Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 152

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-27

ENTRE :

M. N.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Amanda Pezzutto
DATE DE L’AUDIENCE : Le 26 janvier 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 3 février 2021

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Décision

[1] Le prestataire, M. N., fait appel de la décision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada au Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel du prestataire. J’estime qu’il a quitté son emploi. Il n’a pas démontré qu’il était fondé de quitter son emploi. Il avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire travaillait dans un restaurant. Il a cessé de travailler et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission a décidé qu’il a quitté son emploi sans justification. Elle a refusé de lui verser des prestations.

[4] Le prestataire affirme qu’il n’a pas quitté son emploi. Il dit qu’il a essayé de prendre congé parce que l’employeur a fait des erreurs dans sa paye et ses documents fiscaux.

[5] La Commission n’est pas d’accord. Elle affirme que le prestataire a quitté son emploi. Elle dit que le prestataire avait plusieurs autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Il aurait pu parler à son employeur s’il avait des problèmes avec sa paye et ses documents fiscaux. Il aurait pu chercher un autre emploi.

Question en litige

[6] Je dois décider si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Pour ce faire, je dois d’abord décider si le prestataire a cessé de travailler parce qu’il a volontairement quitté son emploi. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Qu’est-ce qu’un départ volontaire?

[7] Il est parfois difficile de dire si une partie prestataire a quitté son emploi ou cessé de travailler pour une autre raison. Pour décider si une partie prestataire a quitté son emploi, je dois me poser une question très simple : avait-elle le choix de conserver ou de quitter son emploi? Si elle avait le choix de conserver ou de quitter son emploi et qu’elle a choisi de démissionner, elle est réputée avoir quitté son emploi. La Loi sur l’assurance-emploi appelle cela un « départ volontaireNote de bas de page 1 ».

Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[8] Je pense qu’il est probable que le prestataire ait quitté volontairement son emploi. J’estime qu’il avait le choix de conserver ou de quitter son emploi et qu’il a choisi de démissionner.

[9] Le prestataire a fait de nombreuses déclarations contradictoires et déroutantes sur les raisons pour lesquelles il a cessé de travailler. Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, il a dit qu’il avait cessé de travailler parce qu’il avait quitté son emploi. Ensuite, il a dit à la Commission qu’il n’avait pas quitté son emploi. Il a dit qu’il avait pris quatre jours de congé et qu’il n’avait pas pu retourner au travail parce que son employeur avait fermé ses portes en raison de la COVID-19. Il a dit à la Commission qu’il avait essayé de retourner au travail le 8 mars, mais que l’employeur avait déjà fermé ses portes.

[10] L’employeur a dit à la Commission que le restaurant était toujours ouvert le 8 mars. Il a dit qu’il avait fermé le restaurant en raison de la COVID-19 le 23 ou le 24 mars. À l’audience, le prestataire a convenu que l’employeur avait fermé ses portes le 23 mars.

[11] À l’audience, le prestataire a affirmé avoir dit à l’employeur qu’il voulait prendre un congé. Il a donné des renseignements contradictoires au sujet du nombre de jours de congé qu’il voulait prendre. Au début, il a dit qu’il voulait seulement prendre une semaine de congé. Ensuite, lorsque j’ai souligné que le restaurant était toujours ouvert une semaine après son dernier jour de travail, il a dit qu’il avait demandé une ou deux semaines de congé. Plus tard au cours de l’audience, le prestataire a affirmé que l’employeur lui avait dit qu’il pouvait retourner au travail n’importe quand après ses deux semaines de congé.

[12] Le prestataire a également fait des déclarations qui portaient à confusion quant à savoir si l’employeur avait accepté de lui accorder un congé. À l’audience, il a dit que l’employeur avait accepté de lui accorder un congé. Cependant, il a aussi déclaré que l’employeur lui avait dit que demander une semaine de congé équivalait à dire qu’il démissionnait. Le prestataire a affirmé que l’employeur lui avait dit qu’il pouvait inscrire sur son relevé d’emploi qu’il avait démissionné ou qu’il avait été mis à pied.

[13] L’employeur a dit que le prestataire avait écrit une note indiquant qu’il démissionnait. L’employeur a remis une copie de cette note à la Commission. La note est très courte. Elle mentionne que le prestataire cessera de travailler le 5 mars 2020. La signature sur la note ressemble beaucoup à la signature du prestataire sur son avis d’appel et sa demande de révision. Le prestataire a dit à la Commission qu’il n’avait pas signé la note. Toutefois, le prestataire a dit à l’audience qu’il avait signé la note. Il a dit que la note mentionnait qu’il prenait un congé, et non pas qu’il démissionnait.

