces faits et affirme que la discrimination a joué un rôle dans son congédiement.

[3] La Commission a accepté les raisons que l’employeur a fournies pour expliquer le congédiement. Elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi elle a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE. Le prestataire fait maintenant appel de cette décision au Tribunal de la sécurité sociale.

Les questions que je dois examiner en premier

Partie mise en cause potentielle

[4] Le Tribunal a établi que l’ancien employeur du prestataire pouvait être mis en cause dans l’appel du prestataire. Il lui a donc envoyé une lettre pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il souhaitait être ajouté comme partie mise en cause. L’employeur n’a pas répondu avant la date de la présente décision. Puisqu’il n’y a rien au dossier qui indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme partie à cet appel.

Le prestataire a envoyé des documents après l’audience

[5] À l’audience, le prestataire a déclaré qu’il avait reçu un jugement du Programme du travail fédéral concernant son congédiement par l’employeur. Il a affirmé que ce jugement déclarait l’employeur coupable de congédiement injustifié et lui ordonnait de verser une indemnité au prestataire. J’ai demandé au prestataire de fournir ce document au Tribunal et le prestataire l’a envoyé par courriel immédiatement après l’audience.

[6] Après avoir examiné le document, j’estime qu’il n’est pas pertinent à la question en litige parce qu’il porte seulement sur le droit du prestataire à une indemnité de départ après sa cessation d’emploi. Ce document ne porte pas sur les circonstances entourant le congédiement du prestataire. Je n’en tiendrai donc pas compte dans le cadre de cette décision.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. Premièrement, je dois déterminer pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si cette raison est une inconduite selon la loi.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi pour plusieurs raisons cumulatives, à savoir :

  • ses difficultés répétées à consigner le temps minimum requis pour ses inspections avant départ;
  • le fait que l’employeur croyait qu’il avait enfreint le Code de la route;
  • le fait qu’il avait emprunté un itinéraire non autorisé pendant plusieurs trajets;
  • son défaut de se présenter au bureau le 20 novembre 2019 comme l’avait demandé l’employeur.

[10] Le prestataire et la Commission ne s’entendent pas sur les raisons du congédiement. La Commission affirme que la raison donnée par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait été congédié parce qu’il avait choisi à plusieurs reprises de ne pas suivre les politiques de l’entreprise et le Code de la route.

[11] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme que la vraie raison pour laquelle il a perdu son emploi est qu’un des répartiteurs l’avait pris pour cible en raison de son origine ethnique.

[12] L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait enfreint les politiques de l’entreprise et les lois sur le transport en ne consignant pas le temps minimum requis pour ses inspections avant départ. Il a fourni à la Commission un extrait des règles de la Federal Motor Carrier Safety Administration, qui confirme que le prestataire doit effectuer et consigner une inspection avant départNote de bas de page 2. L’employeur a également fourni six courriels qu’il a envoyés au prestataire, datés du 21 août au 21 octobre 2019. Dans ces courriels, l’employeur dit au prestataire qu’il n’a pas consigné les 15 minutes requises pour ses inspections avant départ.

[13] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il devait consigner des inspections avant départ de 15 minutes. Il affirme qu’il était pratique courante pour les chauffeurs d’effectuer l’inspection avant de démarrer le chronomètre, puis de modifier le carnet de bord électronique pour qu’il reflète les 15 minutes consacrées à l’inspection.

[14] L’employeur a déclaré à la Commission que le prestataire avait enfreint le Code de la route lorsqu’il a emprunté un itinéraire non autorisé et ensuite fait marche arrière sur une autoroute le 15 octobre 2019. L’employeur a dit que le prestataire suivait deux autres camions lorsqu’il a quitté son itinéraire. Le prestataire a communiqué avec l’employeur et lui a dit qu’il allait faire marche arrière pour prendre une autre bretelle d’accès. L’employeur a fourni une déclaration écrite datée du 15 octobre 2019 et signée par l’un de ses répartiteursNote de bas de page 3. La note indique que le prestataire n’a pas suivi son itinéraire et qu’il a fini par se rendre à destination en empruntant un itinéraire non autorisé. Il est écrit que le prestataire [traduction] « a ensuite fait marche arrière sur une autoroute interétatique congestionnée ».

