Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KR c Commission de l’assurance-emploi du Canada et X, 2020 TSS 1009

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-757

ENTRE :

K. R.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée

et

X

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Stephen Bergen
DATE DE LA DÉCISION : Le 3 décembre 2020

Sur cette page

Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelant, K. R. (le prestataire), a demandé des prestations d’assurance-emploi après que son employeur l’a congédié. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’employeur avait congédié le prestataire en raison de son inconduite. Cela signifiait que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. L’appelant a demandé une révision et la Commission a modifié sa décision. Elle a décidé que le comportement du prestataire n’avait pas été une inconduite.

[3] L’employeur (intimé) a fait appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a accueilli l’appel de l’employeur. Le prestataire porte maintenant en appel la décision de la division générale à la division d’appel.

[4] L’appel est accueilli. La division générale a commis des erreurs dans sa manière de parvenir à sa décision. J’ai corrigé ces erreurs et rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations parce que son comportement n’était pas une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Questions préliminaires

[5] L’employeur n’a pas participé à l’appel à la division d’appel. Le 27 octobre 2020, l’employeur a confirmé qu’il avait reçu l’avis d’audience, mais a indiqué qu’il n’y assisterait pas. L’employeur a confirmé qu’il comprenait que la division d’appel rendrait une décision en son absence et que cette décision pouvait avoir une incidence sur lui.

Quels moyens d’appel puis-je prendre en considération?

[6] Les « moyens d’appel » sont les raisons de faire appel. Pour accueillir l’appel, je dois conclure que la division générale a commis l’un des types d’erreurs ci-dessousNote de bas de page 1 :

  1. Un aspect du processus d’audience de la division générale était inéquitable.
  2. La division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire ou elle a rendu une décision qui dépassait le cadre de ses compétences.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

Questions en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en ne tenant pas compte d’incohérences de la preuve de l’employeur?

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’employer une norme objective dans l’évaluation de la nature des commentaires verbaux du prestataire ou de son message texte à son coordonnateur (B)?

[9] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’expliquer pourquoi elle n’a accordé que peu ou pas de poids à la preuve indiquant que le prestataire a nié avoir fait une menace verbale à B?

Analyse

[10] La division générale devait décider si l’employeur avait congédié le prestataire en raison d’une inconduite. Un certain nombre de décisions de cours supérieures ont défini l’inconduite aux fins de la Loi sur l’AENote de bas de page 2. Pour constituer une inconduite, les agissements ou omissions d’une partie prestataire doivent présenter un caractère délibéré. Cela signifie que le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’une de ses responsabilités envers l’employeur et qu’ainsi, le congédiement constituait une possibilité réelle. L’inconduite doit également être la raison pour laquelle l’employeur a congédié son employéNote de bas de page 3.

[11] À la division générale, l’employeur a soutenu avoir congédié le prestataire parce qu’il avait fait deux menaces. L’employeur a indiqué que le prestataire a fait une menace verbale à B et qu’il a continué avec une menace par message texte à B. L’employeur a également fait valoir que le comportement menaçant de l’appelant transgressait les politiques de l’entreprise et qu’il savait que ce type de comportement était interdit. L’employeur a avancé que le prestataire savait qu’il pouvait le congédierNote de bas de page 4.

[12] Le prestataire a affirmé à la division générale qu’il avait eu une conversation téléphonique normale avec B et ne l’a pas menacéNote de bas de page 5. Il a dit que la menace de son message texte en était une indiquant qu’il allait démissionner de son emploiNote de bas de page 6. Selon lui, la vraie raison pour laquelle l’employeur l’avait congédié était son mécontentement parce qu’il n’avait pas déchargé son chargement de matériaux à la fin de la journée. Il a également affirmé que l’employeur n’aimait pas le fait qu’il ne pouvait pas travailler plus d’heuresNote de bas de page 7.

[13] La division générale a conclu que le prestataire avait fait des menaces, que l’employeur comprenait comme des menaces de violence. Elle a conclu que ces menaces représentaient une inconduite aux termes de la Loi sur l’AE. La division générale a également décidé que l’employeur avait congédié le prestataire parce qu’il a fait ces menaces.

Question en litige no 1 : Éléments de preuve incohérents concernant le moment où le prestataire a fait la menace verbale

[14] Le prestataire a soutenu que la division générale avait mal compris le rapport d’enquête à la suite d’un incident (rapport d’enquête) du 21 février 2020. L’employeur a présenté ce rapport à la division générale parmi ses éléments de preuveNote de bas de page 8.

[15] J’estime qu’il y a une cause défendable selon laquelle la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve du rapport d’enquête.

[16] La division générale a indiqué que le rapport d’enquête [traduction] « ne décriv[aient] pas quand et comment le prestataire a fait des menaces verbalesNote de  bas de page  9 ». Le prestataire a cependant fait remarquer que le rapport d’enquête fournissait effectivement des détails. Le rapport traite du moment où le prestataire est censé avoir fait la menace verbale et de la personne destinataire.

