Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 178

Numéro de dossier du Tribunal: GE-20-2407

ENTRE :

A. K.

Appelant (requérant)

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée (Commission)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale, section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Raelene R. Thomas
DATE DE L’AUDIENCE : Le 19 janvier 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 26 janvier 2021

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le requérant a démontré que son départ était fondé parce qu’il n’aurait pas pu choisir d’autres solutions raisonnables au lieu de quitter son emploi quand il l’a fait. Cela signifie qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] Le requérant voulait retourner aux études. Il a parlé à un conseiller en emploi qui lui a dit comment obtenir une recommandation pour son programme de formation. Il devait recueillir des renseignements et rencontrer de nouveau le conseiller la semaine suivante. Le requérant s’est ensuite inscrit à son programme de formation. Il a communiqué avec son employeur pour lui expliquer qu’il allait suivre une formation et qu’il avait besoin d’obtenir des renseignements et des certificats d’un certain nombre d’endroits. L’employeur a encouragé le requérant à quitter son emploi pour la possibilité de formation.

[3] La Commission a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire avait quitté son emploi et a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi justification, de sorte qu’elle n’a pas été en mesure de lui verser des prestations d’assurance-emploi. Le requérant n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il dit avoir pris les mesures qui s’imposaient pour sa demande d’assurance-emploi, mais son rendez-vous avec un conseiller en emploi a été retardé en raison de la COVID-19. Le requérant dit qu’il a dû quitter le travail au moment où il l’a fait pour obtenir les renseignements et les certificats pour le conseiller en emploi et l’école.

Questions préliminaires

[4] La mère du requérant est sa représentante. À l’audience, elle a dit qu’elle n’avait pas reçu du Tribunal les observations de la Commission (GD4). J’ai pris des dispositions pour que le document soit envoyé par courriel à la représentante pendant l’audience. J’ai également offert d’ajourner l’audience à un autre jour afin de permettre au requérant et à sa représentante de lire le document pour se préparer à l’audience. La représentante a décliné et, après avoir reçu le document GD4, l’audience s’est poursuivie.

Questions en litige

[5] Je dois décider si, en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, le requérant était fondé à quitter volontairement son emploi. Cette décision comporte deux étapes. Premièrement, je dois établir s’il a choisi de quitter son emploi. Deuxièmement, je dois établir s’il avait une justification pour partir.

Analyse

[6] La loi dit que si vous quittez votre emploi sans justification, vous ne pouvez pas recevoir de prestations d’assurance-emploiFootnote 1.

Le requérant a volontairement quitté son emploi

[7] Les tribunaux ont dit que pour déterminer si une partie requérante a quitté volontairement son emploi, il faut déterminer si elle avait le choix de rester ou de quitter son emploiFootnote 2.

[8] Le requérant a déclaré avoir quitté son emploi pour retourner aux études. Je ne vois aucun élément de preuve en contradiction avec cette affirmation. Cela signifie qu’il a quitté volontairement son emploi.

Le requérant avait une justification pour quitter volontairement son emploi

[9] Les parties, c’est-à-dire le requérant et la Commission, ne sont pas d’accord pour dire que le requérant avait une justification pour quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

[10] La loi précise qu’une personne est fondée à quitter un emploi si son départ constitue la seule solution raisonnable dans son casFootnote 3. C’est au requérant de le prouverFootnote 4 . Avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à démontrer la justification.

[11] Pour trancher cette question, je dois examiner l’ensemble des circonstances entourant la démission du requérant. Parmi celles-ci, certaines sont prévues par la loiFootnote 5 . Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent au requérant, il devra alors démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans ces circonstancesFootnote 6.

[12] Il est bien établi par les tribunaux que le fait de quitter un emploi pour poursuivre des études non autorisées par la Commission ou une autorité désignée ne constitue pas une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploiFootnote 7.

[13] Le requérant a déclaré qu’il était ouvrier. Il souhaitait devenir chauffeur de camion de classe 1E. Le jeudi 13 août 2020, il a téléphoné et envoyé un courriel à un collège local et a présenté dans la matinée une demande pour le cours de conduite de classe 1E. Il a dit que le collège l’a appelé l’après-midi du 13 août 2020 pour l’informer qu’il était accepté dans le cours.

[14] Le requérant a déclaré que, dans l’après-midi du 12 août 2020 et le 13 août 2020, il a parlé à un conseiller en emploi de son gouvernement provincial. Il a dit que le conseiller en emploi lui avait dit de [traduction] « mettre les choses en route ». Le requérant a déclaré que le conseiller en emploi avait dit que, dès qu’il aurait terminé les formalités administratives, la demande serait approuvée. Il a dit qu’on lui avait indiqué qu’il ne devrait pas y avoir de problème, que c’était une école approuvée. Le conseiller en emploi a pris rendez-vous avec le requérant pour un entretien par téléphone le mardi 18 août 2020.

