Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – Rémunération et répartition – payer un collègue en remplacement –
La prestataire a demandé des prestations de maladie de l’AE et déclaré à la Commission qu’elle avait travaillé durant sa période de prestations. Elle a décrit sa rémunération et sur cette base, la Commission lui a versé des prestations de maladie. La Commission a ensuite enquêté sur cette rémunération et conclu que la prestataire ne l’avait pas toute déclarée pour une certaine période. Cela a donné lieu à un trop-payé. La prestataire est en désaccord mais la Commission a maintenu sa position en révision. Elle a donc fait appel en division générale (DG) qui a donné raison à la Commission. Elle fait maintenant appel en division d’appel (DA).

La prestataire n’a jamais contesté les sommes versées par l’employeur, mais soutient qu’elle devait payer un collègue pour qu’il la remplace et qu’elle n’a donc gardé qu’une partie de celles-ci. Elle estime que la Commission ne devrait considérer comme sa rémunération que les sommes qu’il lui restait. La DG a reconnu l’argument, mais n’a jamais établi si la prestataire avait effectivement payé un collègue pour faire son travail. La DA a jugé que si la DG avait l’intention de rejeter la preuve selon laquelle elle avait payé son collègue, la DG aurait dû tirer une conclusion de fait claire et explicite en ce sens.

Comme ces allégations pourraient déclencher l’application du paragraphe 35(10)(a) du Règlement sur l’AE, la DG aurait dû décider si la prestataire pouvait déduire des dépenses légitimes de sa rémunération d’emploi. En ne le faisant pas, la DG a commis une erreur de droit. La DA a jugé que les parties devraient avoir la possibilité de présenter des observations et éléments de preuve sur les dépenses que la prestataire souhaite voir déduites de sa rémunération. Sur cette base, la DA a jugé le dossier incomplet et renvoyé l’affaire en DG avec directives de réexamen.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AI c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 971

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-756

ENTRE :

A. I.

Appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Stephen Bergen
DATE DE LA DÉCISION : Le 10 novembre 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je renvoie l’affaire devant la division générale aux fins d’une révision.

Aperçu

[2] L’appelante, A. I. (prestataire), a demandé des prestations de maladie du régime d’assurance-emploi en janvier 2016. La Commission a appelé la prestataire en juin 2016, car elle n’avait pas reçu de rapport de déclaration. La prestataire a dit à la Commission qu’elle avait travaillé certaines heures, et elle a décrit sa rémunération pour la période de janvier 2016 à avril 2016. Lors d’une conversation subséquente, la prestataire a confirmé ses heures et sa rémunération pour la période d’avril 2016 à mai 2016. À partir de cette information, la Commission a versé des prestations de maladie à la prestataire pour la période allant du 13 mars 2016 à la fin de la semaine commençant par le 15 mai 2016.

[3] Au début de 2019, la Commission a amorcé une enquête sur la rémunération de la prestataire en 2016 et elle a obtenu le détail de ses gains bruts de son ancien employeur. En juillet 2019, la Commission a déterminé que la prestataire n’avait pas déclaré la totalité de ses gains pour mars, avril et mai 2016. Elle a déclaré un trop-payé de prestations. La Commission n’a pas changé sa décision lorsque la prestataire lui a demandé une révision.

[4] La prestataire a fait appel de la décision découlant d’une révision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais celle-ci a rejeté son appel. Elle fait maintenant appel de la décision de la division générale à la division d’appel.

[5] L’appel est accueilli. La division générale n’a pas tiré certaines conclusions de fait qu’elle aurait dû tirer. Cela constitue une erreur de droit. Je renvoie l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen.

Quels moyens d’appel puis-je examiner?

[6] Les « moyens d’appel » sont les motifs de l’appel. Pour accueillir l’appel, je dois juger que la division générale a commis l’un des types d’erreurs suivantsNote de bas page 1 :

  1. le processus d’audience de la division générale était en partie non équitable;
  2. la division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire;
  3. la division générale a fondé sa décision sur une importante erreur de fait;
  4. la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision.

Questions en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en ignorant l’explication de la prestataire pour laquelle la Commission avait utilisé de l’information sur sa rémunération en 2016 qui ne correspondait pas à la rémunération déclarée plus tard par l’employeur?

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant de déterminer si la prestataire avait payé une collègue de travail pour effectuer son travail?