[17] D’après le rapport d’enquête, le prestataire a eu une conversation téléphonique avec le coordonnateur (B) le soir du 20 février 2020. Lors de cet appel, le prestataire et B ont discuté des attentes de l’employeur concernant la décharge de matériaux et les heures de travail. À la fin de l’appel, B a dit au prestataire de se rendre au bureau avant son quart de travail du matin pour clarifier les politiques et les attentes. Le rapport d’enquête fait état d’une discussion quelconque après l’appel. [Traduction] « La gestion » a décidé que le prestataire devait se présenter à une réunion matinale avec le délégué d’atelier pour vérifier s’il devait être sanctionné. Selon le rapport, le prestataire [traduction] « a répliqué en faisant des menaces écrites et verbalesNote de bas de page 10 » (mis en évidence par le soussigné). Par conséquent, les menaces présumées ont dû suivre après la discussion au téléphone entre le prestataire et B, après que B a discuté de l’appel avec la gestion, et après que B a envoyé au prestataire un second message texte lui disant d’entrer à 6 h.

[18] La division générale a ignoré ou mal interprété le fait que la chronologie des événements décrite dans le rapport d’enquête diffère de la plupart des autres éléments de preuve de l’employeur. Elle diffère de la chronologie dont l’employeur a parlé à la division générale dans l’avis d’appelNote de bas de page 11, et par l’intermédiaire du témoignage de B et du vice-président des opérations (R). Elle diffère aussi de la chronologie présentée dans les arguments de l’employeur à la division généraleNote de bas de page  12.

[19] B a témoigné avoir eu une seule conversation téléphonique de soir avec le prestataire et ce dernier l’avait menacé verbalement durant cet appel. B a dit qu’il avait discuté de l’appel avec R, puis envoyé un message texte confirmant les instructions du prestataire pour le matin suivant. B a suivi son message texte de répartition avec un second message texte demandant au prestataire de se rendre à une réunion le matinNote de bas de page 13. B a affirmé que la réponse par texto du prestataire à la demande de réunion était la seconde menace.

[20] R a déclaré qu’il avait appelé le délégué d’atelier avant de donner à B des instructions pour convoquer le prestataire. Il a dit avoir eu l’intention de discuter du comportement menaçant du prestataire et [traduction] « de la disposition ». Cependant, lorsque R a appris que le prestataire avait répondu à l’invitation à la réunion en envoyant un message texte menaçant à B, il a rappelé le prestataire et l’a congédié.Note de bas de page 14

[21] La division générale a commis une erreur de fait importante. Elle s’est fondée sur la version des faits de l’employeur sans tenir compte du fait que le rapport d’enquête contredisait le témoignage de B et de R. Il y a des incohérences concernant le moment (ou la conversation) où la menace verbale s’est produite et la question de savoir si le prestataire a émis des menaces envers B seulement, ou à B et R à la fois. Ces incohérences sont pertinentes à la question de la crédibilité et de la fiabilité du témoignage de B et de R.

Question en litige no 2 : Nature de la menace ou des menaces

[22] Le prestataire soutient que rien n’indiquait qu’il voulait rendre son message texte menaçant. Il affirme qu’il menaçait uniquement de démissionner.

[23] La division générale a reconnu que le prestataire avait été cohérent en affirmant qu’il avait seulement menacé de démissionner. Toutefois, la division générale a accepté que le prestataire menaçait de violence.

[24] Je conviens qu’une menace de violence pourrait être une inconduite. La politique de l’employeur indique clairement qu’il peut congédier un employé immédiatement en cas de menace de violenceNote de bas de page 15. J’accepte que toute menace de violence ou de préjudice envers l’employeur, ses employés ou ses biens constitue un manquement au devoir du prestataire envers son employeur et puisse représenter une inconduite.

[25] Toutefois, la division générale a commis une erreur de droit. Les actions ou l’inaction ne peuvent constituer une inconduite que si elles sont une inconduite de façon objective. La division générale n’a pas tranché la question de savoir si la menace ou les menaces du prestataire étaient de l’inconduite de façon objective.

[26] La Cour d’appel fédérale a laissé entendre qu’un comportement ne peut être considéré comme de l’inconduite que s’il représente une inconduite de façon objective. Dans une décision, la Cour a affirmé qu’il faut établir l’inconduite en fonction de la preuve, « indépendamment de l’opinion de l’employeur ». On ne peut conclure à une inconduite en se fondant sur « de simples conjectures et hypothèsesNote de bas de page 16 ». Dans une autre décision, la Cour rejette le raisonnement du juge-arbitreNote de bas de page 17 selon lequel l’employeur doit uniquement « estime[r] que l’inconduite reprochée justifie le congédiement […]. » La Cour a statué que « le simple fait pour un employeur d’être convaincu que la conduite en question est une inconduite » ne satisfait pas au fardeau de la preuveNote de bas de page 18.