[15] Le requérant a déclaré que les bureaux de son employeur étaient fermés le vendredi 14 août 2020 et qu’il n’a pas travaillé ce jour là. Le lundi 17 août 2020, il a parlé à son superviseur. Il a dit à son superviseur qu’il avait été accepté pour la formation de chauffeur de classe 1. Le requérant a également expliqué qu’il devait faire remplir des documents pour l’école. Il a demandé au superviseur s’il devait faire son préavis de deux semaines. Le requérant a témoigné que le superviseur a répondu par la négative, en disant que le requérant devrait s’occuper de faire « tout ce qu’il faut » pour l’école.

[16] La représentante a déclaré qu’une partie de l’information demandée par le conseiller en emploi était une explication de la raison pour laquelle le requérant devrait être admis au cours. Il a dû passer un test d’évaluation des compétences, obtenir un examen de son casier judiciaire, fournir un résumé du dossier du conducteur et passer un examen médical. De plus, le requérant a dû communiquer avec divers employeurs pour obtenir des lettres d’intention afin de voir s’ils envisageraient de l’embaucher une fois qu’il aurait terminé le cours. La représentante a dit que les lettres d’intention étaient nécessaires parce que le requérant n’avait pas encore 21 ans, ce qui est l’âge requis pour les entreprises qui embauchent des chauffeurs. Le requérant a également dû suivre une formation en secourisme de l’Ambulance Saint-Jean. Le collège avait également besoin d’un certain nombre de documents.

[17] Le requérant a eu une nouvelle réunion par téléphone avec le conseiller en emploi le 18 août 2020. La représentante a fourni une copie d’un courriel du conseiller en emploi daté du 21 août 2020, avec l’objet : Documents requis. Le courriel indique ce qui suit : « Comme nous en avons discuté, voici la liste des documents requis que vous devrez me soumettre pour être pris en considération pour le financement dans le cadre du programme Formation et perfectionnement professionnel (FFP). » Le courriel énumère ensuite certains des documents qui, selon la représentante, étaient requis. Le financement du requérant a été approuvé par le ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail du gouvernement provincial. La représentante a fourni une copie du formulaire de confirmation de financement ainsi qu’un courriel du conseiller en emploi daté du 11 septembre 2020. Le courriel dit « Veuillez trouver ci-joint votre contrat/entente de FFP… ». Le requérant a signé le formulaire de confirmation du financement le 14 septembre 2020. La Commission affirme que les renseignements concernant la recommandation du requérant pour la formation ont été reçus et traités par ses systèmes à compter de la semaine du 11 octobre 2020. Elle indique que la recommandation était rétroactive à la semaine où le cours du requérant a commencé, soit le 6 septembre 2020.

[18] Je peux tenir compte seulement des circonstances qui existaient au moment où le requérant a quitté son emploi pour déterminer s’il y avait une justificationFootnote 8.

[19] Le requérant a déclaré qu’il avait parlé avec le conseiller en emploi la veille du jour où il avait communiqué avec le collège et appris qu’il était accepté pour le cours, et il avait aussi parlé avec le conseiller ce jour-là. Il a dit qu’au cours de leurs conversations du 12 août 2020 et du 13 août 2020, le conseiller en emploi lui a dit qu’il ne devrait pas y avoir de problème à ce que la formation soit approuvée. Au cours des conversations de ces deux jours, le requérant a été informé qu’il devait obtenir et présenter certains renseignements et certificats. L’employeur a confirmé à la Commission que le requérant avait quitté le travail pour retourner aux études. Le témoignage du requérant au sujet de la conversation qu’il a eue avec son superviseur le 17 août 2020 au sujet du retour aux études et de la nécessité d’obtenir des renseignements et des certificats m’indique qu’avant de quitter son emploi il avait discuté avec un conseiller en emploi de la recommandation de formation. Le requérant a déclaré qu’il n’a pas pu rencontrer le conseiller en emploi en personne et qu’il a dû attendre jusqu’au 18 août 2020 pour avoir une réunion par téléphone avec lui. Cette réunion a été suivie d’un courriel le 21 août 2020, qui énumérait les documents qu’il devait fournir pour être pris en considération pour le financement FFP. La confirmation de financement a été envoyée au requérant et il l’a signée le 14 septembre 2020. La Commission a noté que la recommandation pour la formation remontait rétroactivement à la semaine où le cours a commencé, soit le 6 septembre 2020.

[20] Le requérant a demandé de l’aide financière à un conseiller en emploi avant de quitter son emploi. Il a compris, dès le 13 août 2020, qu’il obtiendrait l’approbation pour la formation dès qu’il aurait finalisé les documents. Il n’a pas décidé de quitter son emploi avant d’avoir compris cela en parlant au conseiller en emploi et à son superviseur. Le 17 août 2020, il a parlé de la formation à son superviseur et lui a demandé s’il devait donner son préavis de deux semaines. On lui a que ce n’était pas nécessaire et qu’il pouvait continuer à s’occuper de sa formation. Cet élément de preuve me dit que le requérant était employé, même s’il n’était pas à son travail, le 17 août 2020. Le requérant a reçu sa confirmation de financement après avoir commencé le programme, mais la recommandation pour la formation remontait à la semaine du début du cours. Cette preuve de l’orientation vers la formation par l’autorité désignée, ainsi que la compréhension du requérant qu’il serait dirigé par le conseiller en emploi vers cette formation, m’indiquent que le requérant a été orienté vers la formation avant de quitter son emploi.

