Assurance-emploi (AE)

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Citation : JP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 109

Numéros de dossiers du Tribunal: GE-20-2367

ENTRE :

J. P.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Charline Bourque
DATE DE L’AUDIENCE : 23 février 2021
DATE DE LA DÉCISION : 3 mars 2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La Commission a rejeté à tort la demande de la prestataire de modifier son choix pour passer des prestations parentales prolongées aux prestations standards.

Aperçu

[2] La prestataire a quitté le travail en raison de complications liées à sa grossesse. La Commission lui a versé la Prestation canadienne d’urgence (PCU) au lieu de prestations de maladie à cause de la pandémie. La prestataire a ensuite demandé des prestations de maternité et parentales après la naissance de son bébé. Elle a choisi l’option de prestations parentales prolongées. Après avoir commencé à toucher les prestations parentales, la prestataire a communiqué avec la Commission pour demander de changer l’option qu’elle avait choisie pour passer à l’option standard. La Commission a rejeté la demande de la prestataire parce qu’elle lui avait déjà versé des prestations parentales. La prestataire a soutenu qu’elle était confuse lorsqu’elle a choisi l’option de prestations parentales.

Question en litige

[3] La Commission a-t-elle rejeté à juste titre la demande de la prestataire de modifier son choix pour passer des prestations parentales prolongées aux prestations standards?

Analyse

Question en litige : La Commission a-t-elle rejeté à juste titre la demande de la prestataire de modifier son choix pour passer des prestations parentales prolongées aux prestations standards?

[4] J’estime que la Commission a rejeté à tort la demande de la prestataire de modifier son choix pour passer des prestations parentales prolongées aux prestations standards.

[5] Les prestations parentales sont payables aux prestataires qui veulent prendre soin de leur nouveau-néNote de bas page 1. Les prestataires doivent choisir le nombre maximal de semaines pendant lesquelles les prestations peuvent leur être verséesNote de bas page 2. Il devient impossible de changer ce choix dès que des prestations sont verséesNote de bas page 3. Le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations parentales peuvent être versées au cours d’une période de prestations est de 35 ou de 61Note de bas page 4.

[6] La prestataire a déclaré avoir eu des complications au cours de sa grossesse. Ainsi, elle est restée à l’hôpital d’avril 2020 jusqu’à son accouchement en juin 2020. Dans sa demande de prestations de maternité de l’assurance-emploi, elle a dit qu’elle souhaitait recevoir des prestations parentales immédiatement après ses prestations de maternité. La prestataire a choisi l’option prolongée, indiquant qu’elle souhaitait demander 18 semaines de prestations parentales.

[7] La prestataire a affirmé avoir téléphoné plusieurs fois à Service Canada. Elle l’a fait parce que l’on avait des difficultés à convertir sa PCU en prestations de maternité. Elle a ajouté que cela a entraîné un paiement excédentaire de PCU. Elle a dit avoir également appelé Service Canada parce qu’elle n’était pas certaine d’avoir choisi la bonne option de prestations parentales.

[8] J’ai demandé à la prestataire si elle avait discuté d’un congé de maternité avec son employeur avant de quitter le travail. Elle a confirmé l’avoir fait. La prestataire a dit qu’elle et son employeur avaient convenu qu’elle prendrait le congé de maternité standard. Son employeur indiquerait cependant qu’elle prendrait un congé prolongé au cas où, puisqu’elle avait des complications de grossesse.

[9] J’ai demandé à la prestataire pourquoi elle avait précisé 18 comme étant le nombre de semaines de prestations parentales qu’elle souhaitait demander. Elle a dit que c’était le nombre de semaines permis dans le cadre de son emploi. Elle a affirmé qu’elle avait discuté de cela avec son employeur, et qu’il s’agissait du nombre qu’on lui avait dit de préciser.

[10] J’ai demandé à la prestataire le nombre de semaines qu’elle avait eu l’intention de prendre au moment de remplir sa demande de prestations et quand elle prévoyait retourner au travail. Elle a dit qu’elle espérait pouvoir le faire au moment prévu. Toutefois, elle a affirmé que, étant donné que son employeur avait inscrit que sa date de retour était en décembre 2021, elle n’était pas certaine d’avoir à indiquer la même date dans sa demande de prestations. Elle a déclaré que c’est son premier bébé et qu’elle ne sait pas vraiment comment les choses fonctionnent.

