Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 71

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-2397

ENTRE :

B. G.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Mark Leonard
DATE DE L’AUDIENCE : Le 19 janvier 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 21 janvier 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a démontré que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, pour avoir fait quelque chose qui a entrainé la perte de son emploi). Cela signifie que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE)Note de bas page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur a dit qu’il avait été congédié parce qu’il avait envoyé un message texte menaçant à un superviseur. L’employeur a dit à la Commission qu’il avait une politique de tolérance zéro à l’égard de la violence et du harcèlement en milieu de travail.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas que cet incident s’est produit, il affirme que ce n’est pas la véritable raison pour laquelle l’employeur l’a congédié. Le prestataire affirme que la véritable raison pour laquelle il a perdu son emploi est parce qu’il a tenu tête à son superviseur qui, a-t-il soutenu, le harcelait. Il affirme que son comportement a fait l’objet d’une surveillance accrue après avoir déposé une plainte de harcèlement contre son superviseur.

[5] La Commission a accepté la raison que l’employeur a fournie pour expliquer le congédiement. Elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’AE.

Questions préliminaires

[6] Le prestataire a soulevé le fait qu’il souhaitait obtenir la Prestation canadienne d’urgence (PCU ). Il croit avoir droit à la PCU et a demandé à la Commission d’annuler sa demande d’AE et de lui permettre de demander la PCU . Il croit en outre que, peu importe la décision sur l’inconduite au travail, il a droit à la PCU . Il dit qu’il a des factures à payer et qu’il a besoin de cet argent.

[7] Le programme de la PCU est géré par l’Agence du revenu du Canada. Je n’ai pas le pouvoir de décider si le prestataire est admissible à la PCU . Je peux seulement trancher les questions qui relèvent de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). La seule question en litige que je peux trancher est celle de déterminer si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Question en litige

[8] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. Premièrement, je dois déterminer pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si cette raison est une inconduite selon la loi.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[10] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a envoyé un message texte menaçant à un superviseur, ce qui contrevenait à la politique de l’employeur sur le harcèlement et la violence en milieu de travail.

[11] Le prestataire et la Commission ne sont pas d’accord sur la raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi. La Commission affirme que la raison donnée par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait envoyé un message texte à un superviseur pour lui dire d’arrêter de parler de lui (de cesser de répandre des rumeurs à son sujet). L’adresse du domicile du superviseur était dans le message texte et laissait supposer qu’il ne serait pas difficile de le trouver et qu’il devrait tâcher de s’en souvenir. Le superviseur a déposé une plainte de harcèlement contre le prestataire. Après une enquête officielle, l’employeur a conclu que le prestataire avait enfreint sa politique de tolérance zéro à l’égard de la violence et du harcèlement en milieu de travail. Il a produit une lettre de congédiement décrivant la raison du congédiement comme une violation de la politique sur le harcèlement en raison du message texte qu’il a envoyé.

[12] L’employeur a également présenté un document énumérant plusieurs  autres problèmes de conduite du prestataire, comme le fait de fumer à un endroit interdit, de ne pas porter sa ceinture de sécurité sur un chariot tracteur de manutention et de récupérer des ordures. Le prestataire a reçu des avertissements et une suspension pour ces affaires. Toutefois, l’employeur soutient que la principale raison du congédiement est le message texte, qui contrevenait à sa politique en matière de harcèlement.

[13] Le prestataire n’est pas d’accord.

[14] Le prestataire a déclaré être un opérateur d’équipement lourd dans une installation de traitement de déchets. Il affirme que la véritable raison pour laquelle il a perdu son emploi est qu’il a tenu tête à son superviseur qui le harcelait. Il a déclaré qu’il avait déjà fait l’objet d’une insulte raciale de la part de ce même superviseur. Il affirme qu’il s’est plaint au [traduction] « patron » de ce superviseur, et que l’incident a été réglé en offrant une mutation et en accordant une augmentation au prestataire. Le prestataire n’a pas déposé de plainte à l’extérieur de l’organisation parce qu’il ne voulait pas aller aux [traduction] « Droits de la personne » à ce moment-là. Le prestataire soutient que c’est après cet incident qu’il a fait l’objet d’une surveillance accrue pour chaque problème de comportement. Il dit qu’aucune sanction n’a été imposée au superviseur pour ses commentaires racistes. Le prestataire soutient que l’employeur a fait preuve d’un préjugé défavorable à son égard en raison de la plainte.

