Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 192

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-89

ENTRE :

S. P.

Appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Mark Leonard
DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 février 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 4 février 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] La prestataire a le droit de recevoir une semaine de prestations. Elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE) pour les sept autres semaines de son séjour à l’étranger.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé d’imposer à la prestataire une inadmissibilité aux prestations. Autrement dit, elle ne recevra pas de prestations d’AE du 4 octobre 2020 au 27 novembre 2020 parce qu’elle se trouvait à l’étranger et n’était pas disponible pour travailler. Pour obtenir des prestations d’AE, une partie prestataire doit être disponible pour travailler.

[4] La Commission affirme que la prestataire n’était pas disponible parce qu’elle se trouvait à l’extérieur du pays pour rendre visite à son père malade. La Loi sur l’assurance-emploi prévoit spécifiquement que les prestataires qui sont à l’étranger et ne sont pas disponibles pour travailler ne recevront pas de prestations.

[5] La prestataire affirme qu’elle touchait la prestation canadienne d’urgence (PCU) et qu’on lui avait dit qu’elle ne la perdrait pas si elle allait à l’étranger. Elle dit être allée au Brésil pour voir son père malade. Pendant son absence, la transition de la PCU vers les prestations d’AE a eu lieu. Ensuite, on lui a dit qu’elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations pendant qu’elle était à l’étranger. La prestataire cherche à faire annuler la décision de la Commission et à toucher les huit semaines de prestations pour lesquelles elle a été réputée inadmissible.

[6] Je dois décider si la prestataire était à l’étranger et donc inadmissible au bénéfice des prestations, et si elle était disponible pour travailler.

Questions en litige

[7] La prestataire a-t-elle démontré qu’elle était admissible aux prestations d’AE pendant qu’elle se trouvait à l’étranger?

[8] La prestataire satisfait-elle aux exigences relatives à la disponibilité pour recevoir des prestations d’AE?

Analyse

[9] La Commission a déclaré la prestataire inadmissible au bénéfice des prestations pour deux raisons. Premièrement, elle affirme que la prestataire était à l’étranger et qu’elle ne peut donc pas toucher de prestations. La Commission prétend aussi qu’elle n’a pas démontré sa disponibilité pour travailler.

Séjour à l’étranger

[10] Une partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période au cours de laquelle elle est à l’étrangerNote de bas de page 1. Il existe toutefois des exceptions qui peuvent permettre le versement de prestations en fonction de la raison du séjour à l’étrangerNote de bas de page 2.

[11] La prestataire ne conteste pas qu’elle était à l’étranger pendant la période en question. Elle a déclaré qu’elle avait été mise à pied en mars 2020. Elle a présenté une demande initiale de prestations d’AE, mais on lui a plutôt accordé la PCU, créée en réponse aux restrictions liées à la COVID-19.

[12] La prestataire a déclaré qu’elle ne pouvait pas retourner au travail à cause du virus. Elle a ajouté que personne ne lui a demandé de chercher du travail ou d’être disponible à cette fin pendant la période au cours de laquelle elle touchait la PCU. La prestataire a quitté le Canada le 2 septembre 2020 pour voir son père malade au Brésil. Pendant son absence, la PCU a pris fin. La Commission l’a automatiquement fait passer à des prestations d’AE.

[13] La prestataire a rempli un questionnaire en ligne concernant son absence du Canada. Elle a confirmé qu’elle était à l’étranger. Lors d’un entretien avec la Commission, elle a reconnu ne pas avoir pris de disposition pour que des employeurs puissent la joindre, pas plus qu’elle n’était prête à rentrer en raison des frais élevés pour changer des billets d’avion.

[14] La Commission ne conteste pas que la prestataire se trouvait à l’étranger pour rendre visite à son père malade. Elle affirme que la prestataire a quitté le Canada le 2 septembre 2020, et qu’elle est seulement revenue le 30 novembre 2020. La Commission explique qu’elle a automatiquement établi une nouvelle période de prestations à son profit à compter du 4 octobre 2020, ce qui correspond aux mesures de transition de la PCU vers l’AE.

[15] La Commission a ensuite décidé d’imposer une inadmissibilité pour la période du 4 octobre au 27 novembre 2020 (une période de huit semaines) parce que la prestataire était à l’étranger. La LoiNote de bas de page 3 prévoit expressément qu’une partie prestataire qui se trouve à l’étranger est inadmissible au bénéfice des prestations, à moins de pouvoir démontrer qu’elle a quitté le Canada pour l’une ou plusieurs des raisons énumérées dans le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement).