[15] Le prestataire reconnaît qu’il a emprunté un itinéraire différent de celui des deux autres camions qu’il suivait. Cela tenait au fait qu’il ne connaissait pas l’itinéraire et qu’il avait perdu de vue les deux camions qu’il était censé suivre. À l’approche de la bretelle d’accès, il s’était rendu compte qu’il n’était pas dans la bonne voie, avait donc continué sur l’autoroute et était sorti en prenant une autre bretelle d’accès pour communiquer avec l’employeur. Il nie avoir fait marche arrière sur l’autoroute. Il affirme que son employeur était contrarié par le fait qu’il avait emprunté un autre itinéraire et que celui-ci avait mal compris lorsqu’il lui a dit qu’il ne pouvait pas faire marche arrière pour prendre la bonne bretelle.

[16] J’estime qu’il est très probable que les événements du 15 octobre 2019 se soient déroulés comme le prestataire l’a décrit. À l’audience, le prestataire a donné un compte rendu détaillé de ce qui s’est passé ce jour-là. Il a été en mesure de répondre à des questions directes sur les raisons pour lesquelles il avait perdu la trace des deux camions qu’il suivait et sur les choix qu’il avait faits en conséquence. J’accorde davantage de poids au témoignage du prestataire au sujet de ces événements parce qu’il était dans le camion au moment où ils se sont produits.

[17] L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait enfreint les politiques de l’entreprise en empruntant un itinéraire non autorisé le 14 novembre 2019. L’employeur a affirmé que le prestataire avait traversé le Connecticut, ce qui n’était pas autorisé. L’employeur a fourni des messages texte envoyés au prestataire le 14 novembre 2019 lui signalant qu’ils avaient vérifié sa position et  avaient vu qu’il traversait illégalement le ConnecticutNote de bas de page 4. Le message indique qu’ils avaient déjà eu cette discussion avec le prestataire. L’employeur lui dit que [traduction] « cette habitude que tu as de faire ce que tu veux sans respecter les règles ne sera pas tolérée ».

[18] Le prestataire ne conteste pas qu’il a traversé le Connecticut le 14 novembre 2019. Il a déclaré à la Commission et au Tribunal qu’il suivait un itinéraire sur son GPS pour trouver une aire de repos. Il a affirmé que le ministère des Transports des États-Unis lui a dit plus tard que les transporteurs commerciaux doivent payer un péage autoroutier pour traverser l’État. On lui a dit que l’employeur n’avait pas payé ce péage autoroutier, de sorte que leurs camions ne sont pas autorisés à traverser l’État. Le prestataire dit que l’employeur ne l’a jamais informé qu’il ne pouvait pas emprunter cet itinéraire.

[19] Le fait que le prestataire ait traversé le Connecticut n’est pas contesté. Selon la preuve fournie par le prestataire, l’employeur n’était pas autorisé à envoyer des camions sur cet itinéraire parce qu’il n’avait pas payé le péage autoroutier pour cet État. Si l’employeur n’avait pas payé le péage autoroutier pour passer par le Connecticut, il est fort probable qu’il n’aurait pas demandé au prestataire d’emprunter cet itinéraire. Les messages textes de l’employeur indiquent qu’il avait déjà discuté avec le prestataire de la possibilité de passer par le Connecticut. Je tiens donc pour avéré que le prestataire a emprunté un itinéraire non autorisé à travers le Connecticut le 14 novembre 2019.

