Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c BS, 2020 TSS 1084

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-789

ENTRE :

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Appelante

et

B. S.

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Stephen Bergen
DATE DE LA DÉCISION : Le 29 décembre 2020

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a versé un supplément familial à l’intimée, B. S. (prestataire). C’était au début de 2018, alors qu’elle recevait des prestations de maladie. En novembre 2019, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a mis à jour les renseignements qu’elle échange avec la Commission au moyen de son systèmeFootnote 1. Compte tenu de cette mise à jour, la Commission a révisé sa décision antérieure de payer un supplément familial à la prestataire pour la période du 18 février au 26 mai 2018 (la période en litige). La Commission a demandé à la prestataire de rembourser les 963 $ qu’elle avait reçus à titre de supplément familial. La Commission a maintenu cette décision à la suite de la révision demandée par la prestataire.

[3] La prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Elle a déclaré que son revenu familial net n’avait pas changé et qu’il n’y avait donc aucune raison qu’elle perde son admissibilité au supplément familial. Elle a fourni des éléments de preuve à l’appui du fait que l’ARC avait accepté que son revenu familial net soit inférieur à 25 921 $ en 2017 et en 2018. Le montant de 25 921 $ est le montant maximal du palier de revenu familial net le plus élevé dans le tableau des paiements du supplément familial (le [traduction] « seuil du supplément familial »)Footnote 2.

[4] La division générale a accueilli l’appel de la prestataire. Elle a conclu qu’elle était admissible au supplément familial pour la période en litige. La Commission interjette maintenant appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

[5] L’appel est rejeté. J’estime que la division générale a agi dans les limites de sa compétence et qu’elle n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur de fait importante. La Commission ne m’a pas convaincu que la division générale était tenue d’utiliser le revenu familial net de la prestataire pour l’année 2016 afin d’évaluer son admissibilité au supplément familial.

Quels motifs puis-je prendre en considération?

[6] Les « moyens d’appel » sont les raisons pour lesquelles l’appel est interjeté. Pour que je puisse accueillir l’appel, je dois d’abord conclure que la division générale a commis l’un des types d’erreurs suivantsFootnote 3 :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable.
  2. La division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire, ou elle a tranché une question alors qu’elle n’avait pas la compétence nécessaire pour le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

Questions en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la prestataire était admissible au supplément familial en se fondant uniquement sur son admissibilité à l’allocation canadienne pour enfants (ACE)?

[8] La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence lorsqu’elle a réévalué le revenu familial net de la prestataire?

[9] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant le revenu de base de 2016?

[10] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou de compétence en examinant l’admissibilité de la prestataire à l’ACE?

Analyse

La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’ensemble des critères pour évaluer l’admissibilité au supplément familial?

[11] La Commission a soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit. La Commission affirme que la division générale a fondé sa décision selon laquelle la prestataire était admissible au supplément familial sur son admissibilité à l’ACE. J’estime que la Commission sous-entend que la décision de la division générale reposait uniquement sur l’admissibilité de la prestataire à l’ACE.

[12] L’article 16 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) offre un supplément familial aux prestataires qui ont un ou plusieurs enfants à charge et qui satisfont aux critères d’admissibilité des familles à faible revenu. Elle précise que les critères du supplément familial sont « identiques ou semblables à ceux imposés pour bénéficier d’une allocation canadienne pour enfantsFootnote 4 ». Pour pouvoir accorder l’ACE, l’ARC doit juger que la personne prestataire est la principale responsable d’au moins un enfant de moins de dix-huit ans. Le ou les enfants doivent également vivre avec elle. Par conséquent, une personne qui est admissible à l’ACE satisfait déjà au critère concernant les enfants à charge prévu à l’article 16 de la Loi sur l’AE.

