Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : IR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 188

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-60

ENTRE :

I. R.

Appelant / prestataire

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Catherine Shaw
DATE DE L’AUDIENCE : Le 29 janvier 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 4 février 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour justifier le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, le prestataire n’a pas fourni une explication qui est acceptée par loi. Un motif valable est une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Cela signifie que la demande du prestataire ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi (AE) le 11 décembre 2020. Il demande que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 8 octobre 2020. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[5] Le prestataire affirme qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Il avait seulement demandé des prestations d’AE une fois auparavant. À ce moment-là, un professionnel lui avait dit qu’il avait besoin d’un relevé d’emploi (RE) pour sa demande. Il s’est fondé sur son expérience passée et a attendu d’avoir son RE pour demander des prestations.

[6] La Commission affirme que le prestataire n’avait pas de motif valable parce qu’une personne raisonnable aurait communiqué avec la Commission pour clarifier ses droits et ses obligations liés au processus de demande. Au lieu de cela, le prestataire a supposé qu’il avait besoin de son RE pour demander des prestations, et il a donc retardé sa demande en attendant que son ancien employeur produise son RE.

La date de début de la demande

[7] Le dossier de réexamen comprend la demande originale d’antidatation du prestataire présentée le 12 décembre 2020. Cette demande précise que le prestataire demande que sa demande soit antidatée au 11 octobre 2020Note de bas de page 2.

[8] À l’audience, le prestataire a dit qu’il n’avait pas demandé que sa demande soit considérée comme ayant été faite le 11 octobre 2020. Il a plutôt dit à la Commission qu’il voulait qu’elle soit considérée comme ayant été faite le 8 octobre 2020, qui était sa dernière journée de travail.

[9] J’accepte les déclarations du prestataire selon lesquelles il voulait que sa demande commence la date de son dernier jour de travail. J’estime donc que le 8 octobre 2020 est la bonne date pour sa demande d’antidatation.

Question en litige

[10] La demande de prestations du prestataire peut‑elle être traitée comme si elle avait été présentée le 8 octobre 2020? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

Analyse

[11] Pour faire antidater une demande de prestations, une personne doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 3 :

  1. Qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée. Autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi.
  2. Qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle était admissible aux prestations.

[12] Les principaux arguments dans cette affaire servent à décider si le prestataire avait un motif valable. C’est donc par cela que je commencerai.

[13] Pour démontrer un motif valable, le prestataire doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 4. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[14] Le prestataire doit démontrer qu’il a agi ainsi pendant toute la durée de la période du retardNote de bas de page 5. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande initiale soit antidatée au jour où il a présenté cette demande. Dans le cas du prestataire, la période du retard s’étend du 8 octobre au 11 décembre 2020.

[15] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a pris des mesures relativement rapides pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations selon la loiNote de bas de page 6. Cela signifie que le prestataire doit démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et responsabilités le plus tôt possible et du mieux qu’il le pouvait. Si le prestataire ne l’a pas fait, il doit alors démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéNote de bas de page 7.

[16] Le prestataire doit prouver cela selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[17] Le prestataire affirme qu’il avait un motif valable pour justifier le retard parce qu’il attendait de recevoir son RE de son ancien employeur.

[18] Le demandeur avait déjà présenté une demande de prestations en 2016. À l’époque, il vivait dans une région rurale sans accès à Internet. Il avait demandé l’aide d’un comptable local pour faire sa demande. Le comptable lui a dit qu’il devait fournir plusieurs documents avant de pouvoir demander des prestations. Un de ces documents était son RE. Pour la demande de 2016, le prestataire a reçu son RE par la poste et l’a apporté au comptable, qui a demandé des prestations en son nom.

[19] Le prestataire a dit qu’il croyait que le processus d’assurance-emploi serait le même pour sa demande en 2020. Après avoir été mis à pied à la mi-octobre, il a attendu de recevoir son RE par la poste. À la mi-novembre, il n’avait pas encore reçu son RE. Il a donc communiqué avec son ancien employeur pour s’en informer. L’employeur a pris plusieurs semaines pour lui répondre, puis a dit qu’il avait envoyé son RE par voie électronique à Service Canada.

[20] Le prestataire a fait une demande pour pouvoir ouvrir une session et voir son RE sur le site Web de Service Canada. Il a reçu l’information pour ouvrir une session deux semaines plus tard, mais il n’a pas pu voir son RE sur le site Web. Il a communiqué avec Service Canada, qui lui a dit que le RE n’était pas là et qu’il devait communiquer de nouveau avec l’employeur. Le prestataire a donc communiqué avec l’employeur et celui-ci a envoyé de nouveau le RE à la mi-décembre 2020. Le prestataire a fait sa demande de prestations immédiatement après.

