Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : X c Commission de l’assurance-emploi du Canada et JS, 2020 TSS 1119

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-2090

ENTRE :

X

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée

et

J. S.

Mise en cause


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Charlotte McQuade
DATES DE L’AUDIENCES : Le 9 novembre, le 16 novembre et le
24 novembre 2020
DATE DE LA DÉCISION : Le 30 novembre 2020

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec X (l’employeur). L’employeur a prouvé que J. S. (la prestataire) a perdu son emploi en raison d’une inconduite (en d’autres mots, pour avoir fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Cela signifie que les heures d’emploi assurable que la prestataire a accumulées chez cet employeur ne peuvent pas être utilisées pour calculer son admissibilité à des prestations d’assurance-emploi (AE)Note de bas de page 1.

Aperçu

[2] La prestataire a perdu son emploi dans un établissement de restauration rapide. Le directeur général (D. G.) de l’employeur dit que la prestataire avait eu une suspension d’une semaine à la suite d’un incident le 30 juillet 2019, au cours duquel elle s’était mal comportée à l’égard de son gérant, avait juré et avait fait du bruit à l’arrière du restaurant. On a demandé à la prestataire d’assister à une séance d’encadrement pour cet incident après la suspension, soit le 6 août 2019, mais elle a omis de se présenter. L’employeur a reporté la séance d’encadrement au 13 août 2019 à 17 h. La prestataire a reçu un courriel l’avertissant que le défaut de se présenter entraînerait son licenciement. Le 13 août 2019, la prestataire a demandé au D. G. de reporter la réunion à 17 h 30. Le D. G. a accepté, mais a dit qu’il n’attendrait pas une minute de plus. La prestataire est arrivée en retard; on l’a donc licenciée.

[3] La prestataire affirme qu’elle a assisté à la réunion finale le 13 août 2019. Elle dit être arrivée avec environ une minute de retard seulement à cause de la circulation, ce qui n’était pas sa faute. La prestataire dit que le D. G. l’a vue arriver et se tenait debout près de sa voiture en discutant avec le gérant en service pendant cinq minutes avant de partir. La mise en cause nie s’être mal comportée à l’égard de son gérant, avoir juré ou avoir fait du bruit le 30 juillet 2019. Elle a également dit qu’elle a manqué la première séance d’encadrement le 6 août 2019 parce que personne ne lui a indiqué l’heure à laquelle se présenter.

[4] La Commission a initialement accepté la raison invoquée par l’employeur pour le congédiement et a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission a cependant changé d’avis après révision. L’employeur a fait appel de la décision de la Commission au Tribunal de la sécurité sociale.

[5] La prestataire a fait une demande auprès du ministère du Travail puisqu’on ne lui avait pas versé une indemnité de fin d’emploi. Le 13 novembre 2019, une agente de la Loi sur les normes d’emploi (LNE) a rendu une décision indiquant que l’employeur n’avait pas enfreint la Loi de 2000 sur les normes d’emploiNote de bas de page 2. La décision précisait que la prestataire avait perdu son emploi en raison de sa conduite volontaire en manquant la séance finale d’encadrement et n’avait donc pas droit à une indemnité de fin d’emploiNote de bas de page 3. L’employeur affirme que je devrais suivre ce qu’indique ce résultat.

[6] Je dois décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour les motifs énoncés ci-dessous, j’ai décidé que c’était le cas.

Questions que je dois examiner en premier

Ajournements et documents déposés après l’audience

[7] J’ai ajourné l’audience du 9 novembre 2020 au 16 novembre 2020 parce que le D. G. de l’employeur a dit à cette audience qu’il n’avait pas le dossier complet du Tribunal et qu’il ne l’avait pas passé en revue en entier. L’audience du 16 novembre 2020 n’a pas été terminée, alors il y a eu reprise le 24 novembre 2020 pour conclure.

[8] À l’audience du 24 novembre 2020, le D. G. a témoigné au sujet de certains documents qu’il avait envoyés au Tribunal le soir précédentNote de bas de page 4. Les documents incluaient un courriel du 11 août 2020, une politique sur le harcèlement en milieu de travail datée du 22 mai 2018, ainsi que des politiques et procédures de sécurité du commerce, signées par la prestataire le 28 juin 2018. Je n’avais pas reçu ces documents au moment de l’audience, et la prestataire non plus. J’ai autorisé l’employeur à témoigner à propos de ces documents. J’ai donné à la prestataire l’occasion de fournir des observations écrites après l’audience relativement à ces renseignements. Elle a remis une observation le 24 novembre 2020, dans laquelle elle fournit des documents contenant des textes qu’elle avait déjà présentés au TribunalNote de bas de page 5. Comme ces renseignements n’étaient pas de nouveaux éléments de preuve, ils ont été envoyés aux autres parties sans possibilités de commenter. 