[9] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de conclure que la Commission était raisonnablement convaincue que la déclaration de la prestataire était fausse ou trompeuse?

[10] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’expliquer comment elle avait conclu que la déclaration de la prestataire était fausse?

[11] La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle en ne permettant pas à la prestataire d’appeler comme témoin une ancienne ou un ancien collègue de travail?

Analyse

Prise en considération de l’explication de la prestataire concernant sa rémunération

[12] La prestataire a dit à la division générale qu’une agente ou un agent de la Commission l’avait appelée en 2016 parce qu’elle n’avait pas rempli son rapport de déclaration. Elle a dit qu’elle n’avait pas rempli son rapport parce qu’elle ne savait pas comment indiquer ses gains. Elle ne pouvait pas faire le travail elle-même, alors elle a dû payer une collègue de travail une partie de ce que son employeur lui donnait. La prestataire a dit qu’elle avait expliqué à l’agente ou l’agent qu’elle avait pris cette entente parce qu’elle devait être en mesure de démontrer qu’elle avait un revenu d’emploi aux fins d’un prêt personnel. Selon la prestataire, elle a informé l’agente ou l’agent de la Commission du montant total qu’elle avait reçu de son employeur. Elle a dit que l’agente ou l’agent lui avait aussi demandé combien elle avait gardé pour elle, et qu’elle lui avait donné cette information.

[13] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en concluant que l’argent qu’elle a reçu de son employeur constituait sa « rémunération ». Elle soutient que la division générale a ignoré ou mal interprété le fait qu’elle avait partagé son salaire avec une collègue de travail parce que cette personne avait accompli les tâches habituelles de la prestataire, pendant que celle-ci n’assurait que sa supervisionNote de bas page 2.

[14] La division générale n’a pas ignoré ou mal interprété la preuve lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’il y avait une erreur dans les gains déclarés par son employeur. Elle s’est fondée sur les registres de paie et un relevé bancaire montrant des dépôts dans le compte de la prestataire. Ceux-ci étaient conformes à l’information que l’employeur avait fournie à la Commission.

Aucune conclusion selon laquelle la prestataire n’a pas payé sa collègue de travail pour faire son travail

[15] La prestataire a toujours affirmé qu’elle avait demandé à une collègue de travail de faire son travail pour elle, et qu’elle avait payé cette personne pour son travail.

[16] Toutefois, la division générale n’a pas déterminé si le montant total payé par l’employeur constituerait quand même une rémunération pour l’employeur dans ces circonstances. Selon l’article 35(10)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE), le revenu d’une partie prestataire, aux fins du calcul de la rémunération, est le montant qui reste de son revenu après la déduction des dépenses engagées par la partie prestataire dans le but de gagner ce revenu. La propre politique de la Commission précise ce qui suit :

Lorsque le prestataire peut établir que les sommes ont réellement été versées à quelqu’un d’autre qui remplissait ses fonctions à sa place, ces sommes peuvent alors faire partie de la catégorie des dépenses directement engagées en vue de gagner un revenu, et elles peuvent être déduites du revenu du prestataireNote de bas page 3.

[17] L’information sur le revenu que la Commission a obtenue de la prestataire en 2016 ne pouvait pas être une « fausse déclaration » si elle représentait son revenu réel après avoir appliqué l’article 35(1)(a) du Règlement sur l’AE. Autrement dit, il est possible que sa déclaration n’ait pas été fausse si elle a correctement déduit ce qu’elle a pris du montant reçu de son employeur pour payer la personne qui a fait son travail à sa place.

[18] La division générale n’a pas vérifié comment de telles déductions auraient pu avoir eu une incidence sur le montant pouvant être considéré comme une rémunération au titre de l’article 35(2) du Règlement sur l’AE et réparti au titre de l’article 36. Cela aurait été une erreur de droit, si la division générale avait reconnu que la prestataire avait payé sa collègue de travail et déclaré avec exactitude ce qu’elle avait gardé pour elle-même.

[19] Toutefois, la division générale n’a tiré aucune conclusion concernant la question de savoir si la prestataire avait payé une collègue de travail pour faire son travail. La division générale a seulement dit qu’elle n’avait pas trouvé d’erreur [traduction] « dans la rémunération déclarée par son employeur »Note de bas page 4.