[13] Le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) énonce les [traduction] « critères de faible revenu ». L’article 34(3) du Règlement sur l’AE prévoit qu’une personne prestataire est admissible au supplément familial si elle « reçoit une allocation canadienne pour enfants ». Le Règlement sur l’AE établit dans un tableau le montant auquel une personne a droit à titre de supplément familialFootnote 5. L’admissibilité au supplément familial varie en fonction de quelques facteurs. Elle dépend du nombre d’enfants et de leur âge, ainsi que du revenu familial net de la personne concernée. Le tableau indique que le seuil du supplément familial est de 25 921 $. Le montant du supplément familial payable est donc égal à zéro lorsque le revenu familial net de la personne dépasse 25 921 $.

[14] La Cour d’appel fédérale a confirmé que le revenu familial d’une personne prestataire doit être pris en compte. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c ShahidFootnote 6, la Cour a déclaré que « [d]e façon générale », une personne prestataire doit satisfaire à deux conditions pour établir son admissibilité au supplément familial. Elle a précisé que la première condition est de recevoir la prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE)Footnote 7. Puis, la Cour a précisé que la deuxième condition portait sur le revenu familial net.

[15] Par conséquent, la Commission a raison de dire que la division générale doit prendre en considération le revenu familial net de la prestataire. Cependant, la division générale a bel et bien pris le revenu en considération. La division générale n’a pas limité son analyse à l’examen de l’admissibilité de la prestataire à l’ACE. Elle a examiné le revenu familial net de la prestataire. Ses conclusions sur le revenu familial net ont été importantes pour parvenir à sa décision.

[16] La division générale a compris qu’aucun supplément familial n’est payable à une personne prestataire dont le revenu familial net est supérieur à 25 921 $. La division générale a estimé qu’elle satisfaisait aux conditions énoncées à l’article 16 de la Loi sur l’AE et à l’article 34 du Règlement sur l’AE. Elle a jugé que la prestataire devait recevoir le supplément familial pendant la période en litige.

[17] La division générale n’a pas considéré que la prestataire était admissible au supplément familial simplement parce qu’elle était admissible à l’ACE. Elle a également tenu compte de son revenu familial net.

La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence lorsqu’elle a réévalué le revenu familial net de la prestataire?

[18] La Commission fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit ou a outrepassé sa compétence. Elle affirme que la division générale a substitué son point de vue sur le revenu familial de la prestataire à celui de l’ARC.

[19] La Commission a signalé à la division générale que sa décision sur le supplément familial est [traduction] « liée » aux renseignements fournis par l’ARC. Il s’agit notamment de renseignements sur le revenu familial net de la prestataireFootnote 8. Elle a expliqué que l’ARC ne communique pas avec la Commission par l’intermédiaire d’agents ou de documents. Le [traduction] « système » de la Commission communique directement avec la base de données de l’ARCFootnote 9. Lorsque la base de données de l’ARC transmet des renseignements au système de la Commission, le système de la Commission calcule automatiquement le supplément familial. Autrement dit, la décision de la Commission en matière de supplément familial dépend entièrement des renseignements fournis par l’ARC. Ces renseignements permettraient notamment de savoir si une personne prestataire est admissible à l’ACE et de connaître le revenu familial net de cette personneFootnote 10.

[20] Personne n’a fait valoir que la division générale devrait être en mesure d’annuler une décision de l’ARC. La prestataire n’a pas contesté le fait que l’ARC est responsable de la prise de décision concernant son admissibilité à l’ACE. La division générale doit accepter toute décision de l’ARC concernant l’admissibilité de la prestataire à l’ACE. Elle ne peut pas prendre sa propre décision sur la question de savoir si la prestataire devrait être admissible à l’ACE.

[21] Cependant, l’argument principal de la Commission est que la division générale n’est pas autorisée à réévaluer le revenu familial net de la prestataire. La Commission soutient que le revenu familial net est une décision de l’ARC, de la même manière que l’ACE est une décision de l’ARC. La Commission soutient que l’ARC a établi que le revenu familial net de la prestataire est de 52 856 $, en utilisant l’année de base de 2016. L’ARC a utilisé le revenu familial net de 2016 pour établir que la prestataire était admissible à l’ACE de juillet 2017 à juin 2018. Selon la Commission, la division générale ne pouvait pas conclure que son revenu familial net était un autre montant aux fins du supplément familial.