[27] Pour conclure que le message texte du prestataire constituait une inconduite, il aurait fallu que la division générale conclue qu’il savait ou aurait dû savoir que ses remarques pouvaient entraîner son congédiement. En se fondant sur une norme objective, cela voudrait dire que le prestataire aurait dû savoir qu’une personne raisonnable conclurait qu’il menaçait l’employeur, ses employés ou ses biens de violence ou de préjudice. (Je le nommerai dorénavant « préjudice » tout court.)

[28] La division générale a reconnu cela. Elle a d’abord formulé la question en demandant si une « personne raisonnable comprendrait qu’elle perdrait probablement son emploi si elle agissait de la même manière?Note de bas de page 19 » La division générale n’a cependant pas répondu à la question qu’elle a posée.

[29] Au lieu de cela, la division générale a affirmé qu’il était raisonnable que l’employeur interprète le message texte comme une menace de violenceNote de bas de page 20. Même si l’employeur a interprété le message de façon raisonnable, on ne peut en déduire que le message texte était une inconduite de façon objective. Pour que le message texte du prestataire constitue une inconduite, une personne raisonnable devrait conclure que le message texte représentait une menace de préjudice ou qu’il s’agissait de l’interprétation la plus probable.

[30] Ce n’est pas la même chose que de dire qu’une personne peut raisonnablement entretenir une interprétation particulière. Il pourrait y avoir plusieurs interprétations raisonnables. L’une pourrait être une menace de préjudice. Une autre pourrait être une menace de démission. Rien ne permet de dire qu’une interprétation est plus raisonnable qu’une autre. L’utilisation par une partie prestataire d’un langage qui n’est pas assez précis ne devrait pas représenter une inconduite.

[31] La division générale s’est préoccupée uniquement de la manière dont l’employeur a perçu le message texte. Elle a dit avoir été convaincue par l’argument de l’employeur selon lequel ils [traduction] « ne pouvaient pas savoir » que le prestataire menaçait simplement de démissionnerNote de bas de page 21. Elle a conclu que la menace du prestataire était une menace de violence pour ce seul motif.

[32] Peu importe que l’employeur n’ait pas pu savoir avec certitude, n’ait pas pu deviner ou n’ait peut-être pas envisagé la possibilité que le prestataire menaçait seulement de démissionner. Comme l’employeur l’a souligné dans ses observations à la division générale, il revenait à cette dernière de décider, « selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiementNote de bas de page 22 ».

[33] Le message texte en question ne représente pas de toute évidence, ou nécessairement une menace de préjudice envers B. La nature de la menace prête à interprétation. Par conséquent, la division générale avait l’obligation d’évaluer les circonstances dans lesquelles le prestataire a envoyé le message texte et de prendre en considération les dires du prestataire sur le sens de ses propos et ses intentions. Elle aurait dû examiner la preuve de façon objective pour ce qui est de savoir si le prestataire aurait pu prévoir que son message texte serait reçu comme une menace de préjudice.

[34] J’estime que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas appliqué un critère objectif. Elle n’a pas évalué la preuve pour décider si le message texte du prestataire (ou d’autres commentaires) constituait de façon objective des menaces de préjudice ou représentait de façon objective une inconduite.

[35] La Commission a fourni des observations à l’appui de l’appel du prestataire parvenant essentiellement à la même conclusion. Elle a indiqué que la division générale avait commis une erreur de droit en se fiant à la seule perception de l’employeur. Elle a également souligné que rien ne prouvait que l’employeur ait tenté de clarifier auprès du prestataire ce qu’il voulait dire par son message texte.

Question en litige no 3 : Rejet de la preuve du prestataire sans motifs.

[36] La division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas étayé les motifs de son rejet de la preuve du prestataire selon laquelle il n’avait pas fait de menace verbale.

[37] La division générale a reconnu que l’employeur et le prestataire avaient des versions différentes de l’appel téléphonique de la soirée du 20 février 2020. Elle a souligné que le prestataire avait été conséquent lorsqu’il insistait sur le fait qu’il n’avait pas menacé B lors de leur conversation au téléphone. La division générale a dit que l’employeur avait, de la même façon, soutenu que le prestataire avait fait une telle menace. La division générale a indiqué qu’elle devait examiner l’ensemble de la preuve pour déterminer la version des faits la plus probable.

[38] La division générale a décidé de croire la version de l’employeur, à savoir que le prestataire avait fait une menace verbale à B. Cela dépendait largement de son autre conclusion selon laquelle le prestataire avait ensuite fait une menace de violence dans son message texteNote de bas de page 23. On pouvait en déduire que le prestataire était plus susceptible d’avoir fait la menace verbale parce qu’il avait tenu des propos semblables dans son message texte.

