Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 11

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-801

ENTRE :

T. M.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Stephen Bergen
DATE DE LA DÉCISION : Le 25 janvier 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je renvoie l’affaire à la division générale aux fins de réexamen.

Aperçu

[2] L’appelant, T. M. (prestataire) a quitté son emploi pour des raisons médicales en septembre 2018. Il a touché des indemnités pour perte de revenu d’un régime privé d’assurance jusqu’à la mi décembre 2018. En novembre 2019, il a présenté une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi que la Commission de l’assurance-emploi du Canada lui a accordées pour la période de décembre 2018 à avril 2019. En janvier 2020, le prestataire a demandé à l’intimée de convertir ses prestations de maladie en prestations régulières. Il a demandé à ce que ce changement entre en vigueur le 1er mai 2019.

[3] La Commission a décidé que la demande de renouvellement du prestataire ne pouvait pas commencer avant le 1er mai 2019 parce qu’il n’avait pas présenté sa demande à temps ni fourni de justification pour son retard. Selon la façon dont elle s’est exprimée, il semble que la Commission ait refusé d’antidater sa demande, mais le prestataire n’avait pas demandé de prestations régulières à la Commission pour une période avant le 1er mai 2019.

[4] Au même moment, la Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations régulières après le 1er mai 2019. La Commission a conclu que le prestataire n’avait pas la capacité de travailler du 5 mai 2019 à la fin de sa période de prestations, en décembre 2019. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais celle-ci a maintenu sa décision initiale.

[5] Le prestataire a porté cette décision en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais la division générale a rejeté son appel. Il porte maintenant cette décision en appel devant la division d’appel. Il croit que la division générale a commis des erreurs lorsqu’elle a confirmé qu’il avait la capacité de travailler.

[6] L’appel est accueilli. La division générale a commis des erreurs de fait et des erreurs de droit. Je renvoie l’affaire à la division générale aux fins de réexamen.

Quels moyens d’appel puis-je prendre en considération pour l’appel?

[7] Les « moyens d’appel » sont les motifs de l’appel. Pour accueillir l’appel, je dois conclure que la division générale a commis l’un des types d’erreurs suivantsFootnote 1 :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable à un quelconque égard.
  2. La division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire ou a tranché une question qui excédait ses compétences.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une importante erreur de fait.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

Questions en litige

[8] Les questions en litige sont les suivantes :

Compétence

  1. La division générale a-t-elle excédé ses compétences en analysant la disponibilité du prestataire pour travailler?

Inadmissibilité établie sur le fondement des démarches « raisonnables et habituelles » de recherche d’emploi

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en exigeant que le prestataire prouve qu’il avait fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi convenable?

Capacité de travailler

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a omis d’établir si le prestataire était capable de travailler?

Disponibilité : Désir de travailler

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas le désir de retourner au travail?

Disponibilité : Démarches de recherche d’emploi adéquates

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas fourni de renseignements détaillés sur sa recherche d’emploi?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’expliquer pourquoi elle avait rejeté ou ignoré le témoignage du prestataire au sujet de sa recherche d’emploi?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en exigeant du prestataire qu’il ait conservé un registre détaillé de ses démarches de recherche d’emploi?

Disponibilité : Établissement de conditions personnelles pour un emploi convenable

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’établir si le prestataire avait fixé des conditions qui limitaient indûment ses chances de retourner au travail?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant ou en interprétant erronément les conditions fixées par le prestataire pour un emploi?

Analyse

Compétence

Question en litige 1 : La division générale n’a pas excédé ses compétences en analysant la disponibilité du prestataire pour travailler.

[9] La première chose que je dois faire est d’établir si la division générale avait la compétence de décider si le prestataire était disponible pour travailler. La compétence de la division générale se limite à analyser seulement les questions qui ont été soulevées dans la décision découlant de la révision de la CommissionFootnote 2.

[10] Ni le prestataire ni la Commission n’ont exprimé de préoccupation quant au fait que la division générale a commis une erreur de compétence. Malgré cela, la question de la compétence est apparente à la lecture du dossier. Le dossier de révision de la Commission n’indique pas clairement ce que le prestataire demandait à la Commission de réviserFootnote 3. Il n’indique pas clairement quelle décision ou quelles questions la Commission a révisées en réponse à cette demande.

[11] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur de compétence à cet égard. Toutefois, il demeure important que j’explique pourquoi je considère que la division générale a adéquatement exercé son pouvoir discrétionnaire. En effet, le dossier ne permet pas clairement à la division générale d’exercer sa compétence pour réexaminer la question de la disponibilité du prestataire pour travailler.

[12] Je vais commencer en examinant la progression du processus de révision de la Commission et les décisions du dossier de révision.

[13] C’est la décision découlant de la révision datée du 22 mai 2020 qui fait l’objet du présent appel. Cette décision découle d’une révision d’une décision datée du 24 janvier 2020, en réponse à la demande présentée par le prestataire le 13 mars 2020. Elle indique que la décision sur la question de la disponibilité pour travailler n’est pas modifiée.

[14] Le prestataire a demandé une révision le 13 mars 2020. Toutefois, la demande du prestataire ne faisait pas référence à la décision du 24 janvier 2020. La prestataire a demandé à la Commission de réviser une décision qui lui a été communiquée verbalement le 17 janvier 2020.

[15] Il n’y a aucune trace d’une conversation entre la Commission et le prestataire le 17 janvier. Toutefois, le prestataire a effectivement téléphoné à la Commission le 21 janvier 2020. Dans les notes de la Commission au sujet de cette conversation, un agent de la Commission a écrit que l’objet de la conversation était d’obtenir [traduction] « des renseignements sur l’antidatation et la conversion de la demandeFootnote 4. »

[16] Une décision écrite a ensuite été rendue le 24 janvier 2020. La lettre de décision comprenait en fait deux décisions. La première décision était au sujet de la demande d’antidatation et de conversion du prestataire. Cette décision se lit comme étant un refus, puisqu’elle indique que la période de prestations ne pouvait pas commencer avant le 1er mai 2019 et qu’il n’avait pas [traduction] « fourni une justification pour le retard » de sa demande. Toutefois, il est plus probable qu’il s’agissait d’une acceptation maladroite de sa demande d’antidatation. Le prestataire a demandé que la demande de conversion de ses prestations soit antidatée au 1er mai 2019, et la Commission semble lui avoir accordé une antidatation au 1er mai 2019Footnote 5.

