Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : HA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 172

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-46

ENTRE :

H. A.

Appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Stephen Bergen
DATE DE LA DÉCISION : Le 29 avril 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté son emploi ni parce qu’elle a pris un congé sans justification. J’annule la décision selon laquelle la prestataire était exclue du bénéfice des prestations à compter du 28 août 2020.

Aperçu

[3] La prestataire, H. A., a pris un congé de son emploi en octobre 2019 pour prendre soin de sa mère malade. Elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi et a reçu 15 semaines de prestations pour proches aidants. Après cela, elle a reçu la Prestation canadienne d’urgence (PCU) pendant un certain temps. La mère de la prestataire est décédée en août 2020 et la prestataire a présenté une nouvelle demande de prestations d’assurance-emploi en octobre 2020.

[4] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a renouvelé sa demande, mais a conclu qu’elle n’était pas admissible aux prestations régulières parce qu’elle avait volontairement quitté son emploi sans justification. La prestataire n’est pas retournée au travail immédiatement après le décès de sa mère et la Commission a alors considéré qu’elle avait décidé de quitter son emploi. La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais celle-ci a maintenu sa décision initiale.

[5] La prestataire a porté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté son appel. Elle a reconnu que la prestataire n’avait pas volontairement quitté son emploi, mais elle a aussi conclu qu’elle n’était plus fondée à prendre volontairement un congé après le décès de sa mère. La prestataire porte maintenant appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

[6] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations? Elle a également commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’était plus fondée à prendre volontairement un congé de son emploi.

Questions en litige

[7] La division générale avait-elle la compétence de décider si la prestataire devait être exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle n’était plus fondée à prendre congé?

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’était plus fondée à quitter son emploi ou à prendre congé après le décès de sa mère?

Analyse

[9] Lorsqu’une personne quitte son emploi ou prend congé de son emploi sans justification, cela a une incidence sur ses prestations d’assurance-emploi. Toutefois, une personne a une « justification » si elle n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi ou de prendre congéNote de bas de page 1

[10] Selon la loi, une personne qui quitte volontairement son emploi sans justification est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2. Normalement, une personne est admissible aux prestations en fonction des heures d’emploi assurable qu’elle a accumulé avant de quitter son emploi. Si une personne est exclue du bénéfice des prestations, elle ne peut pas utiliser ces heures pour établir son admissibilité aux prestations.

[11] Les conséquences sont différentes pour une personne qui prend un congé sans justification. Dans ce cas-ci, une personne est rendue inadmissible au bénéfice des prestations plutôt que d’en être exclue. En considérant que la personne a accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations au départ, l’inadmissible ne ferait que retarder le paiement des prestations jusqu’à ce que l’inadmissibilité prenne fin. Après cela, une personne pourrait toucher des prestations jusqu’à la fin de sa période de prestations ou jusqu’à ce que toutes les semaines de prestations de la personne soient épuisées (selon la situation qui se présente en premier).

[12] Une inadmissibilité due à congé sans justification ne peut être imposée que si avant ou après le commencement de la période de congé,

  1. le congé était autorisé par l’employeur;
  2. la personne et l’employeur se sont entendus sur une date de retour au travail. Note de bas de page 3

[13] Ce type d’inadmissibilité prend habituellement fin lorsque la personne reprend son emploi, ou lorsque la personne perd ou quitte volontairement son emploiNote de bas de page 4.

Question en litige 1 : La compétence de la division générale de considérer une inadmissibilité pour avoir pris congé

[14] La Commission a décidé que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi. Elle a compris que la prestataire avait pris un congé approuvé par son employeur pour prendre soin de sa mère malade. Toutefois, la prestataire n’est pas immédiatement retournée au travail après le décès de sa mère et la Commission a donc établi qu’elle avait quitté son emploi.

[15] La division générale n’était pas d’accord avec la conclusion de la Commission, selon laquelle la prestataire avait quitté son emploi. Elle a conclu qu’elle avait pris un congé. La division générale a conclu que la prestataire était fondée à prendre congé jusqu’au décès de sa mère.

[16] Toutefois, la division générale a également conclu qu’elle n’était plus fondée à prendre congé après le décès de sa mère. En conséquence, elle a conclu que la prestataire était inadmissible aux prestations après le décès de sa mère.