[20] L’employeur a également déclaré que le prestataire avait quitté le travail pour des raisons personnelles à plusieurs reprises alors qu’il avait encore des heures de disponibilité. Le 26 septembre 2019, le prestataire leur a dit qu’il devait rentrer chez lui pour faire une réparation urgenteNote de bas de page 5. L’employeur lui a répondu que ce n’était pas acceptable, parce qu’ils avaient du travail à faire et que le prestataire avait encore des heures de disponibilité dans son cycle. Pourtant, le prestataire a quand même pris congé et quitté le travail à 14 h 30 le 26 septembre 2019 et n’a repris ses fonctions que le lendemain matinNote de bas de page 6.

[21] Le prestataire convient qu’il a quitté le travail le 26 septembre 2019 pour réparer la pompe à eau de sa maison. Il affirme avoir dit à son employeur qu’il lui faudrait quelques heures pour la réparer, puis qu’il reviendrait au travail. Le prestataire a dit qu’il s’agit d’un exemple de la manière dont l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard en raison de son origine ethnique. Il a dit que l’employeur n’aurait pas eu de problème à accorder des congés aux autres employés en cas d’urgence à la maison.

[22] L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait refusé de se présenter au travail le 20 novembre 2019. Il a fourni des messages textes de la veille dans lesquels le répartiteur demandait au prestataire de prendre un chargement à 11 h le 20 novembre pour se rendre dans le New Hampshire et le MassachusettsNote de bas de page 7. Le prestataire a répondu qu’il pensait qu’il était prévu qu’il fasse un trajet local. Il avait des obligations familiales le vendredi et ne pouvait donc pas accepter ce long trajet parce qu’il ne reviendrait pas à temps. Le répartiteur lui a dit qu’il devait prendre ses rendez-vous personnels pendant ses temps libres et a demandé à nouveau au prestataire s’il pouvait prendre le chargement le lendemain. Le prestataire a répondu que le répartiteur devait lui trouver quelque chose de local. Le répartiteur a ensuite dit au prestataire de se rendre au bureau avec le camion à 9 h précises. Le prestataire a répondu qu’il considérait cela comme une menace et que le répartiteur ne pouvait pas lui parler de cette façon.

[23] Le prestataire a affirmé que le répartiteur a continué de lui envoyer des messages textes le lendemain. Les messages textes montrent que le répartiteur dit qu’on a demandé au prestataire d’être au bureau à 9 h et que la directrice générale lui a demandé d’appeler le répartiteur entre 7 h 30 et 8 h ce matin-là pour discuter d’un [traduction] « plan de match ». Le répartiteur dit que le prestataire n’a pas appelé et qu’il ne s’est pas présenté au bureau. Il demande au prestataire de lui dire quel est son plan, car il essaie de faire son travail et ne sait pas si le prestataire est disponible ou non. Le prestataire lui répond qu’il sera au bureau après le dîner pour faire installer ses pneus d’hiver.

[24] À l’audience, le prestataire a expliqué que s’il avait accepté de livrer chargement au New Hampshire et au Massachusetts, il aurait manqué d’heures de disponibilité dans son cycle au milieu du trajet. Malgré cela, il a dit qu’il n’avait pas refusé le trajet le 20 novembre, mais qu’il avait demandé à l’employeur de lui trouver quelque chose de local à la place parce qu’il avait avisé l’employeur deux semaines auparavant qu’il avait un rendez-vous le vendredi.

[25] Le prestataire a dit qu’il avait reçu les messages textes le 19 novembre et qu’il savait que le répartiteur menaçait de le congédier. Il a appelé la directrice générale ce soir-là et elle lui a dit d’appeler le répartiteur dans la matinée. Le prestataire a dit que l’appel visait seulement à ce que le répartiteur le laisse tranquille, et qu’il avait donc refusé de l’appeler. Il ne voulait pas jouer de petits jeux, et il n’a donc pas appelé le répartiteur et ne s’est pas présenté au travail le lendemain matin. Il s’est plutôt rendu au bureau l’après-midi pour faire installer ses pneus d’hiver.

