Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JY c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1048

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-2195

ENTRE :

J. Y.

Appelante/prestataire

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Catherine Shaw
DATE DE L’AUDIENCE : Le 12 novembre 2020
DATE DE LA DÉCISION : Le 16 novembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées et elle ne peut pas les remplacer par des prestations parentales standards.

Aperçu

[2] La prestataire a demandé des prestations de maladie avant la naissance de son enfant. Au même moment, elle a aussi demandé des prestations de maternité et des prestations parentales. Dans sa demande, elle a indiqué qu’elle souhaitait recevoir les prestations parentales prolongées. Les prestations parentales de type prolongé sont d’un montant moindre que celles de type standard, mais sont versées sur une plus longue période.

[3] Après le début de la pandémie de la COVID-19, son époux n'a pas pu trouver du travail. La prestataire a donc communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada pour demander que ses prestations parentales passent à l’option standard. Elle voulait faire un retour anticipé au travail comme la situation de chômage de son époux persistait.

[4] La prestataire n’a pas pu obtenir de réponse de la Commission quant au changement de prestations souhaité. Par conséquent, quand elle a dû présenter une nouvelle demande de prestations parentales, elle a de nouveau sélectionné l’option prolongée. Elle a continué à essayer de joindre la Commission. Lorsqu’elle est enfin parvenue à parler à quelqu’un qui pourrait l’aider, on lui a dit qu’il était trop tard pour passer à l’option standard, étant donné qu’elle avait déjà commencé à recevoir ses prestations parentales. La prestataire fait appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Genèse de l’appel

[5] La prestataire a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale du Tribunal le 10 août 2020. La prestataire ne parle pas l’anglais. Elle ignorait que le Tribunal offrait des services d’interprétation, et n’a donc pas demandé d’emblée d’en bénéficier. À l’audience, son époux a comparu pour la représenter et a offert d’interpréter les échanges entre la prestataire et le membre de la division générale. Le membre l’a autorisé à le faire. Il a ensuite rejeté l’appel de la prestataire le 20 août 2020.

[6] Estimant que le membre avait mal compris certaines de ses déclarations, la prestataire a ensuite fait appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal. La division d’appel a conclu que la division générale ne lui avait pas offert une audience équitable, comme la prestataire et le membre de la division générale étaient incapables de communiquer efficacement sans l’aide d’un interprète professionnel et impartial. Le membre de la division d’appel a donc renvoyé le dossier de la prestataire devant la division générale aux fins d’une nouvelle audience. La présente décision découle de cette nouvelle audience.

[7] Pour l’audience du 12 novembre 2020, le Tribunal a fourni une interprète parlant le cantonais. Vers le début de l’audience, l’interprète a affirmé qu’elle avait certaines difficultés à comprendre la prestataire. À quelques occasions, elle a demandé à la prestataire de clarifier ses propos. À un certain moment, la prestataire a affirmé que l’interprète avait mal interprété l’une de ses réponses. La prestataire a de nouveau répondu à la question puis a confirmé que l’interprétation était juste. À la fin de l’audience, j’ai demandé à la prestataire et à son époux s’ils croyaient que d’autres déclarations pourraient avoir été mal interprétées. Ils ont tous les deux confirmé qu’il n’y avait pas eu d’autres erreurs d’interprétation.

Questions à trancher

[8] Je dois déterminer si la prestataire peut recevoir des prestations parentales standards. Pour ce faire, je dois vérifier quel type de prestations parentales elle avait choisi de recevoir. Si elle a choisi les prestations parentales prolongées, je dois chercher à savoir si elle peut les remplacer par des prestations parentales standards.

Motifs de ma décision

[9] Les prestations parentales visent à aider les prestataires qui arrêtent de travailler pour prendre soin de leurs nouveau-nésNote de bas de page 1. Les prestataires doivent choisir le nombre maximum de semaines où ces prestations peuvent leur être versées, soit 35 ou 61Note de bas de page 2. Le type de prestations parentales choisi ne peut être modifié une fois qu’a commencé le versement des prestations parentalesNote de bas de page 3.