[11] J’ai examiné les renseignements de la demande à propos des prestations parentales avec la prestataire puisque cette dernière avait choisi de demander 18 semaines de prestations. La prestataire a répété s’être embrouillée lorsqu’elle a rempli la demande en ligne. Elle a déclaré qu’elle pensait devoir choisir l’option des prestations prolongées parce que c’est plus élevé que 12 mois selon ce qu’elle avait compris.

[12] D’après son témoignage, je constate que la prestataire était plutôt déroutée en ce qui concerne les options de prestations parentales. Je constate également qu’elle n’a pas bien compris les limites du passage d’une option à une autre. J’estime que ses conversations avec son employeur ont ajouté à sa confusion, notamment dans la détermination de 18 semaines.

[13] J’accepte comme un fait le témoignage de la prestataire, selon lequel elle avait l’intention de prendre le congé de maternité standard, mais que son employeur a fixé sa date de retour en décembre 2021 en cas de complications liées à sa grossesse. J’estime que la prestataire a choisi l’option prolongée pour se conformer à la date de retour fixée par son employeur au-delà de 12 mois. Toutefois, j’estime qu’elle avait l’intention, lors de sa première discussion à ce sujet avec son employeur, et lorsqu’elle a rempli sa demande de prestations, de toucher les prestations parentales standards. À mes yeux, le choix de la prestataire de 18 semaines de prestations parentales est davantage conforme au versement de prestations parentales standards qu’aux prestations prolongées.

[14] J’estime que la prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards. Par conséquent, je conclus que la Commission a rejeté à tort sa demande de modification pour passer des prestations parentales prolongées aux prestations standards.

Conclusion

[15] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Le 18 mars 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

M. C., prestataire

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je suis d’avis que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire et qu’elle n’aurait pas dû réexaminer les demandes de prestations de l’appelant. Par conséquent, les trop payés y étant associés sont annulés.

Aperçu

[2] L’appelant est auxiliaire d’enseignement et à ce titre effectue la correction d’examens universitaires à la mi-session et en fin de session. Il explique que son travail s’effectue généralement sur une période allant jusqu’à 3 semaines pour chacune de ces périodes. Il indique donc avoir déclaré la rémunération reçue de son employeur lorsqu’il effectuait son travail de correction.

[3] Néanmoins, la Commission a déterminé que l’appelant a fait des déclarations fausses et trompeuses et que la rémunération reçue de son employeur n’a pas correctement été répartie sur les périodes où elle aurait dû l’être. La Commission a donc réexaminé les demandes de prestations et corrigé les répartitions de la rémunération pour les demandes de prestations débutant le 19 avril 2015 et le 5 novembre 2019, soit respectivement à l’intérieur d’un délai de 72 mois et de 36, ce qui a créé un trop payé.

[4] L’appelant est en désaccord avec le réexamen de ses demandes de prestations et la répartition de la rémunération. À ce sujet, le représentant indique être en accord avec le mode de répartition invoquée par la Commission, mais non appliquée c’est-à-dire une répartition sur les semaines où l’appelant a effectué son travailNote de bas de page 1.

[5] Je dois donc porter mon analyse sur le pouvoir de réexamen de la Commission à savoir si la Commission a exercé ce pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a réexaminé chacune des demandes de prestations de l’appelant. De plus, l’appelant affirme avoir fait ses déclarations de la manière dont la Commission l’a avisé de les faire et que par conséquent, sa rémunération a été déclarée et répartie au moment où il a effectué son travail de correction.

Questions préliminaires

[6] J’ai joint les appels (dossiers GE-20-2367 et GE-20-2368) en conformité avec l’article 13 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale comme les appels soulèvent des questions de droit ou de fait qui leur sont communes et qu’une telle mesure ne risque pas de causer d’injustice aux parties. De plus, j’estime que la jonction des appels accélérera et simplifiera le processus d’appel de l’appelant.

Questions en litige

[7] La Commission avait-elle le pouvoir d’examiner rétroactivement les dossiers de l’appelant, conformément à l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi (« Loi ») ?

[8] Si oui, à partir de quelle date et jusqu’à quand pouvait-elle agir rétroactivement ?

[9] La répartition de la rémunération a-t-elle correctement été effectuée en vertu du Règlement sur l’assurance-emploi (« Règlement ») ?