[16] Le Règlement prévoit plusieurs raisonsNote de bas de page 4 pour lesquelles une partie prestataire peut être à l’étranger sans être inadmissible aux prestations. L’une de ces raisonsNote de bas de page 5 permet de visiter, pendant une période ne dépassant pas sept jours consécutifs, un proche parent malade. Le père de la prestataire est considéré comme un proche parent.

[17] La Commission reconnaît que, selon les dispositions du Règlement, la raison de l’absence de la prestataire la rendrait admissible au bénéfice des prestations. Elle affirme cependant que puisque la période de prestations a commencé au-delà des [traduction] « sept premiers jours » d’absence de la prestataire, celle-ci est inadmissible pour toute la période de huit semaines de son séjour à l’étranger.

[18] J’ai examiné les articles pertinents de la Loi et du Règlement et je ne vois aucune mention de « sept premiers jours ». Le Règlementne prévoit qu’une période d’absence de sept jours consécutifs. La notion des « sept premiers jours » semble provenir de la Commission et ne pas être fondé en droit.

[19] La pandémie de nouveau coronavirus a certainement interrompu les processus habituels de nombreux programmes. Les différents paliers du gouvernement canadien ont dû mettre en œuvre des programmes novateurs pour la gestion de la pandémie. La PCU et la transition aux prestations d’AE sont aussi une situation nouvelle. Normalement, si la PCU n’avait pas été mise en place, la prestataire aurait reçu de l’AE en mars 2020. Elle aurait été inadmissible au bénéfice des prestations pour toute période d’absence du Canada, à l’exception de sept jours consécutifs pour visiter un parent malade. On pourrait s’attendre à ce que la période visée par l’exception s’applique dès le début de son voyage, considéré comme les « sept premiers jours »; toutefois, il n’y a aucune mention de cela dans la Loi ou le Règlement. De plus, la situation est propre à la prestataire.

[20] La prestataire a quitté le Canada alors qu’elle recevait la PCU. Elle est devenue admissible aux prestations d’AE pendant son absence. Elle était inadmissible au bénéfice des prestations d’AE durant toute la période d’absence qui coïncidait avec sa période d’admissibilité. La Commission a confirmé ne pas avoir autorisé l’absence de sept jours consécutifs parce que les sept premiers jours de voyage de la prestataire s’étaient écoulés avant l’approbation de sa demande de prestations. La Commission admet qu’elle aurait autrement droit aux sept jours consécutifs de prestations.

[21] Le moment où la prestataire est devenue admissible aux prestations d’AE me préoccupe. Cela s’est produit immédiatement après la fin de la PCU et son passage aux prestations d’AE. La prestataire n’a pas présenté cette nouvelle demande initiale de prestations. La Commission l’a fait conformément aux dispositions de transition. La première date possible d’admissibilité aux prestations de la prestataire était le 4 octobre 2020. Elle était déjà à l’étranger à ce moment-là. Ainsi, les sept premiers jours consécutifs pour lesquels elle aurait été admissible aux dispositions figurant dans le Règlement étaient également ses sept premiers jours d’admissibilité à l’AE.

[22] Je suis convaincu que la prestataire satisfait aux critères pour être admissible au bénéfice des prestations pendant sept jours consécutifs qui s’inscrivent dans sa période d’absence du Canada. La période de sept jours consécutifs représentait les « sept premiers jours » de son admissibilité aux prestations d’AE après que la PCU a pris fin.

[23] Par conséquent, j’estime que la prestataire est admissible à une semaine de prestations d’AE comme le prévoit le Règlement. Elle est cependant inadmissible pour les sept autres semaines de son voyage parce qu’elle était à l’étranger.

Disponibilité pour travailler

[24] Deux articles de loi exigent qu’une partie  prestataire démontre qu’elle était disponible pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible au titre de ces deux articles. Cette dernière doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[25] Premièrement, la Loi prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 6. Le Règlement présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 7 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[26] Deuxièmement, la Loi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 8. La jurisprudence énonce trois éléments qu’une partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 9. Je vais examiner ces facteurs ci-dessous.

[27] Je vais maintenant examiner ces deux articles pour décider si la prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[28] La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler durant la période qu’elle a passée à l’étranger et parce qu’elle n’avait pris aucune disposition pour qu’on puisse la joindre pour un emploi. La Commission a également ajouté que la prestataire n’était pas prête à changer ses billets d’avion pour rentrer au Canada dans un délai raisonnable pour accepter un emploi.