Questions en litige

[9] Je dois d’abord décider si je suis tenue d’appliquer la décision du 13 novembre 2019 de l’agente de la LNE selon laquelle la prestataire a perdu son emploi à cause de sa conduite volontaire en manquant la séance finale d’encadrement.   

[10] Dans le cas contraire, je dois tirer ma propre conclusion à propos de la question de savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour ce faire, je dois trancher trois éléments. D’abord, je dois me demander pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la prestataire a commis le geste pour lequel on l’a congédiée. Enfin, je dois me demander si le droit considère ce motif comme étant une inconduite.

Analyse

Suis-je liée par la décision de l’agente de la Loi sur les normes d’emploi?

[11] Non. J’estime que je ne le suis pas. 

[12] Pour que je sois liée par la décision de l’agente de la LNE, la doctrine de la « chose jugée » devrait s’appliquerNote de bas de page 6. De façon générale, le principe de l’autorité de la « chose jugée » signifie qu’une fois qu’un litige a été tranché définitivement, il ne peut être instruit de nouveau. L’objectif de cette règle est la fermeture définitive du litige. La règle de la chose jugée s’applique seulement lorsque :

  1. la même question a déjà été décidée dans le cadre de l’instance antérieure;
  2. la décision antérieure est finale;
  3. les parties engagées dans les deux instances sont les mêmesNote de bas de page 7.

[13] Cependant, même si les conditions ci-dessus sont respectées, j’ai le pouvoir discrétionnaire de décider si l’application de la conclusion de la décision initiale peut donner lieu à une injustice. Dans l’affirmative, je n’ai pas à appliquer la décision initialeNote de bas de page 8.

[14] J’estime que seuls deux des trois conditions requises pour l’application de la doctrine de la chose jugée sont remplies, de sorte qu’elle ne s’applique pas.  

La question est la même

[15] La question en litige dans l’affaire relative à la LNE consistait à savoir si la prestataire avait droit à une indemnité de fin d’emploi. Les mêmes faits étaient en cause. Tout en n’étant pas exactement identiques, les éléments essentiels des critères juridiques sont les mêmes. L’agente de la LNE a pris en considération l’article 55 de la Loi sur les normes d’emploi, qui prévoit que l’employé qui est coupable d’un acte d’inconduite délibérée, d’indiscipline ou de négligence volontaire dans l’exercice de ses fonctions n’a pas droit au préavis. L’acte d’inconduite de l’employé ne doit pas être frivole et ne doit pas avoir été toléré par l’employeur. 

[16] Le critère juridique applicable dans les cas d’inconduite au sens de la Loi sur les normes d’emploi consiste à déterminer si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit renvoyéeNote de bas de page 9. L’agente de la LNE n’a pas fourni une définition du terme « comportement délibéré », mais il est évident que le critère qu’elle a appliqué était le même que celui prévu par la Loi sur l’AE. Elle a examiné si la prestataire était consciente de compromettre son emploi en n’assistant pas à la réunion finale. Je suis convaincue que les faits et les questions en litige dans le cadre de l’instance du ministère du Travail sont essentiellement les mêmes que celles que je dois trancher dans le présent cas. 

La décision antérieure était finale

[17] Je suis persuadée que la décision rendue par l’agente de la LNE était finale. La prestataire aurait pu porter en appel la décision du 13 novembre 2019 de l’agente de la LNE à la Commission des relations de travail de l’Ontario dans les 30 jours suivant la date de sa réceptionNote de bas de page 10. Toutefois, elle a confirmé qu’elle ne l’a pas fait. Ainsi, la décision de l’agente de la LNE est finale. 

Les parties ne sont pas les mêmes

[18] La Commission n’a pas été mise en cause avant la réclamation au titre de la Loi sur les normes d’emploi. Seuls la prestataire et l’employeur étaient en cause dans le cadre de cette instance-là. À ce titre, ce facteur relatif à l’application de la doctrine de la chose jugée n’est pas rempli. 