[17] La division générale n’a pas abordé la question de l’antidatation, mais cela ne me préoccupe pas. Le prestataire a demandé une antidatation de sa demande au 1er mai 2019, et la décision laisse entendre qu’il avait une justification dès le 1er mai 2019. Personne n’a demandé à la division générale de réviser la date de l’antidatation ni n’a soulevé cette question devant la division d’appel. Le prestataire n’a pas contesté la date d’entrée en vigueur de sa demande d’antidatation dans sa demande de révision, et la décision découlant de la révision de la Commission n’a pas abordé la question de l’antidatation.

[18] Toutefois, je dois tout de même établir si la division générale a excédé sa compétence lorsqu’elle a analysé la question de la disponibilité du prestataire pour travailler. Dans sa deuxième décision de la lettre du 24 janvier, la Commission refusait d’accorder des prestations au prestataire. Toutefois, la Commission a indiqué que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était [traduction] « disponible pour travaillerFootnote 6 » parce qu’il n’avait pas fourni de preuve médicale de son rétablissement. La Commission a rendu sa décision du 24 janvier sur le fondement que le prestataire avait la capacité de travailler. Elle n’a pas analysé la question de savoir s’il était disponible pour travailler.

[19] Le prestataire a fourni à la Commission d’autres notes médicales le 13 janvier 2020 et le 10 février 2020, ainsi qu’un certificat médical le 17 mars 2020. La Commission a écrit au prestataire le 18 mars 2020, alors que le prestataire avait déjà demandé à la Commission de réviser sa décision. Dans sa lettre du 18 mars 2020, la Commission affirmait qu’elle ne pouvait pas verser de prestations au prestataire parce qu’il n’était pas [traduction] « capable de travailler et prêt et disponible à cette fin, mais incapable de se trouver un emploi convenable ». La Commission a affirmé que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travaillerFootnote 7. Le prestataire n’a pas demandé de révision de la décision du 18 mars 2020.

[20] Le prestataire n’a pas reçu de décision découlant d’une révision de la Commission avant le 22 mai. La décision découlant de la révision indiquait que la Commission avait reçu la demande de révision du prestataire pour les [traduction] « décisions datées du 24 janvier 2020 ». Le prestataire ne pouvait pas anticiper que la Commission allait réviser la décision du 24 janvier. Il avait demandé à la Commission de réviser la décision verbale du 17 janvier, selon laquelle il n’était pas [traduction] « capable de travailler et prêt et disponible à cette fin ». Dans sa demande, il a indiqué qu’il demandait une révision parce qu’il était capable de travailler et prêt et disponible à cette fin.

[21] Ma préoccupation, c’est que la division générale ait analysé la question de la disponibilité sans qu’elle n’en ait été saisie. Le prestataire a demandé une révision d’une décision verbale qui semblait avoir rapport avec sa capacité de travailler et sa disponibilité, mais il n’y a aucune documentation sur cette décision. La Commission a accepté sa demande comme étant une demande de révision de la décision écrite du 24 janvier. Cette décision n’abordait que la question de la capacité de travailler du prestataire. Malgré le fait que la Commission a dit qu’elle révisait sa décision du 24 janvier, sa décision découlant de la révision aborde la question comme étant celle de la disponibilité. En suivant la direction de la décision découlant de la révision, la division générale a également abordé la question de la disponibilité.

[22] À mon avis, la meilleure façon de déterminer les questions de l’appel dont était saisie la division générale, c’est d’examiner l’intention et l’interprétation des parties.

[23] Le prestataire n’a pas réellement demandé une révision de la décision du 24 janvier sur sa capacité de travailler. Il a demandé à la Commission de réviser sa décision verbale du 17 janvier. Il a affirmé qu’il n’était pas d’accord avec la décision selon laquelle il n’était pas [traduction] « capable de travailler et prêt et disponible à cette finFootnote 8 ».

[24] Je ne vois aucune documentation sur la discussion du 17 janvier ni sur une discussion au cours de laquelle la Commission aurait dit au prestataire qu’il n’était pas [traduction] « capable de travailler et prêt et disponible à cette fin ». Néanmoins, le prestataire croyait apparemment que la Commission avait pris cette décision lorsqu’il a demandé pour la révision. Dans sa demande, il a utilisé des mots qui étaient semblables à ceux qui se trouveraient plus tard dans la décision du 18 mars. J’estime qu’il est probable que le prestataire était au courant de la décision avant que la Commission ne lui envoie sa décision du 18 mars, et avant qu’il ne demande la révision. Je reconnais que ce qu’il souhaitait, c’est que la Commission révise sa décision sur sa disponibilité.

[25] Je reconnais que la Commission souhaitait que sa révision soit interprétée de la façon dont l’a interprété le prestataire. La Commission avait l’intention de confirmer sa décision selon laquelle le prestataire n’était pas disponible pour travailler, dans un sens plus large que celui qu’on inférerait seulement de son incapacité de travailler. La seule description de la question contenue dans la décision découlant de la révision est dans le sous-titre [traduction] « Disponibilité pour travailler ». Le concept de disponibilité est décrit à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE)Footnote 9. Cet article précise qu’une partie prestataire doit être « capable de travailler et disponible à cette fin » (mise en évidence par le soussigné). La capacité n’est pas la même chose que la disponibilité.

[26] Je ne vois aucun préjudice à la Commission ou au prestataire découlant du fait que la division générale se soit prononcée sur cette question. La Commission et la prestataire ont fait des observations à la division générale au sujet de la disponibilité du prestataire, et des éléments de preuve avaient été présentés à la division générale, sur lesquels elle pouvait se fonder pour trancher la question.

[27] D’un autre côté, il y aurait préjudice envers le prestataire si je concluais que la division n’aurait pas dû aborder la question de la disponibilité du prestataire. Cela pourrait signifier qu’il devrait demander une autre révision de la décision du 18 mars 2020, ce que la Commission pourrait lui refuser puisqu’il la présenterait tardivement.