[26] Le prestataire a dit qu’il avait remarqué qu’il n’avait plus accès à son carnet de bord électronique à ce moment‑là et qu’il est donc entré dans le bureau pour qu’on le rétablisse. Il a affirmé que les deux répartiteurs avaient crié après lui et lui avaient dit qu’ils ne pouvaient pas travailler avec lui. Il a dit qu’un des répartiteurs avait préparé une boîte à son intention derrière son bureau. Il lui a remis la boîte et lui a dit de prendre ses affaires et de partir.

[27] Le prestataire a déclaré que l’un des répartiteurs avait fait preuve de discrimination à son égard en raison de sa race, et que c’est la véritable raison pour laquelle il a été congédié. J’appellerai ce répartiteur D. Le prestataire avait travaillé avec D dans le cadre d’un autre emploi. Dans cet emploi, D avait constamment pris pour cible le prestataire en disant qu’il avait des problèmes de rendement et en le blâmant pour les problèmes mécaniques de son camion.

[28] Le prestataire a déclaré que D l’avait fait renvoyer de ce poste et qu’il était parti parce qu’il ne voulait plus être victime de discrimination. Le prestataire a ensuite commencé à travailler pour l’employeur. Le prestataire a affirmé avoir occupé ce poste pendant trois mois sans aucun problème. Il venait de terminer sa période de probation de trois mois et était en discussion avec la directrice générale pour acheter un de leurs camions et commencer à travailler de façon indépendante pour l’entreprise. C’est vers cette époque que D a commencé à travailler pour l’employeur. Immédiatement, D a dit à l’employeur de prolonger de trois mois la période de probation du prestataire. Le prestataire a dit [traduction] « à partir de ce moment-là, D a tout fait pour que je sois congédié ».

[29] Le prestataire a affirmé que D le traitait différemment des autres chauffeurs. Il a déclaré que les autres chauffeurs refusaient parfois des chargements et qu’ils n’étaient pas congédiés pour cela. Il a donné en exemple le fait qu’il avait été appelé pour prendre un chargement dans le nord de l’Ontario qu’un autre chauffeur avait refusé. Le prestataire a aussi affirmé que D lui donnait du fil à retordre ou disait qu’il était difficile s’il devait prendre congé. Il a dit que D ne traitait pas les autres chauffeurs de la même manière.

[30] Je ne suis pas convaincue que l’on ait tenté de faire congédier le prestataire en raison de son origine ethnique. Le prestataire a déclaré que D avait une attitude discriminatoire et qu’il avait tenté de le faire renvoyer. Cependant, D n’a commencé à travailler pour l’employeur qu’à la fin de septembre 2019 et les dossiers montrent que le prestataire a reçu plusieurs avertissements de la part de l’employeur avant cette dateNote de bas de page 8.

[31] Le prestataire a dit que la discrimination de l’employeur était subtile. Il a donné plusieurs exemples de différences de traitement entre lui et d’autres chauffeurs en ce qui concerne le refus d’un chargement. Il a souligné que d’autres chauffeurs avaient eu le même comportement, mais n’avaient pas été congédiés pour cette raison. Le prestataire n’a fourni aucune preuve montrant qu’il avait été pris pour cible en raison de son origine ethnique ou de toute autre caractéristique personnelle. Bien que le comportement de l’employeur puisse soulever des soupçons de discrimination, je considère que la preuve documentaire présentée par la Commission concernant les cas antérieurs où le prestataire n’avait pas respecté les règles de l’entreprise et son refus de suivre la directive de l’employeur l’emportent sur ces soupçons.

