Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

Citation : SK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 198

S.K. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2020 TSS 1185

Commission de l’assurance-emploi du Canada c S.K., 2021 TSS 40

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : S. K.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Révision de la décision de la Commission de l’assurance-
emploi du Canada Dossier ID 404295, daté du
22 juillet 2020 (délivré par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : 23 avril 2021
Participant à l’audience : Appelante
Date de la décision : 30 avril 2021
Numéro de dossier : GE-21-278

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission a prouvé que, selon la prépondérance des probabilités, S. K. (la prestataire) a perdu son emploi à la garderie pour inconduite.

[3] Cela signifie que la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle a perdu son emploi à la garderieNote de bas de page 1.

Aperçu

[4] La prestataire a été congédiée de son emploi dans une garderie parce que son employeur a dit qu’elle avait enfreint sa politique de gestion du comportement et la Loi de 2014 sur la garde d’enfants et la petite enfance. La Commission a examiné les raisons pour lesquelles la prestataire avait été congédiée et a initialement approuvé sa demande de prestations régulières d’assurance-emploi.

[5] L’ancien employeur de la prestataire a demandé à la Commission de reconsidérer cette décision parce qu’il a dit que la prestataire avait été congédiée pour un motif valable.

[6] L’employeur a dit qu’il avait reçu un enregistrement vidéo fait quatre mois plus tôt montrant que la prestataire avait frappé un enfant dont elle avait la garde. L’employeur n’a pas partagé la vidéo avec la prestataire au moment de son congédiement et ne l’a communiquée à la Commission qu’après avoir demandé un réexamen de la décision de la Commission relative à son approbation des prestations d’assurance-emploi de la prestataire. Après avoir vu la vidéo, la Commission a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’elle n’avait pas droit aux prestations régulières d’assurance-emploi.

[7] La prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission de lui refuser des prestations d’assurance-emploi. Elle affirme qu’on lui a seulement dit qu’elle avait enfreint la politique, mais qu’on ne lui a pas dit comment elle l’avait enfreinte. On ne lui a pas dit pourquoi elle était congédiée et elle a appris par la suite qu’elle avait été congédiée pour avoir frappé un enfant. On ne lui a pas dit non plus qu’une autre employée avait pris une vidéo d’elle et elle demande pourquoi il a fallu quatre mois pour que son employeur ait été mis au courant de la vidéo.

Questions dont je dois tenir compte en premier

Il s’agit d’une nouvelle audience de l’appel de la prestataire devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[8] La prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission auprès de la division générale du Tribunal le 26 août 2020. Son appel portait le numéro GE-20-1879. La membre de la division générale du Tribunal était d’accord avec la prestataire et a accueilli son appel le 25 septembre 2020.

[9] La Commission a interjeté appel de la décision du 25 septembre 2020 devant la division d’appel du Tribunal, qui a conclu que la membre du Tribunal de la division générale avait fondé sa décision sur une conclusion de fait abusive ou arbitraire. La division d’appel a renvoyé l’appel de la prestataire à une autre membre de la division générale du Tribunal pour une nouvelle audience. L’appel a été renommé GE-21-278, et la présente décision découle de la nouvelle audience.

[10] L’audience concernant l’appel GE-21-278 a commencé le 5 mars 2021. À l’audience, la prestataire a indiqué qu’elle avait de la difficulté à trouver un représentant. J’ai ajourné l’audience pour donner à la prestataire du temps pour trouver un représentant. Le 7 avril 2021, la prestataire a fait savoir par courriel au Tribunal qu’elle ne pouvait pas trouver de représentant, et qu’elle aimerait se représenter elle-même. L’audience a ensuite eu lieu le 23 avril 2021.

Question en litige

[11] La prestataire a-t-elle perdu son emploi pour inconduite?

[12] Pour répondre à cette question, je dois prendre deux décisions. D’abord, je dois décider la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère que la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi est l’inconduite.

[13] Si je constate que la prestataire a perdu son emploi pour inconduite, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Analyse

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[14] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce que son employeur considérait qu’elle avait enfreint la politique sur la gestion du comportement et la Loi de 2014 sur la garde d’enfants et la petite enfance. L’employeur dit qu’elle a enfreint la politique et la loi lorsqu’elle a frappé un enfant, dont elle avait la garde, derrière la tête.