[39] J’ai déjà décidé que la division générale a fait une erreur de droit en concluant que le message représentait une menace de violence ou d’un type devant être considéré comme une inconduite. Cela présente une difficulté évidente par rapport à la façon dont la division générale a conclu que le prestataire avait fait une menace verbale.

[40] Toutefois, même si la division générale n’avait pas fait une telle erreur, elle ne pouvait pas ignorer les déclarations et le témoignage clairs et cohérents du prestataire indiquant qu’il n’avait pas verbalement menacé BNote de bas de page 24.

[41] La division générale a considéré que la menace verbale était plus probable en raison de sa perception de la menace par message texte et des autres messages du prestataire après qu’il a été congédié. En même temps, elle a semblé ignorer ou accorder peu de poids à l’insistance du prestataire à affirmer qu’il n’avait pas menacé B, alors qu’elle n’avait pas conclu que le prestataire n’était pas crédible ou mis en doute la fiabilité de sa preuve.

[42] Citant deux décisions de la Cour d’appel fédérale, la Commission soutient que la division générale aurait dû expliquer pourquoi elle a accordé peu ou pas de poids à la preuve du prestataire. Elle qualifie cela soit d’erreur de droit, soit de conclusion de fait arbitraireNote de bas de page 25.

[43] J’estime que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de fournir des motifs suffisants. Elle ne s’est pas prononcée concernant le poids qu’elle a accordé à la preuve du prestataire. Si elle l’a rejetée, elle n’a pas dit pourquoi.

[44] Ayant conclu que la division générale avait commis des erreurs de fait et de droit en parvenant à sa décision, je dois maintenant me pencher sur la réparation appropriée.

Réparation

Nature de la réparation

[45] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 26. Je peux aussi renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine sa décision.

[46] Le prestataire et la Commission conviennent tous deux que le dossier est complet et que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je suis d’accord.

[47] La partie alléguant qu’une personne a été congédiée en raison d’une inconduite a le fardeau de la preuve (doit montrer que c’est vrai). La décision de la Commission découlant de la révision a accepté qu’elle ne puisse pas établir qu’il s’agisse d’une inconduite selon la preuve. Elle continue d’appuyer sa décision découlant de la révision depuis que l’employeur a fait appel à la division générale. L’employeur a soutenu que le comportement du prestataire représentait une inconduite et qu’il l’a congédié en raison de son inconduite.

[48] L’employeur n’a pas participé au présent appel pour intervenir en faveur de la décision de la division générale. La Commission a maintenu que sa décision initiale découlant d’une révision était correcte. Comme le prestataire, la Commission ne croit pas qu’on a établi une inconduite devant la division générale.

[49] Je suis d’accord à la fois avec le prestataire et la Commission. La preuve portée à la connaissance de la division générale ne permet pas de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la conversation du prestataire avec B ou son message texte constituait une inconduiteNote de bas de page 27. Précisément, les éléments de preuve ne démontrent pas que les communications verbales et par texto du prestataire représentaient des menaces de préjudice ou d’un type dont le prestataire aurait dû savoir qu’elles pouvaient entraîner son congédiement.

Menace verbale

[50] Je n’accepte pas que le prestataire ait fait des menaces verbales dans sa conversation téléphonique initiale avec B le soir du 20 février 2020.

[51] Le prestataire a nié précisément avoir fait une menace verbale lors de sa conversation initiale avec B au téléphone. Il a affirmé que B et lui discutaient le moment où il devrait disposer de son chargement que cela avait été une conversation normale et cordiale. Il n’a pas nié avoir envoyé un message plus tard à B. Il a cependant dit l’avoir fait en réaction au message texte le convoquant à la réunion disciplinaire du matin. Le prestataire se doutait que la réunion aurait lieu pour donner suite à son insatisfaction à l’égard des exigences de l’employeur quant aux heures de travail. Il a soutenu qu’il songeait à démissionner et que c’était ce qu’il voulait dire par son message texte.

[52] Il n’y avait aucune preuve selon laquelle le prestataire avait un antécédent de conflit avec B et aucun élément indiquant sa prédisposition à menacer B. Le prestataire avait une fois déjà reçu un avertissement verbal à cause de son implication dans une [traduction] « engueulade » avec une personne du travail, mais le rapport d’avertissement concluait qu’aucune des deux parties n’avait la responsabilité premièreNote de bas de page 28. En ce qui concerne cet avertissement-là, l’employeur a affirmé que le prestataire est devenu [traduction] « très agité », il a élevé la voix et [traduction] « s’est précipité hors du bureau » sans signer le document. L’employeur n’a cependant pas indiqué si B avait été témoin de la scène ni s’il l’avait même entendueNote de bas de page 29.

