Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c LV, 2021 TSS 98

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-858

ENTRE :

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Appelante

et

L. V.

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Stephen Bergen
DATE DE LA DÉCISION : Le 16 mars 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Je rejette l’appel de la Commission. La division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les éléments de preuve. J’ai corrigé l’erreur, mais j’en suis arrivé à la même conclusion que la division générale.

Aperçu

[2] L’intimée, L. V. (prestataire), a pris un congé de son emploi et a présenté une demande de prestations de maternité et de prestations parentales de l’assurance-emploi. Elle a choisi 41 semaines de prestations parentales prolongées lorsqu’elle a rempli sa demande. Après l’expiration de ses prestations de maternité, elle a commencé à recevoir les prestations parentales prolongées. Elle a communiqué avec l’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, parce qu’elle était mécontente du montant des prestations parentales. La Commission l’a avisée qu’elle avait choisi les prestations prolongées et que son choix était irrévocable. La prestataire a demandé une révision à la Commission, mais celle-ci n’a pas modifié sa décision.

[3] L’intimée a fait appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, et cette dernière a accueilli son appel. La division générale a conclu que la prestataire a été induite en erreur par les renseignements qui lui ont été donnés par une agente ou un agent de la Commission sur la signification de son choix de prestations. Par conséquent, elle a conclu que son choix n’était pas valide. La Commission a fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel.

[4] Je rejette l’appel. La division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a omis de tenir compte de la preuve contenue dans la demande de prestations. Cette preuve décrit le nombre de semaines et le taux de prestations associés à chaque option de prestations parentales (renseignements sur les prestations parentales)Note de bas page 1. J’ai tenu compte des renseignements sur les prestations parentales et j’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Je confirme que la prestataire a été induite en erreur sur la signification de son choix, et que son choix n’était pas valide.

Questions en litige

[5] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en permettant à la prestataire de changer d’avis sur son choix de prestations parentales?

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en ignorant la preuve du formulaire de demande de prestations?

Analyse

[7] Lorsqu’une partie prestataire remplit les conditions requises pour recevoir des prestations parentales, elle peut choisir de recevoir soit les prestations parentales standard, soit les prestations parentales prolongéesNote de bas page 2. Les prestations standard sont versées au taux de 55 % de la rémunération hebdomadaire de la partie prestataire pendant un maximum de 35 semaines. Les prestations parentales prolongées sont versées à un taux réduit de 33 % de la rémunération hebdomadaire de la partie prestataire, mais peuvent être versées pendant un maximum de 61 semainesNote de bas page 3.

[8] Une fois que la Commission a effectué un versement de l’une des prestations parentales à une partie prestataire, celle-ci ne peut plus changer d’avis et demander un autre type de prestations. Le choix est « irrévocable »Note de bas page 4.

Question en litige no 1 : Permettre à la prestataire de changer d’avis

[9] La Commission a soutenu que la division générale a commis une erreur de droit en permettant à la prestataire de modifier son choix.

[10] La Commission a raison de dire que le choix d’une partie prestataire est irrévocable aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi et que cette dernière ne prévoit aucune exception.

[11] Cependant, la division générale n’a pas dit que la prestataire pouvait modifier son choix. Elle a dit qu’elle n’avait pas pris la décision délibérée et éclairée de choisir les prestations prolongées et que le choix était invalide [traduction] « dès le départ ». Autrement dit, la division générale n’a pas accepté qu’elle ait fait un choix valide; il n’y avait donc rien à révoquer.

[12] Comme l’a noté la division générale, d’autres décisions de la division d’appel ont conclu que le choix d’une partie prestataire était invalide, permettant à la partie prestataire de faire un nouveau choix valideNote de bas page 5. La partie prestataire fait un choix valide lorsqu’elle peut choisir délibérément entre plusieurs options. Des renseignements trompeurs ou erronés peuvent invalider le choix d’une partie prestataire dans certaines circonstancesNote de bas page 6.

[13] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en suivant les directives de la division d’appel.

Question en litige no 2 : Ignorer le formulaire de demande de prestations

[14] La Commission a soutenu que la division générale a ignoré la demande de prestations remplie par la prestataire. Selon les renseignements sur les prestations parentales inclus dans la demande, les prestations standard sont versées pendant un maximum de 35 semaines à un taux de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable. Il est également précisé que les prestations prolongées sont versées pendant un maximum de 61 semaines à un taux de 33 %Note de bas page 7. Les renseignements sur les prestations parentales ne laissent pas entendre que les prestataires sont admissibles à une certaine somme totale ni que la Commission tiendra compte du nombre de semaines de prestations que les prestataires demandent réellement et rajustera le taux des prestations en conséquence.