[14] Les déclarations du prestataire sur les raisons pour lesquelles il a cessé de travailler sont contradictoires. Il a dit différentes choses sur le nombre de jours de congé qu’il voulait prendre et sur le moment où le restaurant a fermé en raison de la COVID-19. Le prestataire a modifié sa déclaration à de nombreuses reprises. En revanche, l’employeur n’a pas modifié sa déclaration. Il a toujours maintenu que le prestataire avait quitté son emploi. Le comptable de l’employeur a aussi dit que le prestataire avait quitté son emploi.

[15] Lorsqu’il y a des explications différentes de ce qui s’est passé, je dois décider quelle version est la plus probable. Je dois examiner tous les éléments de preuve et rendre une décision selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 2.

[16] J’estime que les déclarations du prestataire ne sont pas fiables. Je ne pense pas qu’il soit probable qu’il ait essayé de prendre un congé. Je juge que l’employeur et le comptable sont plus fiables. J’accorde plus de poids à leurs déclarations. J’estime que la note signifie probablement que le prestataire démissionne, et non qu’il prend des vacances.

[17] Je pense qu’il est probable que le prestataire a choisi de quitter son emploi. Je conclus qu’il a cessé de travailler parce qu’il a quitté volontairement son emploi.

Le prestataire était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[18] Les parties ne s’entendent pas sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.

[19] La loi précise qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on est fondé à le faire. Une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 4. C’est au prestataire d’en faire la preuveNote de bas de page 5. Il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 6.

[20] Pour trancher cette question, je dois examiner toutes les circonstances de la démission du prestataire. Parmi celles-ci, il y en a quelques-unes qui sont prévues par la loiNote de bas de page 7. Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, il devra alors démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 8.

Les circonstances de la démission du prestataire

[21] Le prestataire affirme que son employeur a fait des erreurs dans ses documents fiscaux. Il dit qu’il a aussi mal géré les retenues sur sa paye. Il affirme que l’employeur pourrait avoir commis une fraude fiscale.

[22] L’explication du prestataire concernant ses problèmes de paye porte à confusion. Il a d’abord dit à la Commission qu’il s’était entendu avec l’employeur pour que celui-ci lui paye la moitié de son salaire par chèque et l’autre moitié en espèces. Il a dit à la Commission qu’il voulait que l’employeur le paye de cette façon.

[23] En revanche, à l’audience, le prestataire a dit que l’employeur le payait de cette façon parce qu’il voulait le payer ainsi. Il a dit qu’il ne savait pas pourquoi l’employeur le payait ainsi. Il a laissé entendre que c’était pour frauder l’impôt.

[24] L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait demandé qu’on lui paye la moitié de son salaire par chèque et l’autre moitié en espèces, au noir. L’employeur a dit qu’il avait refusé de le faire.

[25] Les explications du prestataire concernant ses problèmes avec son T4 de 2019 portent aussi à confusion. Il a d’abord dit à la Commission qu’il n’avait gagné que 35 000 $, mais que l’employeur avait déclaré qu’il avait touché une rémunération nette de 70 000 $. Cependant, il a également dit à la Commission que l’employeur avait déclaré toute sa rémunération dans son T4, et non seulement la partie de son salaire sur laquelle il avait payé des retenues. À l’audience, le prestataire a dit qu’il n’avait gagné que 39 000 $ en 2019, mais il a aussi affirmé que son relevé d’emploi était exact. Le relevé d’emploi indique qu’il a gagné environ 39 000 $ en six mois.

[26] Je ne suis pas convaincue que l’employeur a fait une erreur sur le T4 de 2019 du prestataire. Le relevé d’emploi indique que le prestataire a gagné environ 39 000 $ en un peu plus de six mois. Si le relevé d’emploi est exact, cela signifie que le prestataire a probablement gagné beaucoup plus que 39 000 $ en 2019. Si le relevé d’emploi est exact, le T4 de 2019 est probablement aussi exact. L’employeur a remis à la Commission des copies des chèques de paye du prestataire de janvier et de février 2020. Ces chèques indiquent la rémunération nette du prestataire. Il gagnait un peu plus de 2 000 $ par paye semi-mensuelle. Cela signifie qu’il était probablement en voie de gagner plus de 39 000 $ en 2020. Le T4 de 2019 montre également que le prestataire a cotisé le maximum au Régime de pensions du Canada et à l’assurance-emploi. Je ne pense pas qu’il soit probable qu’une personne qui gagne 39 000 $ par an cotise le maximum au Régime de pensions du Canada et à l’assurance-emploi. Aucun des autres éléments de preuve concernant le salaire du prestataire ne donne l’impression que le T4 de 2019 est inexact.