[53] Le prestataire a souligné ce qui semble être un bon échange de textes avec B le jour précédant son congédiement par l’employeurNote de bas de page 30. Il laisse entendre qu’il s’agit d’éléments de preuve selon lesquels il avait une relation de travail normale avec B. La preuve de B indiquait que la menace faisait suite à l’insistance de B pour que le prestataire dispose de son chargement le soir, ce qui signifiait pour lui des journées allongées. L’échange de textes semble confirmer que B avait déjà donné des instructions au prestataire en soirée pour qu’il dispose de son chargement le matin, sans conflit apparent. Le moment où le prestataire a disposé de son chargement peut avoir été un problème épineux entre l’employeur et lui, mais peu d’éléments de preuve indiquent que cela posait problème entre le prestataire et B avant la conversation téléphonique de ce dernier avec lui le 20 février 2020.

[54] La meilleure preuve selon laquelle le prestataire a verbalement menacé B provient du témoignage direct de B concernant cette conversation. R a soutenu la version des faits de B, témoignant de ce que B lui a dit à l’époque. Il y a toutefois des incohérences entre les éléments de preuve fournis au cours des témoignages concernant le déroulement des événements et la chronologie présentée dans d’autres documents.

[55] Le témoignage de B et du vice-président des opérations de l’employeur (R) n’est pas compatible avec le rapport d’enquête daté du 21 février 2020, le jour suivant la conversation et les textes en questionNote de bas de page 31. B a déclaré que le prestataire lui avait dit au téléphone que, s’il essayait de le faire travailler certaines heures, il avait [traduction] intérêt à être prêt pour la suite d’un ton de voix [traduction] plus qu’agitéNote de bas de page 32. R a aussi déclaré que B lui avait parlé de l’appel et avait dit que le prestataire l’avait menacé. R a dit qu’il avait consulté le délégué d’atelier et qu’ils avaient conjointement convenu de faire venir le prestataire pour discuter du comportement menaçant ainsi que de la question de la dispositionNote de bas de page 33.

[56] Le rapport d’enquête indique que le prestataire a menacé à la fois B et R verbalement et par message texte. Selon le rapport, tout cela s’est produit après la conversation du prestataire avec B et après que l’employeur avait décidé de le faire venir pour une enquête matinale et de possibles mesures disciplinaires.

[57] Le courriel du 21 février 2020 entre R et [traduction] « Admin  »Note de bas de page 34 contredit aussi certains détails du témoignage de R et de B. Le courriel indique que l’employeur a organisé la réunion du matin pour discipliner le prestataire en raison de son éthique professionnelle et pour avoir quitté des chantiers prématurément. Il ne dit pas que le prestataire faisait également l’objet de mesures disciplinaires pour une menace antérieure résultant de sa conversation avec BNote de bas de page 35.

[58] Ce courriel à Admin précise à la fois les menaces verbales et par texte, mais dit qu’elles sont survenues alors que l’employeur tentait de planifier la réunion disciplinaire. Tout comme le rapport d’enquête, le courriel ne comprend aucune description d’une menace verbale distincte envers B s’étant produite d’entrée de jeu.

[59] D’après le courriel, l’employeur a congédié le prestataire immédiatement après qu’il a fait des menaces à [traduction] « la haute gestion ». Je suppose que R, le vice-président des opérations, fait partie de la haute gestion, selon l’usage habituel de ce terme. B est un coordonnateur. Je suis toutefois moins certain que l’employeur considère son coordonnateur comme faisant partie de la haute gestion.

[60] Le rapport d’enquête et le courriel entre R et Admin sont datés du 21 février, environ au même moment que le congédiement du prestataire. Je m’attendrais à voir une quelconque mention dans ces documents d’une menace verbale du prestataire envers B durant la conversation téléphonique initiale, puisque cela faisait partie du témoignage à la fois de B et de R. Toutefois, la communication de R avec le syndicat est le premier document dans lequel l’employeur dit très clairement que l’appel initial du prestataire à B comportait une menace verbaleNote de bas de page 36. Cela n’a été dit que le 3 mars 2020.

[61] Un second courriel à la représentante syndicale, également du 3 mars 2020, dit que R a discuté avec le prestataire de sa réponse à B et que le prestataire a ensuite aussi menacé RNote de bas de page 37. Cela semble correspondre à la description du courriel du 21 février à Admin. Cependant, si le prestataire a menacé R, ce dernier a omis de le mentionner lors de son témoignage devant la division générale.

[62] Le fait que la preuve de l’employeur contienne des écarts (ou incohérences) importants affecte le poids que je peux lui accorder. Le rapport d’enquête a été rédigé après le congédiement du prestataire et probablement sans lui donner voix. Par conséquent, il s’agit essentiellement d’un registre de la version des faits de l’employeur à ce moment-là. Je m’attends à ce qu’il corresponde au témoignage de R et de B.