[22] Je ne suis pas d’accord. La division générale n’a pas eu à utiliser le revenu familial net de 2016 pour calculer son admissibilité au supplément familial en 2018.

[23] La question de savoir si la prestataire est admissible au supplément familial (et à quel montant elle a droit) peut dépendre des renseignements fournis par l’ARC. Cependant, il revient quand même à la Commission de rendre la décision concernant le supplément familial. Je crois savoir que la Commission a effectivement confié la décision à un système automatisé. Ce système tire des renseignements de la base de données de l’ARC afin de calculer le supplément familial. Toutefois, la Commission demeure responsable de la décision relative au supplément familial même si elle a automatisé le processus. De même, la division générale peut toujours réviser le fondement de la décision relative au supplément familial.

[24] Je reconnais que la division générale n’avait pas le pouvoir d’interférer avec la décision de l’ARC concernant le montant du revenu familial net pour 2016. Cependant, la division générale n’a pas rendu une décision différente concernant le revenu familial net de la prestataire pour 2016. Elle n’a pas recalculé le revenu familial net de la prestataire pour 2016. En fait, elle ne l’a même pas utilisé. La division générale a plutôt utilisé le revenu familial net de la prestataire qui se rapportait à la période en litige.

[25] Je ne suis même pas convaincu que la Commission se soit fondée sur le revenu familial net de l’année de base de 2016 pour rendre sa décision initiale de verser le supplément familial à la prestataire. L’ARC a signalé à la prestataire qu’elle avait calculé son ACE en se fondant sur son revenu familial net pour l’année de base de 2016, soit 52 856 $Footnote 11. Cela se trouvait dans un avis daté du 20 août 2018. Apparemment, la Commission a également reçu une certaine mise à jour en septembre 2018Footnote 12. On peut supposer que l’ARC avait connaissance de sa propre évaluation du revenu familial net pour 2016 au moment où elle a présenté sa mise à jour à la Commission. Cependant, la Commission a déclaré qu’elle avait conclu que la prestataire était admissible compte tenu de cette mise à jour effectuée par l’ARC en septembre 2018. La Commission déclare que la mise à jour de l’ARC a déclenché sa décision de verser à la prestataire le supplément familial pour la période en litige.

[26] Pour rendre la décision concernant le supplément familial, le système de la Commission n’a eu besoin de tirer des renseignements de l’ARC que sur deux points. Elle avait besoin de renseignements sur l’admissibilité de la prestataire à l’ACE. Elle avait également besoin de renseignements pour confirmer que son revenu familial net ne dépassait pas le seuil du supplément familial.

[27] Cependant, l’avis de l’ARC de 2018 révèle que le revenu familial net de la prestataire en 2016 était beaucoup plus élevé que le seuil du supplément familial. Ce niveau de revenu peut avoir été acceptable aux fins de l’ACE, mais il aurait dû être trop élevé pour déclencher le paiement du supplément familial. La Commission n’a pas laissé entendre que son système était défaillant. Cela laisse ouverte la possibilité que la Commission n’ait pas tiré en 2016 le revenu familial net pour sa première décision concernant l’admissibilité au supplément familial. Il se peut qu’elle se soit appuyée sur d’autres renseignements de l’ARC concernant le revenu familial net.

[28] Si la Commission ne s’est pas fondée sur l’évaluation faite par l’ARC du revenu familial net de la prestataire en 2016 pour la déclarer admissible en septembre 2018, il est peu probable qu’elle l’ait exclue en novembre 2019 en se fondant sur les mêmes renseignements.