[28] Je reconnais que la Commission a verbalement communiqué au prestataire, sans le documenter, sa décision selon laquelle elle lui refusait les prestations régulières puisqu’il n’était pas capable de travailler ou disponible à cette fin. Je reconnais que la Commission avait l’intention de confirmer cette décision dans sa décision découlant de la révision. Je reconnais aussi que le prestataire a demandé une révision de la décision de la Commission au sujet de sa capacité de travailler et de sa disponibilité à cette fin et que la décision découlant de la révision de la Commission répondait entièrement à cette demande.

[29] La division générale n’a pas excédé ses compétences en analysant la question de la disponibilité du prestataire pour travailler.

[30] Puisque cette question de compétence est maintenant résolue, je vais examiner si la division générale a commis d’autres erreurs dans sa décision. La division générale a conclu que le prestataire n’était pas admissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[31] Le premier article a rapport avec la question de savoir si les démarches de recherche d’emploi du prestataire étaient raisonnables et habituelles. Je vais d’abord examiner si la division générale a commis une erreur en tirant la conclusion qu’il n’a pas fait de démarches raisonnables et habituellesFootnote 10. Ensuite, à la lumière de l’article suivant, je vais examiner la question de savoir si le prestataire était « capable de travailler et disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenableFootnote 11. »

[32] Je vais examiner si la division générale a commis une erreur en tirant la conclusion que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations au titre de l’un ou l’autre de ces articles.

Inadmissibilité établie sur le fondement des démarches « raisonnables et habituelles » de recherche d’emploi

Question en litige 2 : La division générale n’aurait pas dû exiger que le prestataire prouve qu’il avait fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi convenable.

[33] À la division d’appel, la Commission a appuyé le prestataire, soutenant que la division générale avait commis plusieurs erreurs dans sa décision. D’une part, la Commission a soutenu que la division générale avait omis de tenir compte de la preuve du prestataire au sujet de sa recherche d’emploi. La Commission a soulevé cet argument pour contester la conclusion de la division générale selon lequel le prestataire avait fait des « démarches raisonnables et habituelles » pour se trouver un emploi.

[34] Elle a soulevé le même argument pour contester la conclusion de la division générale selon laquelle les démarches de recherche d’emploi du prestataire n’avaient pas été adéquates, comme l’exige l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE. Je vais examiner les conclusions de la division générale relatives à l’article 18(1)(a) plus loin dans ma décision et je reviendrai sur les arguments de la Commission à ce moment-là.

[35] Je conclus que la Commission [sic] a commis une erreur de droit lorsqu’elle a exigé du prestataire qu’il réponde au critère relatif aux démarches de recherche d’emploi « raisonnables et habituelles ». Cette erreur est apparente à la lecture de la décision.

[36] Les « démarches raisonnables et habituelles » sont celles qui sont établies à l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE). L’article 9.001 indique que les critères sont établis pour l’application de l’article 50(8) de la Loi sur l’AE. En vertu de l’article 50(8) de la Loi sur l’AE, la Commission peut exiger d’une partie prestataire qu’elle prouve qu’elle a fait des démarches raisonnables habituelles pour trouver un emploi.

[37] Selon la formulation de l’article 50(8), une partie prestataire doit prouver qu’elle a fait des « démarches raisonnables et habituelles » seulement si la Commission le lui demande. Si la partie prestataire ne répond pas à la demande de la Commission de lui fournir des preuves, l’article 50(1) de la Loi sur l’AE s’applique alors. Une partie prestataire peut être exclue du bénéfice des prestations au titre de l’article 50(1) de la Loi sur l’AE si elle ne fournit pas de preuve de ses démarches de recherche d’emploi en réponse à une demande faite en vertu de l’article 50(8). L’inadmissibilité prend fin lorsque la partie prestataire fournit les renseignements demandés.

[38] Toutefois, avant qu’une partie prestataire ne soit rendue inadmissible pour avoir omis de fournir une preuve de ses démarches de recherche d’emploi, la Commission d’abord lui demander de fournir cette preuve. Le prestataire doit également savoir quels éléments de preuve satisferont les exigences de la Commission. Dans ce cas-ci, la Commission n’a pas informé le prestataire du critère de l’article 9.001 du Règlement sur l’AE, et elle ne lui a pas demandé de fournir de preuve pour satisfaire ces exigences.

[39] La Commission a parlé avec le prestataire de ses démarches de recherche d’emploi de façon limitée, mais ne lui a pas indiqué quel genre de preuve il devait fournir pour répondre au critère relatif aux démarches « raisonnables et habituelles ». Après que le prestataire a demandé à ce que ses prestations de maladie soient converties, la Commission a eu deux discussions avec le prestataire au sujet des attentes relatives à la recherche d’emploi. Dans leur première discussion, la Commission a principalement abordé la demande d’antidatation du prestataire et tenté de savoir si le prestataire était physiquement capable d’occuper un emploi convenable. Le prestataire a parlé de son rétablissement et des preuves de sa capacité de travailler. Toutefois, l’agent de la Commission a aussi demandé au prestataire de [traduction] « nommer quelques employeurs ». Le prestataire a affirmé qu’il allait recueillir ces renseignements et rappeler la CommissionFootnote 12.

[40] La deuxième discussion a eu lieu environ quatre mois après le refus de la Commission de verser des prestations au prestataire, et après sa demande de révision. Lors de cette conversation, le prestataire a décrit comment son anxiété limitait les types d’emplois convenables, et a parlé des autres obstacles auxquels il était confronté. L’agent de la Commission a demandé au prestataire de fournir des renseignements sur ses demandes d’emploi. Selon les notes de la Commission, l’agent a dit au prestataire qu’il devait prouver qu’il avait tenté [traduction] « de tirer avantage de toutes les occasions d’emploi et s’il avait activement cherché à trouver un emploi convenableFootnote 13. »

[41] Rien d’autre dans le dossier ne laissait entendre que la Commission avait détaillé les types d’activités de recherche d’emploi que le prestataire devait être en mesure de prouver. Je reconnais qu’une demande initiale de prestations régulières établit l’obligation d’une partie prestataire de chercher activement un emploi. Toutefois, le prestataire n’a pas rempli de demande de prestations régulières. Il a présenté une demande de prestations de maladieFootnote 14. Lorsque la Commission a refusé d’accorder des prestations régulières au prestataire, c’était en réponse à la demande du prestataire de faire convertir ses prestations de maladie en prestations régulières. Une partie prestataire qui n’est pas disponible pour travailler en raison de la maladie n’est pas tenue de prouver qu’elle est en recherche d’emploi. Ainsi, la demande de prestations de maladie n’a pas informé le prestataire qu’il devait faire des démarches « raisonnables et habituelles » pour chercher un emploi.