[15] Le prestataire a abordé les autres transgressions qu’on lui a reprochées. Il soutient que tout le monde fume juste à côté de la porte. Il a fourni des photos prises après son congédiement montrant des mégots de cigarette dans la neige, au même endroit où il aurait été pris en délit et on lui aurait imposé des sanctions. Il soutient que cela montre que la direction ne prend pas cette question au sérieux et qu’elle tolère ces actes, sauf dans son cas. Il a également affirmé que les autres opérateurs de machines ne portent pas la ceinture de sécurité et qu’ils ne sont pas suspendus. Il a ajouté que tout le monde, y compris les gestionnaires [traduction] « ramasse des ordures », même s’il admet qu’il y a une politique qui interdit la récupération de déchets.

[16] Le prestataire a ensuite décrit un comportement qu’il a jugé inhabituel de la part de son superviseur. Il soutient que le superviseur cachait les clés du chariot tracteur de manutention, ce qui lui rendait la tâche difficile. Le prestataire a dit qu’il avait informé le [traduction] « patron », mais que cela avait encore une fois entrainé sa mutation. Le prestataire a considéré cela comme une rétrogradation de ses fonctions précédentes. Il affirme que ce superviseur répandait alors des rumeurs à son sujet en soutenant qu’il pourrait faire muter ou congédier le prestataire.

[17] Le prestataire affirme qu’il était frustré et en colère et que c’est la raison pour laquelle il a envoyé le message texte. Il a dit que c’était simplement des mots et qu’il n’était pas sérieux. Il affirme qu’il était un bon employé et que tous ses problèmes ont commencé après la plainte qu’il a déposée.

[18] Contrairement à ce que le prestataire a soutenu, il y a eu des incidents avant le harcèlement fondé contre son superviseur. Il a reçu deux avertissements verbaux sur la récupération de déchets en milieu de travail avant le problème de harcèlement avec son superviseur. Le prestataire affirme que l’employeur n’a rien fait pour remédier au harcèlement qu’il avait subi. Toutefois, l’employeur a présenté la documentation confirmant que le superviseur a reçu une suspension de deux jours et qu’il a reçu une formation de sensibilisation pour le harcèlement contre le prestataire (GD3-27).

[19] Le prestataire a reçu un avertissement et une suspension pour ne pas avoir respecté le règlement sur le tabagisme ainsi qu’un avertissement écrit concernant le port de la ceinture de sécurité sur le chariot tracteur de manutention depuis l’incident avec son superviseur. L’incident le plus récent date du 14 septembre 2020, date à laquelle, après s’être fait prendre à fumer, le prestataire a été renvoyé chez lui et suspendu pendant une journée. Deux jours plus tard, le 16 septembre 2020, il a envoyé un message texte menaçant au superviseur.

[20] Je ne suis pas convaincu que le prestataire a été congédié parce que son comportement a fait l’objet d’une surveillance accrue après l’incident de harcèlement deux ans plus tôt (14 novembre 2018). Le prestataire avait plusieurs cas de non-conformité, mais il avait seulement reçu des avertissements verbaux et écrits, ainsi qu’une suspension. Compte tenu du nombre limité d’incidents et de la période écoulée au cours de laquelle ils se sont produits, je ne peux pas conclure qu’ils constituent le fondement d’une campagne délibérée de surveillance menée par l’employeur envers le prestataire. Les avertissements verbaux, écrits et la suspension semblent tous être des réponses mesurées aux violations aux règles qui ont été commises. Lorsque le prestataire a envoyé le message texte menaçant et qu’il y a eu une plainte, l’employeur était tenu de faire enquête et d’agir en conséquence.

[21] La documentation fournie par l’employeur montre clairement que le prestataire a envoyé le message texte au superviseur. Le contenu du texte ne peut pas être considéré comme autre chose qu’une menace voilée selon laquelle si le superviseur m’arrête pas de parler du prestataire, il lui arrivera quelque chose de mal à son domicile. Le prestataire reconnait qu’il a envoyé le message texte parce qu’il était frustré par le milieu de travail. L’employeur a mené une enquête et a conclu que le prestataire avait enfreint sa politique sur le harcèlement.

[22] J’estime que le prestataire a bel et bien commis les actes qui, selon l’employeur, étaient la raison de son congédiement. La question de savoir si le prestataire avait l’intention de passer de la parole aux gestes n’est pas pertinente. Il est raisonnable de conclure que le surintendant qui a reçu le message texte prendrait le message au sérieux et déclarerait l’incident.

[23] J’ai lu la politique de l’employeur sur le harcèlement et la violence en milieu de travail. Il est évident que la violence comprend l’envoi de message texte menaçant, que c’est inacceptable et que cela peut entrainer le congédiement. La lettre de cessation d’emploi précise clairement que c’est le message texte envoyé par le prestataire qui a mené à son congédiement. Aucune autre raison n’est donnée dans la lettre.

[24] Je suis convaincu que le motif du congédiement du prestataire était une violation de la politique de harcèlement de l’employeur à la suite de son message texte menaçant au superviseur.

