Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 214

Numéro de dossier du Tribunal: GE-21-221

ENTRE :

S. R.

Appelante (prestataire)

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée (Commission)


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Raelene R. Thomas
DATE DE L’AUDIENCE : Le 24 février 2021
DATE DE LA DÉCISION : Le 26 février 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards de l’assurance-emploi.

Aperçu

[2] La prestataire a demandé plusieurs types de prestations d’assurance-emploi en même temps : maladie, maternité et parentales. Son médecin l’avait mise en arrêt de travail. La date de la demande de la prestataire lui donnait droit à la prestation d’assurance-emploi d’urgence. Elle a touché cette prestation pendant 15 semaines. Par la suite, elle a reçu des prestations de maternité pendant 15 semaines. Le premier versement de prestations parentales a été effectué le 22 novembre 2020. La prestataire a essayé pendant plus de deux jours de communiquer avec Service Canada pour s’informer au sujet de la baisse de 200 $ de ses prestations. Lorsqu’elle a finalement parlé à une personne de Service Canada, elle a appris qu’elle avait choisi l’option des prestations prolongées et que son choix ne pouvait pas être modifié. Après avoir fait une révision, la Commission a maintenu sa décision. La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Elle soutient qu’elle n’a pas bien lu le formulaire de demande, qu’il portait à confusion et qu’elle n’a pas les moyens de voir le montant de ses prestations baisser de la sorte.

Questions préliminaires – Partage des prestations parentales

[3] À l’audience, la prestataire a affirmé qu’on avait conseillé à son époux de demander des prestations parentales, qui, selon ce qu’elle avait compris, seraient déduites de ses prestations parentales à elle.

[4] Depuis mars 2019, le parent d’un nouveau-né a droit à des prestations parentales standards pendant cinq semaines supplémentaires en cas de partage des prestations avec l’autre parentNote de bas de page 1. Il faut toucher ces prestations dans les 52 semaines suivant la naissance de l’enfant.

[5] Je remarque que rien dans ma décision n’empêche l’époux de la prestataire de demander le reste des prestations parentales standards partagées qui sont offertes aux parents durant les 12 mois suivant la naissance de leur enfantNote de bas de page 2.

[6] Compte tenu des récentes modifications apportées à la Loi sur l’assurance-emploi, je suggère à la prestataire de faire des vérifications auprès de Service Canada. Ce sera à la Commission de décider si l’époux de la prestataire est admissible aux cinq semaines de prestations parentales standards qu’il leur reste.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle choisi de toucher des prestations parentales prolongées?

Analyse

[8] Je juge que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire n’a pas choisi les prestations parentales prolongées. Je juge qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle a choisi les prestations parentales standards.

[9] Les prestations parentales sont payables aux prestataires qui veulent prendre soin de leur nouveau-néNote de bas de page 3. Les prestataires doivent choisir le nombre maximal de semaines, soit 35 ou 61, pendant lesquelles les prestations parentales leur seront verséesNote de bas de page 4. L’option standard prévoit jusqu’à 35 semaines de prestations au taux de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable. L’option prolongée prévoit jusqu’à 61 semaines de prestations au taux de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable.

[10] Il devient impossible pour les prestataires de modifier leur choix dès que des prestations parentales leur sont versées, peu importe la sommeNote de bas de page 5.

[11] La prestataire a déclaré lors de son témoignage qu’elle travaille dans un restaurant franchisé. Elle vit avec la maladie mentale depuis toujours. Au début de mars 2020, elle a constaté que son anxiété augmentait en raison de la pandémie de COVID-19, de son milieu de travail et de sa grossesse. Elle s’est réveillée un matin et s’est rendu compte qu’elle ne pouvait pas supporter d’aller travailler. Elle a vu son médecin le jour même. Il l’a mise en arrêt de travail pour une période indéterminée et a prévu de la réévaluer périodiquement.

[12] Dans son témoignage, la prestataire a expliqué avoir rempli sa demande de prestations en ligne depuis le domicile de sa mère. Elle a rempli la demande le vendredi 20 mars 2020, après avoir été mise en congé par son médecin le lundi 16 mars 2020. Elle était suivie par son médecin au moment où elle a rempli la demande. Sa mère l’a aidée à remplir la demande. La prestataire a dit qu’elle n’avait pas bien lu le formulaire. Elle demandait des prestations de maladie. Elle a indiqué qu’elle voulait recevoir ses prestations de maternité et ses prestations parentales immédiatement après ses prestations de maladie. La prestataire a expliqué qu’elle a plutôt reçu la PCUNote de bas de page 6. Elle ne voulait pas de la PCU parce qu’elle allait devoir mettre de l’argent de côté pour payer ses impôts, ce qui était compliqué pour elle.