[15] La division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait été induite en erreur ou mal renseignée sur les différences entre les taux de prestations standard et prolongées.

[16] La division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas tenu compte des renseignements sur les prestations parentales. La prestataire a rempli la demande de prestations de maternité et de prestations parentales. On peut présumer qu’elle était au courant des renseignements sur les prestations parentales qui sont inclus dans la demande. Ces renseignements auraient été pertinents pour la conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire n’avait pas pris de décision en connaissance de cause. Cependant, la division générale n’y a pas fait référence dans son analyse.

[17] Puisque j’ai conclu que la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle est parvenue à sa décision, je dois examiner ce que je dois faire pour corriger cette erreur (réparation).

Réparation

[18] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je pourrais aussi renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle réexamine sa décisionNote de bas page 8.

[19] La prestataire et la Commission estiment toutes deux que je dispose de tous les éléments de preuve dont j’ai besoin pour rendre ma décision. Je conviens que le dossier de la division générale est complet, et je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre.

[20] La division générale a accepté la preuve de la prestataire selon laquelle la Commission [traduction] « lui a dit qu’elle recevrait la totalité des prestations auxquelles elle est admissible, au prorata du nombre de semaines de prestations parentales qu’elle a demandéNote de bas page 9 ». Elle a accepté qu’on lui ait « fait croire qu’elle recevrait la même somme d’argent si elle ne demandait que 41 semaines de prestations, et qu’il s’agirait simplement d’un versement hebdomadaire plus important parce qu’elle ne demandait pas les 61 semaines complètesNote de bas page 10 ».

[21] À la division générale, la prestataire a déclaré qu’elle avait obtenu ce conseil pour la première fois d’une agente ou d’un agent de la Commission en janvier 2020. C’était en prévision de sa demande de prestations en avril. Elle a également déclaré qu’elle avait appelé la Commission après avoir reçu son premier versement de prestations parentales et qu’une agente ou un agent avait confirmé le conseil initial de la CommissionNote de bas page 11.

[22] Je n’ai aucune raison de modifier la conclusion de fait de la division générale selon laquelle la prestataire a reçu des renseignements inexacts de la part de la Commission. La Commission n’a pas fait valoir que la division générale avait ignoré ou mal interprété la preuve pour arriver à la conclusion qu’elle a tirée. En outre, l’erreur commise par la division générale n’a pas d’incidence sur cette conclusion.

[23] Je suis du même avis que la Commission, à savoir que les renseignements sur les prestations parentales décrivent les deux options offertes et indiquent qu’une option correspond à un taux de 55 % et l’autre à un taux de 33 %. Je conviens que les renseignements sur les prestations parentales ne laissent pas entendre que la Commission peut calculer au prorata le taux de prestations si des prestataires choisissent un nombre de semaines inférieur au maximum. Les renseignements sur les prestations parentales n’auraient pas mené la prestataire à croire que la Commission calculerait son taux de prestations au prorata.

[24] Toutefois, les renseignements sur les prestations parentales n’excluent pas clairement la possibilité que le taux indiqué soit rajusté lorsque des prestataires choisissent un nombre de semaines inférieur au maximum. Selon ces renseignements, le taux de prestations pour chaque option est indiqué pour un nombre de semaines [traduction] « maximal ». Dans la demande, les prestataires sont invités à choisir le nombre de semaines souhaité pour l’une ou l’autre des types de prestations, jusqu’à concurrence du nombre maximal de semaines.

[25] Comme l’a fait remarquer la division générale, il faut tenir compte de tous les éléments de preuve pour juger de l’option choisie par une partie prestataireNote de bas page 12, et pas seulement de la demande de prestations.

[26] Dans la présente affaire, la prestataire n’a fait sa demande de prestations qu’après qu’une agente ou un agent de la Commission lui a dit explicitement que la Commission rajusterait son taux de prestations si elle choisissait un nombre de semaines inférieur au nombre maximal. L’agente ou l’agent de la Commission lui a dit qu’elle recevrait la même somme d’argent au total si elle choisissait de recevoir des prestations pendant une période comprise entre 12 et 18 mois (on peut supposer que cela incluait les 15 semaines de prestations de maternité). En supposant que la prestataire ait lu les renseignements sur les prestations parentales, elle les aurait probablement lus au moment où elle a examiné la demande de prestations.