[15] La prestataire a été congédiée le 2 mars 2020. À la réunion lors de laquelle la prestataire a été congédiée, la directrice et une personne de l’administration centrale lui ont remis une lettre de congédiement. La lettre, datée du 2 mars 2020, disait : « Après avoir examiné une préoccupation portée à notre attention, nous avons déterminé que vous avez contrevenu à la politique de gestion du comportement de [nom de l’entreprise] et à la Loi de 2014 sur la garde d’enfants et la petite enfance. La sécurité et le bien-être des enfants dont nous avons la garde sont notre priorité absolue et cet incident ne peut être toléré. »

[16] Le représentant de l’employeur a fourni à la Commission un courriel daté du 5 mars 2020 d’un agent de police indiquant que la prestataire avait été accusée de voies de fait cet après-midi-là. Le représentant de l’employeur a envoyé un courriel à la Commission : « En mars 2020, des preuves de l’incident ont été portées à notre attention montrant que l’employée avait frappé un enfant derrière la tête. Selon la preuve, l’incident s’est produit en novembre 2019. »

[17] L’employeur a reçu un enregistrement vidéo montrant que la prestataire a frappé l’enfant. L’employeur s’est appuyé sur cet enregistrement lorsqu’il a décidé de congédier la prestataire. Cette dernière a vu la vidéo. Elle convient que c’est bien elle dans la vidéo et que l’enfant dans la vidéo était sous sa garde. La prestataire a déclaré que l’enfant avait environ 12 mois au moment où la vidéo a été enregistrée. La prestataire est assise tout en tenant l’enfant face à elle. L’enfant pleure et se tortille. Alors qu’elle tient l’enfant autour de sa taille avec sa main droite, la prestataire le frappe à l’arrière du crâne avec sa main gauche. La tête de l’enfant se déplace vers l’avant lorsque la main de la prestataire entre en contact avec le crâne de l’enfant. Le contact produit un son. L’enfant continue de pleurer après avoir été frappé et continue de se tortiller dans les bras de la prestataire.

[18] La prestataire a convenu à l’audience qu’elle avait été congédiée pour avoir enfreint la politique de gestion du comportement de l’employeur et la Loi de 2014 sur la garde d’enfants et la petite enfance, et pour aucune autre raison.

[19] J’estime que le délai entre le moment où la vidéo a été enregistrée en novembre 2019 et le moment où la prestataire a été congédiée en mars 2020 n’est pas pertinent à la question de savoir si elle a perdu son emploi pour inconduite. Ce délai est inquiétant étant donné que la loi exige que tout préjudice causé aux enfants soit signaléNote de bas de page 2. Bien que la raison du retard ne soit pas claire, les éléments de preuve indiquent que l’employeur a pris connaissance du comportement de la prestataire en mars 2020 et a donné suite à cette information le 3 mars 2020, lorsqu’il a congédié la prestataire. La lettre parle d’un seul incident. L’employeur a confirmé à la Commission que le seul motif du congédiement de la prestataire était la violation de la politique sur la gestion du comportement et de la Loi de 2014 sur la garde d’enfants et la petite enfance. L’infraction s’est produite lorsque la prestataire a frappé un enfant dont elle avait la garde. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas fait l’objet de mesures disciplinaires de la part de l’employeur avant son congédiement. Elle a également confirmé qu’elle n’avait aucune raison de croire que l’employeur l’avait congédiée pour une autre raison. Par conséquent, je conclus que la prestataire a été congédiée pour avoir frappé un enfant, ce qui constituait une violation de la politique de gestion du comportement de l’employeur et de la Loi de 2014 sur la garde d’enfants et la petite enfance.