[20] Pour autant que je sache, la prestataire n’a jamais contesté combien son employeur l’avait payée. L’argument de la prestataire était qu’elle avait dû payer une collègue de travail pour la remplacer, et qu’elle avait seulement gardé une partie de ces versements pour elle-même. Elle estime que la Commission aurait dû reconnaître que sa rémunération était le montant qu’elle avait gardé pour elle-même.

[21] La division générale a reconnu cet argument, mais elle n’a pas déterminé si la prestataire avait payé une collègue de travail pour faire son travail. La seule chose qu’elle a dit est que la prestataire n’avait pas appuyé sa demande à l’aide d’autres éléments de preuve, et que ses relevés bancaires ne montraient pas que la prestataire avait payé quelqu’un pour faire son travail. Si la division générale avait l’intention de rejeter la preuve de la prestataire selon laquelle elle avait payé sa collègue de travail, elle aurait dû tirer une conclusion de fait claire (explicite).

[22] Compte tenu de la preuve et la demande de la prestataire, et de l’effet potentiel de l’article 35(10)(a) du Règlement sur l’AE, la division générale aurait dû déterminer si la prestataire avait des dépenses légitimes à déduire de sa rémunération. En omettant de tirer une conclusion de fait nécessaire, la division générale a commis une erreur de droit.

Motifs insuffisants comme autre erreur de droit

[23] Si j’avais reconnu que la division générale avait l’intention de conclure (ou avait conclu implicitement) que la prestataire n’avait pas payé sa collègue de travail, la division générale n’aurait pas eu à prendre en considération l’article 35(1)(a) du Règlement sur l’AE.

[24] Toutefois, je conclurais quand même que la division générale a commis une erreur de droit parce que ses motifs sont insuffisants pour appuyer une conclusion selon laquelle la prestataire n’avait pas payé sa collègue de travail.

[25] La prestataire a affirmé à plusieurs reprises qu’elle avait payé une collègue de travail pour faire son travail. Son témoignage et ses déclarations constituent des éléments de preuve, peu importe si elle pouvait fournir des éléments de preuve à l’appui supplémentaires. La division générale n’a pas jugé que la prestataire n’était pas crédible ou que son témoignage n’était pas fiable. Il n’existe aucune présomption légale selon laquelle la preuve d’une partie prestataire devrait être traitée comme n’étant pas crédible ou fiable si elle n’est pas soutenue par d’autres éléments de preuve.

[26] La décision ne m’indique pas quel poids la division générale a accordé aux déclarations ou au témoignage de la prestataire, ou si elle leur a même accordé un poids. Si la division générale avait l’intention de rejeter la preuve de la prestataire ou de ne pas lui accorder beaucoup de poids, elle aurait dû dire de façon claire qu’elle rejetait sa preuve et elle aurait dû expliquer son raisonnementNote de bas page 5.

[27] Les motifs de la division générale ne pourraient pas appuyer une conclusion selon laquelle la prestataire n’avait pas payé une collègue de travail pour faire son travail.

Aucune conclusion selon laquelle la Commission était raisonnablement convaincue

[28] L’autre argument de la prestataire était que la Commission avait dépassé l’échéance pour réviser sa décision de verser les prestations de maladie qu’elle avait reçues en 2016. La Commission a seulement informé la prestataire de sa conclusion selon laquelle elle avait reçu des prestations en trop plus de 36 mois après qu’elle les ait reçues.

[29] Cela signifie que la Commission peut seulement recouvrer le trop-payé si une déclaration fausse ou trompeuse a été faite relativement à la demande. Si la Commission forme l’opinion qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite, elle peut réviser sa décision dans un délai de 72 mois, plutôt que 36 moisNote de bas page 6. Les tribunaux ont déclaré qu’il faut que la Commission « se satisfasse raisonnablement » qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faiteNote de bas page 7.

[30] La division générale a seulement tiré une conclusion au sujet de la capacité de la Commission à procéder à une révision. Elle a conclu que la Commission avait examiné la demande de la prestataire dans le délai de 72 mois.

[31] Avant que la division générale puisse conclure que la Commission pouvait réviser sa décision, elle devait aussi juger que la Commission était raisonnablement satisfaite qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite. La division générale a commis une erreur de droit en omettant de tirer une conclusion de fait nécessaire. Je note que les observations orales et écrites de la Commission appuient cette conclusion.

