Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 97

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-45

ENTRE :

A. H.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Teresa M. Day
DATE DE L’AUDIENCE : Le 22 janvier 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 22 janvier 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE) à partir du 5 octobre 2020 parce qu’il était à l’étranger et qu’il est toujours hors du Canada. Il est également inadmissible au bénéfice des prestations à partir du 5 octobre 2020 parce qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler.

Aperçu

[2] L’appelant a quitté le Canada le 22 février 2020 et a voyagé en Inde. Il a demandé des prestations de maladie de l’AE le 30 mars 2020. Du 29 mars 2020 au 4 octobre 2020, il a reçu la Prestation canadienne d’urgence (PCU) tout en demeurant hors du Canada. Lorsque ses versements de la PCU ont pris fin, il a été automatiquement inscrit au régime de prestations régulières d’AE, conformément à sa demande initiale. Une période de prestations a été établie à son profit à compter du 5 octobre 2020, mais la Commission de l’assurance-emploi du Canada a immédiatement rendu l’appelant inadmissible au bénéfice des prestations pour une période indéfinie parce qu’il n’était pas au Canada et qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[3] L’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a informé la Commission qu’il s’était rendu en Inde pour visiter sa famille et qu’il s’attendait à revenir environ un mois plus tard. Toutefois, son vol de retour a été annulé en raison de la pandémie de la COVID-19, et il est toujours incapable de revenir au Canada en raison d’une interdiction de voyager en Inde. La Commission a maintenu sa décision concernant l’inadmissibilité de l’appelant. L’appelant a fait appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[4] L’appelant est-il inadmissible aux prestations d’AE à partir du 5 octobre 2020 parce qu’il était à l’étranger et qu’il l’est toujours?

[5] L’appelant est-il inadmissible aux prestations d’AE à partir du 5 octobre 2020 parce qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler?

Analyse

À l’étranger

[6] Les prestations d’AE ne sont pas payables aux parties prestataires qui sont à l’étrangerNote de bas de page 1, sauf dans les situations décrites dans le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE)Note de bas de page 2.

[7] C’est à l’appelant que revient le fardeau de prouver qu’il satisfait aux exigences de l’une ou de plusieurs des exceptions du Règlement sur l’AE pour annuler l’interdiction générale de verser des prestations à des personnes qui sont à l’étrangerNote de bas de page 3.

Disponibilité

[8] Pour recevoir des prestations d’AE, l’appelant doit prouver qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 4.

[9] L’appelant doit prouver trois choses afin de démontrer qu’il était disponible :

  1. a) qu’il a un désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable sera disponible;
  2. b) que ce désir est démontré par des démarches pour trouver un travail convenable;
  3. c) qu’il n’a pas fixé de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 5.

Question en litige no 1 : À l’étranger

La situation de l’appelant s’applique-t-elle à l’une des exceptions prévues pour les parties prestataires qui sont à l’étranger pendant leur période de prestations?

[10] L’article 55(1) du Règlement sur l’AE permet à une partie prestataire de toucher des prestations d’AE alors qu’elle est à l’étranger, si elle est à l’étranger pour l’un des motifs suivants :

  • pour subir un traitement médical qui n’est pas immédiatement ou promptement disponible au Canada;
  • pour se rendre aux funérailles d’un proche parent (jusqu’à 7 jours);
  • pour accompagner un proche parent à un hôpital pour un traitement qui n’est pas disponible au Canada (jusqu’à 7 jours);
  • pour visiter un proche parent qui est gravement malade ou blessé (jusqu’à 7 jours);
  • pour faire une recherche d’emploi sérieuse (jusqu’à 14 jours) ou pour participer à une véritable entrevue d’emploi (jusqu’à 7 jours).

[11] L’appelant a déclaré qu’il a voyagé en Inde le 22 février 2020 pour visiter ses parents et d’autres membres de sa famille. Il avait l’intention de revenir au Canada [traduction] « à la fin du mois de mars ». Toutefois, son vol de retour a été annulé lorsque l’Inde s’est confinée et a suspendu tous les vols internationaux en raison de la pandémie mondiale de la COVID-19. Depuis, il a tenté plusieurs fois d’obtenir un vol pour revenir au Canada, mais ces vols ont aussi été annulés en raison de l’interdiction de voyager qui est toujours en vigueur en Inde (voir GD5). Il a appris que l’Inde pourrait lever l’interdiction de voyager à la fin de janvier 2021 et que les vols internationaux [traduction] « fonctionneront normalement » après cette date. Il a réservé un autre billet d’avion pour revenir au Canada et espère rentrer au pays [traduction] « d’ici le 19 février 2021 ». Toutefois, il n’y a [traduction] « aucune garantie » que le vol qu’il a réservé aura lieu.  