[63] Le prestataire nie avoir menacé verbalement ou par écrit, sauf de démissionner de son emploi. Cela ne correspond pas non plus au rapport d’enquête, mais ce n’est pas surprenant. Le déni est au cœur du présent appel. Le prestataire n’est pas moins crédible ou fiable parce qu’il est en désaccord avec le contenu du rapport sur les menaces. Le rapport ne contient aucun élément indiquant qu’on ait demandé au prestataire de donner sa version des faits ou qu’il avait accepté le rapport d’enquête. L’employeur avait déjà congédié le prestataire au moment de l’enquête; cela donne à penser que le rapport d’enquête a probablement été rédigé sans sa contribution.

[64] La division générale a déduit qu’il était plus probable que le prestataire ait fait une menace verbale de violence envers B parce qu’il a ensuite envoyé un message texte à B, que B a jugé menaçant. Si je devais conclure que le message texte représentait une menace évidente de préjudice, je pourrais déduire qu’il était plus probable qu’il avait aussi menacé de préjudices lors de sa conversation téléphonique. Si le prestataire a fait une menace de violence une fois, il est raisonnable de penser qu’il y aurait de plus grandes chances qu’il menace de violence à d’autres reprises. Les termes généraux du message texte ne représentent toutefois pas une menace de préjudice explicite ou évidente, et le prestataire nie qu’il s’agissait d’une telle menace.

[65] Par ailleurs, même si je concluais que le message texte menaçait implicitement de préjudice, cela ne voudrait pas nécessairement dire qu’il était plus probable qu’improbable que le prestataire avait fait une menace verbale distincte de préjudice. Cela ne peut que signifier qu’il était plus probable que le prestataire avait fait la menace verbale que s’il n’avait pas envoyé une menace par message texte. Le fait avéré d’une menace de préjudice par message texte envers B pourrait appuyer une conclusion selon laquelle le prestataire était susceptible d’avoir également fait une menace verbale distincte de ce type. Cela exigerait cependant que les circonstances entourant le message texte à B ressemblent beaucoup à celles entourant la conversation du prestataire avec B.

[66] En l’espèce, il y a des différences notables entre les circonstances du message et la conversation. La menace verbale s’est apparemment produite au cours de ce que le prestataire a qualifié de conversation normale avec son coordonnateur. Ils discutaient du moment où le prestataire devrait disposer de son chargement et de sa tâche du lendemain matin.

[67] Au moment où le prestataire a envoyé le message texte, il semble que leurs communications étaient devenues plus tendues. Après la conversation téléphonique, le prestataire a reçu un texto de suivi de B confirmant les instructions de répartition du matin. Quelques instants plus tard, un second message texte demandait au prestataire de se présenter au bureau à 6 h [traduction] « pile » le lendemain matin. Lorsque le prestataire a texté sa réponse à B, il a répété le commentaire [traduction] « pile » à B, apparemment irrité par le ton du message texte de B. Le prestataire a aussi affirmé qu’au moment où il y a répondu, il croyait que le message texte voulait dire que l’employeur le convoquait pour le renvoyer.

[68] À cause de ces différences dans les circonstances, et puisque la signification de la menace du message texte du prestataire n’est pas évidente, le fait qu’il a envoyé le message texte à B ne peut qu’appuyer une déduction très peu probante selon laquelle le prestataire a fait une menace de préjudice à B pendant la conversation téléphonique antérieure. Au moment de décider si le prestataire a fait la menace verbale, j’accorde peu de poids au fait qu’il a envoyé le message texte à B.

[69] La division générale s’est également fondée sur d’autres messages textes, envoyés par le prestataire à B et à une collègue, pour conclure que le prestataire avait fait une menace verbale à B. Ces autres messages ne permettent pas de déduire que le prestataire a fait la menace verbale envers B ou que le langage de son message insinuait une menace de préjudice. Ils n’étaient menaçants en aucune façon et le prestataire n’a envoyé ces messages qu’après son congédiement.

[70] Seuls le prestataire et B ont personnellement connaissance de ce qu’a dit le prestataire à B durant leur conversation téléphonique initiale. Le témoignage du prestataire a été conforme à ses déclarations antérieures selon lesquelles il n’avait pas menacé B. Ce n’est cependant pas le cas de B ou de R. B et R ont tous deux témoigné d’une version des faits différente de ce qu’ils ont apparemment décrit aux fins de l’enquête interne par suite d’un incident. Leur témoignage diffère également du courriel dont B est l’auteur à Admin le jour suivant le congédiement du prestataire par R. Leur témoignage diffère de façon importante d’autres documents concernant la question de savoir si le prestataire a effectivement fait la menace verbale envers B lors de la seule conversation qu’il a eue avec B ce soir-là. La preuve est aussi conflictuelle sur la question de savoir si l’employeur a renvoyé le prestataire pour avoir menacé B ou menacé R. Pour ces motifs, j’accorde moins de poids au témoignage de B et de R qu’à celui du prestataire.

[71] J’estime que le prestataire n’a fait aucune menace verbale au cours de sa conversation téléphonique initiale avec B.