Aucune justification permettant de conclure que la prestataire a fait de fausses déclarations

[32] Comme je l’ai noté plus haut, la division générale ne pouvait pas conclure que la Commission pouvait réviser sa décision à moins qu’elle détermine d’abord que la Commission était raisonnablement satisfaite lorsqu’elle a formé son opinion. Toutefois, une conclusion selon laquelle la déclaration de la prestataire était objectivement fausse aurait été importante pour une telle décision.

[33] La Commission a soutenu devant la division d’appel que la division générale était convaincue que la déclaration de la prestataire était fausse, même si elle n’a pas vérifié si la Commission était raisonnablement satisfaite de son opinion.

[34] La division générale a conclu, ou présumé, que la déclaration de la prestataire à la Commission était fausseNote de bas page 8. S’il s’agit d’une conclusion, la division générale n’a pas appuyé sa conclusion à l’aide d’éléments de preuve. La division générale ne pouvait pas conclure que l’information de la prestataire était fausse sans d’abord déterminer qu’elle n’avait pas déclaré sa rémunération réelle à la Commission.

[35] Je vais supposer pour l’instant que la rémunération de la prestataire au titre de l’article 35(2) du Règlement sur l’AE est égale aux revenus bruts qui lui ont été versés par l’employeur sans déduction pour les paiements faits à la collègue de travail de la prestataire. Si cela est exact, la prestataire aurait fait une fausse déclaration si elle avait seulement déclaré la partie des versements de l’employeur qu’elle avait gardé pour elle. Toutefois, la prestataire affirme qu’elle n’a pas seulement déclaré la partie qu’elle avait gardée pour elle.

[36] Selon la prestataire, elle a donné à l’agente ou l’agent suffisamment d’information pour inscrire le total et le montant correct de sa rémunération pour chaque période de déclaration. Elle a affirmé que l’agente ou l’agent de la Commission avait rempli son rapport au téléphone. Elle a aussi dit qu’elle avait expliqué toutes ses circonstances à l’agente ou l’agent, y compris le fait qu’elle avait remis une partie de sa rémunération à une collègue de travail qui avait effectué son travail. Elle a mis l’accent sur le fait qu’elle avait aussi informé l’agente ou l’agent du montant total que l’employeur lui avait versé. La prestataire affirme que l’agente ou l’agent a décidé qu’une partie de sa paie devrait être indiquée comme étant une rémunération. Cela correspond à sa réponse à l’enquête de la Commission sur sa rémunération. Elle a dit qu’elle avait donné [traduction] « toutes ses heures de travail et son taux horaire, et que [l’agente ou l’agent] est celle ou celui qui l’avait préparé pour elle ».

[37] J’estime que la division générale a commis une erreur de droit. Qu’elle ait jugé ou simplement supposé que la prestataire avait fait une fausse déclaration, elle n’a pas expliqué son raisonnement ni cerné les éléments de preuve sur lesquels elle s’était appuyée.

[38] Je ne suis pas tenu de suivre les décisions de l’ancien juge-arbitreNote de bas page 9. Toutefois, je note que je suis appuyé dans ma décision par le raisonnement de la décision 62781 du juge-arbitre du Canada sur les prestations (CUB). Dans cette décision, le juge-arbitre a dit que le fait que le conseil arbitral n’avait pas expliqué comment il avait conclu que la Commission avait eu raison de décider que le prestataire avait donné de la fausse information constituait une erreur de droit.

Justice naturelle

[39] À son audience devant la division d’appel, la prestataire a soutenu qu’il était injuste qu’elle n’ait pas l’occasion de fournir des éléments de preuve supplémentairesNote de bas page 10. Elle a dit qu’elle avait informé la division générale qu’elle pouvait trouver la personne qui avait travaillé pour elle et qu’elle avait payéeNote de bas page 11.

[40] La prestataire a affirmé devant la division générale qu’elle avait essayé de trouver des collègues de travail pour témoigner du fait qu’elle avait payé une collègue de travail pour faire son travail. Son témoignage n’était pas aussi clair qu’il aurait pu l’être. Toutefois, je comprends qu’elle cherchait une personne en particulier qui avait un compte à la Banque Scotia ou qui avait des relevés d’un compte à la Banque Scotia. La prestataire pense que cette personne ou es renseignements bancaires pourraient l’aider à prouver qu’elle avait payé une collègue de travail pour faire le travail pour lequel son employeur l’avait payéeNote de bas page 12. La prestataire a dit à la division générale qu’elle avait appris qu’une ou un de ses collègues de travail [traduction] « d’il y a longtemps », qui était en congé, devait revenir la fin de semaine suivante. Elle a demandé la permission d’obtenir le témoignage de cette personne pour aider sa causeNote de bas page 13.