Analyse

Question en litige no 1 : La Commission avait-elle le pouvoir d’examiner rétroactivement les dossiers de l’appelant, conformément à l’article 52 de la Loi ?

[10] L’appelant est auxiliaire d’enseignement. Plus précisément, il indique que son travail consiste à effectuer la correction d’examens à la mi-session (intra) et en fin de session (finaux). Son travail est donc concentré sur des périodes d’environ 1 à 3 semaines en mi-session et en fin de session.

[11] Ainsi, l’appelant indique avoir déclaré ses heures de travail ainsi que la rémunération y étant associée au moment où il a effectué son travail de correction, soit à la mi-session et en fin de session, comme la Commission l’avait informé.  

Décision relative à la demande de prestations du 19 avril 2015

[12] Néanmoins, le 30 janvier 2020, la Commission a estimé que l’appelant avait fait des déclarations fausses ou trompeuses et qu’elle disposait alors d’un délai de 72 mois pour réexaminer la demande de prestations de l’appelant débutant le 19 avril 2015. La Commission a donc rendu une décision indiquant que l’appelant n’avait déclaré qu’une partie de sa rémunération provenant de son employeur pour la période du 19 avril 2015 au 4 mai 2015, du 18 octobre 2015 au 5 décembre 2015 et du 3 avril 2016 au 14 mai 2016Note de bas de page 2.

[13] Dans son argumentation, la Commission indique que « cette répartition a créé un trop payé de 433.00$ (GD3-58). Un tableau explicatif du trop payé est joint au dossier de révision (GD3-59) »Note de bas de page 3. Ce tableau indique un trop payé de 232$Note de bas de page 4. De plus, un tableau transmis par la Commission au représentant démontre un trop payé de 235$Note de bas de page 5.

Décision relative à la demande de prestations du 5 novembre 2017

[14] Le 30 janvier 2020, la Commission a aussi réexaminé la demande de prestations de l’appelant débutant le 5 novembre 2017, soit dans un délai de 36 mois. Elle a rendu une décision indiquant que l’appelant n’avait déclaré qu’une partie de sa rémunération provenant de son employeur pour la période du 5 novembre 2017 au 23 mars 2018Note de bas de page 6.

[15] Dans son argumentation, la Commission indique que « Cette répartition a créé un trop payé de 6 344$ (GD3-43 à GD3-44). Un tableau explicatif du trop payé est joint au dossier de révision (GD3-45). »Note de bas de page 7 Ce tableau démontre un trop payé de 3 829$Note de bas de page 8. De plus, un tableau transmis par la Commission au représentant confirme un trop payé de 3 829$Note de bas de page 9.

Pouvoir discrétionnaire de réexamen de la Commission

[16] Le représentant soutient que le processus décisionnel de l’article 52 de la Loi n’a pas été respecté dans les présents dossiers. Il soutient que les faits aux dossiers ne pouvaient permettre à la Commission de rendre des décisions ayant une portée rétroactive en encore moins de rétroagir au-delà de 36 mois. L’appelant indique avoir déclaré ses revenus comme la Commission lui avait indiqué, soit sur les semaines où il a effectué son travail et qu’il était payable en vertu de la Loi.

[17] De façon générale, 1’article 52 de la Loi accorde à la Commission le pouvoir de procéder à un nouvel examen de toute demande de prestations dans les 36 mois où elles ont été payées ou sont devenues payables. De plus, si la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d’un délai de 72 mois pour réexaminer la demandeNote de bas de page 10.

[18] En effet, la jurisprudence indique que pour réexaminer une demande de prestations dans les 72 mois, la Commission n’a pas le fardeau de prouver « que le prestataire avait sciemment fait de fausses déclarations ». La législation exige seulement que la Commission « estime qu’une déclaration fausse ou trompeuse ait été faite ». Pour arriver à cette conclusion, la Commission doit se satisfaire qu’un appelant ait fait une déclaration ou représentation fausse ou trompeuse relativement à une demande de prestations. Ainsi, la simple existence d’une déclaration fausse ou trompeuse suffit, si la Commission est raisonnablement satisfaite de ce fait, pour l’application de ce paragraphe, sans qu’il soit nécessaire de rechercher l’intention de son auteurNote de bas de page 11.

[19] En bref, la Commission peut réexaminer une demande de prestations à l’intérieur de 36 mois, mais doit estimer qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite afin de pouvoir prolonger le délai pour faire le réexamen jusqu’à 72 mois.

