Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Citation : SV c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1210

Numéros de dossiers du Tribunal: GE-20-2244
GE-20-2248
GE-20-2249
GE-20-2250

ENTRE :

S. V.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Charline Bourque
DATE DE L’AUDIENCE : 8 décembre 2020
DATE DE LA DÉCISION : 12 décembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant a présenté des demandes de prestations d’assurance-emploi commençant le 22 novembre 2015, le 20 novembre 2016, le 10 décembre 2017 et le 9 décembre 2018.

[3] La Commission a considéré qu’elle disposait d’un délai de 72 mois pour réexaminer les demandes de prestations d’assurance-emploi en raison de déclarations fausses ou trompeuses. Ainsi, la Commission a réexaminé les demandes de prestations présentées par l’appelant et déterminer que l’appelant n’avait pas subi d’arrêt de rémunération pour la demande du 20 décembre 2016, du 10 décembre 2017 et du 9 décembre 2018.

[4] La Commission a aussi considéré que l’appelant n’avait pas correctement déclaré la rémunération reçue de son employeur pour les semaines du 3 janvier 2016, du 19 et 26 mars 2016 et pour la semaine du 6 mai 2018.

[5] L’appelant est en désaccord avec les décisions rendues. Il indique que celles-ci ne sont pas motivées et sont arbitrairesNote de bas de page 1.

Questions préliminaires

[6] Le Tribunal a joint les dossiers afin de faciliter l’audience et en raison de preuve commune aux dossiers suite à l’enquête menée par la Commission. De plus, le Tribunal est d’avis que la jonction des dossiers facilitait la compréhension de l’appelant en raison des questions communes à certains dossiers.

[7] En vertu du paragraphe 12 (1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, si une partie omet de se présenter à l’audience, le Tribunal peut procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience. De plus, il est prévu qu’un document transmis par moyen électronique est présumé avoir été communiqué le premier jour ouvrable suivant sa transmissionNote de bas de page 2.

[8] Je prends en considération qu’un courriel a été transmis à l’appelant et à son représentant le 27 novembre 2020. Ce courriel contenait l’avis d’audience. Puis, le Tribunal a communiqué avec le représentant le 3 décembre 2020 et avec l’appelant le 4 décembre 2020 afin de rappeler la tenue de l’audience prévue le 8 décembre 2020. Aucune partie ne s’est pas présentée à l’audience et n’a communiqué avec le Tribunal depuis. Ainsi, je suis d’avis que je peux procéder en l’absence de l’appelant et de son représentant puisque je suis convaincue que ceux-ci ont été avisés de la tenue de cette audience.

Questions en litige

[9] L’appelant a-t-il fait une déclaration fausse ou trompeuse qui permettait à la Commission de réviser sa décision dans un délai de 72 mois suivants le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables ?

[10] La Commission a-t-elle correctement réparti la rémunération reçue par l’appelant de la part de son employeur ?

[11] Les périodes de prestations d’assurance-emploi commençant le 20 décembre 2016, le 10 décembre 2017 et le 9 décembre 2018 doivent-elles être annulées ?

Analyse

Question en litige no. 1 : L’appelant a-t-il fait une déclaration fausse ou trompeuse qui permettait à la Commission de réviser sa décision dans un délai de 72 mois suivants le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables ?

[12] La Commission indique avoir signifié à l’appelant le 12 février 2020 son intention de réviser les demandes de prestations pour la période du 12 décembre 2013, 3 décembre 2014, 15 décembre 2015, 3 décembre 2016, 22 décembre 2017 et 19 décembre 2018Note de bas de page 3.

[13] La Commission indique que les prestations révisées à la suite de cette décision étaient pour la période du 12 décembre 2017 au 19 mai 2018 et du 9 décembre 2018 au 23 mars 2019, ce qui se situe à l’intérieur de la période de 36 mois. La Commission affirme qu’en vertu du paragraphe 52 (1) de la Loi sur l’assurance-emploi, elle avait le pouvoir de réviser la demande rétroactivement pour cette période puisque le prestataire a omis de déclarer ses avantages reçus de la compagnie « X » alors qu’il réclamait des prestations d’assurance-emploi.

[14] De plus, la Commission est d’avis qu’elle a démontré, en vertu du paragraphe 52 (5) de la Loi, qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a « estimé qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à la demande de prestations ». En effet, le prestataire avait fait une fausse affirmation lorsqu’il a déclaré ses gains pour la semaine débutant le 3 janvier 2016. Le prestataire a été avisé le 2020-02-12 soit à l’intérieur du délai de 72 mois. Enfin, la Commission est d’avis que les prestations révisées pour la période du 20 novembre 2016 au 1er avril 2017 se situent à l’intérieur de 72 mois et qu’en vertu de la Loi, elle avait le pouvoir de réviser la demande rétroactivement pour cette période puisque le prestataire a omis de déclarer sa rémunération et ses avantages reçus de la compagnie « X » alors qu’il réclamait des prestations d’assurance-emploi.