[19] La doctrine de la chose jugée ne s’applique pas, étant donné que les trois conditions pour son application n’ont pas toutes été remplies.

[20] Même si j’avais constaté que toutes les trois conditions avaient été remplies, j’aurais exercé mon pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer la doctrine de la chose jugée à la présente affaire. La prestataire et l’employeur ont tous deux déclaré qu’aucune audience n’a eu lieu dans le cadre de l’instance de la LNE. L’agente de la LNE a plutôt communiqué avec eux séparément. Aucune des parties n’a eu l’occasion d’entendre l’autre témoigner ou de vérifier ses éléments de preuve. En fait, l’instance était une enquête et non une audience. À cet égard, l’agente de la LNE dit que la décision du 13 novembre 2019 résume les résultats de son enquêteNote de bas de page 11. Ainsi, j’estime que l’application de la doctrine de la chose jugée dans la présente affaire créerait une injustice, les parties n’ayant pas eu l’occasion d’être pleinement entendues dans le cadre de l’instance antérieure.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[21] J’estime que la prestataire a perdu son emploi le 21 août 2019 parce qu’elle était en retard à la séance d’encadrement reportée du 13 août 2019.

[22] Le propriétaire du restaurant franchisé a indiqué à la Commission que la prestataire avait perdu son emploi pour plusieurs raisons, y compris des comportements impolis envers ses collègues et la clientèle, l’absentéisme et les retards. Il a dit qu’elle avait également cessé d’obéir au gérant. Le propriétaire a déclaré que la prestataire arrivait au travail avec une ou deux heures de retard ou que certains jours elle manquait le travail, même si elle devait travailler en raison de sa disponibilité. Le propriétaire a expliqué avoir tenu plusieurs rencontres avec la prestataire et qu’on lui avait remis des avertissements écrits, mais elle n’avait rien changé. Il a dit qu’il s’est joint à l’entreprise en 2017 et que des plaintes avaient été formulées par le passé. Ils ont communiqué avec le siège social et le directeur général (D. G.) a organisé une réunion avec la prestataire pour prendre des mesures correctives, mais elle ne s’est pas présentée. Ensuite, après avoir reporté une autre rencontre avec le D. G., on a dit à la prestataire que si elle avait ne serait-ce qu’une minute de retard, elle serait congédiée. Elle n’est pas arrivée à temps et l’on a donc décidé de mettre fin à son emploiNote de bas de page 12

[23] Le D. G. de l’employeur a livré un témoignage selon lequel le 30 juillet 2019, la prestataire est entrée sans une insigne d’identité adéquate, qu’elle avait certains problèmes d’attitude envers le gérant en service et n’écoutait pas. Le D. G. a indiqué qu’il ne s’agissait pas d’un comportement nouveau. Il a dit que des gérants précédents avaient eu le même problème avant son arrivée en poste en 2018, bien qu’il n’ait pas eu directement connaissance de ces incidents. Le D. G. a dit qu’il ne se rend à ce commerce qu’une fois par semaine. Il était au restaurant le 30 juillet 2019. Le gérant en service est venu le voir ce soir-là, lui disant que la prestataire commençait les tâches de fermeture à 19 h même s’ils ferment à 23 h. Le D. G. a dit que lorsque le gérant en service lui a dit qu’il était trop tôt et qu’elle devrait faire la vaisselle à l’arrière, elle a prononcé le « mot en F ». Le D. G. a affirmé que la prestataire criait aussi alors qu’elle se trouvait au comptoir sandwich à l’arrière et que la clientèle l’a entendue. Le D. G. a indiqué avoir dit au gérant en service d’assigner des tâches à la prestataire et que si elle refusait, ils verraient à partir de là.

[24] Le D. G. a décidé que la prestataire devait avoir une séance d’encadrement à cause de son comportement envers le gérant en service. Il dit avoir écrit un mot planifiant la séance d’encadrement le 6 août 2019 à 17 h et avoir remis la note au gérant pour qu’il la lui donne. Le D. G. indique qu’il n’a pas parlé directement à la prestataire. Il déclare ne pas avoir vu le gérant en service donner la note à la prestataire, mais le gérant lui a dit qu’il l’avait fait au moment de la fermeture. Le D. G. indique que le gérant en service lui a dit que la prestataire avait déchiré le billet et dit qu’elle n’irait pas à la réunion. Le D. G. a alors décidé de suspendre la prestataire pour une semaine. Le D. G. a affirmé qu’aucun avis écrit de suspension n’avait été remis à la prestataire. On l’avait juste inscrit à l’horaire.   