[42] Même si une liste d’activités de recherche d’emploi acceptables avait été fournie dans la demande de prestations remplie par le prestataire, je ne l’aurais pas considérée comme une demande faite au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’AE. Le processus habituel de demande de prestations n’exige pas d’une partie prestataire qu’elle fournisse une preuve de ses démarches de recherche d’emploi. La demande ne fait qu’avertir les parties prestataires que la Commission pourrait éventuellement l’exiger.

[43] Il n’y a aucun élément de preuve à partir duquel la division générale aurait pu conclure que la Commission exigeait du prestataire qu’il prouve qu’il avait fait des démarches raisonnables et habituelles répondant au critère établi à l’article 9.001 du Règlement sur l’AE.

[44] Il n’y a aucun élément de preuve indiquant que le prestataire n’a pas répondu à une demande de la Commission, ni que la Commission l’a exclu du bénéfice des prestations pour cette raison. Selon la décision du 24 janvier 2020, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas capable de travailler. La lettre du 18 mars 2020 indiquait que le prestataire avait été exclu du bénéfice des prestations parce qu’il n’était ni capable de travailler ni disponible à cette fin, ce que je considère comme étant une confirmation d’une décision verbale précédente.

[45] La lettre du 24 janvier indiquait que la Commission ne pouvait pas verser de prestations au prestataire parce qu’il n’avait pas prouvé qu’il était [traduction] « capable de travailler ». En d’autres mots, il n’avait pas prouvé qu’il était capable de travailler. La lettre du 18 mars indiquait que le prestataire n’était pas [traduction] « capable de travailler et prêt et disponible à cette fin, ni de chercher un emploi convenable ». Les deux lettres mentionnent l’exigence d’être capable de travailler. La capacité de travailler est une exigence établie à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE. Elle n’est pas établie aux articles 50(1) ou 50(8) de la Loi sur l’AE.

[46] On ne connaît pas les mots exacts qu’a utilisé la Commission dans sa communication verbale de sa décision (que le prestataire a demandé de réviser). Toutefois, le prestataire a formulé sa contestation de la décision en laissant entendre que la formulation de la décision verbale était semblable à celle de la lettre du 18 mars.

[47] Une partie prestataire ne peut pas être exclue du bénéfice des prestations au titre de l’article 50(1) de la Loi sur l’AE parce qu’il n’est pas capable de travailler. Une partie prestataire peut être tenue de prouver qu’elle est capable de travailler au titre de l’article 50(5) et peut être exclue du bénéfice des prestations si elle ne fournit pas de preuve au titre de l’article 50(1). Toutefois, cela ne s’applique pas ici. Personne ne conteste que le prestataire a fourni une preuve médicale.

[48] Le fait que la Commission puisse demander à une partie prestataire de fournir une preuve de ses démarches de recherche d’emploi au titre de l’article 50(8) n’a rien à avoir avec la capacité de travailler. Cela n’a pas plus à voir avec l’article 9.0001 du Règlement sur l’AE, qui établit quels types d’activités sont généralement reconnus comme étant acceptables pour prouver qu’on a fait des démarches de recherche d’emploi.

[49] J’estime que le fait d’exclure le prestataire du bénéfice des prestations régulières parce qu’il n’avait pas fait de démarches « raisonnables et habituelles » de recherche d’emploi constituait une erreur. Toutefois, la preuve (ou l’absence de preuve) sur les types d’activités de recherche d’emplois décrits à l’article 9.001 du Règlement sur l’AE serait tout de même pertinente à la question de savoir si le prestataire était disponible pour occuper un emploi convenable au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE. La division générale pouvait analyser cette preuve, mais comme la division générale l’a indiqué, elle n’était pas tenue d’appliquer le critère de l’article 9.001 relatif aux activités de recherche d’emploiFootnote 15.

[50] Maintenant, je vais examiner si la division générale a commis une erreur en tirant la conclusion que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE. Selon cet article, une partie prestataire doit prouver qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin. Je vais commencer par examiner ce que la division générale a dit au sujet de la capacité de travailler du prestataire.

Capacité de travailler

Question en litige 3 : La division générale n’a pas tiré de conclusion sur la capacité de travailler du prestataire.

[51] La division générale n’a pas examiné la question de savoir si le prestataire était capable de travailler. Il s’agit d’une erreur de droit. La division générale devait tirer une conclusion sur la question de savoir si le prestataire était capable de travailler.

[52] Au moment de l’audience devant la division générale, la Commission avait reconnu que le prestataire avait [traduction] « fourni des renseignements médicaux indiquant qu’il pouvait accepter un travail différent de celui qu’il faisait dans le passéFootnote 16 ». Pourtant, la question de la capacité de travailler du prestataire était au cœur du refus initial de la Commission de convertir ses prestations de maladie en prestations régulières. Sa capacité de travailler était le fondement de la décision du 24 janvier, et était en partie pourquoi le prestataire a demandé une révision à la Commission.

[53] La division générale a peut-être présumé que le prestataire avait une certaine capacité de travailler, mais elle n’a pas tiré la conclusion qu’il avait la capacité de travailler. L’article 18(1) exige d’une partie prestataire qu’elle soit capable de travailler et disponible à cette fin. La preuve présentée à la division générale exigeait qu’elle tire une conclusion claire sur la capacité du prestataire de travailler.

[54] La division générale a seulement abordé la question de savoir si le prestataire était disponible pour un emploi convenable. Ce qui constitue un emploi « convenable » peut faire l’objet de débats. Toutefois, un emploi convenable ne peut pas être un emploi qui surpasse les

capacités physiques d’une partie prestataire.