[20] Je constate que la jurisprudence est disponible pour ce qui est de la période de réexamen pour une période jusqu’à 72 mois. Néanmoins, celle-ci se fait rare pour ce qui est du réexamen à l’intérieur de la période de 36 mois. Par conséquent, j’ai effectué une analyse plus détaillée quant à l’application de l’article 52 de la Loi.

[21] Je suis d’avis que le pouvoir de réexamen de la Commission, basé sur l’article 52 de la Loi, est un pouvoir discrétionnaire, peu importe qu’il soit utilisé à l’intérieur de la période de 36 mois ou de celle de 72 mois.

[22] Pour tirer cette conclusion, je me base sur le fait que le législateur a choisi d’utiliser le terme « peut » lors de la rédaction de la Loi : « [...] la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet des prestations. »

[23] Je prends en considération le raisonnement élaboré par la Cour d’appel fédérale dans la décision Gill. Bien que celle-ci traitait d’un tout autre sujetNote de bas de page 12, je suis d’avis que le raisonnement sur la question du pouvoir discrétionnaire de la Commission est pertinent, particulièrement lorsque le terme « peut » est utilisé par le législateurNote de bas de page 13. Contrairement à l’utilisation du terme « doit », « peut » se distingue par le fait que le réexamen d’une demande de prestations devient à la discrétion de la Commission. Plus précisément, comme le nouvel examen n’est pas obligatoire ou ne doit pas se faire automatiquement selon le libellé de sa disposition, il en revient à la discrétion de la Commission de l’appliquer ou non. Ainsi, le pouvoir de réexaminer une demande rétroactivement revêt toutes les caractéristiques d’un pouvoir discrétionnaire. Si le législateur en avait voulu autrement, il aurait précisé sa pensée en utilisant des termes plus précis à cet effet.

[24] De plus, tel que souligné par le représentant, le pouvoir de réexamen de la Commission n’impose pas l’obligation de procéder au réexamen de façon rétroactive. Le processus de réexamen doit être effectué en quatre étapes, dans les délais prévus. Le représentant se reporte au Guide de détermination de l’admissibilité.

[25] En effet, dans ce guide, la Commission indique au chapitre 17 qu’elle peut agir rétroactivement en vertu de l’article 52 de la Loi. Elle ajoute qu’elle a le pouvoir exclusif et non l’obligation de procéder au réexamen d’une demande de façon rétroactiveNote de bas de page 14. Elle ajoute explicitement qu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire qui comporte quatre étapes distinctes qui doivent être exécutées dans les 36 ou les 72 mois.

[26] Je suis donc d’avis qu’en raison du fait que le pouvoir de réexamen de la Commission est un pouvoir discrétionnaire, je ne peux modifier la décision de la Commission que si je conclus que celle-ci n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire, c’est-à-dire qu’elle n’a pas agi de bonne foi, en prenant en compte tous les facteurs pertinents et ne tenant pas compte des facteurs non pertinentsNote de bas de page 15.

L’utilisation de lignes directrices

[27] La Cour d’appel fédérale a reconnu l’utilité que la Commission se dote de lignes directrices afin d’encadrer l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Même si la Cour s’est prononcée sur la question des pénalités, je suis d’avis que le raisonnement peut être utile pour toutes les questions touchant l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission. En effet, la Cour d’appel fédérale a réitéré à diverses reprises que la Commission était justifiée de se donner des lignes directrices pour assurer une certaine cohérence à l’échelle nationale et éviter des décisions arbitrairesNote de bas de page 16. Ces lignes directrices se retrouvent dans le Guide de la détermination de l’admissibilité. Je précise que je ne suis pas liée par ce document qui n’a pas la force de loi. Néanmoins, je suis d’avis que celui-ci est un outil indispensable à la Commission dans sa prise de décision en matière d’assurance-emploi. Ainsi, j’estime que ces lignes directrices réduisent le risque de décision arbitraire et que la Commission doit fournir une explication si elle choisit de ne pas suivre les directives qu’elle a elle-même élaborées.

[28] La Commission soutient qu’elle peut examiner à nouveau toute demande dans les soixante-douze mois si elle estime qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations selon le paragraphe 52(1) de la Loi. La Commission est d’avis que le prestataire a fait des déclarations fausses en omettant de déclarer une partie de ses revenus provenant de son employeur pour la période concernée.