[27] J’accepte que la prestataire se soit appuyée sur les conseils et les déclarations de l’agente ou de l’agent de la Commission pour interpréter les renseignements sur les prestations parentales. Pour autant qu’elle le sache, la Commission disposait de politiques ou de pratiques internes lui permettant de fournir une interprétation [traduction] « juste » des renseignements sur les prestations parentales.

[28] La Commission fait valoir que la [traduction] « désinformation » ne peut pas changer la loi (elle entend par là la règle qui empêche les prestataires de révoquer leur choix). En tout respect, ce n’est pas la question en litige. La question est de savoir si la prestataire a choisi de recevoir ce que la Commission entend par « prestations prolongées ».

[29] Dans une autre décision de la division d’appel, ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, la membre a déclaré ce qui suit : « “Faire un choix”, c’est faire un choix délibéré entre plusieurs optionsNote de bas page 13 ». Je ne peux pas conclure que la prestataire a choisi des prestations prolongées à moins que je constate que la prestataire a compris ses options correctement ou qu’elle aurait dû comprendre ses options.

[30] Comme je l’ai mentionné, la division générale a accepté que la Commission ait mal informé la prestataire sur les répercussions de son choix et sur le montant qu’elle recevrait au titre des prestations qu’elle a choisies. Dans l’affaire ML, la Commission a fait valoir que divers facteurs dans le processus de demande n’ont pas mené la prestataire à faire un choix non voulu. Cependant, dans cette affaire, la Commission a adopté la position selon laquelle « seuls des renseignements erronés flagrants invalideraient un choix de prestations parentales ». Je ne suis pas d’accord avec le fait que la désinformation explicite soit la seule circonstance qui puisse invalider un choix, mais, dans la présente affaire, la Commission a induit la prestataire en erreur en raison d’une désinformation explicite.

[31] La Commission soutient que la prestataire a simplement changé d’avis après avoir commencé à recevoir les prestations parentales. Cependant, la preuve ne laisse pas entendre que la prestataire a changé d’avis. La prestataire a demandé de manière proactive à la Commission d’interpréter ses prestations et ses choix en matière de prestations. Elle a choisi des prestations prolongées parce que la Commission lui a donné des renseignements erronés. Ces renseignements erronés l’ont menée à croire que les prestations prolongées étaient quelque chose de différent de ce qu’elles étaient en réalité. Si la Commission n’avait pas induit la prestataire en erreur, elle aurait pu choisir les prestations appropriées à sa situation et elle n’aurait pas eu besoin de demander des modifications à ses prestations parentales.

[32] Je conclus que la prestataire n’a pas compris ses options au moment où elle a fait son choix. Elle n’a jamais eu l’intention de choisir 41 semaines de prestations versées à 33 % de sa rémunération hebdomadaire assurable.

[33] En outre, je conclus que la prestataire s’est fiée à juste titre aux conseils de l’agente ou de l’agent de la Commission. Elle a peut-être lu les renseignements sur les prestations parentales qui se trouvent dans la demande, mais compte tenu des conseils donnés par la Commission, je ne m’attends pas à ce qu’elle ait bien compris les options qui s’offraient à elle. Comme c’était également le cas dans l’affaire ML, « [l]e prestataire a fait un choix non éclairé et irrévocable dès le départ en raison des choix de communication faits par Service Canada ou la CommissionNote de bas page 14 ». J’adopte le raisonnement de ma collègue de la division d’appel : « une personne qui a été induite en erreur ou mal informée sur ces options n’a pas été en mesure de choisir délibérément l’une plutôt que l’autreNote de bas page 15 ».

[34] J’ai examiné les éléments de preuve qui ont été présentés à la division générale, y compris les renseignements sur les prestations parentales, et je dois tirer la même conclusion que la division générale. Le choix de la prestataire de bénéficier de prestations prolongées était invalide.

Conclusion

[35] Je rejette l’appel.

Date de l’audience :

Le 9 mars 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

Rachel Paquette, représentante de l’appelante
L. V., intimée

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