[27] C’est au prestataire qu’il incombe de prouver que son employeur a fait de choses contraires à la loi en ce qui concerne son salaire et ses documents fiscaux. Je ne crois pas que le prestataire se soit acquitté de ce fardeau. Son explication de ses problèmes de paye portait à confusion. Il n’a pas prouvé que l’employeur a fait une erreur importante dans son T4. Même si je croyais que l’employeur a fait une erreur dans le T4, le prestataire n’a pas démontré que cette erreur découlait de pratiques illégales.

[28] À l’audience, le prestataire a aussi dit que son employeur n’avait pas respecté sa promesse de l’aider à payer ses impôts. Il a dit à la Commission que l’employeur avait promis de payer sa partie des déductions directement à l’Agence du revenu du Canada. L’explication du prestataire concernant cette promesse semble peu probable. Je pense qu’il est peu probable qu’un employeur s’engage à payer les impôts ou les cotisations au Régime de pensions du Canada et à l’assurance-emploi d’un employé. Si l’employeur avait conclu cette entente, je pense que celle-ci aurait probablement été mise sur papier. Le prestataire ne m’a donné aucune copie d’une entente. Il n’a pas expliqué exactement comment l’employeur allait l’aider avec ses impôts. Je ne pense pas que l’explication du prestataire soit fiable.

[29] Contrairement à l’explication confuse du prestataire concernant ses problèmes avec sa paye et ses documents fiscaux, l’employeur a une explication simple. L’employeur a dit à la Commission que les retenues prélevées sur le salaire du prestataire étaient trop basses. Cela signifiait que le prestataire devait beaucoup d’argent au moment de faire ses déclarations d’impôt. Le prestataire pensait que c’était la faute de l’employeur. Je pense que l’explication de l’employeur est raisonnable et qu’elle est probablement vraie.

[30] À mon avis, le prestataire n’a pas démontré que son employeur a fait quelque chose d’illégal. Il n’a pas prouvé que son employeur a rompu une promesse de payer ses impôts ou ses déductions pour lui.

Autres solutions raisonnables

[31] Je dois maintenant examiner si la seule solution raisonnable qui s’offrait au prestataire était de quitter son emploi quand il l’a fait.

[32] Le prestataire n’a présenté aucun argument sur les autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui parce qu’il affirme qu’il n’a pas quitté son emploi.

[33] La Commission affirme que le prestataire aurait pu choisir d’autres solutions raisonnables au lieu de quitter son emploi. Il aurait pu demander à l’employeur d’augmenter les déductions pour ne pas avoir une facture d’impôt aussi élevée. Il aurait pu parler à l’employeur de ses problèmes avec sa paye et ses documents fiscaux. S’il n’était pas d’accord avec les pratiques de l’employeur, il aurait pu chercher un autre emploi.

[34] Je suis d’accord avec la Commission. J’estime que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[35] Le prestataire n’a pas expliqué clairement les problèmes liés à ses documents fiscaux et à ses chèques de paye. Je ne pense pas que le prestataire ait prouvé que son employeur a fait quelque chose d’illégal en ce qui a trait à son salaire ou à ses déductions. Le prestataire n’a pas prouvé que l’employeur n’a pas tenu sa promesse de l’aider avec ses impôts.

[36] Je crois que le prestataire était en colère et confus à cause d’une facture d’impôt inattendue. J’estime qu’il pensait que son employeur avait fait une erreur dans son T4 de 2019. Malgré cela, son départ ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[37] Si le prestataire croyait vraiment que l’employeur avait fait une erreur dans le T4, il aurait pu lui demander de la corriger. Il aurait pu donner à l’employeur ses talons de chèque de paye, ses renseignements bancaires et ses chèques de paye pour l’aider à confirmer son revenu réel. Il aurait pu demander à l’employeur d’augmenter ses déductions pour ne pas devoir d’argent l’année suivante. S’il était vraiment en désaccord avec les pratiques salariales et comptables de son employeur, il aurait pu essayer de trouver un autre emploi.

[38] Le prestataire n’a rien fait de tout cela. Il a plutôt quitté son emploi. À l’audience, j’ai demandé au prestataire pourquoi il pensait que le fait de quitter son emploi l’aiderait à régler son problème d’impôts. Le prestataire ne m’a pas donné de réponse claire. Il n’a pas pu expliquer comment le fait de quitter son emploi obligerait l’employeur à modifier le T4 de 2019. Je ne crois pas que le prestataire ait réfléchi aux autres solutions raisonnables qui s’offraient à lui avant de quitter son emploi.

[39] Je conclus que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Il n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[40] Je rejette l’appel du prestataire. Cela signifie qu’il est exclu du bénéfice des prestations.

 

Date de l’audience :

Le 26 janvier 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

M. N., appelant

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