[55] La division générale a analysé la question de la disponibilité du prestataire pour travailler sous l’angle de trois facteurs décrits dans un arrêt de la Cour d’appel fédérale intitulé Faucher c Commission de l’emploi et de l’immigration du CanadaFootnote 17. Je vais appeler ces trois facteurs le « critère Faucher ».

[56] Les facteurs du critère Faucher sont les suivants :

  1. Le prestataire avait-il le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert?
  2. Le prestataire exprime-t-il ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable?
  3. Le prestataire a-t-il établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[57] Je vais examiner la façon dont la division générale a analysé chacun des facteurs de Faucher.

Disponibilité : Désir de travailler

Question en litige 4 : La conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’avait pas le désir de retourner au travail a été tirée de façon abusive ou arbitraire.

[58] La division générale n’a pas reconnu que le prestataire avait le désir de retourner au travail. Elle a affirmé :

Le prestataire a dit qu’il voulait retourner au travail, mais le fait qu’il ait cherché à obtenir cette note [du médecin, datée de décembre 2019] ne m’en convainc pasFootnote 18.

[59] La conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’avait pas le désir de retourner au travail a été tirée « de façon abusive ou arbitraireFootnote 19 ».

[60] La raison fournie par la division générale pour sa conclusion selon laquelle le prestataire n’avait pas le désir de retourner au travail était que le prestataire avait tenté d’obtenir une note médicale en décembre 2019. Elle a à tort déduit cela du fait que le prestataire avait demandé à son médecin d’indiquer dans sa note qu’il était en congé de maladie. Toutefois, la division générale n’a pas fondé cette inférence sur la preuve qui lui avait été présentée, mais sur des suppositions quant à la signification de la preuve.

[61] Le fait que le prestataire a demandé à son médecin de produire une note médicale en décembre pouvait soutenir l’inférence de la division générale seulement si certaines autres conditions étaient remplies. Au moment où le prestataire a obtenu la lettre, il aurait fallu que le prestataire sache qu’il était capable d’occuper un emploi pendant la période pour laquelle il cherchait une justification. Il aurait aussi fallu qu’il demande à son médecin de le mettre en congé de maladie définitif de tout type d’emploi, peu importe sa capacité de travailler.

[62] Toutefois, il n’y a aucune preuve que le prestataire a demandé à ce que son médecin le dispense de toute forme de travail. Le prestataire n’a jamais dit à la Commission qu’il avait obtenu une note médicale afin qu’il puisse éviter de devoir chercher un emploi. La note médicale de décembre 2019 n’a pas laissé entendre que le prestataire n’était pas disposé à faire un quelconque travail. Elle ne fait qu’indiquer que le prestataire était [traduction] « en congé » pour des raisons médicales et qu’il continuerait de l’être jusqu’à ce que le médecin le réévalue.

[63] Les notes subséquentes du même médecin sont plus précises. Elles indiquent que le prestataire n’était pas en mesure de retourner travailler à son emploi précédent (une de ces notes nomme l’employeur) pour des raisons médicales depuis mai 2019Footnote 20. La représentante du prestataire a soutenu devant la division d’appel que les notes supplémentaires étaient des clarifications de l’avis du médecin sur l’incapacité du prestataire de travailler.

[64] La division générale a interprété les notes différemment, affirmant qu’elles étaient en contradiction avec la note de décembre 2019.

[65] Je n’estime pas que la première note est nécessairement en contradiction avec les notes subséquentes. Les notes subséquentes étaient simplement plus précises. La différence entre la première note et les notes subséquentes ne signifie pas forcément que le médecin a changé son avis médical (sur l’effet de l’incapacité du prestataire de travailler) pour mieux répondre au besoin du prestataire de fournir une preuve.

[66] Peu importe ce que la division générale avait à l’esprit lorsqu’elle a conclu que les différentes notes médicales étaient en contradiction, elle ne pouvait pas présumer que le médecin avait simplement transcrit ce que le prestataire lui disait d’écrire. Une note ou un certificat médical sont présumés être la preuve de l’avis médical d’un médecin. Si la division générale croyait que les notes subséquentes du médecin ne reflétaient pas son opinion personnelle, elle aurait dû l’affirmer comme étant un fait et fournir ses motifs.

[67] De plus, la note de décembre 2019 ne disait pas quand la période d’incapacité du prestataire avait commencé. Le prestataire demandait à ce que ses prestations régulières commencent à partir de mai 2019, mais la note de décembre 2019 disait seulement que son incapacité de travailler « continuait ». La note n’indiquait pas que le prestataire était incapable de travailler depuis mai 2019 et tout au long de la période de prestations.

[68] L’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE exclut du bénéfice des prestations une partie prestataire pour les jours ouvrables d’une période de prestation pendant lesquelles une partie prestataire ne peut pas prouver qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin. La division générale ne pouvait pas inférer que le prestataire n’avait pas le désir de retourner travailler pendant toute la période de prestation simplement parce qu’il avait demandé à son médecin de produire une note médicale en décembre 2019.

[69] Comme je l’ai indiqué précédemment, la division générale ne peut pas ignorer des éléments de preuve ou leur accorder peu ou pas de poids sans fournir ses motifs. La division générale n’a pas clairement expliqué quel poids elle a accordé aux autres notes médicales du 9 janvier 2020 et du 6 février 2020, au certificat médical du 10 février 2020 ni au témoignage du prestataire. Les autres notes indiquent que le prestataire ne pouvait pas retourner à son emploi précédent. Le prestataire a témoigné qu’il voulait retourner au travail, mais occuper un poste différent de son ancien emploi.

[70] La conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’avait pas le désir de retourner au travail n’est pas corroborée rationnellement par la preuve. Ainsi, je conclus que la division générale a commis une erreur de fait parce qu’elle a tiré une conclusion de façon abusive ou arbitraire. Par ailleurs, la division générale n’a pas expliqué comment elle a soupesé la preuve pour tirer sa conclusion ni comment ses conclusions étaient tirées rationnellement à partir de la preuve. Il s’agit d’une erreur de droit.