[20] La prestataire a déclaré qu’on ne lui a pas dit ce qu’elle avait fait lorsqu’elle a été congédiée. Elle a indiqué que la personne de l’administration centrale lui a dit qu’elle le saurait plus tard et que la Société d’aide à l’enfance communiquerait avec elle. La prestataire a dit que le fait de ne pas savoir ce qu’elle avait fait signifiait qu’elle ne pouvait pas répondre aux allégations. La question de savoir si l’on a montré la preuve vidéo à la prestataire ou si on lui a dit qu’elle était congédiée pour avoir frappé un enfant le jour où elle a été congédiée n’est pas pertinente pour ma décision. C’est parce que ma décision ne porte que sur la question de savoir si la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Après son congédiement, la prestataire a reçu une copie de la vidéo et des déclarations de l’employeur à la Commission. Elle a été en mesure de répondre à ces éléments de preuve, et j’ai tenu compte de ses réponses pour prendre ma décision.

La prestataire a été congédiée pour inconduite au sens de la loi.

[21] La prestataire a expliqué qu’elle a obtenu un diplôme d’éducatrice de la petite enfance (EPE) au collège. Le diplôme est décerné après deux années d’études. Elle a appris à prendre soin des enfants et à établir des relations positives avec eux. Elle a aussi appris à prendre soin de la santé et de la sécurité des enfants. La prestataire a dit avoir aussi appris à composer avec le comportement des enfants. « Nous ne pouvons pas frapper un enfant. » Chaque fois qu’il y avait des difficultés avec un enfant, il fallait établir un contact visuel à son niveau pour attirer son attention. Elle a appris qu’elle devait essayer de calmer l’enfant. Pour ce faire, il s’agissait de capter son attention, de lui faire entendre une chanson, de taper des mains pendant une ou deux secondes pour amener l’enfant à arrêter son comportement. Elle pouvait aussi retirer l’enfant de la pièce pour lui donner un autre environnement.

[22] La prestataire a expliqué qu’elle a aussi pris connaissance des lois qui s’appliquent à la garde des enfants. Au programme d’études, il y avait la politique du ministère de l’Éducation et la Loi sur la garde d’enfants et la petite enfance. Même s’il était difficile de se souvenir de ce qui est dit dans chaque loi, ces lois ont été étudiées. La prestataire a dit que vous apprenez aussi faire le travail lorsque vous décrochez un emploi. J’ai demandé à la prestataire si la loi lui permettait de frapper un enfant. Elle a répondu que non, la loi ne permet pas de frapper un enfant.

[23] Le premier jour de travail de la prestataire à la garderie, elle a reçu un grand nombre de politiques. Il y avait environ 30 pages dans le livre. On l’a mise dans une pièce, on lui a dit de lire et de signer les politiques. La directrice n’arrêtait pas de venir lui demander si elle avait signé? Avez-vous signé? La prestataire a examiné les politiques une fois et les a signées. La prestataire n’a pas reçu de copie des politiques. Les politiques n’étaient pas non plus conservées dans un bureau où elle pouvait les examiner. La prestataire a déclaré qu’elle ne savait pas ce qui est écrit dans la politique de gestion du comportement de l’employeur.

[24] La prestataire a été embauchée pour travailler dans la pièce des nourrissons de la garderie. Les enfants dans sa pièce étaient âgés de 5 à 18 mois. Après 18 mois, les enfants passaient dans la pièce des tout-petits. Le nombre d’employés dans chaque pièce est déterminé par l’âge des enfants et le nombre d’enfants affectés à la pièce. La prestataire et une assistante travaillaient dans la pièce des nourrissons.

[25] La prestataire a dit que neuf enfants étaient autorisés dans sa pièce. La garderie a mis de nouveaux enfants dans la pièce et du coup elle en avait douze, et ainsi l’effectif du personnel par rapport au nombre d’enfants était insuffisant. Elle a demandé à la direction pourquoi trois nouveaux enfants avaient été placés dans sa pièce. Ce n’était pas un problème pour la direction. Elle a parlé à la directrice et lui a dit qu’il y avait trop d’enfants dans la pièce. La directrice a dit qu’une nouvelle personne serait ajoutée dans la pièce, mais cela ne s’est pas produit. Lorsqu’il était temps de faire une pause, le personnel de relève s’asseyait dans la pièce et ne faisait rien. La prestataire en a informé la directrice, qui lui a dit qu’elle devait dire aux autres employés ce qu’ils devaient faire.