[29] Quoi qu’il en soit, la décision relative au supplément familial est une décision distincte de la décision de l’ARC relative à l’ACE. L’ARC a utilisé le revenu familial net de 2016 comme [traduction] « année de base » pour calculer l’ACE de la prestataire pour la période de juillet 2018 à juin 2019. La Commission affirme que son système utilise le même revenu familial net pour calculer l’admissibilité au supplément familial. Toutefois, rien de tout cela ne signifie pour autant que la division générale doit utiliser le revenu familial net de 2016 lorsqu’elle examine l’admissibilité de la prestataire au supplément familial pour une période en 2018.

[30] La division générale n’a pas outrepassé sa compétence lorsqu’elle a déterminé le revenu familial net de la prestataire. La division générale avait une preuve du revenu familial net de la prestataire pour chacune des années (2016, 2017 et 2018) grâce aux avis de l’ARC envoyés à la prestataire. L’ARC a calculé le revenu familial net de la prestataire pour 2017 (soit 12 001 $). Elle a également confirmé que son revenu familial net en 2018 était de 8 851 $. La division générale n’a pas pris de décision sur le revenu familial net de la prestataire qui était distincte de la décision de l’ARC. Elle a adopté la conclusion de l’ARC concernant le revenu familial net pour 2018.

[31] Dans la présente affaire, la prestataire a donné à la division générale de meilleurs renseignements sur ses revenus pour l’année 2018 que ceux que la Commission avait utilisés pour rendre sa décision. Le fait que la division générale ait utilisé la meilleure preuve à sa disposition plutôt que les anciens renseignements sur l’ [traduction] « année de base » de 2016 ne constitue pas une erreur.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en ne tenant pas compte du revenu familial net de l’année de base de 2016?

[32] La Commission soutient également que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve du revenu familial net de la prestataire pour l’année de référence de 2016. La division générale n’a pas utilisé le revenu familial net de 2016 lorsqu’elle a établi que la prestataire était admissible au supplément familial.

[33] La division générale savait que l’ARC avait conclu que le revenu familial net de la prestataire pour 2016 était de 52 856 $Footnote 13. Comme je l’ai déjà mentionné, l’ARC a initialement utilisé ce chiffre pour établir l’admissibilité de la prestataire à l’ACE.

[34] Cependant, la division générale n’avait pas l’obligation d’intégrer le revenu familial net de 2016 dans son analyse de l’admissibilité de la prestataire au supplément familial pour une certaine période en 2018. Tous les revenus familiaux nets de 2016, de 2017 et de 2018 proviennent de l’ARC. Ils sont tout aussi fiables pour les périodes auxquelles ils se rapportent.

[35] S’il n’y a pas de meilleure preuve, le revenu familial net d’autres années peut parfois remplacer le revenu familial net pendant la période d’admissibilité au supplément familial. Toutefois, l’évaluation faite par l’ARC du revenu familial net de 2018 est le meilleur indicateur de l’opinion de l’ARC sur le revenu familial net de la prestataire en 2018.

[36] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante en omettant de prendre en compte le revenu familial net de l’année de base de 2016.

La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a examiné l’admissibilité de la prestataire à l’ACE?

[37] Pour que la prestataire soit admissible au supplément familial pendant la période en litige, il aurait fallu qu’elle soit admissible à l’ACE pour la même période.

[38] Les arguments de la Commission devant la division d’appel ne contestaient pas directement la décision de la division générale selon laquelle la prestataire était admissible à l’ACE pendant la période en litige. La Commission a seulement déclaré qu’il est [traduction] « établi en droit que l’admissibilité et le calcul du supplément familial sont liés aux renseignements dont dispose l’ARC au sujet de l’ACE ».

[39] Toutefois, il est possible que la Commission ait voulu soulever la question dans sa demande de permission d’en appeler. Je présume que l’argument de la Commission serait toujours centré sur la compétence de la division générale. L’admissibilité à l’ACE est une décision de l’ARC, et les décisions de l’ARC sont immunisées contre toute contestation par la division générale. En même temps, la Commission semble suggérer que la division générale est en quelque sorte liée par le [traduction] « lien » entre sa base de données et le système de la Commission.

