Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 176

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-2319

ENTRE :

T. S.

Appelant (prestataire)

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée (Commission)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale, section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Raelene R. Thomas
DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 janvier 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 11 janvier 2021

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La somme de 126 630 $ que le prestataire a reçue pour avoir renoncé à son droit de réintégration ne constitue pas une rémunération et ne devrait pas être répartie sur ses prestations d’assurance-emploi (AE).

Aperçu

[3] Le prestataire occupait un poste civil lié aux Forces armées canadiennes lorsqu’il a été congédié. Le prestataire a déposé un grief demandant sa réintégration conformément à la loi qui régissait son emploi. Il est devenu évident au cours de la médiation avec son ancien employeur que la réintégration ne se ferait pas, de sorte que lui et son employeur ont conclu une entente en vertu de laquelle le prestataire a reçu un montant forfaitaire pour avoir renoncé à son droit de réintégration. La Commission a décidé que l’argent versé au prestataire pour avoir renoncé à son droit de réintégration était une rémunération versée à la cessation de son emploi et a réparti 104 717 $ sur ses prestations d’AE à compter de la semaine du 13 novembre 2016Footnote 1. Cette décision a entraîné un trop-payé de prestations d’AE de 19 322 $. La Commission a également prolongé de 52 semaines la période de prestations du prestataire.

[4] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il dit que cette somme d’argent n’est pas une rémunération parce qu’elle a été payée pour la renonciation à son droit de réintégration, et l’employeur a convenu que c’était le cas. Lorsque le prestataire a été congédié, il ne savait pas qu’il recevrait cette somme d’argent deux ans plus tard. La Commission a mis beaucoup de temps pour l’informer correctement qu’il devait de l’argent. Le prestataire a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[5] À l’origine, l’audience devait avoir lieu le 29 décembre 2020. Le prestataire a demandé l’ajournement de l’audience parce qu’il ne pouvait pas s’y préparer adéquatement. J’ai accueilli la demande d’ajournement du prestataire dans l’intérêt de la justice naturelle afin de lui donner le temps de se préparer. L’audience a été reportée au 7 janvier 2021, et l’appel a été entendu à cette date.

Questions en litige

[6] Je dois décider si l’argent que le prestataire a reçu est une rémunération, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Si je décide que l’argent est une rémunération, je dois alors déterminer si la Commission l’a correctement répartie.

Analyse

[7] La loi précise que la rémunération est le revenu intégral provenant de tout emploi occupé par une partie prestataireFootnote 2. La loi définit les termes « rémunération » et « emploi ». Un « emploi » s’entend de tout emploi faisant l’objet d’un contrat de louage de services ou de tout autre contrat de travailFootnote 3. La « rémunération » comprend toute rémunération qu’une partie prestataire a reçue ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne, que ce soit en argent ou sous une autre formeFootnote 4.

L’argent reçu pour la renonciation au droit de réintégration n’est pas une rémunération

[8] Le montant de 104 717 $ que le prestataire a reçu pour avoir renoncé à son droit de réintégration ne constitue pas une rémunération et ne devrait pas être affecté aux prestations d’AE du prestataire. Voici les raisons pour lesquelles j’ai pris cette décision.

[9] Il revient à la partie prestataire de démontrer que l’argent qu’elle a reçu n’est pas une rémunération aux fins des prestations d’AE. La partie prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que l’argent qu’elle a reçu n’est pas une rémunération.

[10] Les tribunaux ont décidé que l’argent reçu pour la renonciation à un droit de réintégration n’est pas une rémunération si le prestataire peut satisfaire à trois exigences. Ces trois exigences sont les suivantes : à la suite d’un congédiement injustifié, la partie prestataire doit démontrer qu’elle avait droit à la réintégration, qu’elle a demandé à être réintégrée et, si un règlement monétaire est prévu à la place, l’entente doit indiquer que les sommes ont été versées pour la renonciation aux droits de réintégrationFootnote 5.