[26] La prestataire a déclaré que la garderie a pour politique d’offrir aux enfants une orientation. Le premier jour, l’enfant vient à la garderie pour une heure avec ses parents. Le lendemain, l’enfant vient passer une heure sans ses parents. Le lendemain, l’enfant passe deux heures à la garderie sans ses parents. Par la suite, l’enfant reste à la garderie pendant la journée. Cette politique est expliquée aux parents avant de placer leur enfant à la garderie.

[27] La prestataire a déclaré que l’enfant sur la vidéo n’a pas suivi d’orientation à la garderie. Au lieu de cela, l’enfant était à la garderie pendant des journées complètes dès le départ. La prestataire a déclaré que l’enfant avait beaucoup de difficulté à s’adapter à la garderie. Elle pleurait tout le temps. Elle s’en prenait au personnel. La prestataire a tenté de distraire l’enfant en l’amenant à d’autres endroits de la garderie. Elle a essayé de nourrir l’enfant, mais celle-ci balançait ses bras et a renversé son lait. La prestataire a dit que l’enfant grattait le cou de la prestataire. La prestataire a dit que l’enfant était nouvelle et qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle était là.

[28] La prestataire a déclaré avoir parlé de l’enfant à la directrice de la garderie le deuxième jour où l’enfant était à la garderie. Elle lui a dit que l’enfant n’aurait pas dû être placée sans avoir eu d’orientation graduelle. Elle a dit que l’enfant était très contrariée et ne s’adaptait pas. Les pleurs de l’enfant contrariaient les autres enfants dans la pièce et leurs siestes étaient interrompues. La directrice a répondu que la mère de l’enfant se remettait d’une intervention chirurgicale au cerveau, qu’elle ne pouvait pas faire face aux pleurs de l’enfant toute la journée et qu’elle ne pouvait pas la garder. La directrice a dit qu’elle comprenait les difficultés de la prestataire, mais rien n’a été fait.

[29] La prestataire a déclaré qu’elle ne se souvient pas d’avoir frappé l’enfant. Ce n’est pas dans sa nature de frapper un enfant. Elle a vu la vidéo et elle en est bouleversée. Elle a déclaré que l’enfant a mis environ quatre semaines à s’adapter au milieu de la garderie. L’enfant était heureuse à la garderie, était une très bonne enfant et était toujours présente à la garderie le jour où la prestataire a été congédiée.

[30] La prestataire a déclaré que le jour où elle a été congédiée, la directrice est venue dans la pièce et lui a dit qu’elle devait quitter la pièce des nourrissons. On lui a demandé d’attendre dans la pièce d’entreposage. La prestataire n’a pas été informée des raisons pour lesquelles on lui a dit de quitter la pièce des nourrissons; on lui a seulement dit que quelqu’un de l’administration centrale viendrait la voir. Pendant qu’elle attendait dans la pièce d’entreposage, on lui a demandé de remplir les rapports d’étape pour les enfants dont elle avait la garde.

[31] À 16 h 45, la prestataire a été appelée au bureau de la directrice, où cette dernière et une personne de l’administration centrale étaient présentes. On lui a dit qu’elle était congédiée pour avoir enfreint la politique et la loi. Elle a reçu la lettre de congédiement. La prestataire a lu la lettre et a été choquée. Elle a demandé à la directrice et à la personne du siège social de lui dire ce qu’elle avait fait. Elles lui ont dit qu’elle le saurait plus tard et que la Société d’aide à l’enfance communiquerait avec elle.

[32] L’employeur a remis la vidéo aux parents de l’enfant et ils se sont plaints à la police. Le lendemain, les policiers se sont présentés chez la prestataire. On lui a dit qu’elle avait frappé un enfant. L’agent de police qui est allé au domicile de la prestataire ne lui a pas montré la vidéo. La prestataire a rencontré une personne de la Société d’aide à l’enfance. Cette personne avait vu la vidéo, mais elle n’a pas dit de quel enfant il s’agissait.

