Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1208

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-2234

ENTRE :

J. D.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Gerry McCarthy
DATE DE L’AUDIENCE : Le 20 novembre 2020
DATE DE LA DÉCISION : Le 20 novembre 2020

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire a démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Par conséquent, on peut traiter sa demande de prestations comme s’il l’avait présentée le 27 mai 2018. De plus, le prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations le 27 mai 2018 parce qu’il avait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence pour établir une période de prestations.

Aperçu

[2] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi (AE) le 28 avril 2020. Il demande maintenant que la demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 27 mai 2018, date à laquelle son emploi a pris fin. La Commission a déjà refusé de le faire.

[3] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il avait un motif valable de retarder la présentation de sa demande de prestations d’AE. La Commission affirme que le prestataire n’avait aucun motif valable, car il s’était remis de ses problèmes de santé en janvier 2020, mais il avait attendu trois mois avant de demander des prestations et il ne s’était pas renseigné sur la façon de présenter une demande. Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme que même si physiquement, il était partiellement rétabli en janvier 2020, il avait encore des problèmes cognitifs liés au traitement de l’information et à la mémoire.

Question en litige

[4] Je dois décider s’il est possible de traiter la demande de prestations comme si le prestataire l’avait présentée le 27 mai 2018 (c’est ce qu’on appelle antidater une demande).

Analyse

[5] Les prestataires doivent prouver deux choses pour faire antidater une demande de prestations :

  1. Il y avait un motif valable justifiant le retard pendant toute la durée du retard.
  2. Les conditions requises pour recevoir des prestations étaient remplies à la date antérieureFootnote 1.

[6] Pour démontrer qu’il avait un motif valable, le prestataire doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesFootnote 2. Il doit le démontrer pour toute la période du retardFootnote 3. D’après les renseignements fournis par la Commission, la période de retard du prestataire s’étend du 27 mai 2018 au 26 avril 2020.

[7] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loiFootnote 4. Si le prestataire n’a fait aucune vérification, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi il a agi ainsiFootnote 5.

[8] Il incombe au prestataire de prouver qu’il est plus probableFootnote 6 qu’improbable (qu’il y a plus de chances) qu’il ait eu un motif valable.

Le prestataire avait-il un motif valable pendant toute la période du retard?

[9] Je juge que le prestataire avait un motif valable pendant toute la période de son retard pour les raisons expliquées ci-après.

[10] Premièrement, le prestataire a eu une grave rechute de sa sclérose en plaques en juillet 2019 et il n’était toujours pas rétabli sur le plan cognitif en janvier 2020. Bref, le prestataire a montré que des circonstances exceptionnelles justifient le fait qu’il n’a pas demandé de prestations avant le 28 avril 2020, car sa rechute de sclérose en plaques nuisait encore à sa mémoire et à sa capacité de traiter l’information dans les mois suivant janvier 2020. Je sais que la Commission a fait valoir que le prestataire a attendu encore trois mois après son [traduction] « rétablissement » en janvier 2020 et qu’il n’a pas cherché à obtenir des renseignements sur les prestations auprès de la Commission. Toutefois, il m’est impossible de conclure que le prestataire s’était rétabli de son problème de santé en janvier 2020. Même si le prestataire a confirmé qu’il était plus à l’aise avec le côté droit de son corps au début de 2020, il a déclaré sous serment qu’il avait encore des problèmes cognitifs affectant sa mémoire et sa capacité de traiter l’information.

[11] Deuxièmement, le témoignage du prestataire au sujet de son problème de santé après janvier 2020 était crédible parce que ses déclarations étaient franches, détaillées et raisonnables. Plus précisément, le prestataire a déclaré qu’il avait des problèmes de mémoire en janvier 2020 et qu’il ne lui est jamais venu à l’esprit de demander des prestations d’AE. De plus, le prestataire a expliqué qu’il avait des problèmes à traiter l’information en janvier 2020 et qu’il ne s’était toujours pas rétabli sur le plan cognitif de sa rechute survenue six mois plus tôt.

[12] Troisièmement, j’accepte le témoignage du prestataire selon lequel, en raison d’une indemnité de départ considérable que son employeur lui versait, il ne pensait pas pouvoir demander des prestations avant la fin des versements de l’indemnité de départ. À l’audience, le prestataire a bel et bien confirmé qu’il avait épuisé son indemnité de départ en septembre 2019. Toutefois, à cette époque, seulement deux mois s’étaient écoulés depuis sa grave rechute de sclérose en plaques, ce qui l’empêchait de demander des prestations. De plus, la Commission a reconnu que le prestataire était atteint d’un grave problème de santé. Plus précisément, la Commission a soutenu que ce problème de santé avait peut-être empêché le prestataire de s’informer au sujet des prestations pendant une longue période (page GD4-4).

Autres observations de la Commission

[13] La Commission a semblé accepter l’argument du prestataire voulant qu’avant sa rechute de sclérose en plaques en juillet 2019, il n’avait pas demandé de prestations d’AE en raison de son indemnité de départ. Toutefois, la Commission continuait de soutenir qu’une personne raisonnable dans sa situation se serait informée de ses droits et responsabilités au lieu d’attendre presque deux ans après sa dernière journée de travail pour se renseigner sur les prestations. Néanmoins, j’accepte l’argument du prestataire selon lequel il n’a pas demandé de prestations d’AE avant sa rechute en juillet 2019 en raison de l’indemnité de départ considérable qu’il recevait de son employeur. Autrement dit, j’admets qu’une personne raisonnable aurait fait la même chose dans des circonstances semblables.

[14] La Commission a en effet soutenu que le prestataire avait un grave problème de santé qui l’avait peut-être empêché de s’informer sur les prestations d’AE pendant une [traduction] « longue période ». Néanmoins, la Commission a insisté sur le fait que le prestataire était rétabli dès janvier 2020, puis qu’il avait attendu trois autres mois avant de présenter sa demande sans se renseigner auprès d'elle. Cependant, je ne peux tout simplement pas admettre que le prestataire était rétabli sur le plan cognitif en janvier 2020. Le prestataire a eu des problèmes de mémoire après janvier 2020, ce qui constitue des circonstances exceptionnelles qui l’ont empêché de présenter une demande jusqu’au 28 avril 2020. La jurisprudence est claire sur ce point : l’appréciation d’un « motif valable » exige nécessairement l’étude de toutes les circonstances en cause et ce serait une erreur de ne pas prendre en considération le problème de santé du prestataire pendant toute la période de son retardFootnote 7.

Le prestataire remplissait-il les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure?

[15] Je juge que le prestataire remplissait bel et bien les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations en raison de son relevé d’emploi figurant à la page GD3‑15. De plus, la Commission a fait valoir que si la demande de prestations du prestataire commençait le 27 mai 2018 (la semaine de sa cessation d’emploi), il aurait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable durant sa période de référence pour établir une période de prestations (page GD4‑3).

Conclusion

[16] L’appel est accueilli. Le prestataire a démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Ainsi, on peut traiter sa demande de prestations comme s’il l’avait présentée le 27 mai 2018. De plus, le prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations le 27 mai 2018.

Dates de l’audience :

Le 20 novembre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

J. D., prestataire (appelant)

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