[11] J’estime que le prestataire a satisfait à ces trois exigences. Il a déclaré que son employeur avait changé son poste pour un poste civil au milieu des années 1990. Il a continué d’occuper le poste et a été promu, même s’il est demeuré dans un poste civil. Il a commencé à éprouver des difficultés au travail lorsqu’un nouveau superviseur a été embauché. Ces difficultés se sont terminées par une allégation de vol faite contre lui. Il a été suspendu et, à la suite d’une enquête, il a été congédié le 15 novembre 2016.

[12] Le prestataire a dit avoir déposé un grief s’opposant à sa suspension et à son congédiement. Dans son grief, il a demandé une réintégration. Il a déclaré que, quelques jours après le congédiement, il a été accusé de vol en vertu du système disciplinaire de l’employeur. Une date avait été fixée pour entendre ces accusations. Il a dit qu’en 2017, lorsque l’avocat a présenté des éléments de preuve, les accusations ont été rejetées ou abandonnées. Le prestataire s’attendait alors à ce que son employeur communique avec lui pour lui offrir de nouveau son emploi. Il n’a pas reçu cet appel.

[13] Une date d’audience a été fixée pour les griefs du prestataire. Ce dernier a décidé d’entreprendre une médiation avec son ancien employeur pour discuter des modalités de son retour au travail. Il a dit que le Conseil canadien des relations du travail avait mené la médiation. L’employeur du prestataire a indiqué dès le départ qu’il ne le réintègrerait pas, et il a donc été convenu que l’employeur le paierait pour renoncer à son droit de réintégration. Avec l’aide de l’avocat du prestataire lors de la médiation, l’employeur a rédigé l’entente et ils l’ont signée ainsi que le prestataire. Le prestataire a reçu l’argent le 13 septembre 2018.

[14] La Commission affirme qu’elle a déterminé que l’indemnité de départ reçue par le prestataire constituait une rémunération en vertu de l’article 35(2) du Règlement sur l’assurance-emploi parce que le paiement a été fait pour indemniser le prestataire pour la perte de son emploi. La Commission dit que la rémunération versée par un employeur en raison d’une cessation d’emploi doit être répartie conformément à l’article 36(9) du Règlement sur l’assurance-emploi. La Commission soutient que les indemnités de départ versées au prestataire ne comprenaient pas d’indemnisation pour la renonciation des droits de réintégration.

[15] L’ancien employeur du prestataire a refusé de discuter avec la Commission de sa cessation d’emploi et de son règlement.

[16] Le dossier d’appel comporte une copie du procès-verbal de règlement signé par le prestataire le 7 août 2018. L’employeur a émis le 13 septembre 2018 un relevé d’emploi (RE) modifié, indiquant que 121 010,00 $ ont été versés à titre d’indemnité de départ et 5 620,00 $ ont été versés sous la rubrique autre comme transfert de REER. Ces montants totalisent 126 630 $. Le prestataire a déclaré avoir reçu l’argent le 13 septembre 2018.

[17] Le procès-verbal indique que le prestataire a déposé auprès de son employeur des griefs qui ont été rejetés et renvoyés à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral. Le procès-verbal indique que le prestataire [traduction] « demandait une ordonnance de réintégration à son poste dans le cadre des réparations ». Cet élément de preuve m’indique que le prestataire demandait une réintégration.

[18] La Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral prévoit l’arbitrage des griefs. Les griefs renvoyés à l’arbitrage doivent être entendus par un arbitre de grief ou la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéralFootnote 6. Après avoir examiné un grief, l’arbitre de grief ou la Commission des relations de travail et de l’emploi doit rendre une décision, et l’instance décisionnaire a le pouvoir de rendre l’ordonnance qu’elle juge appropriée dans les circonstancesFootnote 7. Le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral exige que les parties à un grief participent à la médiation offerte par la Commission des relations de travail et de l’emploi, sauf si la partie qui n’a pas déposé le grief avise la Commission des relations de travail et de l’emploi qu’elle n’a pas l’intention de participerFootnote 8. Le procès-verbal précisait que le prestataire avait demandé à être réintégré au moyen des griefs qu’il avait déposés et prévoyait le paiement d’un montant forfaitaire pour la renonciation à son droit de réintégration. Cet élément de preuve me dit qu’un arbitre de grief ou la Commission des relations de travail et de l’emploi nommée en vertu de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral a le pouvoir d’ordonner la réintégration.