[10] Je dois examiner tous les éléments de preuve pour déterminer le type de prestations parentales qui a probablement été choisi au départNote de bas de page 4.

La prestataire a-t-elle choisi un type de prestations parentales, et dans l’affirmative, quel type de prestations a-t-elle choisi?

[11] Je conclus que la preuve démontre que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées.

[12] La prestataire a affirmé qu’elle avait demandé des prestations de maladie en novembre 2019. En même temps, elle avait aussi présenté une demande de prestations de maternité et de prestations parentales. Elle avait alors sélectionné l’option prolongée pour les prestations parentales, demandant de recevoir ces prestations pendant 61 semaines. À l’audience, elle a dit qu’elle prévoyait initialement d'arrêter de travailler plus longtemps. Son époux était alors au chômage, mais elle croyait qu’il trouverait rapidement un emploi. Malheureusement, leur situation a changé quand le chômage de son époux a perduré vu l'impact de la pandémie de la COVID-19.

[13] La prestataire a témoigné qu’elle avait commencé à appeler la Commission en mai 2020 pour demander de changer la durée de ses prestations parentales et de bénéficier de l’option standard. Elle croyait qu’il lui faudrait recommencer à travailler plus tôt que prévu, comme son époux était toujours sans emploi. Elle savait aussi que son employeur allait ouvrir un nouveau magasin près de chez elle. Elle a affirmé que la Commission lui avait dit de présenter une nouvelle demande de prestations parentales en juin et qu’elle voulait savoir si elle pouvait alors changer l’option choisie pour ses prestations parentales.

[14] La prestataire et son époux ont tenté de joindre la Commission par téléphone à maintes reprises, mais ils ne sont jamais parvenus à parler à un agent. À de nombreuses occasions, la ligne s’était simplement coupée. Le 2 juin 2020, la prestataire et son époux ont donc soumis une autre demande de prestations parentalesNote de bas de page 5. La prestataire a de nouveau sélectionné l’option prolongée, indiquant qu’elle souhaitait recevoir des prestations parentales pendant 61 semaines. La prestataire a témoigné qu’elle avait indiqué ces informations parce qu’elle ignorait s’il lui était possible de changer le type de prestations parentales qu’elle avait choisi dans sa première demande.

[15] La prestataire et son époux ont continué à essayer de joindre la Commission. La prestataire a affirmé que son époux avait parlé à la Commission le 15 juin 2020. Il avait demandé à l’agente de la Commission si la prestataire pouvait remplacer ses prestations par l’option standard. L’agente n'avait pas pu répondre à sa question, affirmant qu’elle n’était pas certaine si le type de prestations pouvait être changé. La prestataire a dit que son époux n’avait pas demandé à ce moment-là une modification du type de prestations parentales comme l’agente était incapable de confirmer si un tel changement était possible.

[16] J’ai demandé à la Commission de me fournir une confirmation de cette conversation. Elle a répondu qu’aucune conversation, que ce soit avec la prestataire ou son époux, ne figurait au dossier de la prestataire entre le 1er juin 2020 et le 6 juillet 2020. La Commission a aussi spécifié que [traduction] « toutes les demandes visant à modifier le type de prestations parentales sont inscrites au dossier ».

[17] J’estime que le scénario le plus probable est que l’époux de la prestataire s'est entretenu avec la Commission le 15 juin 2020. Les observations de la Commission ne contredisent pas la version de faits de la prestataire. Le fait que la Commission n’a pas pris note de l’entretien téléphonique du 15 juin ne veut pas dire que cet appel n’a pas eu lieu. La Commission souligne que toutes les demandes visant à modifier le type de prestations parentales sont inscrites au dossier. La prestataire a témoigné que son époux n’avait pas demandé de faire changer le type de prestations parentales durant cet appel précis. Par conséquent, la remarque de la Commission, voulant que toutes les demandes pour changer de type de prestations parentales soient inscrites au dossier de la prestataire, ne permet pas de conclure que cet appel téléphonique serait documenté.

[18] La prestataire savait que son employeur allait ouvrir un nouveau magasin à proximité de sa résidence. Elle savait qu’il y aurait un poste vacant à cette succursale, ce qui était une autre raison motivant un retour anticipé au travail. Le 3 juillet 2020, l’employeur a communiqué avec elle pour lui offrir un poste dans cette succursale.