[13] La prestataire a expliqué que sa relation avec son patron était difficile. Elle avait très peu affaire à lui et parlait surtout avec le gestionnaire régional. Au moment de prendre son congé de maladie et de remplir sa demande d’assurance-emploi, elle ne savait pas quand elle retournerait au travail. Elle a vu qu’il y avait une option offrant 61 semaines de prestations. La mère de la prestataire, qui travaille pour le gouvernement, et la prestataire ont toutes deux compris que si elle demandait 61 semaines de prestations, elle recevrait une somme plus élevée pendant 52 semaines, puis une somme plus faible pendant 9 semaines. La mère de la prestataire [traduction] « a fait le calcul » et a conclu que la prestataire recevrait plus d’argent si elle choisissait 61 semaines de prestations. La prestataire a choisi les 61 semaines pour cette raison et le fait que c’était la période maximale pendant laquelle elle pouvait s’absenter du travail.

[14] La prestataire a déclaré que le montant de ses prestations de maternité était moins élevé que celui de ses prestations de maladie. Elle pensait que ce serait la seule baisse de prestations qu’elle subirait et que le montant resterait le même pour le reste de son congé. Lorsqu’elle a reçu le premier paiement de prestations parentales, le montant avait diminué de 200 $. La prestataire a déclaré avoir tenté pendant deux jours de joindre quelqu’un à Service Canada. C’est quand elle a pu parler à une personne qu’elle a appris que les 15 premières semaines, elle recevait les prestations de maternité offertes à quiconque donnait naissance à un enfant et que le versement des prestations parentales commençait après ces 15 semaines. Elle ne savait pas que ces prestations étaient différentes. Étant donné sa lecture du formulaire et les conseils de sa mère, elle pensait qu’elle obtiendrait le taux régulier pendant 52 semaines, puis le taux inférieur pendant les 9 semaines qu’il restait pour arriver au total de 61 semaines qu’elle a choisi.

[15] La prestataire a déclaré que sa famille et elle éprouvent des difficultés financières en raison de la réduction des prestations d’assurance-emploi et du plus petit nombre d’heures de travail de son époux, qui travaille également dans l’industrie de la restauration. Les deux ont subi les répercussions de la pandémie de COVID-19.

[16] Selon la Commission, l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi établit que le choix entre les prestations parentales standards ou prolongées est irrévocable dès que des prestations parentales sont versées pour le ou les mêmes enfants. La Commission affirme que la demande de prestations d’assurance-emploi informait la prestataire de la différence entre les prestations standards et prolongées et que celle-ci a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. Elle explique que le premier paiement de prestations parentales a été versé le 22 novembre 2020 et que le choix fait par la prestataire, soit les prestations parentales prolongées, est devenu irrévocable à cette date.

[17] Je remarque que les articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi ont pour effet d’empêcher les prestataires de passer d’une option de prestations parentales à l’autre, soit des prestations standards aux prestations prolongées et vice versa. Je n’essaie pas d’empiéter sur ces dispositions. Cependant, même si je ne suis pas obligée de suivre les décisions récentes de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada qui portent sur le choix des prestations parentales, je les trouve convaincantesNote de bas de page 7. On y conclut qu’il est possible de soutenir que la Commission a mal interprété le choix fait par les prestataires avant le début du versement des prestations parentales. Plus précisément, une confusion peut découler des réponses contradictoires que les gens fournissent dans leur formulaire de demande. Dans ces situations précises, la Commission pourrait envisager d’agir rapidement pour clarifier les intentions des prestataires. Lorsqu’on le leur demande, les membres du Tribunal ont le pouvoir d’examiner toutes les circonstances pertinentes et de décider si une ou un prestataire a effectivement choisi les prestations standards ou les prestations prolongéesNote de bas de page 8.

[18] La Commission a déposé la demande de prestations de maternité et de prestations parentales de la prestataire comme preuve montrant qu’elle avait choisi les prestations parentales prolongées. Il incombe ensuite à la prestataire de démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’elle n’a pas choisi les prestations prolongées ou qu’elle n’a pas touché de prestations parentales pour le même enfant.