[19] À la suite du règlement, l’employeur du prestataire a émis un RE modifié afin de changer la raison de son émission et pour signaler que l’employeur avait effectué un paiement après la dernière période de paie. Le RE indiquait que le prestataire avait reçu d’autres sommes, que l’employeur a décrites comme « E – Indemnité de départ 121 010 $ » et « O – Autre 5 620 $ ». L’employeur a noté que le montant de 5 620 $ était un « transfert de REER ». Le RE émis par l’employeur ne concorde pas avec le procès-verbal, qui indique clairement que le paiement de 126 630 $ a été versé au prestataire pour la renonciation à son droit de réintégration. Le fait que l’employeur ait choisi de désigner les 121 010 $ du montant forfaitaire comme indemnité de départ n’est pas déterminant. Le montant du transfert de REER n’est pas non plus déterminant. Le transfert de REER est mentionné dans le procès-verbal à l’alinéa 6a) qui indique notamment que [traduction] « L’employé a le droit de transférer une partie ou la totalité de ce paiement dans un REER… » et « L’employeur confirme qu’il a reçu des instructions de l’employé à cet effet concernant le REER. » La modification du RE par l’employeur pour changer la raison de l’émission du RE à « Autre – K » et « Pas de faute – Raisons administratives » n’est pas non plus déterminante. La raison de l’émission du RE a été modifiée conformément aux modalités convenues dans le procès-verbalFootnote 9.

[20] Le prestataire a déclaré qu’il a entrepris une médiation comme moyen de régler ses griefs. Il est arrivé à un règlement avec son ancien employeur avec l’aide d’un médiateur. Il a déclaré que s’il avait quitté son emploi de son propre chef, il ne recevrait pas d’indemnité de départ. Les factures juridiques soumises à la Commission par le requérant démontrent qu’il a été facturé relativement à la médiation le 3 août 2018 et de nouveau en avril 2019. L’avocat du prestataire l’a vu signer le procès-verbal le 7 août 2018. Le prestataire a déclaré avoir reçu l’argent le 13 septembre 2018. Le RE modifié a été émis le 13 septembre 2018. L’employeur a refusé de discuter des détails de la cessation d’emploi et du règlement avec la Commission conformément à l’entente juridique entre l’employé et l’employeurFootnote 10. Cet élément de preuve me dit qu’un règlement a été conclu entre le prestataire et son ancien employeur. La preuve du transfert d’argent dans un REER et le changement de la raison pour laquelle le RE a été émis m’indiquent que l’employeur était au courant des modalités du règlement et les a mises en œuvre conformément au procès-verbal. Rien ne permet de croire que les 126 630 $ ont été payés pour une raison autre que le fait que le prestataire a renoncé à son droit de réintégration, comme il est clairement énoncé dans le procès-verbal. Par conséquent, je conclus que la somme de 126 630 $ a été versée au prestataire pour la renonciation à son droit de réintégration. Je conclus donc que la somme de 126 630 $ n’est pas une rémunération au sens du Règlement sur l’assurance-emploi et ne devrait pas être répartie.

Autres questions

[21] La Commission a écrit au prestataire pour l’informer qu’il pourrait avoir droit à des prestations spéciales d’assurance-emploi compte tenu de la situation familiale qu’il a décrite dans sa demande de révision. Rien dans ma décision n’empêche le prestataire de communiquer avec la Commission pour s’informer de son droit, s’il y a lieu, à des prestations supplémentaires d’assurance-emploi.

[22] Je comprends la situation financière du prestataire et les répercussions que la somme reçue à la suite de la renonciation à son droit de réintégration a eues sur le paiement de l’impôt sur le revenu relativement à ces fonds. Le prestataire a aussi perdu l’Allocation canadienne pour enfants. Je souligne que la présente décision résulte de mon pouvoir d’entendre les appels découlant des décisions de révision rendues par la CommissionFootnote 11. Je rends ma décision dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi et du Règlement sur l’assurance-emploi, mais ma décision ne s’applique à aucun autre processus d’appel dans lequel le prestataire pourrait être engagé.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Le 7 janvier 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions:

T. S., appelant

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