[25] Le D. G. a déclaré qu’une semaine avant le 30 juillet 2019, le propriétaire lui avait dit avoir reçu une plainte d’un client selon laquelle la prestataire avait été impolie avec lui. Le D. G. a dit qu’il s’est assis avec la prestataire et a parlé avec elle d’éviter la grossièreté et lui a également fait part de problèmes concernant son uniforme et son insigne d’identité. Le D. G. a déclaré avoir dit à la prestataire que si son comportement ne changeait pas, elle finirait par perdre son emploi.

[26] Le D. G. a affirmé qu’il n’avait pas l’intention de mettre fin à l’emploi de la prestataire à la séance d’encadrement du 6 août 2019. Il a indiqué qu’il ne passe pas directement au licenciement. Le D. G. a indiqué que, dans le passé, la prestataire avait eu des problèmes, mais qu’elle s’était améliorée. Il lui a même dit quatre ou cinq mois avant l’incident du 30 juillet 2019 qu’il envisageait en faire une gérante. Le D. G. a déclaré que la prestataire ne s’était pas présentée à la rencontre du 6 août 2019 et qu’elle avait ensuite menti en disant ignorer l’heure de la réunion. Même s’il croit qu’elle connaissait l’heure de la première séance d’encadrement, le D. G. dit lui avoir accordé le bénéfice du doute et lui avoir donné une autre chance. Le D. G. affirme que la séance d’encadrement a alors été reportée au 13 août 2019 à 17 h. Le D. G. a déclaré que la prestataire avait reçu un courriel l’avertissant qu’elle serait licenciée si elle n’y assistait pas. Le D. G. a fourni une copie de ce courriel daté du 11 août 2019 qui dit [traduction] : « La présente est pour vous signaler la séance d’encadrement avec [nom du D. G.]. La séance aura lieu dans le commerce le 13 août 2019 (mardi) à 17 h précises. Il est obligatoire pour vous d’assister à la séance et vous serez licenciée si vous ne le faites pasNote de bas de page 13 ». Le D. G. a dit que la prestataire a répondu par un texto demandant s’il s’agissait d’une réunion payée, donc il sait qu’elle a reçu ce courriel.

[27] Le D. G. a témoigné en outre que dans l’après-midi du 13 août 2019, la prestataire lui a envoyé un message texte pour lui demander de reporter la rencontre à 17 h 30, disant qu’elle avait oublié qu’elle avait un rendez-vous chez le médecin. Le D. G. a déclaré avoir texté à la prestataire qu’il attendrait jusqu’à 17 h 30, mais pas une minute de plus. Le texto du D. G. est au dossier. Il dit [traduction] : « Je vais attendre jusqu’à 17 h 30, mais pas une seule minute de plusNote de bas de page 14 ». Le D. G. dit avoir attendu jusqu’à 17 h 35 dans le restaurant et ensuite cinq minutes de plus dehors près de sa voiture. Il affirme que puisque la prestataire ne s’est pas présentée avant 17 h 40, il est parti parce qu’il devait assister à une autre rencontre à Welland. Le D. G. indique avoir vu la prestataire entrer en voiture dans le stationnement alors qu’il en sortait au volant de la sienne, mais qu’il ne pouvait pas attendre.

[28] Selon le D. G., la prestataire ne dit pas la vérité lorsqu’elle a déclaré à la Commission qu’elle l’avait appelé pour lui dire qu’elle serait en retard. Il affirme qu’elle ne lui a pas téléphoné pour lui dire qu’elle arriverait dix minutes plus tard. D’après lui, ce sont des mensonges. Le D. G. a précisé qu’elle aurait pu l’appeler, mais elle ne l’a pas fait. Selon le témoignage du D. G., il est la dernière personne à vouloir congédier un employé. Cela dit, la prestataire a eu l’occasion de faire preuve de respect envers le travail et de sa volonté d’assister aux séances d’encadrement, mais il a dû se montrer très ferme. Il a déclaré que c’est pour cette raison qu’on l’a licenciée.

[29] La Commission affirme que la prestataire a été licenciée parce que l’employeur a considéré le fait qu’elle n’ait pas assisté à la séance finale d’encadrement comme de l’insubordination et un manquement à son devoir et a décidé de mettre fin à son emploi sans autre avertissement.