[25] Je n’ai pas à décider si le congédiement était la réponse appropriée au comportement du prestataire. Mon rôle est de déterminer si le motif de son congédiement constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

Le motif du congédiement du prestataire correspond-il à une inconduite au sens de la loi?

[26] Oui, le motif du congédiement du prestataire est considéré comme une inconduite au sens de la loi.

[27] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être volontaire. Cela signifie que les actes doivent être conscients, délibérés ou intentionnelsNote de bas page 2. L’inconduite comprend également une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère volontaireNote de bas page 3. Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (en d’autres mots, il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que ses actes constituent une inconduite au sens de la loiNote de bas page 4.

[28] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas page 5.

[29] La Commission doit démontrer que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 6.

[30] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a reconnu qu’il avait envoyé le message texte. Elle soutient que le texte est une menace évidente envers le superviseur. La décision de congédier le prestataire en raison d’une violation de la politique de harcèlement de l’employeur était la véritable raison de son congédiement. Elle soutient que l’incident constitue une inconduite parce que les gestes du prestataire étaient délibérés et qu’il savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’il pourrait être congédié pour ces actes.

[31] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il a seulement mentionné l’adresse du domicile du superviseur. Il a dit qu’il était frustré et en colère lorsqu’il a envoyé le message texte et qu’il ne s’agissait pas d’une menace. Il soutient que ce n’était que des paroles et qu’il n’avait pas de mauvaises intentions.

[32] Je ne suis pas d’accord avec le prestataire. Le sens de son message texte était clair. Il essayait d’intimider le superviseur pour l’empêcher de faire quelque chose. On ne peut pas interpréter ces mots d’une autre façon raisonnable. Qu’il ait eu l’intention de faire quelque chose ou de simplement fait peur au superviseur, la menace était évidente. Il n’est pas nécessaire d’avoir une mauvaise intention pour qu’un acte soit conforme à la définition d’inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

[33] Je suis convaincu que le message texte constituait une menace implicite de conséquences négatives visant le superviseur. L’employeur a une politique de tolérance zéro à l’égard de la violence et du harcèlement en milieu de travail. Une enquête interne a confirmé que le prestataire avait enfreint la politique. Le prestataire n’a pas contesté le fait qu’il avait envoyé le message texte.

[34] Le prestataire affirme qu’il ne se souvient pas s’il était au courant de la politique de harcèlement de l’employeur. Il ne se souvient pas s’il l’a lu quand il a commencé à travailler à cet endroit. Il dit qu’il n’aurait aucune raison de l’examiner parce qu’il n’avait pas l’intention de se comporter de cette façon.

[35] Je conclus que, peu importe si le prestataire était au courant de la politique ou l’avait lue, il savait ou aurait dû savoir que son texte était menaçant et qu’il serait mal accueilli par le superviseur. Les actes du prestataire étaient volontaires et délibérés. Autrement dit, il savait ce qu’il faisait lorsqu’il l’a envoyé. Le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de s’acquitter de ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité de congédiement pour cette raison. Menacer un collègue est un acte volontaire qui équivaut à une inconduiteNote de bas page 7.

[36] J’estime que la Commission s’est acquittée du fardeau de démontrer que les actes du prestataire constituaient une inconduite au sens de la Loi sur l’AE. Elle a établi que le prestataire a envoyé un message texte menaçant à son superviseur et qu’il a enfreint la politique de harcèlement de l’employeur. Elle a démontré que ses actes étaient délibérés et que c’est la véritable raison pour laquelle le prestataire a été congédié. Elle conclut que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son geste pouvait mener à un congédiement, et que ce geste constitue donc une inconduite au sens de la Loi sur l’AE. Je suis d’accord.

[37] J’éprouve de l’empathie pour le prestataire, dont le témoignage était à la fois émotif et convaincant puisqu’il décrivait en détail le milieu de travail. Il est préoccupant de constater que l’application de mesures disciplinaires varie pour des transgressions semblables des politiques et des règles. Je peux comprendre sa frustration, car il percevait la façon dont l’employeur le traitait comme inéquitable et cela lui a fait conclure qu’il était harcelé.

[38] Toutefois, il existe des mécanismes au sein de l’organisation de cet employeur, et en dehors, pour traiter les cas de harcèlement. Il incombait au prestataire d’exercer ces options plutôt que d’essayer de résoudre la situation par l’intimidation. Une forme de harcèlement ne peut pas être utilisée pour faire face à une autre forme de harcèlement.

Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[39] En me fondant sur mes conclusions ci-dessus, j’estime que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[40] La Commission a démontré que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE.

[41] Cela signifie que l’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 19 janvier 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

B. G., Appelant

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