[17] La Commission a fait des observations dans le cadre de l’appel de la prestataire. Elle a soutenu que la division générale n’avait pas la compétence de décider si la prestataire devait être inadmissible aux prestations parce qu’elle avait pris congé. Selon la Commission, la seule question que devait trancher la division générale portait sur la décision de la Commission d’exclure la prestataire du bénéfice des prestations parce qu’elle avait quitté son emploi sans justification.

[18] J’accepte l’argument de la Commission. J’accepte que la question à trancher dans la décision découlant de la révision était celle de l’exclusion de la prestataire du bénéfice des prestations parce qu’elle avait quitté son emploi sans justificationNote de bas de page 5. La division générale a outrepassé ses compétences lorsqu’elle a décidé que la prestataire devait être inadmissible aux prestations parce qu’elle avait pris un congé sans justificationNote de bas de page 6.

Question en litige 2 : Pouvoir de la division générale de conclure que la prestataire n’était plus fondée à prendre congé.

[19] Même si la division générale avait eu la compétence de rendre une décision sur l’inadmissibilité de la prestataire, je conclus qu’elle a commis une erreur de droit dans son interprétation de « justification ».

[20] Une « justification » doit être établie au moment où une personne quitte son emploi ou prend congé. NI la loi ni la jurisprudence n’énoncent d’exigence selon laquelle une personne qui est fondée à prendre congé doit continuer à avoir une justification de façon continue pour la période entière de son congé.

[21] La Commission admet que la division générale a ajouté une exigence au critère juridique relatif à la « justification » qui n’est pas énoncé dans la loi.

[22] Puisque j’ai conclu que la division générale avait commis des erreurs en rendant sa décision, je dois maintenant examiner ce que je dois faire pour corriger la situation (réparation).

Réparation

[23] J’ai le pouvoir de modifier la décision de la division générale ou de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je peux aussi renvoyer l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen de sa décisionNote de bas de page 7.

[24] La prestataire et la Commission s’entendent sur le fait que la prestataire a eu l’occasion de présenter tous ses éléments de preuve à la division générale et que j’ai toutes les preuves dont j’ai besoin pour rendre une décision. Je suis d’accord. Je vais donc rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[25] La Commission affirme que je devrais accueillir l’appel et conclure que la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations. La Commission soutient aussi que la prestataire ne devrait pas être inadmissible après le 28 août 2020 parce qu’elle a poursuivi son congé après le décès de sa mère.

[26] Je suis d’accord avec la Commission. Je n’ai trouvé aucune erreur qui nécessite que j’intervienne dans la décision de la division générale au sujet du fait que la prestataire n’avait pas quitté son emploi, mais qu’elle avait plutôt pris un congé. Parallèlement, je n’ai pas trouvé d’erreur de fait qui aurait une incidence sur la conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire avait une justification au moment de partir en congé. Comme l’a indiqué la division générale, l’employeur a confirmé que la prestataire était en congé pour une durée indéterminée et qu’elle était par la suite revenue travailler pour lui. En conséquence, je conclus que la prestataire ne doit pas être exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté son emploi sans justification.

[27] La conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire n’avait plus de justification après le décès de sa mère n’avait aucun fondement juridique. La seule chose qui importe, c’est que la prestataire avait une justification au moment de prendre congé.

[28] La division générale n’avait pas la compétence d’examiner l’inadmissibilité de la prestataire au départ, ce qui signifie que je ne peux pas examiner cette question non plus. Je ne peux pas remplacer la décision de la division générale à cet égard par ma propre décision. Toutefois, je peux annuler la décision de la division générale selon laquelle la prestataire était inadmissible, ce qui signifie que cette partie de la décision n’a pas d’effet juridique sur la prestataire.

Conclusion

[29] L’appel est accueilli.

[30] La prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté son emploi ni parce qu’elle a pris un congé sans justification.

[31] De plus, j’annule la décision de la division générale selon laquelle la prestataire était inadmissible aux prestations à compter du 28 août 2020.

 

Date de l’audience :

Le 21 avril 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

H. A., appelante

Jose Lachance, représentante de l’intimée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.