Disponibilité : Démarches de recherche d’emploi adéquates

[71] J’ai examiné l’erreur de la division générale en ce qui concerne son évaluation du premier facteur de Faucher. Maintenant, je vais examiner le deuxième facteur Faucher. Ce facteur a rapport avec la question de savoir si les démarches de recherche d’emploi du prestataire pour trouver un emploi convenable étaient adéquates. Les questions en litige 5, 6 et 7 ont toutes rapport avec le facteur de Faucher sur la recherche d’emploi.

Question en litige 5 : La division générale n’a pas analysé le témoignage du prestataire au sujet de ses démarches de recherche d’emploi.

[72] Le prestataire a soutenu que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a jugé ses démarches de recherche d’emploi comme étant inadéquates. Le prestataire soutient que la division générale a ignoré ou mal interprété des éléments de preuve au sujet de ses démarches de recherche d’emploi.

[73] La division générale a conclu que les démarches de recherche d’emploi n’étaient « pas suffisantesFootnote 21 » pour répondre au critère relatif à la disponibilité pour travailler. Elle a justifié sa conclusion en affirmant que le prestataire n’avait pas fourni de renseignements précis au sujet de sa recherche d’emploi ni sur les emplois précis qu’il avait postulés.

[74] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas fourni de renseignements détaillés sur sa recherche d’emploi. La division générale a ignoré la preuve concernant sa recherche d’emploi.

[75] La division générale a tenu compte de certains des éléments de preuve présentés par le prestataire. Elle a reconnu qu’il avait mis à jour son curriculum vitae, qu’il s’était inscrit sur des sites Web de recherche d’emploi, qu’il avait fait du réseautage, qu’il avait parlé à des employeurs et qu’il avait postulé des emploisFootnote 22. Elle a affirmé :

Il affirme qu’il a envoyé des curriculums vitae, qu’il s’était inscrit sur le site Web de recherche d’emploi « Indeed, » qu’il s’était rendu en personne chez des employeurs potentiels, avait fait des recherches sur « Kijiji » et qu’il faisait du réseautage auprès de ses amis et des membres de sa famille. Il explique qu’il a travaillé avec un ami pour mettre à jour et améliorer son curriculum vitæ. Il estime qu’il postulait de 5 à 10 postes par jour et qu’il avait présenté des demandes auprès d’agences de placement...

[76] Le prestataire a dit tout cela. Il a également dit qu’il se rendait sur des chantiers de construction pour demander du travailFootnote 23. Il a nommé une agence de placement à laquelle il a eu recours, et a dit qu’il s’était rendu à une agence de placement de main-d’œuvre pour demander un travail temporaireFootnote 24. Il a nommé une pizzeria où il avait postuléFootnote 25, et a expliqué qu’il avait eu une entrevue d’embauche chez l’employeur (qu’il a nommé) de la femme de son ancien patronFootnote 26. Il a dit qu’il avait fait du réseautage auprès des membres de sa famille et de ses amis.

[77] La Commission a appuyé le prestataire à la division d’appel en soutenant qu’il avait fourni des preuves précises. Elle faisait référence particulièrement aux visites du prestataire sur des sites de construction, à sa demande d’emploi auprès d’une pizzeria, à l’entrevue d’embauche qu’il a décrite, et à son recours à une agence de placement de main d’œuvre. La Commission a reconnu que la division générale pouvait décider de faire référence à certains éléments de preuve sans forcément l’ignorer. Elle a affirmé que la division générale n’avait pas à faire mention de chacun des éléments de preuve sur lesquels elle se fondaitFootnote 27. Toutefois, la Commission a soutenu que le prestataire avait donné des exemples précis et que cela était incohérent avec la conclusion de la division générale. La Commission laisse entendre que la division générale a probablement ignoré des éléments de preuve ou les a mal interprétés.

[78] Je suis d’accord. Le fait que les démarches du prestataire pour trouver un emploi étaient adéquates ou non était l’une des questions les plus importantes de la décision. La division générale a considéré que les démarches de recherche d’emploi du prestataire n’étaient pas adéquates parce que le prestataire n’a « pas été en mesure de fournir des renseignements précis sur sa recherche d’emploi ». En même temps, elle n’a pas fait mention de certains éléments de preuve précis fournis par le prestataire.

[79] Je conclus que la division générale a ignoré des éléments de preuve précis sur la recherche d’emploi du prestataire. Il s’agit d’une erreur de fait.

Question en litige 6 : La division générale n’a pas expliqué pourquoi elle a ignoré les éléments de preuve du prestataire sur sa recherche d’emploi.

[80] La division générale a aussi commis une erreur de droit. Le deuxième facteur de Faucher exige d’une partie prestataire qu’elle exprime son désir de retourner au travail par des démarches pour trouver un emploi convenable. La division générale semble avoir rejeté la preuve du prestataire au sujet de ses démarches de recherche d’emploi, mais elle n’a pas expliqué pourquoi.

[81] Le prestataire a témoigné au sujet de ses démarches de recherche d’emploi comme je l’ai indiqué précédemment. Il a également dit qu’il ne savait pas comment garder un registre de ses consultations de sites Web de recherche d’emploi, ni des demandes d’emploi soumises en ligneFootnote 28.

[82] La division générale n’a pas soupesé la preuve du prestataire. Bien qu’elle ait pris note de certaines de ses démarches de recherche d’emploi, elle s’est concentrée sur le fait qu’il n’avait pas documenté sa recherche d’emploi ni fourni une description suffisamment détaillée de ses démarchesFootnote 29. Toutefois, il n’existe aucune exigence juridique qu’une preuve fiable et crédible doit être présentée pour corroborer un autre élément de preuve.

[83] En ce qui concerne la description du prestataire de ses démarches de recherche d’emploi, la division générale n’a pas expliqué pourquoi une description non suffisamment détaillée signifiait que ces démarches ne suffisaient pas. Elle n’a pas affirmé que la preuve du prestataire au sujet de ses démarches de recherche d’emploi n’était pas crédible ou fiable, ni qu’elle ne croyait pas le prestataire. Si la division générale voulait rejeter la preuve du prestataire ou lui accorder peu de poids, elle aurait dû expliquer pourquoi. La Cour d’appel fédérale l’explique ainsi :

Si [un preneur ou une preneuse de décision] décide qu’il y a lieu de les écarter ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, il [ou elle] doit en expliquer les raisons, au risque, en cas de défaut de le faire, de voir sa décision entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraireFootnote 30.