[19] La situation personnelle de la prestataire est pertinente pour sa compréhension du type de prestations parentales qu’elle choisissait de recevoir. La prestataire a déclaré qu’elle vit avec la maladie mentale depuis toujours. Elle travaille dans un restaurant franchisé. Elle a dit qu’elle était incapable de composer avec le stress et l’anxiété liés au fait de travailler pendant qu’elle était enceinte et que la COVID-19 sévissait. Elle a vu son médecin, qui l’a mise en arrêt de travail pour une période indéfinie, et elle a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Lorsque la prestataire a présenté sa demande, elle était suivie par son médecin. La mère de la prestataire était présente lorsque la prestataire a rempli la demande en ligne. La prestataire a déclaré qu’elle n’a pas bien lu les sections portant sur les prestations de maternité et les prestations parentales dans le formulaire de demande. Sa mère lui a conseillé de choisir l’option de 61 semaines parce qu’elle croyait que la prestataire recevrait des prestations au taux régulier pendant 52 semaines et au taux réduit pendant 9 semaines.

[20] Le dernier jour de travail de la prestataire était le dimanche 15 mars 2020. Elle devait travailler le 16 mars 2020, mais elle n’est pas allée au travail. Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, la prestataire a écrit qu’elle demandait des prestations de maladie. Le formulaire demandait si elle était enceinte ou si elle avait accouché au cours des 17 dernières semaines. La prestataire a répondu oui et elle a précisé qu’elle aimerait que ses prestations de maternité commencent juste après ses prestations de maladie. Cette option de réponse s’applique seulement aux prestations de maternité. L’option de réponse suivante, que la prestataire n’a pas sélectionnée, fait référence aux prestations de maternité ou aux prestations parentales qui sont combinées aux prestations de maladie.

[21] Sur la page intitulée [traduction] « Renseignements sur la grossesse », la prestataire a écrit que la naissance du bébé était prévue pour le 23 août 2020. Le formulaire demande si la prestataire veut recevoir des prestations parentales juste après les prestations de maternité. La prestataire a répondu oui. Sur une page intitulée [traduction] « Renseignements sur les parents », la prestataire a écrit qu’elle voulait les prestations prolongées. À la page suivante, qui est également intitulée [traduction] « Renseignements sur les parents », le formulaire demande à la prestataire combien de semaines de prestations elle souhaite demander. La prestataire a choisi « 61 » dans le menu déroulant. Cette section est suivie de la rubrique [traduction] « Renseignements sur l’autre parent », sous laquelle on demande le nom et le numéro d’assurance sociale de l’autre parent. La prestataire a répondu à ces questions en fournissant les renseignements sur l’autre parent.

[22] Je remarque que dans la section intitulée [traduction] « Renseignements sur les parents », il n’y a aucune mention des prestations de maternité (pour la grossesse). Le formulaire précise que [traduction] « Les prestations parentales sont payables seulement aux parents biologiques, adoptifs ou légalement reconnus qui prennent soin de leur nouveau-né ou de leur enfant nouvellement adopté ». La situation personnelle de la prestataire est pertinente pour sa compréhension du choix qu’elle a fait. Il s’agit de son premier enfant. Elle n’avait jamais rempli de formulaire d’assurance-emploi pour les prestations parentales. Elle était suivie par un médecin lorsqu’elle a rempli le formulaire. Elle ne comprenait pas la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales. Elle s’est fiée à l’avis de sa mère selon lequel elle recevrait des prestations au taux régulier pendant 52 semaines et des prestations à un taux réduit pendant 9 semaines. Je juge que la question [traduction] « Combien de semaines de prestations souhaitez-vous demander? » a été raisonnablement interprétée par la prestataire comme lui demandant pendant combien de semaines elle voulait prendre congé et recevoir des prestations. Rien dans la question n’indique que le nombre de semaines demandé comprend seulement les prestations parentales. De plus, rien sur la page ou dans la question n’indique que le nombre de semaines choisi vient s’ajouter aux 15 semaines de prestations de maternité. Les pages du formulaire, tel que fourni par la Commission, ne comportent aucune question visant à savoir le nombre de semaines total pendant lesquelles la prestataire veut recevoir des prestations de maternité et des prestations parentales. Étant donné la situation de la prestataire et la confusion engendrée par les questions du formulaire, je juge crédible l’argument voulant qu’elle a fait une erreur dans sa demande.

[23] La situation de la prestataire, la confusion engendrée par les renseignements figurant dans le formulaire de demande et le fait qu’elle a communiqué avec la Commission dès qu’elle a reçu des prestations d’assurance-emploi à un montant réduit sont tous des éléments de preuve montrant qu’elle voulait recevoir des prestations parentales standards. Par conséquent, je juge que la prestataire ne voulait pas demander des prestations parentales prolongées comme le prétend la Commission, mais qu’en fait, il y a plus de chances qu’elle a choisi de recevoir des prestations parentales standards. Ainsi, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire a choisi de recevoir ses prestations parentales de l’assurance-emploi suivant l’option standard.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Le 24 février 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

S. R., appelante

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