[40] Je ne conteste pas le fait que l’admissibilité et le calcul du supplément familial sont [traduction] « liés » à la preuve du revenu familial net et à la détermination de l’admissibilité à l’ACE. Cependant, je n’accepte pas que la décision de la Commission sur le supplément familial soit à jamais liée aux renseignements que l’ARC a transmis par le biais d’un lien entre les systèmes. La division générale n’était pas obligée de se fonder sur le revenu familial net ou sur l’admissibilité à l’ACE qui était utilisé par le système de la Commission.

[41] Le système de la Commission a importé un commentaire de type sommaire indiquant qu’il y avait eu un changement au [traduction] « dossier de la PFCE ». Cet avis apparaît pour la première fois sur une capture d’écran du système de la Commission pour la semaine du 18 février 2018. Il apparaît ensuite pour chaque semaine successive jusqu’à la semaine du 20 mai 2018. Dans la même note sommaire, l’ARC a déclaré que la prestataire n’était [traduction] « pas admissible au supplément familial ». Il s’agit d’une étrange remarque si celle-ci a été faite par l’ARC. Il revient à la Commission de rendre la décision relative au supplément familial et non à l’ARC.

[42] La base de données de l’ARC, sur laquelle repose le système de la Commission, est un peu comme une [traduction] « boîte noire ». J’entends par là que je ne peux pas examiner les renseignements que l’ARC inscrit dans sa base de données. Je ne sais pas comment la base de données de l’ARC communique avec le système de la Commission.

[43] La Commission a admis qu’elle avait la même difficulté. Elle n’a pas pu expliquer ce que l’ARC inscrit ou modifie dans sa propre base de données, ce qui mène le système de la Commission à recalculer l’admissibilité au supplément familialFootnote 14. Lors de l’audience de la division d’appel, la représentante de la Commission n’était pas tout à fait certaine de la manière dont elle expliquait la signification des captures d’écran du système de la Commission à partir du dossierFootnote 15.

[44] J’ai cru comprendre que quelqu’un à l’ARC saisit manuellement l’information [traduction] « sommaire » (qui apparaît sur l’écran de la Commission). Le sommaire de chaque écran hebdomadaire, de la semaine du 18 février 2018 à la semaine du 20 mai 2018, indique qu’il y a eu un changement dans le [traduction] « dossier de la PFCE » de l’ARC. Je note également que la désignation [traduction] « bénéficiaire de la PFCE » apparaît dans le système de la Commission pour la semaine du 5 août 2018Footnote 16, mais n’apparaît pas dans les autres écrans de la Commission. Il est possible que l’ARC supprime la mention de [traduction] « bénéficiaire de la PFCE » de son propre système, ce qui supprime l’entrée correspondante dans le système de la Commission.

[45] La Commission a noté que son propre écran masquait le champ du revenu familial net dans chacun de ses écrans hebdomadaires à compter de l’écran du 18 février 2018. Elle a déclaré que son système laisse ce champ vide lorsque le revenu familial net dépasse le seuil de 25 921 $. Toutefois, il n’était pas clair si la Commission voulait dire que le champ était nécessairement laissé vide lorsque la valeur est supérieure au seuil du supplément familial. Il est possible que la Commission ait parlé de sa propre expérience. Elle peut avoir simplement observé que le champ pouvait être laissé vide ou qu’il était généralement vide dans cette circonstance particulièreFootnote 17.

[46] La Commission a peut-être raison de dire que la valeur du revenu familial net dans la base de données de l’ARC était supérieure au seuil du supplément familial, et c’est pourquoi son propre champ de revenu familial net est vide. En revanche, il est tout aussi plausible que le champ soit vide si l’ARC n’a pas inscrit de valeur pour le revenu familial net ou si elle a supprimé cette valeur. Il est possible que l’ARC ait fait cela pour la période pendant laquelle elle ne pouvait pas confirmer l’admissibilité à l’ACE, comme l’a fait valoir la prestataire.