[15]  La Loi prévoit que lorsqu’un prestataire n’a pas reçu les prestations auxquelles il avait droit ou qu’il a reçu des prestations auxquelles il n’avait pas droit, la Commission peut examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations dans les 36 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payablesNote de bas de page 4.

[16] Si la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d’un délai de soixante-douze mois pour réexaminer la demandeNote de bas de page 5.

[17] Afin de réexaminer une demande de prestations dans les 72 mois, la Commission n’a pas le fardeau de prouver « que le prestataire avait sciemment fait des fausses déclarations ». La législation exige seulement que la Commission « estime qu’une déclaration fausse ou trompeuse ait été faite ». Pour arriver à cette conclusion, la Commission doit se satisfaire qu’un appelant ait fait une déclaration ou représentation fausse ou trompeuse relativement à une demande de prestations. Ainsi, la simple existence d’une déclaration fausse ou trompeuse suffit, si la Commission est raisonnablement satisfaite de ce fait, pour l’application de ce paragraphe, sans qu’il soit nécessaire de rechercher l’intention de son auteurNote de bas de page 6.

[18] Je suis satisfaite que l’appelant a omis de déclarer une partie de sa rémunération et des avantages reçus de la part de son employeur.

[19] Par conséquent, je suis d’avis que la Commission pouvait estimer qu’il existait une déclaration fausse ou trompeuse puisque, malgré tout, le prestataire n’a pas déclaré une partie de sa rémunération et des avantages reçus de la part de son employeur.

[20] Ainsi, je suis d’avis que la Commission était raisonnablement satisfaite de l’existence de cette déclaration fausse ou trompeuse, que cette dernière ait été faite sciemment ou non, afin de pouvoir appliquer les paragraphes 52 (1) et (5) de la Loi.

[21] Par conséquent, je suis d’avis que la Commission pouvait réviser la demande de prestations du prestataire, à l’intérieur du délai de 72 mois prévu par la Loi. L’appelant ayant été notifié du réexamen des décisions le 4 janvier 2019, je suis d’avis que la Commission pouvait réviser chacune des périodes en litige puisqu’elles se trouvaient à l’intérieur du délai de 72 mois prévu par la Loi.

Question en litige no. 2 : La Commission a-t-elle correctement réparti la rémunération reçue par l’appelant de la part de son employeur ?

[22] Une rémunération aux fins du bénéfice des prestations est un « revenu provenant de tout emploi, que ce soit à titre de salaire, d’avantages ou autre rétribution » et doit être prise en compte sauf si elle est visée par une exceptionNote de bas de page 7.

[23] Plus précisément, un revenu se définit comme « Tout revenu en espèces ou non que le prestataire reçoit ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne, notamment un syndic de faillite »Note de bas de page 8. Ainsi, le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi doit être pris en considération lors du calcul du montant à déduire des prestationsNote de bas de page 9.

[24] La Commission indique que l’appelant a reçu la rémunération suivante à titre de salaire de la part de son employeur :

[25] L’appelant a indiqué à la Commission être en accord avec la rémunération reçue. Il a indiqué s’être trompé au moment de faire ses déclarationsNote de bas de page 14.

[26] Ainsi, je suis d’avis que la rémunération reçue de la part d’un employeur à titre de salaire constitue une rémunération au sens du paragraphe 35 (2) du Règlement.

[27] Par conséquent, le Règlement prévoit que les sommes qui constituent une rémunération aux termes de l’article 35 du Règlement doivent être réparties aux termes de l’article 36 du RèglementNote de bas de page 15.

[28] Plus précisément, la rémunération payable au prestataire aux termes d’un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournisNote de bas de page 16.

[29] Par conséquent, la rémunération reçue à titre de salaire en échange d’heures travaillées doit être répartie sur chacune des semaines pour laquelle elle a été reçue. Par conséquent, je suis d’avis que la Commission a correctement réparti la rémunération de l’appelant.

Question en litige no. 3 : Les périodes de prestations d’assurance-emploi commençant le 20 décembre 2016, le 10 décembre 2017 et le 9 décembre 2018 doivent-elles être annulées ?