[32] Je tiens pour avéré que le prestataire a perdu son emploi en raison de l’effet combiné de son refus de se présenter au travail le 20 novembre 2019 comme cela lui avait été demandé, de son rendement au travail et de ses antécédents disciplinaires. Je tire cette conclusion en me fondant sur :

  • les problèmes de rendement documentés du prestataire en ce qui concerne la consignation du temps minimum requis pour ses inspections avant départ;
  • l’avertissement écrit du 15 octobre 2019, qui appuie le fait que l’employeur croyait que le prestataire avait enfreint le Code de la route;
  • le message texte de l’employeur au prestataire du 14 novembre 2019, indiquant que le prestataire avait emprunté un itinéraire non autorisé;
  • les messages textes échangés entre le prestataire et l’employeur le 19 novembre 2019, qui appuient le fait qu’il ne s’est pas présenté au travail le 20 novembre comme cela lui avait été demandé.

[33] J’estime que la série de courriels envoyés par l’employeur au prestataire pour l’informer qu’il ne consignait pas le temps minimum requis pour les inspections avant départ confirme que le prestataire avait un problème de rendement continu. Le prestataire a déclaré qu’il s’agissait d’une pratique courante chez les chauffeurs, mais je juge que les avertissements répétés indiquent que l’employeur n’acceptait pas cette pratique.

[34] Je conclus que l’employeur croyait que le prestataire avait enfreint le Code de la route en faisant marche arrière sur l’autorouteNote de bas de page 9. Je pense que le fait que l’employeur croyait qu’il avait enfreint le Code de la route est l’une des raisons pour lesquelles il a congédié le prestataire. Toutefois, j’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il n’a pas posé ce geste. Je n’examinerai donc pas si ce geste constituait une inconduite au sens de la loi.

[35] Il n’est pas contesté que le prestataire a emprunté un itinéraire non autorisé le 14 novembre 2019 et qu’il ne s’est pas présenté au travail le 20 novembre 2019 comme cela lui avait été demandé. Le mécontentement de l’employeur à l’égard de ces gestes a été clairement documenté dans les messages textes de ces journées-là.

[36] Je suis convaincue que la preuve portée à ma connaissance appuie la conclusion selon laquelle le rendement au travail du prestataire, ses antécédents disciplinaires et son refus de se présenter au travail sont les faits essentiels qui ont mené à son congédiement. J’estime qu’il est plus probable que ce soit la véritable raison de son congédiement, et non une excuse.

Le prestataire a-t-il été congédié en raison d’une inconduite au sens de la loi?

[37] Le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[38] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être volontaire. Cela signifie que les actes doivent être conscients, délibérés ou intentionnelsNote de bas de page 10. L’inconduite comprend également une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère volontaireNote de bas de page 11. Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (en d’autres mots, il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que ses actes constituent une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 12.

[39] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entrave l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 13.

[40] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 14.

[41] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a enfreint ses conditions d’emploi fondamentales en ne se présentant pas au travail à temps et en ne respectant pas les règles de sa profession.

[42] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il n’a rien fait de mal. Il ne pensait pas non plus qu’il pouvait être congédié pour ses actes parce que l’employeur n’appliquait pas sa politique disciplinaire.

[43] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite. J’estime que le prestataire savait que son employeur était préoccupé au sujet du temps qu’il consignait pour ses inspections avant départ, de son refus de travailler et du fait qu’il empruntait des itinéraires non autorisés pendant ses trajetsNote de bas de page 15. J’estime également que le prestataire savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’il pouvait être congédié pour ces actes.

[44] J’estime que le prestataire a volontairement refusé de se conformer à la directive de l’employeur concernant le temps consigné pour ses inspections avant départ. L’employeur a averti le prestataire à six reprises qu’il devait consigner un minimum de 15 minutes pour ses inspections avant départ et qu’il ne respectait pas cette norme. Le prestataire a déclaré qu’il effectuait son inspection avant départ avant de démarrer le chronomètre. Il modifiait ensuite l’heure pour se conformer à l’exigence des 15 minutes. Il a dit que tous les chauffeurs le faisaient. J’estime que ces déclarations confirment que le prestataire pensait agir correctement, malgré les nombreux avertissements de l’employeur selon lesquels cette pratique n’était pas acceptable. Comme le prestataire a délibérément continué à se comporter de la sorte, j’estime que ses actes étaient volontaires, en ce sens qu’ils étaient conscients, délibérés et intentionnelsNote de bas de page 16.