Menace par message texte

[72] Le prestataire ne conteste pas qu’il a écrit un texto dans lequel il a dit que l’employeur [traduction] « le forçait à faire front » et qu’il [traduction] « vais donner suite donc [assure-toi d’être] prépar[é] pour le résultat. [Le prestataire] est très facile à vivre jusqu’à ce qu’on « [l]’accule dans un coin ». Il a toutefois déclaré à la division générale qu’il menaçait seulement de démissionner de son emploi. Il a dit à la Commission qu’il voulait insinuer qu’il démissionnerait et [traduction] « pas leur faire du tortNote de bas de page 38 ». Il a déclaré qu’il était agité parce qu’il pensait avoir des ennuis en raison de sa résistance aux attentes de l’employeur de travailler de longues heures. Cette préoccupation s’est encore manifestée dans le message texte que le prestataire a envoyé à l’employeur après avoir été renvoyé. Le prestataire a texté qu’il ne pouvait pas travailler les 12 à 14 heures par jour que l’employeur exigeait prétendument de luiNote de bas de page 39.

[73] L’employeur affirme qu’il a renvoyé le prestataire pour avoir employé un langage abusif ou menaçantNote de bas de page 40. Cependant, l’employeur peut seulement se prononcer sur sa réaction subjective (ou celle de B) à ce qu’il a perçu comme une menace. La perception de l’employeur de ce que le prestataire voulait dire par son message texte n’est pas la seule manière possible de qualifier le message. L’opinion de l’employeur au sujet du message texte du prestataire n’établit pas s’il s’agit d’une « inconduite » au sens de la Loi sur l’AE.

[74] L’employeur a eu l’occasion, et l’obligation en application de ses politiques, de clarifier ce que le prestataire voulait dire par son message texte. Selon la politique de prévention de l’intimidation, du harcèlement et de la violence de l’employeur, la gestion est censée rencontrer une personne présumée contrevenante et mener une enquête approfondieNote de bas de page 41. Un rapport d’enquête a été rédigé le 21 février, mais l’employeur avait renvoyé le prestataire au téléphone le soir précédent. Comme l’a fait valoir la Commission devant la division générale, il n’y a aucun document selon lequel le prestataire a pris part à une telle enquête ou qu’il a eu l’occasion d’expliquer ses commentaires.Note de bas de page 42

[75] Lorsque la division générale a demandé à R s’il avait donné l’occasion au prestataire d’expliquer ce qu’il voulait dire, R a dit qu’il l’avait fait. Il n’a cependant pas dit si le prestataire avait donné une explication ni de quoi il s’agissait. R a seulement dit que le prestataire [traduction] « a lancé un débatNote de bas de page 43 ». Il n’a donné aucun détail sur ce que le prestataire peut avoir dit en guise de réponse. Bien que l’employeur ait déclaré avoir demandé au prestataire de s’expliquer, rien n’indique cela dans aucun de ses autres éléments de preuve ou dans ses observations antérieures à la division générale.

[76] Le critère applicable à l’inconduite exige qu’une partie prestataire transgresse délibérément une obligation envers son employeur. Le prestataire a agi « délibérément » en envoyant le message texte à B, mais le geste d’envoyer un message texte ne transgresse aucune obligation envers l’employeur. Je ne peux conclure à la transgression d’une obligation que si le message texte lui-même constituait objectivement une inconduite.

[77] L’employeur a également des politiques lui permettant de discipliner les employés d’une certaine façon à l’égard du harcèlement, de l’intimidation ou d’un comportement abusifNote de bas de page 44. Par conséquent, le message texte pourrait représenter une inconduite s’il s’agissait d’une menace de préjudice, mais il pourrait aussi constituer une inconduite s’il représentait du harcèlement ou s’il était intimidant ou abusif.

[78] Ce message texte particulier ne peut être interprété comme une inconduite que s’il s’agit d’une menace de préjudice. Si le message texte du prestataire n’était pas une menace de préjudice, mais pouvait autrement être considéré comme du harcèlement, de l’intimidation ou de l’abus, je devrais examiner de plus près les politiques de l’employeur, ses définitions et ses pratiques progressives de discipline afin de décider si le prestataire pouvait ou aurait dû savoir qu’il pouvait être congédié. En l’espèce, le message ne peut être considéré comme étant aucun de ces éléments à moins de conclure d’abord qu’il s’agit d’une menace de préjudice.

[79] On peut comprendre le message comme étant intimidant, mais uniquement s’il est également interprété comme une menace de préjudice. Une menace de démission n’est pas intimidante. Le prestataire n’a pas utilisé un langage abusif, vulgaire ou offensant; il ne s’agit donc pas d’abus. Ce n’est pas non plus du harcèlement. Rien ne donne à penser que le prestataire avait eu un problème précédent avec B ou qu’il s’agissait du premier d’une série de messages que le prestataire a envoyés à B juste pour le contrarier. À moins qu’on l’interprète comme une menace de préjudice, ce seul message ne constitue pas du harcèlement.