[30] La prestataire ignore pourquoi elle a été congédiée. Elle dit qu’elle pense que l’employeur ne l’aimait pas et n’aimait pas sa façon de faire.   

[31] J’estime que la prestataire a été licenciée parce qu’elle n’a pas assisté à la séance d’encadrement reportée au 13 août 2019 à temps, après avoir été avertie que le défaut de se présenter entraînerait le congédiement.

[32] La prestataire avait déjà fait l’objet de mesures disciplinaires pour l’incident du 30 juillet 2019, ayant été suspendue pour une semaine. J’estime que la séance d’encadrement visait non pas le licenciement, mais plutôt l’accompagnement. À ce sujet, le propriétaire a envoyé un texto à la prestataire le 7 août 2019, après la première séance d’encadrement ratée du 6 août 2019, disant [traduction] « Salut J. S., comme on l’a déjà dit, tu n’es pas renvoyée. Tu devais rencontrer S. W. Peux-tu communiquer avec lui, il doit revoir des choses avec toi pour s’assurer de ne pas répéter ces erreurs-là, donc s’il te plaît entre en contact avec lui et prévois le rencontrer et s’il te plaît tiens-moi au courantNote de bas de page 15 ».

[33] L’échange de messages textes dans lequel on a avisé la prestataire de son congédiement précise par ailleurs que c’était son omission de se présenter à la réunion finale à temps qui a entraîné son renvoi. À cet égard, le D. G. a envoyé à la prestataire un texto qui disait [traduction] « Salut, Tu dis pas la vérité, ENCORE. Je suis parti à 17 h 40. Tu n’as pas appelé pour dire que t’es en retard. Tu n’as rien à faire de mon temps. Il fallait que j’aille à un autre rendez-vous à welland. Je t’ai attendue 40 min. Je ne suis pas convaincu de te donner une autre chance. Je vais t’envoyer un avis de fin d’emploi bientôt. MerciNote de bas de page 16 ».

[34] J’estime que l’omission de la prestataire de se présenter à la séance d’encadrement du 13 août 2019 à temps a été le motif de son licenciement.   

La prestataire a-t-elle commis le geste pour lequel on l’a congédiée?

[35] Oui. Selon moi, la prestataire a commis le geste pour lequel on l’a congédiée. Elle ne s’est pas présentée à la séance d’encadrement du 13 août 2019 à temps.

[36] La prestataire et l’employeur ne s’entendent pas sur son heure d’arrivée pour la séance d’encadrement du 13 août 2019. Comme ci-dessus, le D. G. dit que la prestataire est arrivée à 17 h 40, alors qu’il quittait le stationnement en voiture. Il affirme qu’elle ne l’a jamais appelé pour lui dire qu’elle serait en retard.

[37] La prestataire a déclaré qu’elle est arrivée sur le stationnement et s’était stationnée entre 17 h 30 et 17 h 32. Elle dit qu’elle a vérifié l’heure parce qu’elle ne voulait pas être en retard à la réunion. Elle a affirmé ne pas avoir appelé le D. G. pour dire qu’elle serait en retard. Elle indique qu’elle a vu le D. G. sortir par la porte de côté avec le gestionnaire en service, qui avait un dossier. Ils sont allés près de l’auto du D. G. et sont restés là pendant environ cinq minutes. Selon elle, le D. G. l’a vue. La prestataire a déclaré qu’elle ignorait s’ils se rencontraient à l’intérieur ou à l’extérieur parce que c’était une belle journée et que les rencontres avaient parfois lieu dehors. Elle pensait que le D. G. irait vers elle. Cependant, le D. G. est ensuite parti en voiture et le gérant en service est retourné à l’intérieur. La prestataire dit qu’elle a ensuite texté le propriétaire du commerce à propos de ce qui s’était passé.

[38] J’ai questionné la prestataire au sujet des notes de la Commission selon lesquelles elle avait appelé le D. G. pour dire qu’elle serait en retard et il avait dit qu’il attendrait dix minutes de plusNote de bas de page 17. La prestataire a affirmé qu’elle a bien téléphoné au D. G. à 17 h 28 pour l’aviser de son retard, mais il n’a pas décroché. Elle a dit qu’elle est arrivée là-bas à temps de toute manière. Elle déclare avoir oublié qu’elle avait fait cet appel puisque c’était il y a longtemps. Elle dit qu’elle ne peut pas obtenir un registre de l’appel parce que son téléphone les conserve seulement pour une semaine.