Question en litige 7 : La division générale n’aurait pas dû exiger du prestataire qu’il fournisse une preuve détaillant ses démarches de recherche d’emploi.

[84] Cela me mène à l’examen d’une autre erreur de droit. La division générale a établi que les démarches d’emploi du prestataire n’étaient pas « suffisantes » pour répondre au deuxième facteur de Faucher puisqu’il n’avait pas fourni suffisamment de détails sur ses démarches de recherche d’Emploi.

[85] Pour expliquer pourquoi elle avait conclu que les démarches du prestataire n’étaient pas suffisantes, la division générale a cité les raisons qu’elle avait invoquées pour conclure que le prestataire n’avait pas fait de démarches « raisonnables et habituellesFootnote 31 ». Dans le cadre de son analyse, la division générale a expliqué que le prestataire n’avait « fourni aucun détail précis sur les emplois qu’il a postulés, le domaine d’emploi ou le nom des entreprisesFootnote 32 ».

[86] Dans la conclusion de son analyse des démarches de recherche d’emploi du prestataire aux fins du deuxième facteur de Faucher, la division générale a surtout invoqué les mêmes arguments. Elle a affirmé que les démarches de recherche d’emploi du prestataire n’étaient pas suffisantes « puisque le prestataire n’a pas été en mesure de fournir des renseignements précis sur sa recherche d’emploiFootnote 33 ».

[87] Toutefois, le fait de n’accorder aucun poids aux démarches de recherche d’emploi du prestataire parce que celui-ci n’a pas fourni suffisamment de détails à ce sujet constitue une erreur de droit. Rien dans l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE ou dans le critère Faucher n’exige d’une partie prestataire qu’elle fournisse un certain niveau de détail sur ses démarches de recherche d’emploi. Le critère Faucher exige que le prestataire exprime son désir de retourner sur le marché du travail dès que possible par des démarches pour trouver un emploi convenable. La division générale était tenue d’établir si les démarches de recherche d’emploi du prestataire étaient adéquates, mais pas d’établir si le prestataire avait conservé des dossiers adéquats sur sa recherche d’emploi ou s’il pouvait fournir des détails suffisants sur ses démarches.

[88] Bien entendu, une partie prestataire pourrait ne pas être en mesure de prouver qu’elle a fait les démarches de recherche d’emploi qu’elle prétend avoir fait sans fournir un certain niveau de détails. Il est souvent vrai qu’une preuve détaillée est plus crédible qu’une preuve moins détaillée. Je pense que le prestataire aurait plus facilement établi qu’il avait réellement pris ces démarches s’il avait été en mesure de fournir plus de détails. Toutefois, l’incapacité du prestataire de fournir des détails précis ne signifie pas qu’il n’a pas fait les démarches de recherche d’emploi qu’il prétend avoir faites ni que ces démarches étaient inadéquates.

[89] Le prestataire a affirmé qui avait pris certaines démarches de recherche d’emploi. La division générale a rejeté ces démarches parce qu’elles n’étaient pas suffisamment détaillées. Toutefois, elle n’a pas dit que le manque de détails signifiait qu’elle ne pouvait pas croire au fait que le prestataire avait fait ses démarches de recherche d’emploi. Elle n’a pas plus affirmé que les diverses démarches de recherche d’emploi du prestataire étaient inadéquates.

[90] La division générale a commis une erreur de droit d’une façon ou d’une autre. Soit elle a omis d’examiner si les démarches de recherche d’emploi du prestataire, soit elle a fourni des motifs inadéquats. Les motifs de la décision ne réfutent pas que le prestataire a fait ses différentes démarches de recherche d’emploi et n’expliquent pas clairement pourquoi ces démarches ont été rejetées.

Disponibilité : Établissement de conditions personnelles pour un emploi convenable

[91] Je vais maintenant me pencher sur le dernier facteur de Faucher. Ce dernier facteur a rapport avec la question de savoir si le prestataire a établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

Question en litige 8 : La division générale n’a pas examiné la question de savoir si les conditions personnelles fixées par le prestataire limitaient indûment sa recherche d’emploi.

[92] Le prestataire a contesté le fait qu’il avait fixé des conditions personnelles qui limitaient sa recherche d’emploi. Il a soutenu qu’il n’avait pas d’autre choix que de chercher un travail accessible à pied ou par les transports publics puisqu’il ne conduisait pas. Il a indiqué que certaines de ses autres conditions étaient nécessaires parce que son anxiété était plus grave pendant son rétablissement. Il a également dit qu’il ne pouvait pas occuper un poste qui exigeait l’utilisation d’ordinateurs, puisqu’il ne savait pas travailler à l’ordinateur.

[93] La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a omis de répondre à la question de savoir si le prestataire avait fixé des conditions qui limitaient indûment (déraisonnablement) les types d’emplois qu’il pouvait accepter.

[94] La division générale a interprété que le prestataire n’accepterait un travail que si l’emploi respectait les conditions suivantes :

  • Avoir moins de responsabilités et moins de stress que lors de son dernier emploi
  • Ne pas être en position d’autorité
  • Travailler dans un environnement calme où personne ne crie
  • Ne pas travailler à l’ordinateur
  • Avoir un horaire de travail seulement l’après-midi
  • Être en mesure d’aller travailler en utilisant les transports publics ou à pied

[95] La division générale a à raison établi que ces conditions venaient limiter le nombre d’emplois disponibles. Toutefois, chacun pose ses propres conditions au type de travail qu’on est disposé à effectuer. La question est en fait de savoir si le prestataire a établi des conditions personnelles qui limitent indûment le nombre d’emplois disponibles.

[96] Le prestataire a soutenu devant la division d’appel que certaines de ces conditions ont à voir avec son manque de compétences (ne pas savoir travailler à l’ordinateur) ou avec son état de santé ou son rétablissement. Ainsi, un emploi convenable aurait facilement pu être un emploi qui répond à certaines limitations, sans que le prestataire doive délibérément établir ces conditions. La division générale n’a pas établi si l’ensemble des conditions du prestataire étaient des conditions personnelles.