[33] Le représentant de l’employeur a dit à la Commission que la prestataire avait été congédiée après que l’employeur avait examiné la vidéo. L’employeur a également fourni à la Commission un courriel qu’il a reçu du service de police local indiquant que la prestataire et une autre personne employée à la garderie avaient été accusées de voies de fait. Les noms des personnes agressées sont caviardés dans le courriel, mais la prestataire a déclaré que la personne qu’elle aurait agressée était l’enfant illustrée sur la vidéo. La prestataire a indiqué que l’autre personne nommée dans le courriel avait cessé de travailler pour la garderie quelques mois auparavant pour occuper un autre emploi. La prestataire ne sait pas qui l’autre personne aurait agressé.

[34] La date de la vidéo est le 8 novembre 2019, l’heure indiquée est 16 h 28. La prestataire a dit qu’elle ne savait pas qu’elle était filmée. Elle a déclaré que la porte de la cuisine s’est ouverte sur la pièce des nourrissons où elle travaillait. Elle a expliqué que la femme qui travaillait dans la cuisine filmait souvent sur son téléphone et se tenait devant la porte pour regarder. La communication préalable du dossier dans le cadre de son procès, a révélé à la prestataire que la femme qui travaillait dans la cuisine a été identifiée comme étant la personne qui a enregistré la vidéo de la prestataire avec l’enfant. La prestataire a dit que le jour où elle a été congédiée, cette personne était au travail et qu’elle était également présente lorsque la prestataire a quitté la garderie. La prestataire ne sait pas si la personne qui a enregistré la vidéo a été congédiée.

[35] La prestataire a dit que lorsqu’elle a été congédiée le 2 mars 2020, elle ne savait pas pourquoi elle était congédiée. La personne de l’administration centrale lui a seulement dit qu’elle avait enfreint la politique et la loi. On n’a pas voulu lui dire comment elle avait enfreint la politique. Ce n’est que le lendemain, lorsque la police est venue chez elle et qu’elle a parlé à la personne de la Société d’aide à l’enfance, qu’elle a appris qu’elle était accusée d’avoir frappé une enfant en novembre 2019.

[36] La prestataire a dit que la femme qui a enregistré la vidéo venait régulièrement dans sa pièce et les autres pièces des enfants. Elle faisait des commérages au sujet d’autres employés et de ce qui se passait dans les autres pièces. La prestataire a dit à la femme qu’elle n’était pas intéressée par les commérages et lui a demandé de ne pas interrompre les soins aux enfants dans sa pièce. La prestataire ne peut pas expliquer pourquoi la femme qui a pris la vidéo a attendu quatre mois pour la remettre à l’employeur. Le jour où la prestataire a été congédiée, la femme lui a demandé ce qui s’était passé, si elle avait frappé un enfant, la prestataire a dit non, et la femme a dit : oh, ne vous inquiétez pas.

[37] Depuis son congédiement, le tribunal a dit à la prestataire qu’elle ne pouvait pas travailler avec des enfants de moins de 16 ans. Son permis d’EPE a été annulé parce que son employeur avait avisé l’Ordre des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance.

[38] La prestataire a dit qu’il a fallu plus de trois mois à la Commission pour lui verser des prestations d’assurance-emploi. Personne de chez son employeur ne s’est adressé à la Commission avant qu’elle ne reçoive des prestations d’assurance-emploi. Ce n’est qu’en juillet 2020, alors qu’elle parlait à une personne de Service Canada, qu’on lui a dit qu’elle ne pouvait pas toucher de prestations d’assurance-emploi et qu’elle pouvait interjeter appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale. La prestataire a dit qu’elle était là, à la présente audience d’appel, seulement parce que la lettre disait qu’elle pouvait interjeter appel. La prestataire a dit qu’elle remboursait les prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues, mais c’est difficile parce qu’elle n’a pas d’emploi stable.

[39] La Commission affirme qu’elle a conclu que la conduite de la prestataire a causé son congédiement. Elle dit que le fait que la prestataire ait frappé une enfant était considéré comme un comportement violent et une violation de la politique de gestion du comportement de l’employeur. La preuve du comportement se trouve dans la vidéo fournie à la Commission par l’employeur.

[40] La loi dit que pour qu’il y ait inconduite en vertu de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4.

[41] Selon la loi, la prestataire n’a pas à avoir une intention délictueuse ou à avoir l’intention de faire quelque chose de mal pour que son comportement constitue une inconduite en vertu de la loiNote de bas de page 5.