[39] D’après son témoignage, la prestataire ne se doutait pas qu’on la congédierait si elle arrivait en retard. Elle pensait que cette séance d’encadrement porterait sur le fait qu’elle avait fermé tôt le 30 juillet 2019. La prestataire a déclaré qu’elle savait que la séance d’encadrement du 13 août 2019 était prévue pour 17 h et qu’ils l’avaient reportée à 17 h 30. Elle a confirmé dans son observation présentée après l’audience qu’elle avait reçu le courriel de l’employeur du 11 août 2019 disant que la présence était obligatoire, sinon elle serait licenciéeNote de bas de page 18. Elle savait également qu’elle était tenue d’y assister. Elle dit qu’elle était arrivée à la rencontre avec quelques minutes de retard seulement, mais que le D. G. a décidé de partir.

[40] La prestataire affirme que le D. G. n’est pas honnête à propos de bien des choses. Elle a indiqué que le 30 juillet 2019, elle retirait les plateaux du chariot de distribution à 20 h comme il était habituel de le faire. Le gérant en service lui a dit que le D. G. ne voulait pas qu’elle le fasse avant que la soirée soit plus avancée, mais on les avait déjà retirés. Elle a dit au gérant en service qu’on ne lui avait jamais expliqué cela. Elle affirme que la conversation s’est terminée ainsi. Selon elle, elle n’a jamais dit de gros mot et il n’y a pas eu de cris. La prestataire nie également avoir déchiré la note sur laquelle l’heure de la réunion était inscrite. Elle déclare qu’en fin de soirée, le gérant en service lui a dit qu’elle avait une réunion le 6 août avec le D. G. Il a dit que le D. G. l’appellerait pour lui donner l’heure. Il n’a pas indiqué sur quoi la réunion porterait et elle n’a pas été informée de sa suspension. La prestataire affirme que le D. G. ne l’a jamais appelée pour lui donner l’heure de la rencontre et qu’elle ne s’y est donc pas rendue. La prestataire dit qu’elle n’a pas reçu d’horaire par courriel, et que lorsqu’elle a demandé pourquoi, une personne de la gestion a répondu que le D. G. l’avait retirée de l’horaire parce qu’elle avait manqué la première séance d’encadrement.

[41] La prestataire nie aussi avoir rencontré le D. G. une semaine avant l’incident du 30 juillet 2019 ou qu’il l’a avertie qu’elle pouvait perdre son emploi. La prestataire a déclaré que le propriétaire lui avait raconté qu’un ami l’avait approché à la mosquée en disant qu’elle lui avait demandé de quitter le restaurant. La prestataire a expliqué au propriétaire que « M » lui avait dit de faire cela parce que c’était l’heure de la fermeture et qu’elle ne s’était pas montrée grossière. Le propriétaire a dit [traduction] « d’accord » et c’était tout.

[42] La Commission soutient que l’employeur a également fourni des renseignements contradictoires. L’employeur a d’abord dit que la prestataire était arrivée en retard à la séance finale d’encadrementNote de bas de page 19 et a ensuite dit à l’agente de la LNE que la prestataire ne s’était pas présentée à la séanceNote de bas de page 20. La Commission affirme que l’employeur a également indiqué dans son avis d’appel que la prestataire ne s’était pas présentée. La Commission dit accepter la position de la prestataire selon laquelle en raison de la circulation, elle croyait qu’elle serait en retard; elle a donc communiqué avec le D. G. et il lui a accordé dix minutes de plus pour se rendre à la réunion.

[43] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire est arrivée sur le stationnement à 17 h 35, et non entre 17 h 30 et 17 h 32.

[44] La preuve de la prestataire selon laquelle elle est arrivée entre 17 h 30 et 17 h 32 ne me paraît pas crédible. À cet égard, je signale que la prestataire a déclaré dans son formulaire de réclamation relative à la LNE qu’elle était arrivée avec cinq minutes de retardNote de bas de page 21. J’accorde un poids important aux renseignements fournis par la prestataire dans sa réclamation relative à LNE. J’estime improbable qu’elle ait déclaré avoir été cinq minutes en retard dans cette réclamation alors que ce n’était pas le cas, puisque ce fait était préjudiciable à sa réclamation.