[12] L’appelant a fait valoir qu’il souhaitait revenir au Canada à la fin du mois de mars 2020 et que des circonstances indépendantes de sa volonté ne devraient pas l’empêcher de toucher des prestations d’AE. Il avait planifié son voyage et avait un billet pour revenir le 26 mars 2020, mais ensuite la [traduction] « COVID a commencé », [traduction] « l’Inde s’est confinée » et aucun vol ne pouvait décoller à partir de son emplacement. Sa seule option était et demeure de continuer à reporter la date de son billet d’avion auprès de la compagnie aérienne jusqu’à ce que l’interdiction de voyager soit levée. Toutefois, l’interdiction est toujours en vigueur et il n’y a aucune certitude quant au moment où l’Inde autorisera la reprise des vols internationaux.      

[13] Une partie prestataire à l’étranger peut seulement recevoir des prestations d’AE si elle prouve que l’une des exceptions énoncées à l’article 55(1) du Règlement sur l’AE (voir le paragraphe 10 ci-dessus) s’applique à elle.

[14] J’estime qu’aucune des raisons données par l’appelant pour être à l’étranger ne figure parmi l’une des exceptions prévues par le Règlement sur l’AE.

[15] Je suis très empathique à la situation difficile dans laquelle se trouve l’appelant et je reconnais les effets que cela a eus sur sa santé physique et mentale, de même que sa santé financière. Je suis d’accord que l’imposition d’une interdiction de voyager en raison de la pandémie de la COVID-19 était totalement indépendante de sa volonté.

[16] Toutefois, le fait d’être coincé à l’étranger en raison de la pandémie mondiale de la COVID-19 n’est pas l’une des exceptions prévues par la loi. Même si l’appelant a touché la PCU pendant qu’il était à l’étranger, aucune disposition d’urgence n’a été adoptée pour permettre le versement de prestations d’AE conventionnelles aux parties prestataires qui se trouvent à l’étranger en raison de la pandémie de la COVID-19. Les seules exceptions permises sont celles énoncées à l’article 55(1) du Règlement sur l’AE.    

[17] L’appelant espérait que je pourrais l’aider et m’a demandé de tenir compte de tout ce qu’il a vécu en attendant que l’Inde lève l’interdiction de voyager, y compris :

  • la perte de son emploi en raison de la pandémie;
  • le diagnostic et le traitement de ses problèmes gastro-intestinaux;
  • l’anxiété qu’il ressent à l’idée de devoir voyager avec un système immunitaire affaibli;
  • le stress financier qu’il vit.

[18] Malheureusement, je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire d’ajouter ces circonstances ou toute autre situation à la liste d’exceptions ni d’interpréter la loi autrement que par son sens ordinaire. Je dois m’inspirer des directives de la Cour suprême du Canada selon lesquelles un arbitre est lié par la loi et ne peut pas refuser de l’appliquer, même pour des motifs d’équitéNote de bas de page 6.

[19] L’appelant n’a pas réussi à démontrer que le motif de son voyage figurait parmi l’une des exceptions énumérées à l’article 55(1) du Règlement sur l’AE. Par conséquent, j’estime que l’article 37 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) s’applique à sa demande et qu’il est inadmissible aux prestations d’AE à partir du 5 octobre 2020 parce qu’il était à l’étranger et qu’il l’est toujours.

Question en litige no 2 : Disponibilité

L’appelant a-t-il respecté les trois facteurs pour prouver sa disponibilitéNote de bas de page 7?

[20] Comme l’appelant ne peut pas recevoir de prestations d’AE tant qu’il demeure à l’étranger, il n’est pas strictement nécessaire que j’évalue également la question de savoir s’il devrait être [traduction] « doublement inadmissible » pour la raison supplémentaire qu’il n’a pas prouvé sa disponibilité. Toutefois, je le ferai parce que ce deuxième motif d’inadmissibilité a été révisé (voir la lettre de décision à la page GD03-23) et parce que l’appelant en a parlé dans son appel.