[21] Toutefois, l’orientation vers une formation n’établit pas que le requérant avait une justification pour quitter son emploi. L’orientation ne fait que créer la présomption que le requérant était sans emploi, capable de travailler et disponible pour suivre une formation. L’orientation ne libère pas le requérant de l’obligation de prouver qu’il était fondé à quitter son emploi.

[22] La Commission fait valoir que le requérant a quitté son emploi sans justification parce qu’il n’a pas tenté toutes les solutions raisonnables avant de partir. Plus précisément, elle indique que des alternatives raisonnables à son départ auraient été d’éviter de prendre une décision personnelle qui l’a mis au chômage, d’explorer la possibilité de prendre un congé temporaire pendant qu’il suivait le cours ou de trouver un emploi ailleurs. La Commission a également soutenu que le requérant n’avait pas présenté de preuve que le conseiller en emploi, un agent de Formation et perfectionnement professionnel, lui avait accordé l’autorisation de quitter son emploi.

[23] La représentante indique que le requérant travaille depuis l’âge de 14 ans. Il a été accepté rapidement dans le cours. Tous les documents auraient été signés le 13 août 2020, si le requérant avait pu se rendre au bureau. Le requérant a reçu quatre offres d’emploi depuis qu’il a commencé le cours, et il faut en tenir compte.

[24] Je note que la Loi sur l’assurance-emploi n’exige pas qu’une personne reçoive l’autorisation de quitter son emploi lorsqu’elle est dirigée vers une formation ou qu’elle fournisse cette autorisation à la Commission. La Commission semble avoir une politique qui exige qu’une personne obtienne la permission de démissionner ou de prendre congé avant de suivre un programme de formation recommandé. Cependant, à mon avis, cette politique n’a pas d’autorité législative et ne peut pas disqualifier le requérant des prestations d’assurance-emploi prévues par la loi. Par conséquent, j’estime que l’obtention d’une autorisation de démissionner n’est pas une option raisonnable.

[25] Le requérant a été dirigé vers la formation. Il a déclaré ne pas avoir déménagé pour suivre la formation. Il a dit que les quatre premières semaines de son cours se sont faites en ligne, puis qu’il parcourait 140 km aller-retour pour assister à la formation pratique qui se déroule dans une ville différente de celle où il réside. Il continue à avoir des séances pratiques dans deux villes différentes pour satisfaire à certaines parties du cours. Par conséquent, j’estime qu’il n’était pas raisonnable que le requérant continue à travailler pendant qu’il participait à ses séances en ligne et pratiques parce qu’il avait été dirigé vers la formation et qu’il avait accepté l’obligation de satisfaire aux exigences de ce programme.

[26] La Commission n’a pas demandé à l’employeur si le requérant serait admissible à un congé. Le requérant a déclaré qu’il était salarié à l’essai et qu’il s’attendait à être congédié s’il demandait un congé pour suivre la formation. Le requérant a déclaré que, lorsqu’il a parlé à son superviseur de son départ pour suivre une formation et de la nécessité d’obtenir des renseignements et des certificats, il lui a demandé s’il devait donner un préavis de deux semaines. Il a dit que le superviseur lui avait dit que ce n’était pas nécessaire et qu’il devait s’occuper d’obtenir ce dont il avait besoin pour la formation. Rien n’indique qu’un congé aurait été offert au requérant. Par conséquent, j’estime que demander un congé ne représente pas une option raisonnable.

[27] Dans la plupart des cas, une partie prestataire a l’obligation de démontrer qu’elle a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre unilatéralement la décision de quitter un emploiFootnote 9. Le requérant n’était pas tenu de trouver un emploi avant de quitter le sien. Il a dit à la Commission qu’il n’aimait pas le travail qu’il faisait et qu’il ne s’attendait pas à y retourner une fois sa formation terminée. Il a déclaré avoir postulé un emploi à une station-service locale environ deux semaines avant de quitter son emploi. La représentante indique qu’il y a peu d’emplois dans la région et que la plupart sont liés à la conduite de camions. Par conséquent, je conclus que le requérant a fait usage de cette solution raisonnable.

[28] Compte tenu de toutes les circonstances, je conclus que le requérant a démontré qu’il n’y avait pas d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Par conséquent, j’estime que la décision du requérant de quitter son emploi satisfait au critère de justification dans le cadre d’un départ volontaire, comme l’exigent la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence susmentionnée.

Conclusion

[29] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Le 19 janvier 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions:

A. K., appelant

R. K., représentante de l’appelant

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