[29] Elle soutient aussi qu’elle peut examiner à nouveau toute demande dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables selon le paragraphe 52(1) de la Loi. La Commission a rendu une décision le 30 janvier 2020 après avoir réexaminé des semaines incluses dans la période du 19 avril 2015 au 8 mai 2016 et du 5 novembre 2017 au 24 juin 2018Note de bas de page 17.

[30] L’appelant est en désaccord avec cette position. Il soutient avoir déclaré ses revenus conformément à ce que lui indique la Commission, à savoir sur les semaines où il a effectué son travail et qu’il était payable en vertu de la Loi. Le représentant soutient que la Commission ne pouvait rendre une décision rétroactive dans le respect de sa politique en matière de réexamen. Il ajoute que la Commission reproche à l’appelant de ne pas avoir déclaré sa rémunération adéquatement en invoquant que les informations fournies par l’employeur correspondent aux gains attribuables sur les semaines où il a effectué son travail et non en fonction d’une répartition liée aux contrats. Le représentant soutient que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire quant à la décision de revoir le dossier étant donné que les déclarations de l’appelant correspondent à la position de la Commission quant à la répartition de ses gains. De plus, il ajoute que la Commission n’a pas complété adéquatement la troisième étape, soit le calcul du trop payé.

Je constate que la Commission a fourni peu d’informations sur ses motivations à examiner de nouveau les demandes de prestations de l’appelant. La Commission se contente d’indiquer que l’appelant a omis de déclarer une partie de ses revenus provenant de son employeur. La Commission n’a pas non plus indiqué si elle a tenu compte de circonstances atténuantes dans sa prise de décision.

Processus de réexamen non complété

[31] De façon générale, 1’article 52 de la Loi accorde à la Commission le pouvoir de procéder à un nouvel examen de toute demande de prestations dans les 36 mois où elles ont été payées ou sont devenues payables. De plus, si la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d’un délai de 72 mois pour réexaminer la demandeNote de bas de page 18.

[32] Dans le Guide de détermination de l’admissibilité, la Commission indique que le processus de réexamen consiste en quatre étapes qui doivent être exécutées dans le délai des 36 ou 72 mois prévu par la Loi. Les quatre étapes sont détaillées ainsi :

  1. - « décider si la Commission exercera son pouvoir discrétionnaire en matière de réexamen (c.-à-d. (c’est-à-dire), si les renseignements présentés justifient un nouvel examen; si le nouvel examen donne lieu à un trop payé ou à un moins payé; si elle dispose de suffisamment de temps pour procéder aux quatre étapes);
  2. - rendre une nouvelle décision;
  3. - calculer le montant à recouvrer ou à payer; et
  4. - informer le prestataire de sa décision. »Note de bas de page 19

[33] J’estime que le pouvoir discrétionnaire a été appliqué de façon arbitraire puisque le processus de réexamen de la Commission n’a pas été suivi. J’ai par conséquent le pouvoir d’intervenir. En fait, je suis d’avis que la Commission n’a pas seulement l’obligation de calculer un trop payé, elle doit informer le prestataire de celui-ci. Or, dans le présent dossier, je suis d’avis que la Commission n’a pas informé correctement l’appelant de son trop payé et que par conséquent, elle n’a pas exécuté la troisième étape de son processus de réexamen.

[34] Je suis d’avis qu’il ne s’agit pas à la Commission de dire que l’appelant à un trop payé. Elle doit l’informer du montant de celui-ci. Néanmoins, je constate qu’après analyse du dossier, il ne m’est pas possible de conclure que l’appelant a été informé du montant du trop payé qui lui est réclamé. En effet, la Commission donne des informations contradictoires et je ne peux donc pas conclure que l’appelant est informé du montant du trop payé qui lui est réclamé. La Commission n’offre aucune explication quant à ses différences et il est difficile de savoir quels calculs doivent prévaloir alors que la Commission devrait avoir révisé sa décision et a transmis une argumentation à ce sujet au Tribunal.