[29] La loi établit des critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10. Je dois examiner si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi. En d’autres mots, la prestataire doit avoir continuellement tenté de trouver un emploi convenable. Je dois analyser les démarches de la prestataire pour trouver un emploi. Le Règlement énumère neuf activités de recherche d’emploi que je dois examiner. Voici des exemples de ces activitésNote de bas de page 11 :

  • l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement;
  • la communication avec des employeurs éventuels;
  • la présentation de demandes d’emploi.

[30] La prestataire a déclaré n’avoir entrepris aucune recherche d’emploi pendant son séjour à l’étranger ni aucune des activités énumérées ci-dessus pour trouver un emploi convenable.

[31] D’après les observations de la Commission et de l’aveu de la prestataire, il est évident qu’elle n’a fait aucun effort soutenu pour trouver du travail après la transition de la PCU aux prestations d’AE alors qu’elle séjournait à l’étranger. En gros, elle ne cherchait pas à trouver un emploi durant la période de son absence.

[32] J’estime que la prestataire n’a pas fait de démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[33] La jurisprudence a établi trois facteurs que je dois considérer pour décider si la prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 12 :

  • Elle désire retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable lui sera offert.
  • Elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  • Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui peuvent limiter indûment ses chances de retourner au travail.

[34] Lorsque j’analyse chacun de ces facteurs, je dois examiner l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 13.

Désirer retourner au travail

[35] Je suis convaincu que la prestataire a prouvé qu’elle désire retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable lui sera offert. Elle a affirmé avoir besoin de trouver du travail dès que possible, mais que la pandémie a rendu cela difficile. Elle a dit vouloir trouver du travail dans son domaine et commencer à reconstruire sa carrière, et je la crois.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[36] La prestataire n’a fait aucune démarche pour trouver un emploi convenable durant la période qu’elle a passée à l’étranger. Elle l’a elle-même admis. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas de téléphone parce que son cellulaire n’aurait pas fonctionné au Brésil. Elle a ajouté que la seule manière pour une personne de la joindre à l’étranger était par courriel. Elle n’a pas tenté de corriger cette situation afin de pouvoir faire les demandes de renseignements nécessaires pour trouver un emploi. Elle a dit croire que puisqu’elle recevait la PCU lorsqu’elle a quitté le Canada, elle n’était pas obligée de le faire.

[37] J’estime que la prestataire n’a pas fait de démarches suffisantes pour répondre aux exigences de ce second facteur.

Limiter indûment ses chances de retourner au travail

[38] La prestataire a établi des conditions personnelles ayant limité indûment ses chances de retourner au travail.

[39] Elle s’est rendue à l’étranger. De plus, lorsque la Commission lui a posé la question, elle a déclaré qu’elle n’était pas prête à rentrer avant son vol prévu ou dans un préavis de 48 heures parce qu’elle ne pouvait pas payer les frais liés au changement de ses vols.

[40] J’estime que le refus avoué de la prestataire de rentrer au Canada en changeant ses vols était une condition personnelle ayant limité indûment ses chances d’obtenir un emploi convenable.

La prestataire était-elle donc capable de travailler et disponible à cette fin?

[41] Je suis sensible à la situation de la prestataire. Elle s’est trouvée à l’étranger lors de la transition de sa PCU vers l’AE. Ce changement a imposé des exigences différentes pour lui permettre de maintenir le droit de toucher des prestations de soutien. Au moment où elle a quitté le Canada, elle ignorait qu’elle devrait être disponible ou avoir pris des dispositions pour qu’on la joigne dans l’éventualité d’une offre d’emploi.

[42] Cependant, une fois mise au courant de ces exigences, il appartenait à la prestataire de chercher des moyens de remédier à sa situation. Elle ne pouvait tout simplement pas décider qu’elle ne voulait pas changer ses billets ou au moins de trouver des façons de chercher du travail. En prenant cette décision, la prestataire a choisi d’imposer les coûts de son chômage aux autres personnes contribuant au régime, sans possibilité d’atténuer de tels coûts en se trouvant un emploi.

[43] Compte tenu de mes constatations liées aux trois facteurs, j’estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable durant la période d’absence.

Conclusion

[44] La prestataire était à l’étranger pour la période du 4 octobre 2020 au 27 novembre 2020. Elle n’a pas démontré son admissibilité aux prestations pour une partie de cette période au-delà de celles décrites à l’article 55(1)(d) du Règlement. De plus, elle n’a pas montré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi pour une période de sept semaines. C’est pourquoi je conclus que la prestataire n’a droit qu’à une semaine de prestations d’AE et qu’elle est exclue du bénéfice des prestations pour les sept autres semaines de son absence du Canada.

[45] Autrement dit, l’appel est accueilli, mais seulement en partie.

 

Date de l’audience :

Le 2 février 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

S. P., appelante

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