[42] J’estime que la conduite de la prestataire était tellement insouciante qu’elle était délibérée. Oxford Languages définit « insouciant » comme un qualificatif (d’une personne et de ses actes) signifiant sans penser ni se soucier des conséquences d’un acteNote de bas de page 6. Le Black’s Law Dictionary définit l’insouciance comme un terme qui signifie être négligent et indifférent au bien-être d’autruiNote de bas de page 7.

[43] Je reconnais que l’enfant était difficile à gérer et qu’elle perturbait la garde des autres enfants dans la pièce. La prestataire a déclaré que, dans le cadre de sa formation en éducation de la petite enfance, elle a appris à calmer un enfant en difficulté. Elle a appris qu’on établit un contact visuel à son niveau, qu’on capte son attention, qu’on chante une chanson, qu’on tape des mains, qu’on enlève l’enfant de l’environnement ou qu’on le nourrit. La prestataire a fait toutes ces choses le premier jour et le deuxième jour avec l’enfant. Rien de tout cela n’a fonctionné. L’enfant continuait à pleurer et ne pouvait pas se calmer.

[44] La vidéo montre la prestataire qui frappe l’arrière de la tête de l’enfant avec quatre doigts de sa main gauche. Un son se produit lorsque les doigts de la prestataire entrent en contact avec la tête de l’enfant. L’attitude de la prestataire reste la même après qu’elle a frappé l’enfant. La question de savoir si la prestataire avait l’intention de frapper l’enfant n’est pas pertinente pour ma décision. La question de savoir si la prestataire se souvient d’avoir frappé l’enfant n’est pas non plus pertinente pour ma décision. Elle admet que c’est elle sur la vidéo et que c’est elle qui frappe l’enfant. En frappant l’enfant, la prestataire a fait preuve d’insouciance, parce qu’elle l’a fait sans penser aux conséquences pour l’enfant, au bien-être de l’enfant ou aux conséquences que le geste aurait sur la prestataire. Comme il a été mentionné précédemment, une conduite insouciante est considérée comme étant délibérée. Par conséquent, j’estime que la conduite de la prestataire, quand elle a frappé l’enfant, est délibérée.

[45] Selon la loi, il y a inconduite si la prestataire savait ou avait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution des fonctions qu’elle devait à son employeur et, par conséquent, que le congédiement était une possibilité réelleNote de bas de page 8.

[46] Je conclus que la prestataire aurait dû savoir qu’elle pourrait être congédiée pour avoir frappé un enfant dont elle avait la garde.

[47] La prestataire a déclaré qu’elle ne savait pas qu’elle pourrait perdre son emploi pour avoir frappé un enfant. Elle a dit qu’elle ne savait pas qu’elle pourrait perdre son emploi pour avoir enfreint la politique de gestion du comportement de la garderie.

[48] Il n’est pas raisonnable pour la prestataire de penser qu’elle pourrait enfreindre la loi et continuer d’être employée par la garderie. L’employeur a remis à la Commission une copie de la lettre sur les conditions d’emploi qu’il a envoyée à la prestataire. La lettre a été signée par la prestataire le 22 mars 2019. L’emploi de la prestataire l’obligeait à fournir une « vérification de casier judiciaire ». La lettre indique qu’il incombe à la prestataire de fournir ces renseignements à l’entreprise avant qu’elle ne commence à travailler et [traduction] « à tout autre moment futur, au besoin... » La lettre précise également que l’entreprise peut mettre fin à l’emploi de la prestataire en tout temps pour un motif valable.

[49] La prestataire a déclaré que, dans le cadre de sa formation en EPE, elle avait appris qu’elle ne pouvait pas frapper un enfant. Elle a dit que, dans le cadre de sa formation en EPE, elle a étudié les politiques du ministère de l’Éducation et la loi s’appliquant aux enfants. Elle ne pouvait pas donner le nom des lois qu’elle a étudiées, mais la loi était au programme. Lorsqu’on lui a posé la question, la prestataire a dit qu’elle savait que la loi ne lui permettait pas de frapper un enfant.