[41] La division générale a répondu qu’elle devait trancher l’affaire en se fondant sur la preuve qu’elle avait déjà en main. Elle a dit qu’il appartenait à la prestataire de faire un autre appel si elle était en mesure d’obtenir de l’information supplémentaire.

[42] Je ne peux pas déterminer que la division générale a agi de façon injuste en ne donnant pas à la prestataire du temps supplémentaire pour présenter un témoin ou d’autres éléments de preuve.

[43] La division générale s’attend généralement à ce que les parties à un appel aient rassemblé tous les éléments de preuve qu’elles souhaitent utiliser avant la tenue de l’audience. La prestataire a envoyé des éléments de preuve à la division générale le 17 juin 2020, environ une semaine avant la tenue de son audience. Elle croyait apparemment qu’elle pouvait, ou qu’elle devait, présenter des éléments de preuve documentaire supplémentaires à la division générale avant l’audience.

[44] Toutefois, je comprends pourquoi la prestataire pourrait avoir l’impression que la décision de la division générale était injuste. La formulation de la décision de la division générale porte à croire qu’elle s’appuie sur le fait que la prestataire n’avait aucune preuve pour appuyer son témoignage. La prestataire estime qu’elle aurait pu trouver cette preuve, mais que la division générale ne lui a pas donné la chance de le faire.

[45] Néanmoins, la prestataire a eu amplement de temps pour recueillir des éléments de preuve et se préparer pour son audience. Le Tribunal a envoyé à la prestataire des documents du dossier de la Commission le 18 juin 2020. La division générale a informé la prestataire de la date de l’audience le 26 juin 2020. De plus, le Tribunal avait initialement prévu l’audience de son appel en octobre 2019. La première audience a été tenue sans sa participation, et la division générale a rendu une décision. Toutefois, elle a fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel, qui a renvoyé l’affaire pour une nouvelle audience. Avant la date de sa première audience, le Tribunal avait envoyé à la prestataire les documents nécessaires pour se préparerNote de bas page 14. Ainsi, la prestataire aurait pu déterminer les questions à trancher et commencé à chercher les éléments de preuve qui lui seraient utiles, à compter d’environ huit mois avant son audience de juillet 2020.

[46] La prestataire ne s’est jamais plainte de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour se préparer pour l’audience du 22 juillet 2020. Le 21 juillet 2020, elle a confirmé qu’elle avait reçu les documents et l’avis, et qu’elle serait présente à l’audience. Toutefois, elle n’a pas demandé au Tribunal de reporter son audience afin qu’elle puisse obtenir des éléments de preuve supplémentaires. La première fois où la prestataire a dit qu’elle voulait chercher d’autres éléments de preuve était à la toute fin de son audience devant la division générale.

[47] Toutefois, la prestataire n’avait pas de nouveaux éléments de preuve au moment de son audience. Elle n’a pas confirmé que sa collègue de travail avait accepté de l’aider, et elle n’a pas dit à quel moment elle pourrait obtenir les éléments de preuve qu’elle cherchait. On ne dirait pas qu’elle était certaine de pouvoir trouver sa collègue de travail. Elle a seulement dit qu’elle avait entendu que sa collègue était de retour et qu’elle pensait être capable de la trouver.

[48] Selon ce que la prestataire a dit à la division générale, on dirait qu’elle a seulement appris que sa collègue de travail était [traduction] « de retour » peu de temps après l’audience devant la division générale. Je comprends cela. Toutefois, la prestataire avait déjà eu plusieurs mois pour recueillir des éléments de preuve et elle n’était toujours pas certaine si elle pouvait même obtenir les éléments de preuve qu’elle cherchait. Elle a fait sa demande au dernier moment possible, lorsque la membre de la division générale concluait son audience. Je ne peux pas déterminer que la division générale a agi de façon injuste en rendant sa décision en se fondant sur la preuve qu’elle avait déjà en main.

Résumé

[49] J’ai jugé que la division générale avait commis des erreurs de droit en omettant de tirer des conclusions de fait nécessaires. Il me faut donc envisager une réparation appropriée.

Réparation

Nature de la réparation

[50] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas page 15. Je peux aussi renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine sa décision.