[45] La prestataire a également dit à l’agent de révision de la Commission qu’elle avait un retard de cinq minutes à cause de la circulation. Les notes de la Commission concernant cette conversation indiquent [traduction] « le jour de la séance d’encadrement, elle était cinq minutes en retard à cause de la circulation, qui était hors de son contrôle, et elle a appelé [nom du D. G.] pour lui signaler qu’elle aurait quelques minutes de retard. [Nom du D. G.] a accepté de rester dix autres minutes, mais pas plus longtemps. Elle est arrivée au commerce à temps et a attendu dehors. Elle a vu le D. G. discuter avec un gérant près de sa voiture. Il est monté dans son auto et est parti. Elle a parlé au propriétaire immédiatement et a expliqué la situation. On lui a dit de communiquer avec le D. G. Elle a tenté plusieurs fois de l’appeler et de lui envoyer un texto sans obtenir de réponse. Elle a téléphoné au commerce pour du travail et on lui a dit qu’elle avait été retirée de l’horaireNote de bas de page 22 ». Le 21 août 2019, le D .G. lui a dit de récupérer son chèque final et de retourner son uniforme.  

[46] Je n’accepte pas non plus les renseignements donnés par la prestataire à la Commission selon lesquels elle a parlé au D. G. et il lui a permis d’arriver avec dix minutes de retard. Le D. G. le nie. La prestataire ne me semble pas crédible là-dessus parce qu’elle a changé ses renseignements. D’abord, malgré ce qu’elle a dit à la Commission, la prestataire a déclaré ne pas avoir appelé le D. G. pour dire qu’elle serait en retard. Plus tard, elle a dit dans son témoignage qu’elle avait téléphoné au D. G. à 17 h 28 et qu’il n’avait pas décroché. Elle a affirmé qu’elle avait oublié cela. La prestataire a donné trois versions différentes de ce qui s’est passé. Bien que je reconnaisse qu’un certain temps s’est écoulé, il est improbable que la prestataire ait complètement oublié avoir fait l’appel, mais se rappelle ensuite le détail précis voulant qu’elle ait téléphoné au D. G. à 17 h 28.  

[47] Je constate, par conséquent, comme si c’était un fait, que la prestataire est arrivée à la séance d’encadrement du 13 août 2019 avec du retard, soit à 17 h 35. Je constate également que la prestataire n’a pas appelé le D. G. pour lui dire qu’elle serait en retard. La prestataire a commis le geste pour lequel elle a été congédiée.

La raison du licenciement de la prestataire constitue-t-elle une inconduite au sens de la loi?

[48] La raison du licenciement de la prestataire constitue une inconduite au sens de la loi.

[49] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, l’acte doit être volontaire. Cela signifie que l’acte a été conscient, voulu ou intentionnelNote de bas de page 23. L’inconduite comprend aussi tout agissement qui est d’une insouciante telle qu’il frôle le caractère délibéréNote de bas de page 24. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (en d’autres mots, il n’est pas nécessaire de conclure qu’elle voulait faire quelque chose de mal) pour que son comportement constitue une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 25.

[50] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pourrait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’en conséquence, son congédiement était une possibilité bien réelleNote de bas de page 26.

[51] L’employeur doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit montrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 27.

[52] Le D. G. affirme qu’il y a eu inconduite. Il dit que la prestataire savait qu’on pouvait la licencier en raison de sa conduite en se présentant en retard à la réunion. Selon lui, la prestataire a signé une politique disciplinaire lors de son embauche et qu’on l’a relue avec elle en 2018. La politique prévoit un avertissement verbal, un avertissement écrit et un avertissement final. Cependant, elle dit aussi qu’en cas d’inconduite grave, on peut aller directement au licenciement.

[53] Le D. G. a déclaré qu’il n’avait pas lui-même fait des mises en garde précises à la prestataire ou pris des mesures disciplinaires pour son absentéisme et ses retards au cours des six mois précédant le licenciement. Il a dit que les gérants de restaurants s’occupent de ces choses jusqu’à ce qu’elles deviennent graves. Le D. G. dit toutefois que la prestataire avait reçu un courriel le 11 août 2019 qui prévoyait la séance d’encadrement le 13 août 2019 pour 17 h précises dans le commerce. Le courriel disait qu’il était obligatoire pour la prestataire d’y assister ou on la licencieraitNote de bas de page 28. Il lui a envoyé un texto, acceptant sa demande de reporter la réunion à 17 h 30, mais lui a dit qu’il n’attendrait pas une minute de plusNote de bas de page 29. Malgré cela, elle s’est quand même présentée en retard. Le D. G. dit qu’il s’agit d’une conduite volontaire.