[50] La garderie a remis à la Commission une copie de sa politique de gestion du comportement. La politique ne permet pas les châtiments corporels. Elle indique que le non-respect de la politique pouvait donner lieu à un avertissement verbal et finalement à un congédiement. Je reconnais que la garderie a enfreint sa politique en n’orientant pas l’enfant grâce à de courtes visites à la garderie. Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’on peut frapper un enfant. Le défaut de la garderie de se conformer à sa politique d’orientation ne signifie pas que la prestataire pouvait s’attendre à ce que la politique de gestion du comportement ne s’applique pas à elle lorsqu’elle a frappé l’enfant.

[51] Je reconnais que la prestataire ne se souvient peut-être pas du contenu de la politique de gestion du comportement de l’employeur, étant donné qu’elle l’a examinée avec un certain nombre d’autres politiques et qu’elle a dû le faire à la hâte. Cependant, la prestataire savait, grâce à ses cours en EPE, comment calmer un enfant, et elle savait aussi que la loi ne lui permettait pas de frapper un enfant.

[52] La preuve montre que la prestataire savait que la loi ne lui permettait pas de frapper un enfant. Elle a signé les conditions d’emploi qui exigeaient qu’elle fournisse une vérification de casier judiciaire et elle savait qu’on pourrait lui demander de le faire de nouveau. Cette preuve me dit que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pourrait perdre son emploi pour avoir frappé un enfant.

[53] Selon la loi, le critère juridique de l’inconduite exige un lien de causalité entre l’inconduite dont la prestataire est accusée et la perte d’emploi. La conduite doit entraîner la perte de l’emploi, avoir été commise par la prestataire pendant qu’elle était au service de l’employeur et constituer un manquement à une obligation qui est explicite ou implicite dans le contrat d’emploiNote de bas de page 9.

[54] J’estime qu’il est expressément et implicitement du devoir d’un employé qui prend soin d’enfants de le faire conformément aux politiques de l’employeur et à la loi. La prestataire convient que c’est elle qui est dans la vidéo et que la vidéo montre qu’elle a frappé l’enfant. Il incombe à la prestataire de suivre les politiques de l’employeur et de respecter la loi lorsqu’elle s’occupe d’enfants. La loi interdit de frapper un enfant. La politique de gestion du comportement de la garderie stipule que le châtiment corporel d’un enfant est interdit. Selon la politique, le défaut de se conformer pourrait donner lieu à un avertissement verbal et finalement à un congédiement. Bien que la prestataire puisse faire valoir qu’elle n’a pas eu le temps de lire la politique, la loi s’applique et elle était au courant de la loi. Par conséquent, je conclus que le fait que la prestataire ait frappé l’enfant violait une obligation expresse et implicite qu’elle avait envers son employeur.

[55] Selon la loi, il incombe à la Commisson de prouver selon la prépondérance des probabilités, ce qui veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) que la prestataire a perdu son emploi pour inconduiteNote de bas de page 10.

[56] Je conclus que la prestataire a commis une inconduite lorsqu’elle a enfreint la politique sur la gestion du comportement de son employeur et la Loi de 2014 sur la garde d’enfants et la petite enfance. La violation s’est produite lorsqu’elle a frappé une enfant dont elle avait la garde. Lorsqu’elle a frappé l’enfant, le comportement de la prestataire était si insouciant qu’il était délibéré. La prestataire aurait dû savoir qu’elle pourrait être congédiée pour avoir frappé un enfant. Son employeur l’a congédiée pour cette inconduite. Par conséquent, je conclus que la Commission a prouvé que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire a perdu son emploi pour inconduite. Cela signifie que la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Autres questions

[57] La prestataire a dit qu’elle éprouve des difficultés financières. À cause de la pandémie du COVID-19, il est difficile de trouver du travail. Elle a réussi à trouver du travail, mais elle est sur appel et a beaucoup de mal à rembourser les prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues.

[58] Je comprends la situation de la prestataire. Je note que rien dans ma décision n’empêche la prestataire de communiquer directement avec la Commission pour lui demander si elle pourrait réduire ou radiera sa dette. Si elle n’est pas satisfaite de la réponse de la Commission, elle peut interjeter appel auprès de la Cour d’appel fédérale.

Conclusion

[59] L’appel est rejeté.

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