[51] La prestataire a dit qu’elle a confiance en ma capacité de rendre une décision juste. En même temps, elle croit apparemment que j’ai accès à un enregistrement de ce qu’elle a dit à l’agente ou l’agent de la Commission en 2016. Je n’ai pas accès aux éléments de preuve que le Tribunal n’a pas envoyés à la prestataire. Je n’ai aucun enregistrement des conversations téléphoniques que la prestataire a eu avec la Commission en 2016, et je ne peux pas vérifier ce que la prestataire a dit à l’agente ou l’agent en 2016.

[52] La Commission suggère aussi que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre. Elle soutient que tout ce dont j’ai besoin pour rendre la décision est déjà au dossier.

[53] La Commission soutient que je devrais conclure qu’elle était « raisonnablement satisfaite » lorsqu’elle a formé l’opinion qu’une fausse déclaration avait été faite. Cela signifierait que la Commission avait le pouvoir de réviser sa décision après 36 mois. La Commission soutient que la déclaration initiale de la prestataire concernant sa rémunération était fausse de prime abord. Elle dit que les montants que l’employeur a versé à la prestataire sont plus élevés que la rémunération que la prestataire a déclarée (et qu’elle a utilisée pour calculer ses prestations en 2016).

Renvoi à la division générale

[54] Je ne suis pas d’accord pour dire que le dossier est complet.

[55] J’ai découvert une erreur de droit dans la façon dont la division générale a présumé que la prestataire avait fait une fausse déclaration. La division générale aurait dû vérifier si la Commission était raisonnablement satisfaite que la prestataire avait fait une fausse déclaration en 2016. Cette erreur porte sur la question de savoir si la Commission avait la capacité de réviser sa décision après plus de 36 mois.

[56] J’ai aussi découvert une erreur de droit qui concerne la question de savoir si la Commission a calculé sa rémunération correctement. Cette deuxième erreur de droit pourrait être pertinente de deux façons. Si la prestataire avait le droit de déduire les paiements versés à sa collègue de travail, des éléments de preuve sont nécessaires pour déterminer si les montants que la Commission a recouvrés de la rémunération de 2016 de la prestataire constituaient en fait sa rémunération au titre du Règlement sur l’AE. Cela serait pertinent à la question de savoir si la Commission pouvait être raisonnablement satisfaite de son opinion selon laquelle la prestataire avait fait une fausse déclaration. Toutefois, des ajustements à la rémunération de la prestataire pourraient aussi avoir une incidence sur la décision d’une deuxième façon. S’il est déterminé que la Commission a le pouvoir de réviser sa décision, la modification du montant de sa rémunération ou de la période y étant associée changerait la façon dont sa rémunération devrait être répartie sur les semaines pendant lesquelles elle a reçu des prestations.

[57] Il existait des éléments de preuve qui auraient pu permettre à la division générale de déterminer si la Commission était raisonnablement satisfaite du fait que les renseignements relatifs à la rémunération qu’elle avait consignés en 2016 étaient ce que la prestataire avait déclaré comme rémunération. La Commission avait les premières notes des conservations de son agente ou agent avec la prestataire en 2016 qu’elle pouvait comparer à la rémunération déclarée par l’employeur. Elle avait aussi la réponse de la prestataire à l’enquête sur la rémunération, la preuve documentaire de la prestataire comprenant des renseignements relatifs à la paie et aux dépôts, et le témoignage de la prestataire concernant ce qu’elle avait dit à la Commission au sujet de sa collègue de travail.

[58] Toutefois, je n’ai pas suffisamment d’information pour déterminer si la Commission était raisonnablement satisfaite du fait qu’une fausse déclaration avait été faite.

[59] Il n’y a aucune information sur la question de savoir si l’article 35(10)(a) du Règlement sur l’AE devrait s’appliquer aux faits ou comment il devrait s’appliquer. Cet article permet à une partie prestataire de déduire de son revenu ou sa rémunération les dépenses qui lui ont directement permis de gagner ce revenu. Selon la preuve qui était devant la division générale, il est possible que la prestataire ait payé une collègue de travail pour faire le travail pour lequel l’employeur avait payé la prestataire. Cela signifie qu’il est possible que la prestataire ait déclaré sa rémunération réelle à la Commission même s’il était déterminé qu’elle avait seulement déclaré à la Commission les montants qu’elle avait consignés dans ses notes. Cela signifierait qu’elle n’a pas fait de fausse déclaration.