[45] Je conclus que le prestataire a volontairement emprunté un itinéraire non autorisé le 14 novembre 2019. Le prestataire a dit qu’il suivait un itinéraire sur son GPS pour trouver une aire de repos. Il a déclaré que l’employeur ne lui avait jamais dit de ne pas traverser le Connecticut, mais il a reconnu que l’employeur lui avait dit qu’il n’était pas autorisé à emprunter cette autoroute. Les messages textes de l’employeur indiquent qu’ils avaient déjà discuté du fait que le prestataire traversait le Connecticut. Compte tenu de cette preuve, je conclus qu’il est très probable que le prestataire savait qu’il n’était pas autorisé à traverser le Connecticut. Par conséquent, j’estime que le prestataire a volontairement emprunté un itinéraire non autorisé à travers le Connecticut le 14 novembre 2019Note de bas de page 17.

[46] J’estime également que le prestataire savait que l’employeur pouvait le congédier pour avoir refusé de travailler. Le 19 novembre 2019, l’employeur a demandé au prestataire de prendre un chargement le lendemain à 11 h. Bien que le prestataire ait affirmé qu’il n’avait pas refusé ce chargement, sa réponse à l’employeur selon laquelle il avait un rendez-vous personnel qui entrait en conflit avec ce trajet, suivie de sa demande à l’employeur de lui [traduction] « trouver quelque chose de local » indiquent qu’il ne comptait pas prendre le chargement comme cela lui avait été demandé. L’employeur a ensuite dit au prestataire de se rendre au bureau avec son camion à 9 h. Le prestataire a répondu qu’il avait pris cette directive comme une menace. Le prestataire a dit à la Commission et au Tribunal qu’il savait que l’employeur menaçait de le congédier.

[47] Le prestataire savait que l’employeur avait des préoccupations au sujet de son travail. Il savait également que l’employeur menaçait de le congédier parce qu’il refusait le travail qui lui était assigné. Malgré cela, le prestataire ne s’est pas présenté au travail le 20 novembre 2019 comme on le lui avait demandé. J’estime que le comportement du prestataire à cet égard était si insouciant qu’il était volontaireNote de bas de page 18.

[48] Je conviens avec le prestataire que l’employeur n’appliquait pas sa politique disciplinaire. Le Manuel du personnel et des politiques de l’employeur prévoit une procédure disciplinaire progressive en quatre étapes qui commençe par deux avertissements écrits, puis une suspension avant le congédiement de l’employéNote de bas de page 19. Bien que le prestataire ait reçu de nombreux avertissements au sujet du temps consigné pour ses inspections avant départ, de son refus de travailler et de ses itinéraires non autorisés, rien n’indique qu’il ait été suspendu avant d’être congédié.

[49] Indépendamment de la question de savoir si l’employeur appliquait sa politique disciplinaire, j’estime que la preuve appuie le fait que le prestataire savait qu’il pouvait être congédié pour sa conduite. Compte tenu de ses antécédents disciplinaires, le prestataire aurait dû savoir que sa relation de travail avec l’employeur était déjà tendue. Par conséquent, le prestataire aurait raisonnablement dû savoir que son refus de se présenter au travail comme cela lui avait été demandé affecterait de manière significative sa relation avec l’employeur au point qu’un tel acte entraînerait son congédiement.

Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[50] En me fondant sur mes conclusions ci-dessus, je conclus que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[51] L’examen de la conduite du prestataire révèle qu’il a commis des actes volontaires et insouciants. Il savait ou aurait raisonnablement dû savoir que ces actes étaient de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et qu’ils pouvaient entraîner son congédiement.

Conclusion

[52] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE.

[53] Cela signifie que l’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 5 novembre 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparutions :

B. S., appelant

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