[35] Je constate que pour la demande du 19 avril 2015, la Commission indique que le trop payé est de :

[36] Pour ce qui est de la demande de prestations du 5 novembre 2017, la Commission indique que le trop payé est de :

  • 6 344$ (3 086$+3 258$) selon le certificat d’attestation – avis de notification de detteNote de bas de page 26;
  • 3 829$ selon le tableau « explication du trop payé »Note de bas de page 27.
  • 3 829$ selon un tableau transmis par la Commission au représentantNote de bas de page 28.
  • 6 344$ selon l’argumentation présentée au TribunalNote de bas de page 29. Dans le même paragraphe, la Commission réfère au tableau explicatif du trop-payé qui pourtant indique un trop payé de 3 829$Note de bas de page 30.
  • 3 258$ selon l’avis de dette du 22 février 2020Note de bas de page 31.
  • Le relevé de compte indique un montant réclamé de 6 777$Note de bas de page 32. Je suis d’avis que ce montant correspond à la somme de 6 334$ et de 433$. L’appelant affirme aussi n’avoir effectué aucun remboursement de 1 525$ comme démontré par ce relevé.

[37] Je constate que je ne peux conclure quel montant est réclamé à l’appelant. La Commission fournit des tableaux au représentant sans apporter d’explication sur les différents calculs ni même sur quel revenu elle a réparti à quel moment et pourquoi elle l’a fait ainsi.

[38] De plus, le montant du trop payé démontré dans ces tableaux diffère entre le moment où elle a rendu la décision initiale et celle où elle a rendu la décision de révision. Pourtant, aucun document ne fait valoir de rémunération différente entre ces deux périodes. Les seuls documents remis pour la demande de révision consistent en la contestation des décisions et une demande du représentant à la Commission de clarifier les trop payé. Aucune explication quant aux différents calculs n’est donnée.

[39] Enfin, l’argumentation de la Commission utilise des montants différents de ceux remis au représentant. La Commission fait même référence à un montant des trop payés dus, mais réfère à ses tableaux de calcul qui donnent un montant différent, et ce dans le même paragrapheNote de bas de page 33.

[40] Je ne peux me baser sur les tableaux remis au représentant uniquement sur le fait qu’ils correspondent aux derniers calculs de la Commission. En effet, sans davantage d’explication et en prenant en considération que l’argumentation de la Commission, rédigée après ces mêmes calculs, arrive à des conclusions différentes, il m’apparait difficile de conclure quels sont effectivement les montants réclamés à l’appelant.

[41] Il est vrai que la Commission pourrait refaire ses calculs et fournir des explications quant aux différences obtenues. Néanmoins, je suis d’avis qu’elle a eu l’opportunité de fournir des explications d’autant que les différences ne sont pas seulement de quelques dollars ni basées sur des erreurs évidentes de calculs.

[42] Je me réfère à la décision de la Division d’appel du présent Tribunal qui va dans ce sens en indiquant dans une situation où la Commission n’avait toujours pas effectué les calculs du trop payé alors qu’elle était en possession des documents nécessaires :

« Permettre à la Commission de continuellement refaire ses calculs du trop payé contreviendrait aux exigences de l’article 52 de la Loi sur l’AE qui prévoit que les opérations y mentionnées doivent être effectuées à l'intérieur d’un strict délai.

Puisque la Commission a fait défaut de notifier la prestataire de la somme erronément payée dans le délai imparti de 72 mois, alors qu’elle aurait pu aisément le faire, le Tribunal estime que le réexamen auquel s'est livré la Commission a été fait de façon irrégulière et illégale. »Note de bas de page 34

[43] Je suis donc d’avis que la Commission n’a pas agi de manière judiciaire lorsqu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire. La Commission ne respecte pas sa propre politique et a failli à informer l’appelant du montant du trop payé qui lui est réclamé.

Politique de réexamen non respectée

[44] Je réfère à nouveau au Guide de détermination de l’admissibilité dans lequel la Commission a déterminé, dans sa politique de réexamen, qu’elle ne procèderait au nouvel examen d’une demande que dans les situations suivantes :

  • « il y a un moins payé de prestations;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi;
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit. »Note de bas de page 35

[45] Selon le premier critère, la répartition de la répartition de la rémunération a créé un trop payé, même si le montant de celui-ci demeure imprécis. La première situation prévue à la politique de réexamen ne s’applique donc pas.

[46] Pour ce qui est de la structure de la Loi, l’article 17.3.3.2 indique clairement que la répartition de la rémunération ne fait pas partie de la structure de la Loi.