[47] Quelles que soient les modifications apportées par l’ARC, l’examen par la Commission elle-même de ses écrans de système l’a menée à supposer que l’ARC avait modifié le revenu familial net. Elle a supposé que le revenu familial net dépassait le seuil du supplément familial. Cependant, la prestataire aurait également pu être exclue du bénéfice du supplément familial si l’ARC avait révoqué son admissibilité à l’ACE pour une raison quelconque.

[48] La Commission a cru que l’ARC avait réévalué les impôts du mari de la prestataire et que cette réévaluation avait mené l’ARC à réviser le montant du revenu familial net. Cette interprétation s’est sans doute appuyée sur la conversation du 18 février 2020 entre la prestataire et un agent de la Commission à la suite de laquelle l’agent a signalé que la prestataire avait déclaré que son mari avait fait réévaluer ses impôtsFootnote 18. Il y avait peu d’autres éléments de preuve qui auraient pu soutenir le point de vue de la Commission.

[49] Cependant, la prestataire a déclaré à la division générale que l’agent de la Commission avait mal compris ce qu’elle avait dit. Elle a soutenu avoir dit à l’agent que l’ARC n’avait pas fait les impôts de son mari à ce moment-là.Footnote 19 Depuis, elle a soumis des documents confirmant que l’ARC avait seulement établi le montant des impôts de son mari pour 2019 le 3 juillet 2020. Le 16 décembre 2019, l’ARC a établi le montant des impôts de son mari pour l’année 2018Footnote 20.

[50] En outre, le revenu familial net de 52 856 $ ne pourrait pas découler d’une réévaluation, comme semble le soutenir la CommissionFootnote 21. Le 20 août 2018, l’ARC a avisé la prestataire qu’elle utilisait le revenu de l’année de base de 2016, soit 52 856 $, pour calculer l’ACE de juillet 2017 à juin 2018. Comme je l’ai déjà dit, la Commission a établi que la prestataire était admissible au supplément familial en se fondant sur une mise à jour de septembre 2018 de l’ARC qui a suivi sa décision concernant l’ACE.

[51] La Commission a admis qu’elle ne savait pas pourquoi l’évaluation par l’ARC des impôts du mari de la prestataire excluait cette dernière du bénéfice du supplément familialFootnote 22. Autrement dit, elle ne savait pas vraiment si le revenu familial net de la prestataire avait augmenté au-delà du seuil du supplément familial. Il est tout aussi probable que l’exclusion de la prestataire au bénéfice du supplément familial a été déclenchée par l’information selon laquelle elle n’était pas admissible à l’ACE. Si elle n’était plus admissible à l’ACE, c’est peut-être en raison d’une augmentation du revenu familial net, mais cela aurait pu être pour une autre raison également.

[52] Comme je l’ai déjà mentionné, la Commission a reçu une sorte de mise à jour de l’ARC en septembre 2018 qui lui a permis de verser le supplément familial à la prestataire pour la période d’admissibilité de 2018. L’écran d’admissibilité à l’ACE et au supplément de revenu pour la semaine du 5 août 2018 a été mis à jour en décembre 2019. L’écran montre toujours que la prestataire était admissible au supplément familial du 18 février au 26 mai 2018 (champ le plus bas). Cela pourrait signifier qu’aucune des mises à jour de l’ARC entre septembre 2018 et décembre 2019 n’a eu d’effet sur l’admissibilité de la prestataire au supplément familial pour la période du 18 février au 26 mai 2018. Cela pourrait aussi signifier qu’on ne peut pas compter sur l’ARC pour mettre à jour sa base de données de manière complète ou en temps utile — une possibilité que la division générale a également relevéeFootnote 23.