[30] Afin d’établir une demande de prestations d’assurance-emploi, un prestataire doit remplir les conditions prévues par la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »)Note de bas de page 17. Ainsi, un prestataire doit avoir un arrêt de rémunération provenant de son emploi et avoir accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurables selon le taux régional de chômage qui lui est applicableNote de bas de page 18.

[31] Dans le présent litige, seule la question de l’arrêt de rémunération est en litige.

[32] Un arrêt de rémunération survient lorsque durant une période d’au moins sept jours consécutifs à l’égard de laquelle aucune rémunération provenant de cet emploi, ne lui est payable ni attribuéeNote de bas de page 19.

[33] Plus précisément, l’arrêt de rémunération est constitué de 3 éléments :

  • une mise à pied ou un congédiement provenant d’un employeur ou une réduction significative des heures travaillées résultant en une baisse significative de la rémunération;
  • une période d’au moins 7 jours consécutifs pendant lequel aucun travail n’est effectué pour cet employeur et;
  • au moins 7 jours consécutifs pendant lesquels aucune rémunération ne provient de cet emploiNote de bas de page 20.

[34] Le paragraphe 35 (2) indique que la rémunération qu’il faut prendre en compte pour vérifier s’il y a eu l’arrêt de rémunération visé à l’article 14 est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi. L’alinéa 35 (10) d) précise que cette rémunération comprend la valeur de la pension, du logement et des autres avantages accordés au prestataire à l’égard de son emploi par son employeur ou au nom de celui-ci.

[35] La jurisprudence consacre le principe voulant que la rémunération puisse être autre qu'en espèces et que certains avantages accordés et reliés à l'exercice d'un travail sont de la nature d'un revenu ayant qualité de rémunération au sens de la LoiNote de bas de page 21.

[36] La Commission est d’avis que malgré un manque de travail, l’appelant a continué à bénéficier d’avantages de l’employeur, soit l’utilisation du camion ainsi que l’utilisation du cellulaire payé par l’entreprise, et ce, à l’année. La Commission indique que le prestataire a démontré que le camion était payé en partie par la et a confirmé que celle-ci payait pour tous les frais d’essence, d’entretien et de réparations. De plus, l’employeur a confirmé que la compagnie payait l’essence du camion et que le cellulaire était payé à l’année par la compagnie. Enfin, l’adresse qui figure sur la carte de crédit qui paie le cellulaire est celle de la compagnie « X ».

[37] L’appelant indique être en désaccord avec les décisions et ajoute que celles-ci ne sont pas motivées et sont arbitrairesNote de bas de page 22.

[38] Je prends en considération que l’appelant confirme payer son cellulaire. Néanmoins, je constate que la carte de crédit utilisée est bien au nom de l’appelant, mais à l’adresse de l’entreprise alors que l’appelant indique une adresse personnelle différente de cette dernière. De plus, l’employeur a confirmé que les cellulaires lui appartenaientNote de bas de page 23.

[39] Je constate aussi que le bail du véhicule ainsi que la police d’assurance sont au nom de l’entrepriseNote de bas de page 24. Je prends en considération le fait que l’appelant débourse une partie des frais du véhicule, mais je suis d’avis que cela ne permet pas de conclure que l’entreprise ne défraie pas mensuellement les coûts du véhicule que l’appelant utilise tous les mois, même lorsqu’il est en arrêt de travail. L’appelant a aussi confirmé que les frais d’entretien du camion et les réparations étaient assumés entièrement par l’entreprise. Je constate que le bail du véhicule a été signé en novembre 2016.

[40] Je suis d’avis que l’utilisation par l’appelant d’un camion et/ou d’un cellulaire fournis par son employeur constitue un avantage qu’il reçoit de cet employeur et donc un revenu et une rémunération assurable au sens de la Loi et du Règlement. Comme l’appelant utilise le cellulaire et le véhicule à l’année, même lorsqu’il est en arrêt de travail, cette rémunération empêche donc l’arrêt de rémunération, tel que le prévoit le RèglementNote de bas de page 25.

[41] Ainsi, en me basant sur la preuve et les observations présentées par les parties, je suis d’avis qu’il n’y a pas d’arrêt de rémunération d’au moins 7 jours consécutifs comme l’appelant bénéficie de l’accès au véhicule de l’entreprise et à un cellulaire. Par conséquent, sur une balance des probabilités, l’appelant ne remplit pas les conditions requises pour permettre l’établissement d’une période de prestations pour chacune des périodes en litige.

Conclusion

[42] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

8 décembre 2020

Mode d’audience :

Vidéoconférence

Comparutions :

Aucune partie présente à l’audience

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.