[60] Si la déduction de l’article 35(10)(a) s’applique, il faudrait soustraire le montant pouvant être déduit de la rémunération de la prestataire. Toutefois, sa déclaration de 2016 serait tout de même fausse s’il était déterminé que la prestataire n’avait pas fourni à la Commission les sommes totales qui lui ont été versées par son employeur, et qu’elle s’était trompée quant au montant de la rémunération ajustée qu’elle a déclarée. Cela signifierait que la Commission pourrait réviser sa décision précédente. Toutefois, le montant exact de sa rémunération après avoir correctement déduit les paiements versés à sa collègue de travail pourrait tout de même avoir une incidence sur la partie de la décision découlant d’une révision concernant sa rémunération et la répartition de sa rémunération.

[61] La division générale avait certains éléments de preuve démontrant que la prestataire avait payé une collègue de travail, mais aucun élément de preuve direct concernant le montant que la prestataire a versé à sa collègue de travail pour chaque semaine pendant laquelle elle a touché des prestations. Je ne peux pas rendre la décision que la division générale aurait dû rendre sans en savoir davantage sur les versements que la prestataire dit avoir fait à sa collègue de travail.

[62] De plus, aucune des parties n’a fait d’observation à la division générale sur la question de savoir si l’article 35(10)(a) du Règlement sur l’AE s’appliquait dans les circonstances de la prestataire. La division générale n’a pas vérifié si l’article 35(10)(a) pouvait s’appliquer ou avoir une incidence sur sa rémunération. Ainsi, elle n’a pas déterminé s’il existait des éléments de preuve lui permettant d’évaluer l’incidence de l’article 35(10)(a). Lorsque la prestataire a demandé si elle pouvait obtenir des éléments de preuve supplémentaires d’une ou un collègue de travail (qui pourrait confirmer qu’elle avait dû effectuer des dépenses pour gagner un revenu, et le montant), la division générale a refusé. Toutefois, elle aurait pu donner à la prestataire l’occasion de fournir des éléments de preuve supplémentaires si elle s’était penchée sur l’article 35(10)(a).

[63] À mon avis, les parties devraient avoir l’occasion de faire des observations sur la question de savoir si la prestataire pouvait faire des déductions appropriées sur sa rémunération, et elles devraient pouvoir présenter des éléments de preuve pour appuyer ces arguments.

[64] Je renvoie cette affaire à la division générale pour réexamen.

[65] Sans limiter les autres questions qu’il est possible que la division générale ait à examiner, j’invite la division générale à prendre ce qui suit en considération :

  1. La prestataire a-t-elle payé une collègue de travail pour faire le travail, ou une partie du travail, pour lequel l’employeur a payé la prestataire? Dans l’affirmative, quand et quels montants?
  2. Comment l’article 35(10)(a) du Règlement sur l’AE s’applique-t-il dans ces circonstances? Si la prestataire a payé sa collègue de travail pour faire son travail, s’agit-il d’une déduction appropriée? Le montant complet?
  3. Est-ce que les montants consignés par la Commission en 2016 comme étant la rémunération de la prestataire correspondent ou ressemblent au salaire brut de la prestataire après les déductions effectuées pour les montants que la prestataire a versés à sa collègue de travail (si elle l’a effectivement payée)?
  4. La Commission était-elle « raisonnablement satisfaite » au moment de former son opinion que la prestataire avait fait une fausse déclaration, lorsqu’elle a examiné le fait que la prestataire insistait sur le fait qu’elle avait informé la Commission du montant total qu’elle avait reçu de son employeur?
  5. S’il est déterminé que l’article 35(10)(a) s’applique, la Commission était-elle « raisonnablement satisfaite » que les montants qu’elle avait consignés comme étant la rémunération de la prestataire ne reflétaient pas sa rémunération réelle?
  6. Si la Commission était raisonnablement satisfaite et qu’elle pouvait donc réviser sa décision, l’article 35(10)(a) du Règlement sur l’AE aurait-il une incidence sur la rémunération et la répartition, et dans l’affirmative, laquelle?

Conclusion

[66] L’appel est accueilli. Je renvoie l’affaire à la division générale pour une révision avec les directives ci-dessus.

Date de l’audience :

Le 30 octobre 2020

Mode d’instruction :

Vidéoconférence

Comparutions :

A. I., appelante
Josée Lachance, représentante de l’intimée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.