[80] Toutefois, le message texte ne menace pas de préjudice à première vue. On peut interpréter de façon plausible le langage qu’il contient comme une menace de démission ou de moyens de pression juridiques, et il peut se prêter à d’autres interprétations n’impliquant pas non plus une menace de préjudice.

[81] Il incombe à l’employeur de prouver que le message texte du prestataire menaçait d’une chose plus sinistre qu’une menace de démission, de telle façon qu’il devrait être considéré comme une inconduite. Il y a cependant peu d’éléments de preuve qui me permettraient de conclure que la menace du prestataire est d’un genre comparable à ce que l’employeur dit avoir compris.

[82] Le prestataire affirme qu’il menaçait de démissionner. Il a également dit à la Commission qu’il pensait que l’employeur essayait de se débarrasser de luiNote de bas de page  45. Il a dit qu’il soupçonnait que l’employeur avait organisé la rencontre matinale pour le renvoyer.

[83] Il est évident que le prestataire était préoccupé au sujet de son emploi et se sentait [traduction] « acculé dans un coin », comme il l’a écrit dans son message texte. Cela est vrai même s’il estimait qu’on allait le renvoyer, croyait devoir démissionner avant qu’on le renvoie ou se sentait simplement incapable de répondre aux attentes professionnelles de l’employeur. Il faut comprendre le message texte du prestataire dans ce contexte.

[84] Je reconnais que la formulation du message texte du prestataire à B et le contexte dans lequel il a été livré n’excluent pas la possibilité qu’il tenait le coordonnateur B responsable en quelque sorte de ses problèmes professionnels. Il est possible que le prestataire disait à B d’[traduction] « être prêt » parce qu’il allait [traduction] « donner suite » avec un préjudice quelconque affectant B ou l’employeur.

[85] C’est possible. La preuve ne permet toutefois pas de conclure qu’il est plus probable qu’improbable que le message texte constituait une menace de préjudice.

[86] En fin de compte, l’employeur a renvoyé le prestataire par téléphone le même soir que l’appel téléphonique avec B et les messages textes. Si le prestataire avait menacé l’employeur de préjudice au moment où il a seulement pensé qu’il pourrait être renvoyé ou devoir démissionner, on pourrait croire qu’il réagirait aussi de manière agressive au fait d’être effectivement renvoyé.

[87] Cependant, le prestataire n’a pas donné suite à sa menace par aucun geste violent ou destructeur. Après avoir été renvoyé, il a défié l’employeur, mais légalement. Il a appelé la Employment Standards Branch [direction générale des normes d’emploi]Note de bas de page 46, et il a aussi déposé un grief concernant son congédiement auprès du syndicatNote de bas de page 47.

[88] Le prestataire a également agi de façon calme et raisonnable lorsqu’il a envoyé un message texte à R plus tard en soirée, le jour de son congédiement. Il a adopté ce qui semble être une approche terre à terre pour mettre de l’ordre dans certains détails d’après-mandat. Il a encore une fois laissé entendre qu’il pensait que les attentes de l’employeur concernant les heures de travail étaient déraisonnables, mais a texté [traduction] « Sans rancune, je ne peux pas le faire ».

[89] Le prestataire a texté B le jour suivant son renvoi également. Dans ce courriel, il semble résigné — amer, peut-être — mais pas visiblement contrarié. Il souligne que [traduction] « [R] [l’] a renvoyé pour rien », et il essaie brièvement de montrer qu’il avait eu raison à propos de la disposition. Le prestataire conclut : [traduction] « Maintenant vous avez perdu un employé loyal par rapport à quoi? »

[90] En définitive, le prestataire est le seul qui sait avec certitude quelles étaient ses pensées quand il a envoyé le message texte. Il y a peu de détails sur les circonstances entourant le message texte et peu d’éléments de preuve permettant de l’interpréter autres que les dires du prestataire sur ce qu’il entendait par là. S’il avait fait la présumée menace verbale évidente de préjudice à B, cela aurait donné un élément du contexte dans lequel j’aurais pu évaluer si le message texte constituait également une menace de préjudice. Mais l’employeur n’a pas établi que le prestataire a fait un quelconque type de menace dans sa discussion avec B, encore moins une menace qui en soit une de préjudice de façon objective.

[91] L’employeur n’a pas établi qu’une personne raisonnable comprendrait que le prestataire avait menacé B de préjudice. Je conclus que le prestataire n’a pas été congédié en raison d’une inconduite parce que la nature de la menace ou des menaces ayant entraîné le congédiement ne représentait pas une inconduite.

Conclusion

[92] L’appel est accueilli. Le prestataire n’a pas été congédié en raison d’une inconduite. Il n’est donc pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

 

Date de l’audience :

Le 23 novembre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

K. R., appelant

Melanie Allen, représentante de l’intimée

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