[47] Le troisième critère pour lequel la Commission procèdera au nouvel examen de décisions antérieures concerne le versement de prestations à la suite de déclarations fausses ou trompeuses. Dans le cas présent, la Commission soutient que l’appelant a fait de fausses déclarations lors qu’il a déclaré sa rémunération provenant de son employeur.

[48] L’appelant est en désaccord avec cette position. Il soutient avoir déclaré ses revenus conformément à ce que lui indique la Commission, à savoir sur les semaines où il a effectué son travail et qu’il était payable en vertu de la Loi. Le représentant soutient que la Commission ne pouvait rendre une décision rétroactive dans le respect de sa politique en matière de réexamen. Il ajoute que la Commission reproche à l’appelant de ne pas avoir déclaré sa rémunération adéquatement en invoquant que les informations fournies par l’employeur correspondent aux gains attribuables sur les semaines où il a effectué son travail et non en fonction d’une répartition liée aux contrats. Le représentant soutient que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire quant à la décision de revoir le dossier étant donné que les déclarations de l’appelant correspondent à la position de la Commission quant à la répartition de ses gains.

[49] Je reconnais que la Commission n’est pas tenue à un fardeau aussi strict en ce qui concerne la détermination qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite par rapport au fardeau qu’elle a pour l’imposition d’une pénalité. En autres, la Commission n’a pas à démontrer que les fausses déclarations ont été faites sciemmentNote de bas de page 36. Je suis d’avis que ce raisonnement est valide tant pour le réexamen pour la période jusqu’à 36 mois que pour celui allant jusqu’à 72 mois.

[50] L’appelant réfère à la section « vos responsabilités » lorsqu’il a rempli ses demandes de prestations. Il indique que celle-ci indique clairement qu’il doit : « déclarer avec exactitude toute rémunération brute provenant d'un emploi dans les semaines où vous avez gagné ces sommes, de même que toute autre somme que vous pourriez recevoir. »Note de bas de page 37

[51] De plus, je constate que la Commission a écrit un courriel à l’appelant où elle l’informe que :

« En ce qui concerne les déclarations de l’assurance-emploi, celles-ci sont faites du dimanche au samedi. On vous demande donc de déclarer le nombre d’heures travaillées durant la période en multipliant ce nombre par votre taux horaire.

[…] Vous n’êtes pas considérés comme un enseignant au terme de la définition de l’assurance-emploi et donc vous n’avez pas à déclarer votre rémunération en fonction de l’étalement de votre contrat de travail puisque ceci ne s’adresse qu’aux enseignants du primaire et du secondaire et non pas aux chargés de cours de l’Université. »Note de bas de page 38

[52] De plus, l’employeur confirme « que la rémunération versée est conforme aux contrats alloués à J. P. pour les périodes de travail énoncées et non en fonction du moment où J. P. exécute ledit travail ou que ces services ont été fournis pour ces contrats d'auxiliaire d'enseignement. »Note de bas de page 39

[53] L’appelant explique avoir déclaré sa rémunération lorsqu’il effectue son travail de correction, soit généralement sur 3 semaines à la mi-session et sur 3 semaines à la fin de session.

[54] Pour expliquer sa répartition, la Commission indique que « la rémunération du prestataire a été répartie selon l’information obtenu[e] par son employeur. L’X a remis à la Commission la rémunération versée au prestataire pour chacune des semaines concernées […]. La Commission n’a pas tenu compte des contrats de travail du prestataire au moment d’effectuer l’application des gains comme prétend le prestataire. »Note de bas de page 40

[55] Encore une fois, j’estime que le pouvoir discrétionnaire a été appliqué de façon arbitraire puisque le processus de réexamen de la Commission n’a pas été suivi. J’ai par conséquent le pouvoir d’intervenir.

[56] Je suis d’avis que l’appelant a déclaré sa rémunération au moment où il a effectué le travail y étant lié et que l’employeur l’a payé selon sa propre politique, sans tenir compte du moment où l’appelant a réellement effectué son travail.

[57] Pour en arriver à cette conclusion, je m’appuie sur le témoignage de l’appelant et sur les différents exemples de plans de cours qu’il a remis. De plus, je suis d’avis que la répartition effectuée par la Commission est incohérente avec les avis qu’elle a elle-même donnés à l’appelant.