[54] La Commission affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite parce que l’employeur a omis de fournir à la prestataire une politique et des procédures claires sur des mesures disciplinaires progressives. La Commission dit que l’employeur a accepté de reporter le début de la réunion finale afin de tenir compte de la circulation à laquelle la prestataire a fait face. La Commission affirme que la prestataire a peut-être été retardée par la circulation pendant le dernier incident, mais qu’il ne s’agit pas d’une conduite volontaire, puisqu’elle n’exerçait aucun contrôle sur les autres automobilistes. La Commission soutient que la prestataire comprenait l’importance de sa présence à la seconde séance d’encadrement, qu’elle aurait du retard et qu’elle a pris la peine d’en aviser l’employeur. Elle est allée à temps. Cependant, le D. G. a décidé de partir et, par la suite, de mettre fin à l’emploi de la prestataire sans aucun autre avertissement.

[55] La prestataire dit qu’il n’y a pas eu inconduite. Elle affirme que la dernière fois où elle a vu la politique disciplinaire était en 2015 lorsqu’elle a commencé et qu’elle ne se rappelle pas qu’on l’ait passée en revue avec elle en 2018. À sa connaissance, les mesures disciplinaires commençaient par un avertissement verbal, suivi de quatre rapports écrits. S’il y avait quatre rapports pour la même chose, cela entraînerait le licenciement. La prestataire affirme qu’elle n’avait pas compris qu’il était possible d’être licencié en raison d’un incident grave, sans mesures disciplinaires progressives. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire au cours des six mois précédant le licenciement pour ses retards ou son absentéisme ou son impolitesse. Elle n’avait pas connaissance d’une politique précise sur les retards ou les absences.

[56] La prestataire a convenu qu’il était obligatoire pour elle d’assister à la séance d’encadrement du 13 août 2019. Elle a dit qu’elle fréquentait le collège à l’époque et qu’elle ne voulait pas perdre son emploi. Elle affirme avoir assisté à la rencontre et que c’est le D. G. qui a décidé de partir. Elle déclare que si elle était en retard de quelques minutes, c’était à cause de la circulation, qu’elle ne pouvait pas contrôler. Elle dit qu’elle ne s’attendait pas à être licenciée à cause de son retard à cette réunion.

[57] Le D. G. a déposé un certain nombre de politiques après l’audience. Les politiques du commerce ont été signées par la prestataire le 28 juin 2018Note de bas de page 30. Aucune ne traite de la conduite pour laquelle on a renvoyé la prestataire — le retard à une séance d’encadrement, de sorte qu’elles ne sont pas pertinentes. On n’a fourni aucune politique disciplinaire.  

[58] Malgré l’absence de mesures disciplinaires progressives pour les retards de la part de l’employeur, j’estime que la prestataire savait que le retard à la séance d’encadrement se traduirait par son licenciement. Le courriel du 11 août 2019 précisait à la prestataire qu’elle devait se présenter au commerce à 17 h précises pour la réunion qui serait sa séance d’encadrement et que l’omission d’y assister entraînerait son congédiement. Elle a alors demandé au D. G. de changer l’heure à 17 h 30. Le D. G. a accepté, mais lui a dit qu’il n’attendait pas une minute après 17 h 30. Le texto du D. G. insinuait que si la prestataire avait plus d’une minute de retard, la rencontre n’aurait pas lieu puisque l’employeur allait partir. Il était évident que, pour que la réunion ait lieu en présence de la prestataire, elle devait se présenter à temps. Même sachant cela, la prestataire est arrivée cinq minutes en retard.    

[59] J’estime que la conduite de la prestataire en arrivant cinq minutes en retard était d’une insouciante telle qu’elle a frôlé le caractère délibéré. Sachant que son emploi était compromis si elle manquait la réunion et sachant que le D. G. attendrait jusqu’à 17 h 30 au plus tard, il était insouciant de la part de la prestataire de ne pas se donner suffisamment de temps pour se rendre à la rencontre à l’heure, compte tenu de la circulation, ou de ne pas appeler le D. G. et expliquer qu’elle serait en retard pour cette raison. Ses agissements représentent donc une inconduite.  

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[60] Oui. Sur la base des constatations que j’ai faites plus haut, je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[61] L’employeur a prouvé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifie que l’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Le 24 novembre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

W. M., représentant de l’appelant

J. S., mise en cause

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