[21] Le prestataire a dit qu’il était occupé pendant cette période à chercher un nouvel emploi, à étudier pour les examens d’accréditation et à s’occuper de sa mère âgée. Il a déclaré que ces circonstances n’avaient pas contribué au retard dans sa demande de prestations. Elles montrent plutôt qu’il ne s’occupait pas uniquement de sa demande d’AE. Il pensait qu’il n’était pas obligé de se dépêcher pour demander des prestations. Il croyait qu’il pourrait demander des prestations lorsqu’il aurait reçu son RE et qu’il recevrait des prestations rétroactivement à compter de la date de sa mise à pied.

[22] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour justifier son retard parce qu’il n’a fait aucun effort pour vérifier ses droits et ses obligations liés au processus de demande. Plus précisément, elle affirme que le prestataire a présumé qu’il ne pouvait pas demander de prestations avant d’avoir reçu son RE et qu’il n’a pas communiqué avec la Commission pour vérifier cette hypothèse.

[23] Le prestataire soutient que le fait qu’il croyait avoir besoin de son RE pour faire une demande d’AE n’était pas une hypothèse. Il affirme s’être fondé sur son expérience antérieure en 2016. À ce moment-là, un comptable lui avait dit qu’il devait avoir son RE avant de demander des prestations. Il soutient avoir agi comme une personne raisonnable l’aurait fait parce qu’il n’avait aucune raison de croire que cette information était inexacte.

[24] J’estime que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable pour tarder à présenter sa demande de prestations parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances tout au long de la période de retard.

[25] Le prestataire a reconnu qu’il avait une expérience limitée de l’assurance-emploi. Il avait seulement demandé des prestations une seule fois auparavant, avec l’aide d’un comptable. En se fondant sur cette expérience, il croyait avoir besoin de son RE avant de pouvoir faire une demande de prestations.

[26] J’estime qu’une personne raisonnable dans la situation du prestataire aurait pris des mesures pour vérifier ces renseignements pour plusieurs raisons :

  • Premièrement, c’était la première fois que le prestataire présentait une demande de prestations par lui-même. J’estime qu’une personne raisonnable aurait cherché en ligne des renseignements sur le processus, ou aurait appelé la Commission pour vérifier les étapes à suivre et les renseignements dont il avait besoin.
  • Deuxièmement, quatre ans se sont écoulés depuis la dernière demande de prestations du prestataire. J’estime que, dans ces circonstances, une personne raisonnable aurait cherché à obtenir des renseignements sur la façon de demander des prestations d’AE, pour vérifier sa compréhension du processus et voir si les exigences avaient changé.

[27] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas communiqué avec la Commission ni cherché de renseignements sur les prestations d’AE en ligne. Rien n’indique que le prestataire a demandé des conseils supplémentaires sur les mesures à prendre pour protéger sa demande de prestations. Je juge donc que le prestataire n’a pas prouvé qu’il a pris des mesures raisonnablement rapides pour comprendre son droit aux prestations et ses obligations au titre de la loiNote de bas de page 8.

[28] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui faisaient en sorte qu’il lui était difficile de demander des prestations ou de demander conseil à la Commission au sujet de sa situation. Je reconnais que le prestataire était occupé pendant cette période à chercher un autre emploi, à s’occuper de sa mère et à étudier pour des examens d’équivalence. Toutefois, j’ai accordé du poids au témoignage du prestataire selon lequel ces circonstances n’avaient pas contribué au retard de sa demande de prestations. Le prestataire a dit de façon claire et cohérente que la seule raison pour laquelle il avait tardé à demander des prestations était qu’il attendait son RE.

[29] Je reconnais que le prestataire a agi avec les meilleures intentions du monde. Il pensait agir prudemment en attendant de recevoir son RE avant de présenter une demande de prestations. Toutefois, il était tenu de prendre des mesures raisonnablement rapides relativement à sa demande de prestations. Il est possible que le prestataire trouve cela injuste, mais il devait présenter sa demande en temps opportun. Cette exigence est plus qu’un simple détail technique. La rapidité d’exécution est nécessaire à l’administration ordonnée de la Loi sur l’AENote de bas de page 9.

[30] L’obligation et le devoir de présenter rapidement une demande sont considérés comme très exigeants et stricts. C’est la raison pour laquelle l’exception relative au « motif valable justifiant le retard » est appliquée prudemmentNote de bas de page 10.

[31] Les circonstances présentées par le prestataire ne démontrent pas qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations. Elles ne démontrent pas non plus qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui l’auraient empêché d’agir comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation. Pour ces raisons, sa demande ne peut être antidatée.

[32] Je n’ai pas besoin de me pencher sur la question de savoir si le prestataire était admissible aux prestations à la date antérieure. Si le prestataire n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[33] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la durée de la période de retard.

[34] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 29 janvier 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

I. R., appelant

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