[58] En effet, la Commission indique à l’appelant de déclarer le nombre d’heures travaillées durant la période où il a travaillé en multipliant ce nombre par son taux horaire et de ne pas déclarer sa rémunération en fonction de l’étalement de son contrat de travailNote de bas de page 41. Pourtant, l’avis de décision initiale démontre que la Commission a réparti de la rémunération la semaine du 14 janvier 2018Note de bas de page 42. Or, l’appelant m’a convaincu, par la nature même de son travail, qu’il ne peut effectuer de la correction d’examen à cette date alors que la session vient à peine de débuter.

[59] Ainsi, je suis d’avis que contrairement à ce qu’elle a annoncé, la Commission a réparti la rémunération de l’appelant en fonction de l’étalement de son contrat, selon les montants que l’employeur lui a versés, et ce, sans tenir compte du moment où le travail a été effectué puisque l’employeur atteste lui-même qu’il ne tient pas compte de ce moment.

[60] De plus, je constate que le total de la rémunération répartie par la Commission de la semaine du 31 décembre 2017 à celle du 24 juin 2018 est de 7 507$ alors que celle déclarée par l’appelant pour la même période est de 7 509.00 $. Ainsi, je ne peux que constater que l’appelant a déclaré toute la rémunération qu’il a reçue de son employeur, ce qui est contraire à la position de la Commission qui soutient que l’appelant a omis de déclarer une partie de son revenu.

[61] En bref, je suis d’avis que la Commission aurait dû expliquer les raisons pour lesquelles elle ne répartit pas la rémunération selon les avis qu’elle a fournis à l’appelant. L’appelant m’a convaincu qu’il a déclaré sa rémunération selon le moment où il a effectué son travail et selon les avis obtenus de la Commission. Je ne pourrais donc conclure que l’appelant a fait des déclarations fausses ou trompeuses alors qu’il déclarait sa rémunération selon les avis de la Commission.

[62] Enfin, la dernière situation énoncée par le Guide de détermination de l’admissibilité est lorsqu’un prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit. Étant donné que l’appelant se conformait aux avis de la Commission, je ne peux conclure qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit.

[63] Ainsi, en me basant sur les éléments mentionnés ci-haut, je conclus que la Commission n’a pas appliqué ses propres lignes directrices en matière de réexamen. J’estime qu’elle a arbitrairement exercé son pouvoir discrétionnaire, et ce, de manière non judiciaire. Je suis d’avis que la Commission n’a pas agi de bonne foi, en prenant en compte tous les facteurs pertinents et en ne tenant pas compte des facteurs non pertinentsNote de bas de page 43.

[64] Je suis d’avis que la Commission n’a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’elle n’a pas pris en considération des éléments importants. La Commission n’a pas tenu compte de ses propres avis et n’a pas été en mesure de fournir de manière explicite la somme du trop payé que l’appelant devait rembourser. La Commission ne peut se contenter de justifier un nouveau calcul ou de changer sa répartition contrairement à ses avis sans en apporter davantage d’explication.

[65] Par ailleurs, j’estime que la Commission n’a pas pris en considération la capacité de payer de l’appelant et que le trop payé constitue un fardeau financier significatif et excessif dans les circonstances d’autant qu’il s’agit d’un régime d’exception qui doit être interprété de manière restrictiveNote de bas de page 44.

Question en litige no 2 : Si oui, à partir de quelle date et jusqu’à quand la Commission pouvait-elle agir rétroactivement ?

[66] Comme j’ai conclu à la question précédente que la Commission a arbitrairement exercé son pouvoir discrétionnaire, et ce, de manière non judiciaire et que par conséquent, la Commission n’était pas justifiée d’agir rétroactivement et de réexaminer les décisions antérieures de l’appelant au sujet de la répartition de la rémunération, je suis d’avis qu’il ne m’est pas nécessaire d’élaborer plus en détail de la question des délais de réexamen.

Question en litige no 3 : La répartition de la rémunération a-t-elle correctement été effectuée selon le Règlement sur l’assurance-emploi ?

[67] Aussi, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire de procéder à l’analyse de la question de la répartition de la rémunération pour les périodes de prestations en litige puisque cette question n’a pas lieu d’être réexaminer.

Conclusion

[68] L’appel est accueilli. Comme le réexamen des décisions de la Commission n’aurait pas dû avoir lieu, les trop payés y étant associés sont annulés.

 

Date de l’audience :

Le 23 février 2021

Mode d’audience :

Vidéoconférence

Comparutions :

J. P., appelant

Me Jean-Guy Ouellet, représentant de l’appelant

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