[53] La Commission affirme qu’elle a réexaminé l’admissibilité de la prestataire au supplément familial après une mise à jour effectuée par l’ARC en novembre 2019. Le comptable de la prestataire pense que cela est dû au fait que la prestataire n’a pas fourni à l’ARC les renseignements relatifs à son revenuFootnote 24. Il dit que l’ARC n’avait pas tous les renseignements dont elle avait besoin pour la période du 18 octobre 2019 au 20 janvier 2020. C’est à peu près au même moment que la Commission dit avoir reçu la mise à jour de l’ARC. [54] Le comptable a expliqué à la division générale que l’ARC avait initialement versé l’ACE à la prestataire. Cependant, l’ARC a exigé son remboursement parce qu’elle ne pouvait pas vérifier son revenu familial netFootnote 25. L’ARC attendait la confirmation des revenus de son mari. La prestataire a déclaré que l’évaluation effectuée par l’ARC de son revenu familial net est demeurée inchangée après que l’ARC ait reçu les renseignements sur le revenu de son mari. Lorsqu’elle a eu l’information, l’ARC a rétabli rétroactivement son admissibilité à l’ACE.

[55] La prestataire a fourni à la division générale des éléments de preuve démontrant que l’ARC avait révoqué son droit à l’ACE parce qu’elle avait besoin d’informations. Elle a présenté une correspondance provenant de l’ARC dans laquelle l’ARC demandait la restitution d’un paiement de l’ACE de 1400,49 $ pour juillet 2019. C’était dans un avis daté du 20 août 2019. L’ARC a donné suite en octobre 2019, avec un autre avis dans lequel le montant de l’ACE à rembourser à l’ARC avait augmenté de 16 443 $. L’ARC a donné suite en octobre 2019, avec un autre avis dans lequel le montant de l’ACE à rembourser à l’ARC avait augmenté de 16 443 $. Cela visait à recouvrer l’ACE que l’ARC avait versée à la prestataire de juillet 2018 à juin 2019Footnote 26. Le solde total à rembourser pour juillet 2019, et de juillet 2018 à juin 2019 était de 17 843,49 $.

[56] Dans ses avis, l’ARC a confirmé qu’elle exigeait que la prestataire rembourse l’ACE parce que cette dernière n’avait pas fourni les renseignements dont l’ARC avait besoin pour calculer son revenu familial net et calculer son admissibilitéFootnote 27.

[57] La prestataire a également fourni à la division générale la preuve de l’ARC selon laquelle l’ARC avait rétabli son revenu peu de temps après. Elle a présenté un avis de janvier 2020 envoyé par l’ARC, dans lequel l’ARC créditait à la prestataire des sommes qu’elle ne lui avait pas versées à titre d’ACE. Elle lui a crédité 1 400,49 $ pour l’ACE de janvier 2020, 8 402,94 $ pour celle de juillet à décembre 2019, et 16 443,00 $ pour celle de juillet 2017 à juin 2018. Elle a appliqué un autre crédit du même montant que sa demande de remboursement d’août 2019, soit d’un montant de 17 843,49 $Footnote 28. C’était pour la période de juillet 2018 à juin 2019.

[58] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la prestataire était admissible à l’ACE de juillet 2017 à juin 2018. (Cela était inclus dans sa conclusion selon laquelle la prestataire satisfaisait à toutes les conditions pour recevoir le supplément familial). La division générale a correctement examiné la preuve selon laquelle l’ARC avait cherché à établir le revenu du mari de la prestataire à la fin de l’année 2019. La division générale a estimé à juste titre que l’ARC avait confirmé l’admissibilité de la prestataire à l’ACE lorsqu’elle a reçu les renseignements requis. Compte tenu de son évaluation de la preuve, la division générale était convaincue que la prestataire était admissible à l’ACE du 18 février au 26 mai 2018.

[59] Je n’ai relevé aucune erreur dans la manière dont la division générale est parvenue à sa décision.

Conclusion

[60] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 3 décembre 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

Julie Villeneuve, représentante de l’appelante

B. S., intimée

Michael Armstrong, représentant de l’intimée

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