[19] Le 6 juillet 2020, la prestataire et son époux ont communiqué de nouveau avec la Commission. Ils ont demandé que les prestations parentales de la prestataire passent à l'option standard. L’agente de la Commission a affirmé que le type de ses prestations parentales ne pouvait pas être modifié comme sa demande arrivait trop tard. Elle a expliqué que le premier versement de ses prestations avait déjà été fait et qu’il lui était donc désormais impossible de changer la durée de leur versement.

[20] La Commission a soumis un historique des paiements, qui montre que le premier versement de prestations parentales a été fait le 19 juin 2020. La prestataire dit avoir reçu ce paiement le 21 juin 2020.

[21] La Commission soutient que la prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales prolongées quand elle a sélectionné cette option dans le formulaire de demande. Le 6 juillet 2020, la prestataire a demandé que ses prestations passent à des prestations parentales standards, mais la Commission a affirmé que son choix était devenu irrévocable, ou impossible à modifier, dès le premier versement de ses prestations, le 19 juin 2020.

[22] Je juge que la preuve corrobore que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. Il n’est pas contesté qu’elle a sélectionné cette option dans ses deux demandes de prestations parentales. Même si la prestataire a commencé à envisager en mai de reprendre le travail hâtivement, je juge que l’appel téléphonique du 15 juin 2020 impliquant son époux révèle qu’elle hésitait encore à modifier le type de ses prestations parentales.

[23] Je reconnais que la prestataire a eu énormément de difficulté à joindre la Commission pour obtenir de l’aide pour sa demande. Elle et son époux ont téléphoné à la Commission à maintes reprises avant de pouvoir parler à une agente qui a pu répondre à leurs questions. Bien que la prestataire ait pu être incertaine de pouvoir changer le type de ses prestations parentales, il demeure qu'elle avait choisi de recevoir des prestations parentales prolongées en sélectionnant cette option dans ses formulaires de demande.

La prestataire peut-elle remplacer l’option prolongée qu’elle a choisie par l’option standard de prestations parentales?

[24] La prestataire affirme qu’elle a reçu le premier paiement de ses prestations parentales prolongées le 21 juin 2020. À partir de cette date, son choix de recevoir des prestations parentales prolongées est devenu irréversible. Le 6 juillet 2020, elle a demandé de changer la durée de ses prestations parentales et de passer à des prestations parentales standards. Autrement dit, elle a demandé de changer la durée de ses prestations parentales après avoir reçu son premier versement de prestations parentales. Pour cette raison, je conclus qu’elle ne peut remplacer les prestations parentales prolongées qu’elle a choisies par des prestations parentales standards.

[25] Je prends acte de l’argument de la prestataire, à savoir que sa situation avait changé drastiquement depuis le moment initial où elle avait choisi de toucher des prestations parentales prolongées. Elle vit des difficultés financières vu les conséquences imprévues de la COVID-19 sur la situation d'emploi de son époux. Je comprends les raisons pour lesquelles elle souhaite changer la durée de ses prestations parentales pour pouvoir reprendre le travail plus tôt que prévu et améliorer la situation financière de sa famille. Toutefois, le libellé de la loi ne m’autorise pas à mettre de côté son choix pour l’option prolongée à moins que le changement soit demandé avant le début du versement des prestations parentales. La loi édicte que les prestataires choisissent le nombre maximal de semaines pendant lesquelles les prestations peuvent leur être verséesNote de bas de page 6 et que ce choix est irrévocable dès lors que des prestations sont verséesNote de bas de page 7.

[26] Malheureusement, je ne dispose d'aucun pouvoir discrétionnaire pour autoriser la prestataire à changer la durée de ses prestations parentales. La loi n’autorise pas la prestataire à modifier son choix et je suis tenue d’appliquer la loi telle qu’elle est écrite, quelles que soient les circonstances atténuantesNote de bas de page 8.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 12 novembre 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparutions :

J. Y., appelante

D. G., représentant de l’appelante

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