[21] Je dois seulement décider si l’appelant était disponible pour travailler au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AENote de bas de page 8. Le critère dans la décision Faucher énonce trois facteurs dont je dois tenir compte avant de décider si l’appelant est disponible au titre de cet article (voir paragraphe 10 ci-dessus).

[22] Pour le premier facteur, j’accepte le fait que l’appelant souhaitait retourner au travail à partir du 5 octobre 2020 (la date d’entrée en vigueur de l’inadmissibilité). Je me fonde sur ses diverses déclarations selon lesquelles il cherchait un emploi et sur les demandes d’emploi en ligne incluses dans ses documents d’appel.

[23] En ce qui concerne le deuxième facteur, il incombe à l’appelant de prouver qu’il a fait des démarches raisonnables pour trouver un emploi afin d’établir sa disponibilité pour travaillerNote de bas de page 9. Il a dit à la Commission qu’il cherchait un emploi pendant qu’il était en Inde (voir le formulaire Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations de l’entrevue de révision du 8 décembre 2020 – GD03-22). Toutefois, de simples déclarations et affirmations ne suffisent pas. Heureusement pour l’appelant, il a fourni un dossier des emplois pour lesquels il a posé sa candidature entre le 20 novembre 2020 et le 18 janvier 2021 (GD06). En me fondant sur ce dossier, j’estime que l’appelant a respecté le deuxième facteur de la décision Faucher, mais seulement à partir du 20 novembre 2020 parce qu’il n’y a pas de preuve vérifiable de ses démarches de recherche d’emploi avant cela.

[24] Toutefois, j’estime que l’appelant n’a pas respecté le troisième facteur de la décision Faucher parce qu’il doit faire face à des conditions qui limitent indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. L’appelant doit faire face à une interdiction de voyager en vigueur en Inde, et tous les vols internationaux ont été suspendus. Bien que ces conditions sont indépendantes de la volonté de l’appelant, il s’agit néanmoins de conditions qui s’appliquent à lui personnellement et qui limitent indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[25] L’appelant a déclaré qu’il sait qu’il doit revenir au Canada et reprendre sa vie. Il a déclaré qu’il est [traduction] « tout à fait prêt à revenir », mais que les vols internationaux ne décollent pas de sa ville en Inde et qu’il n’y peut rien tant que l’interdiction de voyager n’est pas levée. Il a été incapable de revenir au Canada parce qu’il n’y avait pas de vol disponible en raison de l’interdiction de voyager que l’Inde a imposée en mars 2020 en réponse à la pandémie mondiale de la COVID-19. Cette situation s’applique toujours. Il se [traduction] « croise les doigts » pour que l’interdiction de voyager soit levée le mois prochain.

[26] J’estime que le fait que l’appelant soit incapable de revenir au Canada en raison de l’interdiction de voyager est une condition qui limite indûment ses chances de retourner sur le marché du travail, parce que l’interdiction de voyager l’empêche d’assister à des entrevues d’emploi au Canada et d’accepter des emplois au Canada. Il ne peut pas revenir au Canada dans un délai de 48 heures si on lui offre un emploi qui l’oblige à être au Canada. Bien qu’il ait déclaré avoir essayé de trouver un emploi en ligne qui lui permettrait de travailler à distance à partir de l’Inde, je constate qu’il s’agit en soi d’un frein à ses démarches de recherche d’emploi qui pourrait limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[27] Comme il n’a pas respecté les trois facteurs énoncés dans la décision Faucher, l’appelant n’a pas répondu aux exigences relatives à la disponibilité pour recevoir des prestations d’AE du 5 octobre 2020 à aujourd’hui.

Conclusion

[28] L’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’AE à partir du 5 octobre 2020 parce qu’il était à l’étranger et qu’il est toujours hors du Canada. De plus, il n’a pas prouvé qu’il est admissible à l’une ou l’autre des exceptions prévues à l’article 55 du Règlement sur l’AE.

[29] L’appelant n’a pas non plus répondu aux exigences pour qu’une période de prestations soit établie à son profit à partir du 5 octobre 2020 parce qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler à partir de cette date jusqu’à aujourd’hui. Il est donc également inadmissible aux prestations d’AE à partir du 5 octobre 2020 au titre de l’article 18 de la Loi sur l’AE.

[30] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 22 janvier 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

A. H., appelant

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