[97] De plus, la division générale n’a pas analysé si l’effet de ces conditions était de limiter indûment ses perspectives d’emploi. Elle n’a pas tiré de conclusion de fait à cet égard comme elle était tenue de le faire.

[98] La division générale a commis une erreur de droit dans sa façon d’appliquer le troisième facteur du critère de Faucher.

Question en litige 9 : La division générale a mal interprété les conditions établies par le prestataire pour son retour au travail.

[99] La division générale a fait référence à la preuve selon laquelle le prestataire ne voulait travailler que les après-midis parce que se lever tôt ou se coucher tard lui causait du stressFootnote 34. La division générale s’est fondée sur cet élément de preuve lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait établi des conditions quant au type d’emploi qu’il serait prêt à accepter.

[100] La division générale a commis une erreur de fait parce qu’elle a ignoré la preuve selon laquelle le prestataire était prêt à travailler même si ce n’était pas en après-midi.

[101] Devant la division d’appel, la Commission a affirmé que la division générale avait ignoré des éléments de preuve qui indiquaient que le prestataire était disposé à travailler même si ce n’était pas en après-midi. La Commission a fait référence à la preuve du prestataire selon laquelle il se serait rendu sur des chantiers de construction pour demander du travail. Elle a affirmé que les emplois en constructions étaient [traduction] « généralement reconnus » comme étant des emplois qui exigent de faire de longues heures de travail. La Commission a également fait référence à la preuve du prestataire selon laquelle il se serait rendu dans une agence de placement de travailleurs temporaires. Le prestataire a témoigné qu’il s’est rendu à l’agence à 6 h pour demander du travailFootnote 35. Il a affirmé qu’il s’y serait rendu [traduction] « à quelques reprises ». La Commission a laissé entendre que la division générale a pu confondre le type de travail que le prestataire aurait préféré avec le type de travail que le prestataire était prêt à accepter.

[102] Je suis d’accord que certains éléments de preuve présentés à la division générale laissaient entendre que le prestataire était prêt à travailler même si ce n’était pas en après-midi. La division générale n’a pas tenu compte ou analysé ces autres éléments de preuve.

Résumé des erreurs

[103] J’ai conclu que la division générale avait commis certaines erreurs dans sa décision. Cela signifie que je dois maintenant établir ce que je dois faire pour y remédier (réparation).

Réparation

[104] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendreFootnote 36. Je peux aussi renvoyer l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen de sa décision.

[105] Le prestataire et la Commission affirment que le dossier de la division générale est complet et que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire me demande de conclure qu’il était disponibilité pour travailler à partir de mai 2019. La Commission n’a pas indiqué la position qu’elle souhaitait que j’adopte dans ma décision.

[106] Je sais que tout cela a été un long processus pour le prestataire. Il souhaite en finir avec son appel et espère avoir gain de cause. J’aimerais rendre une décision. Malheureusement, le dossier n’est pas complet et je dois renvoyer l’affaire devant la division générale. Lorsque je dis que le dossier est incomplet, je veux dire que le prestataire n’a pas eu suffisamment la chance de présenter des éléments de preuve pour chacune des questions en litige.

[107] Comme je l’ai indiqué, la division générale s’est concentrée sur les démarches de recherche d’emploi du prestataire et sur sa disponibilité pour travailler. Elle n’a pas examiné la question de savoir s’il était capable de travailler. La division générale a demandé au prestataire de parler de sa recherche d’emploi et de sa disponibilité et le prestataire a décrit quel type de travail il cherchait. Cela laisse entendre que le prestataire pensait qu’il était capable d’occuper ce type d’emploi.

[108] Toutefois, le fait que le prestataire pensait être capable de travailler ne signifie pas qu’il en était réellement capable. Le prestataire n’a pas beaucoup parlé de son état de santé à la division générale. Il n’a pas expliqué clairement quel était son diagnostic et il n’a pas dit où il en était dans son rétablissement. Le prestataire n’a pas expliqué les effets de son état de santé ou de son processus de rétablissement sur sa capacité de travailler. Il n’a pas réellement indiqué quelles étaient ses limitations médicales ni précisé le type de tâches qu’il pouvait effectuer dans le cadre de ces limitations. Le prestataire a dit qu’il cherchait un travail de nature physique, en aménagement paysager, en construction, en entreposageFootnote 37, ou en restaurationFootnote 38. Toutefois, il n’a pas dit comment il savait qu’il serait capable d’occuper ce genre d’emploi.

[109] Il y a certaines preuves médicales qui pourraient appuyer la conclusion selon laquelle le prestataire était capable d’un point de vue médical d’occuper un emploi différent de son emploi précédent. Toutefois, la preuve médicale ne fournit pas de diagnostic et elle ne décrit pas les limitations du prestataire.

[110] Ainsi, il n’y a aucune façon d’évaluer si un emploi convenable lui aurait raisonnablement été disponible compte tenu des limitations du prestataire. Pour être considérée comme étant capable d’occuper un emploi, une partie prestataire doit être davantage que théoriquement capable de faire un travail : elle doit l’être de façon réaliste.

[111] Je ne peux pas non plus établir si le prestataire répond au troisième facteur du critère Faucher, qui exige qu’il n’ait pas établi de conditions qui limitaient indûment ses perspectives d’emploi. Je ne peux pas établir si le prestataire a choisi de limiter ses perspectives d’emploi en restreignant les types d’emploi qu’il serait prêt à accepter, ou si les limitations qu’il décrivait étaient des limitations médicales.

[112] Sans cette preuve, je ne peux pas rendre de décision. Ainsi, je dois renvoyer l’affaire devant la division générale. Le prestataire et la Commission auront l’occasion de présenter de nouveaux éléments de preuve.

Conclusion

[113] L’appel est accueilli. Je renvoie l’affaire à la division générale aux fins de réexamen.

Date de l’audience :

Le 12 janvier 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions:

T. M., appelant

Sarah Sinton, représentante de l’appelant

Josée Lachance, représentante de l’intimée

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